-Tenez ! C'est pour vous ! s'exclama Lana, un large sourire sur les lèvres.

L'infirmière tendit fièrement un petit cadeau à madame Edwige qui se raidit plus par suspicion que par surprise.

Lana scruta le visage de la vieille dame qui fixait le petit paquet. Elle avait un visage fin, sec, asséché par la dureté de la vie. Quelques rides marquaient son front et le contour de ses yeux translucides. De petites boucles blanches se débattaient sur son crâne et pourtant, Lana avait la certitude que madame Edwige s'était appliquée, comme chaque matin, à les dompter, mais rien n'y faisait, ses quelques mèches de cheveux rebelles ne se laissaient jamais faire par sa brosse en poils de sanglier.

-Qu'est-ce que c'est que ça pour un emballage ? dit enfin Edwige.

-C'est ma petite fille qui l'a fait.

-Vous avez une fille ? Et bien, elle n'est pas douée de ses doigts.

Lana accusa la remarque sans se laisser abattre. Maintenant que le cadeau était entre les mains de sa patiente, elle ne pouvait plus revenir en arrière.

-Vous l'ouvrez ou pas ?

Madame Edwige leva des yeux exaspérés sur l'aide-soignante. Même si elle avait un regard aussi clair que de l'eau, Lana surprit la foudre les noircir en un instant.

-Un livre ?

-Oui, j'ai cru comprendre que vous avez toujours aimé la lecture. Malheureusement, ici, il n'y a pas de livres à votre disposition. Ça vous plaît ?

-« Le petit prince » de Saint Exupéry. Un classique.

-J'ai souvent lu ce livre à ma fille. C'est tellement beau.

-Vous l'avez lu ? Vraiment ?

-Bien sûr ! Ce n'est pas parce que je m'appelle Lana Loupita Gomez que je ne sais pas lire... Alors, ça vous plaît ou pas ?

-Tout ce que je sais, c'est que ma vue n'est plus ce qu'elle était. Je ne vais pas pouvoir faire grand-chose avec ce cadeau, s'exclama Edwige en jetant négligemment le roman sur le lit.

Lana dévisagea sa patiente, frustrée. Elle tourna les talons pour quitter la chambre au plus vite.

Elle sourit malgré tout, ne regrettant pas un instant son geste. Elle écouta le bruit de ses pas résonner dans le couloir tout en pensant à sa petite fille Auréa qui s'était donné tant de mal pour emballer le livre.

Mais oui ma puce, c'est toi qui fais les plus beaux emballages cadeaux de la terre. 

Madame Edwige ne sait pas ce qu'elle raconte.

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Bientôt le point de vue d'Aaron.