Depuis son arrivée dans mon école, j'avais changé. Je n'étais plus le même garçon qu'avant, je le sentais tout au fond de moi.

J'étais très attentif au bien-être d'Auréa. Je voulais qu'elle se sente bien, je tenais à lui éviter de se fatiguer pour rien. Lui épargner un maximum de moqueries était devenu mon objectif de la journée. Effacer sa différence, lui donner des ailes pour qu'elle s'épanouisse dans son nouvel environnement et lui tendre la main pour ne plus être seuls.

Plus jamais seuls.

J'essayais de l'aider en tenant les portes pour elle ou en allant chercher son déjeuner, mais je savais déjà que j'en faisais trop. Je ne le réalisai que trop tard. Je pensais bien faire, mais en fait, c'était tout le contraire. Mes actions l'éloignaient de moi imperceptiblement.

J'avais pourtant l'impression qu'elle me devait énormément puisque je l'avais accueillie et que je l'avais aidée à s'intégrer, mais je me trompais.

Elle ne me devait rien.

En réalité, Auréa se débrouillait très bien sans moi. Elle savait gérer son handicap sans mon aide. Certes, elle appréciait mon soutien, mais elle n'avait pas besoin d'un garde du corps collé à elle 24h sur 24.

Je remarquai qu'Auréa s'entendait à ravir avec Capucine. Elles passaient de plus en plus de temps à deux. Cela me contraria et me rendit jaloux. J'avais l'impression que si elle devenait trop proche de Capucine, elle me laisserait tomber et m'oublierait. Ce qui était totalement faux, mais ça, je ne le compris pas.

Cette hypothèse suffit à me mettre en colère.

Depuis tout petit, en tant qu'enfant unique, j'avais toujours été le centre du monde de mon entourage. Les autres faisaient mes quatre volontés. J'avais l'habitude de toujours tout obtenir. Pas de frustrations, ne jamais devoir attendre, tout recevoir tout de suite. 

C'était ça mon quotidien depuis le berceau.

Son Goku avait bien sûr remarqué mon attitude particulière par rapport à Auréa, mais son avis sur la question m'indifférait. Je ne voulais pas l'entendre. Il n'avait rien à dire sur mes choix ni sur mes amitiés et pourtant, j'aurais dû l'écouter. Mon ami avait raison sur toute la ligne.

-Tu exagères ! me lança-t-il durant un temps de midi.

-De quoi tu parles ?

-Tu sais très bien de qui je parle.

-J'exagère ? C'est plutôt toi qui exagères, non ?

-Tu as vu ta tête ? On dirait un dingue qui fulmine.

Auréa venait d'accepter de se joindre à Capucine pour le repas de midi. Elles nous avaient laissés tous les deux en plan et cela m'avait mis en fureur. Je ne l'avais pas montré devant les filles, mais Son Goku avait discerné mon visage fermé et mes yeux fiévreux.

-C'est très bien de manger à deux, entre potes. Ça faisait un bail !

-Auréa devait manger avec nous ! C'était prévu !

-C'est normal qu'elle aille manger avec Capucine et Anaïs ! Laisse-la respirer.

-Tu trouves ça normal ?

-Oui, c'est logique. Laissons-les entre filles.

-Elle nous laisse tomber... Elle avait promis.

-Mais non, elle ne nous laisse pas tomber, elle se fait des amies, c'est aussi simple que ça.

-Elle nous laisse tomber, répétai-je tout en me frottant le visage nerveusement. J'avais envie de m'arracher les cheveux de stress.

-Elle a le droit d'être amie avec ces filles et avec nous. L'un n'empêche pas l'autre.

Son Goku avait totalement raison, mais je ne le réalisai pas.