Chapitre 40 › À plus tard
J'émerge avec difficultés. Les quelques heures de sommeil glanées ne suffisent pas à apaiser le bourdonnement dans ma tête. J'ai du mal à remettre les événements d'hier dans l'ordre. Tout ce dont je me souviens, c'est que les autres ont filé prendre un bain de minuit, mais je tanguais tellement que j'ai préféré rejoindre mon lit.
D'instinct, je jette un coup d'œil à la fenêtre et avise le soleil qui passe à travers le volet. Je tâte la table de chevet jusqu'à trouver mon téléphone. L'écran affiche 8 heures. Je soupire, prêt à me rendormir. Cependant, je repère les tremblements du lit et j'ose un regard derrière moi : Vincent s'agite et marmonne une nouvelle fois dans son sommeil.
Seulement, ses mots semblent plus perceptibles :
— Je l'ai pas vu arriver, je l'ai pas vu arriver...
Je me tourne vers lui et pose une main sur son avant-bras. Les traits tendus, il murmure encore :
— Je suis tellement désolé... Je pourrai jamais me le pardonner...
Je le secoue en douceur, pour lui signaler ma présence et tenter de le réveiller de ses tourments :
— Réveille-toi, Vincent. De quoi est-ce que t'es désolé ?
Il passe aussitôt sur le ventre. Son visage s'enfonce dans l'oreiller et je crois percevoir un sanglot s'étouffer dans le tissu.
Sa respiration s'accélère et il se remet à soliloquer :
— Je me le pardonnerai jamais. Jamais...
J'ai dormi avec lui des nuits entières et, bien que je l'aie déjà surpris en train de geindre dans son sommeil, je ne l'ai jamais vu dans cet état.
Il s'apaise pendant quelques secondes, puis se remet à trembler. Pour lui venir en aide, je tente vainement de le réveiller en répétant son nom et en le remuant avec délicatesse. Mon cœur s'emballe, cette situation me rend nerveux. J'ai l'impression qu'il a mal et que je suis impuissant face à sa souffrance. Ce n'est que lorsque je le retourne sur le dos qu'il semble reprendre ses esprits, car ses paupières se soulèvent et se referment aussitôt à plusieurs reprises.
J'augmente le volume de ma voix pour le ramener à la réalité une bonne fois pour toutes :
— Vincent !
Il ouvre enfin les yeux, les joues humides de larmes. Désorienté, son regard parcourt les environs pour se recentrer.
— Ça va ? Je n'arrivais pas à te réveiller, je me suis inquiété...
Il dirige son attention vers moi et semble complètement effrayé par ce qu'il vient de vivre.
— Je suis là, c'était qu'un cauchemar, tenté-je de l'apaiser. Il est terminé, maintenant.
Il reste muet, mais vient se blottir contre moi. Son visage se niche contre mon torse et l'un de ses bras enlace ma taille. Sa réaction est inhabituelle, toutefois, je ne m'oppose pas et l'étreins.
— Tu as envie de me raconter ?
Il répond par un signe négatif de la tête.
— Non, ce n'est rien. Je ne sais même pas de quoi je parlais. Tu l'as dit toi-même, ce n'était qu'un cauchemar.
J'avais oublié ce que c'était de se faire du souci pour une autre personne que soi-même, je me suis tellement isolé que ce genre de détails m'a complètement échappé. Je n'insiste pas et clôture ce mauvais moment :
— D'accord, mais sache que je suis là si tu as envie qu'on en parle.
À 10 heures, chacun s'occupe déjà de ranger ses affaires, ainsi que de remettre les lieux en état. Tous excepté Vincent, qui dort encore dans ce qui était mon lit de vacances. Je n'ai pas osé le réveiller et, en un sens, cela me permet de le garder davantage avec moi, de l'empêcher de préparer ses bagages et de nous rapprocher de l'heure fatidique.
Mes valises attendent sagement à côté de la porte de ma chambre. Pour le moment, je fais un dernier tour dans chaque pièce, afin de vérifier si je n'oublie rien. La chambre qu'occupait Vincent paraît abandonnée, nous avons souvent dormi ensemble dans celle du rez-de-chaussée. Le lit est défait depuis des jours. Ses affaires sont éparpillées un peu partout et là, sous l'oreiller que je soulève, je retrouve mon carnet des émotions, que j'avais emporté avec moi par précaution, puis oublié. Il m'était complètement sorti de la tête, malgré son importance à mes yeux.
