Chap 11 : pdv Edwige (passé)

   Madame Edwige avait toujours été seule dans ses plus lointains souvenirs.

Bébé, elle avait atterri dans un foyer pour orphelins. Sans racines, sans repères, elle n'avait jamais rien su sur son passé. Vivre le moment présent sans comprendre ce qu'il y avait avant l'avait perturbée au plus haut point. Et le fait d'ignorer ce qu'il y aurait après n'avait rien arrangé non plus.

Sa vie s'était résumée à ça : avancer vers l'inconnu.

N'appartenir à personne. N'être désirée par personne. Avoir la preuve sous son nez que les autres ne voulaient pas d'elle puisqu'aucune famille d'accueil n'avait daigné la sortir de son foyer.

Parfois, Edwige se revoyait petite, assise sur le bord de son lit à fixer les étoiles, le regard lointain, des rêves pleins la tête.

À cet âge, elle espérait ardemment que, quelque part, il existait quelqu'un qui pensait à elle et qui cherchait à la retrouver. Peut-être ses parents ?

En grandissant, son rêve s'était étiolé peu à peu pour finir en cendres. Ce souhait ne s'était malheureusement jamais réalisé.

À ses dix-huit ans, Edwige avait réussi à se prendre en main et à quitter les quatre murs étouffants du foyer, mais le bonheur n'avait pourtant pas été au rendez-vous. Elle ne s'était pas mariée et n'avait jamais eu d'enfant.

Elle avait continué sa route en solitaire, affrontant des années sans saveur, avançant parce que la vie, c'est comme ça, il faut se battre même sans but, même sans espoir.

Et maintenant, elle en constatait le résultat. Cela l'avait menée ici, dans cette petite chambre déprimante d'une maison de retraite sans prétention.

Personne ne venait jamais la visiter. Et elle ne faisait rien non plus pour attirer la sympathie de ses voisins de couloir ni du personnel soignant. Elle ne connaissait même pas le nom des autres pensionnaires. Cela lui était complètement égal. Ils étaient juste des numéros pour elle.

Elle en avait assez de faire semblant, assez d'espérer que quelque chose puisse encore lui arriver de positif.

Elle en avait assez de prétendre aller bien. Toute cette comédie l'agaçait.

Marre de faire bonne figure, de jouer l'hypocrite.

Alors, oui, elle pensait avoir toutes les raisons du monde pour tirer impunément la tête, pour ne jamais sourire et pour se montrer désagréable dès qu'elle en avait l'occasion.

Edwige était devenue experte en la matière.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top