Je m'assieds sur le matelas et feuillette ce calepin aux pages bien remplies. Je relis mes premières transcriptions lorsque je suis arrivé ici, passant du souvenir de la barre de céréales à la fraise, que j'ai détestée, aux premières aventures que j'ai vécues, à visiter le coin avec Vincent. Ma gorge se noue et je m'efforce de bloquer cette nostalgie qui s'installe en moi.
Le reste des pages demeure vierge, aucune notation n'y est inscrite, pas même un mémo. Tout est vide. Serait-ce à ce moment précis que je suis tombé amoureux de Vincent ? J'inspire un grand coup et balaye du regard la pièce en désordre. Je me remémore ce moment sur la plage où il m'avait volé ce fameux sanctuaire de mes émotions, j'étais tellement en colère contre lui. Pourtant, il connaît désormais des choses à mon sujet que je n'ai même jamais avouées sur papier.
Pourquoi lui ai-je fait plus confiance qu'à mon carnet ?
Je referme le bloc-notes et commence à mettre de l'ordre dans ses affaires. Je ramasse ses marcels iconiques et ses shorts de bain suspendus sur la tête de lit en bois. Je vais même jusqu'à prendre ses sous-vêtements, rangés dans un tiroir qui déborde tant il est négligé par l'amas de vêtements. La chambre de Vincent donne la sensation qu'il a vécu à toute vitesse, comme s'il avait volontairement évité sa vie.
Je réunis chacun de ses effets, gardant une tenue de côté pour aujourd'hui et un peu de place pour ce qui ne m'aurait pas sauté aux yeux. J'y ajoute l'un de mes tee-shirts, mis préalablement de côté dans l'intention de lui offrir, et récupère son gel douche dans la salle de bains. Il n'a pas pris la peine de refermer le capuchon, même ses douches étaient prises dans la précipitation. Je m'accorde un instant afin de humer l'odeur de celui-ci et de me remémorer la senteur de sa peau ; un parfum de patchouli qui me rappelle toutes les fois où il m'a serré dans ses bras.
Au bout de quelques minutes, je m'apprête à fermer son sac, quand la vision de ses biens réunis répond à mon questionnement sur la confiance que j'accorde à Vincent. Sans plus tarder, je vole un crayon sur le bureau, puis me précipite sur mon carnet :
Vincent, je suppose que tu seras rentré chez toi quand tu découvriras ce carnet dans ta valise. Ce n'est pas une erreur de ma part, mais bien une volonté. Je tiens à m'excuser pour ce jour à la plage où je me suis braqué à l'idée que tu puisses lire tout ce que j'ai pu y inscrire. Je n'étais pas prêt, ça me faisait peur.
Je viens de finir de préparer ta valise pour te laisser dormir un peu. La chambre était dans un sale état... Mais il faisait bon d'y vivre. C'est en rangeant tes affaires que je me suis demandé pourquoi les pages de ce calepin sont restées vides après seulement quelque temps passé avec toi. Et c'est en voyant ton bagage prêt que la réponse m'est venue. J'ai toujours eu peur que ce carnet tombe entre les mains de quelqu'un de mal intentionné. Dès lors que je pose mes mots sur le papier, je ne peux m'empêcher d'imaginer qu'une personne pourrait me lire et connaître tous mes points faibles. Je cache des choses à mon carnet, il ne me connaît pas si bien que ça, finalement.
Je mens lorsque j'écris.
Ma confiance, je n'arrive même pas à l'accorder à un bout de papier. En revanche, toi, tu es devenu mon temple. Avec toi, j'ai pu être entièrement moi-même sans me soucier de paraître faible et ridicule. Tu es un homme terrifiant, Vincent Belvio. Non pas parce que tu es intimidant, mais parce que tu m'as attrapé par la main et tu ne m'as pas donné d'autre choix que de te laisser me remonter à la surface de ce puits dans lequel je me laissais couler.
Je te remercie pour tout ce que tu m'as fait vivre. J'ose espérer que nous continuerons à être ensemble, même loin du chalet.
Je crois que c'est le moment de lever l'encre de mon stylo, avant que j'en dise trop.
Tu me manques, c'est évident.
Je rabats aussitôt le cahier pour ne pas être tenté d'écrire d'autres mots trop niais à mon goût. Je le dissimule sous ses habits, afin qu'il ne se doute de rien, et je m'apprête à définitivement fermer cette valise quand j'arrête mes mouvements. Je n'ai pas le courage de clôturer ces instants de ma vie, je ne le peux tout simplement pas.
Je dépose alors mon visage contre ses vêtements et mes paupières se ferment. Je me laisse envahir par l'odeur de son savon et redessine sa peau dans mon esprit. Le tissu cotonneux de ses débardeurs caresse ma peau. Là, à genoux, des larmes silencieuses s'écoulent le long de mes joues et mouillent les tissus.
— Hiya.
Je sursaute et ferme précipitamment la valise. Mes mains balayent brièvement mes pommettes. Vincent vient de se lever et de me surprendre dans mon moment de faiblesse.
Je me sens honteux, mais j'essaie de paraître naturel malgré tout :
— Oh, salut...
Je me lève aussitôt pour le rejoindre alors qu'il reste appuyé contre l'encadrement de la porte. Ce n'est pas un matin réjouissant pour nous, néanmoins, je suis content de constater qu'il a meilleure mine et lui adresse un faible rictus.
— Tu as l'air d'aller mieux, c'est une bonne chose.
Il répond par l'esquisse d'un sourire, seulement, c'est la première fois que je le vois mentir dans son expression. Son pouce vient subtilement caresser l'une de mes joues comme il l'avait fait pour retirer la farine, et il plonge son regard dans le mien.
— T'es beau, me confie-t-il spontanément, sans que je n'aie à faire quoi que ce soit.
Je me sens m'empourprer. J'aimerais lui répondre que j'aime son visage au matin, mais que je déteste voir ses yeux rougis par les larmes qu'il a versées durant la nuit, que j'angoisse à l'idée de me dire que, ce soir, il ne sera pas là pour me tenir contre lui. Je voudrais en avoir le courage. Mais au lieu de ça, je me laisse aller contre lui et encercle sa taille de mes bras.
L'oreille posée contre son torse, j'écoute les battements de son cœur. Son menton prend place sur le dessus de mon crâne et éparpille davantage les boucles de mes cheveux. Il conserve une main dans mon dos et l'autre saisit ma nuque.
Pour la première fois, il insiste sur ses appuis, comme s'il tentait de me faire entrer dans son corps et de me garder auprès de lui.
Enferme-moi en toi.
J'ai la véritable sensation que l'on me déchire, qu'on m'arrache, petit à petit, chaque infime partie de mon être, en prenant le soin de me laisser souffrir entre-temps.
***
Nos bagages à la main, nous quittons un à un le chalet. Je suis le dernier à franchir la porte d'entrée, juste après Vincent. La sensation que je ressens est étrange, je me sens obligé de regarder Roxanne verrouiller la porte d'entrée pour me convaincre que les vacances sont réellement terminées.
Certains ont la gueule de bois, d'autres ont une mine fatiguée. Seul Maxence déborde d'énergie et tente de nous stimuler par des blagues qu'il enchaîne. Nous traînons des pieds jusqu'à la gare, cuisant sous la chaleur. Solène et Jade s'aspergent à l'aide d'un brumisateur, appâtant quelques-uns de nos camarades qui commencent déjà à parler de la rentrée. Moi, je reste cloîtré dans le silence tandis que Vincent marche devant, les yeux rivés sur l'écran de son téléphone.
Même sur le quai, je demeure en retrait. De loin, j'observe Vincent en pleine discussion avec Camille. J'avais déjà oublié tout ce qu'il s'est passé avec le blondinet.
— Eh, ça va ?
J'ai un sursaut d'être sorti si précipitamment de mes pensées. Je me retourne vers la voix et découvre Nicolas, l'air soucieux.
— Euh, oui, réponds-je avec hésitation. Ça va.
— Content de l'entendre.
Mes yeux deviennent des fentes, je ne comprends pas sa démarche. Il a le regard fuyant, ça me met mal à l'aise au point où je tente de me sauver :
— OK, alors je vais y aller. Le train ne va pas tarder et...
— Maxence et moi on est désolés, me coupe-t-il. Tu sais, pour la soirée où tout est parti en couilles, et aussi pour toutes les fois où on n'a rien dit quand Gabriel faisait le con avec toi. Maxence était défoncé, il ne se rendait pas compte du mal que ça pouvait te faire et moi...
Je termine sa phrase :
— Toi, tu as osé dire quelque chose. Alors, merci.
Un rictus se lève au coin de sa bouche, puis il conclut :
— En tout cas, si t'as besoin, n'hésite pas à venir me parler. On est potes, maintenant.
Nicolas pose sa main sur mon épaule et la tapote avant de partir rejoindre Maxence, qui nous observe à distance. Ce dernier porte toujours la même casquette qu'il a traînée pendant toutes les vacances. Il me fait un signe en levant son index et son majeur en forme de V. Je lui réponds en faisant le même geste, le cœur plus léger.
« On est potes, maintenant. »
C'est au bout d'une dizaine de minutes que nous prenons place dans le train. Nous nous asseyons proches les uns des autres afin de profiter des derniers instants tous ensemble. Comme à mon habitude, je m'installe près de la fenêtre et Vincent se pose à mes côtés.
Il se penche vers moi et m'interroge discrètement :
— Tout va bien ?
Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à me demander ça ?
Je hoche la tête. Pourtant, j'ai cette boule dans mon ventre qui ne cesse de se tordre, tel un torchon imbibé d'eau qu'on essore. Je me ronge la peau des doigts et fuis le regard de mes meilleures amies, qui ont tenté de me faire sourire plus d'une fois depuis notre départ.
Le train démarre et, petit à petit, celui-ci prend de la vitesse. Les paysages ne sont plus que des couleurs que j'aperçois brièvement. La main de Vincent saisit la mienne, celle sur laquelle je m'acharne avec les dents et, ainsi, il me la retire en liant mes doigts aux siens. J'inspire un grand coup, serre ses phalanges et me tourne vers mes camarades, plutôt que de me morfondre dans mon coin.
Le son hypnotisant des rails est soudainement recouvert par la voix joviale de Solène :
— Je sais pas vous, mais moi, j'ai kiffé ces vacances ! C'est quoi, votre moment préféré ?
Sa question nous fait tous sourire. J'échange un regard avec Vincent qui se passe de mots.
Roxanne apparaît tout aussi comblée, fière d'avoir pu nous accueillir, et s'empresse de répondre :
— Perso, j'ai tellement aimé le bain de minuit d'hier, surtout lorsque Maxence a hurlé en pensant avoir touché un poisson, alors que ce n'était qu'un caillou !
La bande rit à gorge déployée, se remémorant cet instant que Vincent et moi avons manqué, mais qui nous amuse rien qu'à l'imaginer. Maxence, de son côté, un écouteur dans une oreille, ne fait que soupirer.
Néanmoins, il se défend :
— Pff. C'est ça, rigolez, les mecs ! En attendant, j'avais pas la tronche de Gabriel avec ses faux cils !
L'athlète s'insurge et menace, alors que nous rions de plus belle :
— Le premier qui raconte ça à quelqu'un, je l'étrangle !
Ils le narguent en montrant les photos qu'ils ont prises de lui ce soir-là, puis nous passons le reste du voyage à raconter nos moments favoris. Même moi, je ne peux m'empêcher de conter quelques anecdotes, dont celle des algues dont j'ai été victime ou encore du moment où Vincent est tombé dans la mare à têtards en essayant d'attraper une grenouille. Grâce à tous ses souvenirs dans lesquels nous replongeons, le trajet passe à une vitesse considérable.
Mon anxiété, qui s'était absentée, resurgit quand le train s'arrête à la première station. Maxence et Nicolas descendent. Ils nous saluent en frappant nos poings et font une accolade à Roxanne en la couvrant de remerciements. Ils habitent la ville voisine de la nôtre, ce qui signifie que nous allons bientôt arriver et que nos chemins vont se séparer.
Ma main se resserre contre celle de Vincent et celui-ci se met immédiatement à me rassurer en usant de son pouce pour caresser mon revers. J'aimerais que le train s'arrête, rien que pour quelques heures ou encore quelques minutes de plus. Mais le temps de quémander cette faveur à l'univers ou au destin, c'est déjà à notre tour de ressentir notre transport ralentir et de commencer à nous lever pour récupérer nos bagages rangés dans les compartiments.
« Mesdames, Messieurs, votre attention s'il vous plaît. Le train à destination de Bièvres entre en gare. Assurez-vous de n'avoir rien oublié dans votre wagon. »
Je me sens étouffer dès l'instant où j'entends l'annonce sonore. Mes semelles frôlent le quai de la gare et mon cœur tressaute. Le bruit des vagues est remplacé par celui des moteurs de voitures. Les au revoir sont de mise, seulement, je suis désorienté par les événements qui, d'un seul coup, vont trop vite. Jade rejoint une voiture en nous saluant par de grands gestes du bras tandis que Gabriel s'en va après s'être adressé uniquement aux filles. Camille le suit de près en nous ignorant, lui aussi.
Quant à Vincent, il m'empoigne le biceps, puis m'entraîne à l'écart. Il attrape fermement mes épaules et me force à me recentrer par ses mots, énoncés d'un ton grave :
— Rappelle-toi ce que je t'ai dit, ce n'est pas terminé. OK ?
Je mords ma lèvre inférieure. Mes yeux s'humidifient, je n'arrive pas à l'affronter sans avoir envie de pleurer.
La voix chevrotante, je rétorque :
— Tu le promets ? Tu ne vas pas me larguer dès que tu seras rentré chez toi ?
Ses paumes remontent jusqu'à mon visage qu'il saisit de part et d'autre, me forçant à le regarder droit dans les yeux.
Il rétorque sans attendre :
— Je te le promets, Allan. Tu m'écris dès que t'es rentré, d'accord ?
Je hoche la tête et tente de l'embrasser, mais il m'en empêche en reculant. Mon cœur loupe un battement, je ne comprends pas sa réaction qui me blesse. Mon visage toujours entre ses mains, il s'empresse de se rapprocher, puis m'explique son refus :
— Je suis désolé, je peux pas faire ça. Je veux pas t'embrasser pour te dire au revoir, ça deviendrait trop réel. Je veux jamais avoir à te dire au revoir, Allan. Alors, s'il te plaît, disons-nous... à plus tard.
J'avale ma salive avec difficultés. Je saisis ce qu'il me dit, cependant, je ne peux m'empêcher de me dire que si j'avais su ça à l'avance, j'aurais profité davantage de notre dernier baiser dans sa chambre.
Ses lèvres me manquent déjà. Je sens ses paumes trembler contre ma mâchoire. Je les saisis pour les détacher de mes pommettes et les serre très fort entre mes doigts.
Le cœur lourd, j'essaie de l'apaiser en changeant de sujet :
— On se revoit bientôt, alors ?
— Le temps de reprendre nos marques. Ça passera vite, tu verras. Tu me fais confiance ?
Je réponds aussitôt, la gorge serrée :
— Oui, j'ai confiance en toi.
Il se contente de m'offrir un sourire, pourtant, je constate que ses yeux sont sur le point de se noyer. Il se force à ne pas craquer, comme s'il n'avait pas le droit. Je déteste cette image, je voudrais pouvoir lui rendre absolument tout ce qu'il me donne. Et pour ça, je prends sur moi et décide de relâcher une de ses mains afin d'entamer notre séparation momentanée.
Contre toute attente, je suis le premier à rompre ce moment que je redoutais tant :
— À plus tard, Vincent.
Il affiche un rictus, mais prend néanmoins quelques secondes avant de me répondre :
— À plus tard, Allan.
Nos doigts finissent par se détendre et nos mains par se lâcher. En même temps, nous nous tournons le dos, afin de regagner le chemin de nos vies respectives. Je traverse le parking de la gare et accélère le pas en direction de mes amies qui m'attendent.
Je ne dois pas me retourner.
Tout implose en moi. Mes membres tremblent à en déséquilibrer ma démarche. Mon cœur halète dans ma poitrine au point où je n'arrive plus à respirer sans entrouvrir la bouche. J'ai la sensation qu'on me déchire, que le vide que Vincent avait rempli est en train de se creuser à nouveau.
Avance, avance, avance.
Je m'arrête à la suite d'un vertige. J'ai l'impression qu'il me suit, alors je virevolte.
Vincent n'est plus là.
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