Chapitre 38 › Purple

Après que la photo est prise, je me précipite pour enlever cette jupe embarrassante et ses collants incommodants. Comme les autres déguisés, je retrouve enfin le confort de mes vêtements usuels, à l'exception de la chemise transparente qui recouvre ma poitrine. Sa fluidité me déroute, sans parler de sa taille qui révèle mon bas ventre et mon dos si je viens à lever les bras en l'air.

— Tant pis, ça fera l'affaire, pensé-je à voix haute.

Dans la cuisine, mes amies jouent aux barmaids. Elles distribuent toutes sortes de boissons et Solène me tend une canette de bières aromatisées à la framboise. Une fois tous les trois réunis, Roxanne se charge de décapsuler nos bouteilles, puis propose :

— Portons un toast à l'indissociable et incroyable trio que nous formons !

Sans aucune objection, nous entrechoquons nos boissons avant d'en boire une bonne gorgée, des sourires perchés aux coins de nos lèvres.

Elle a le goût d'une nouvelle vie.

Le trou béant et obscur qui me dévorait de l'intérieur se referme. J'ai enfin l'impression d'être complètement serein et de redécouvrir le bonheur de me trouver aux côtés de mes amies.

— Je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi ce soir, confessé-je timidement, appuyé contre le plan de travail.

Les filles me scrutent d'un regard tendre, comme si elles comprenaient enfin comment s'adapter à la nouvelle personne que je suis, et qu'elles regrettaient de ne pas l'avoir fait avant. À présent, peu importe par quels chemins nous sommes passés pour nous retrouver, puisque leurs bras m'enlacent en une étreinte collective que je ne repousse pas. Au contraire, les serrer contre moi me fait un bien fou.

— Ton sourire nous avait manqué, mon petit Allan, murmure la première.
    — Et tes câlins aussi, poursuit la seconde.

Si j'ai si bien gardé le secret de mes angoisses, c'était afin d'éviter de les rendre malheureuses avec mes problèmes. Cependant, je réalise à cet instant que je les ai peut-être blessées davantage en m'enfermant sur moi-même. J'aimerais pouvoir leur parler de mon harcèlement et de l'humiliation que Clémence m'a fait subir, mais la sensation que l'on m'étrangle m'empêche de franchir le pas.

— À moi aussi, ça m'a manqué, soufflé-je à voix basse.

Jade s'interpose en se dandinant et invite les filles à danser. Quant à moi, je me décide à rejoindre Vincent, affalé sur l'un des fauteuils du salon, qui discute et rit en compagnie de Nicolas. Il n'a pas eu besoin de changer de tenue, contrairement aux autres garçons. Contre quoi a-t-il troqué la jupe qu'il devait porter ? Quoi qu'il en soit, je prends place à ses côtés et son bras vient instantanément s'enrouler autour de mes épaules.

J'observe le salon et avise Clémence en compagnie de Gabriel sur la terrasse. Mon cœur bondit dans ma poitrine, et Vincent tourne son visage vers mon corps qui tente de s'enfoncer dans son assise.

Les traits froissés, il demande :

— Qu'est-ce qui t'arrive ?
    — Clémence est là... Pourquoi est-ce qu'elle est là ?
    Vincent n'a pas le temps de la chercher du regard que Nicolas répond à mes interrogations :
    — Apparemment, elle voulait parler à Gabriel de quelque chose d'urgent.
    — Et il l'a laissé venir ? s'informe Vincent.
    Le sportif hausse les épaules.
    — Pas que je sache, je l'ai vu ignorer ses appels. Elle a contacté Roxanne pour une histoire d'affaires oubliée.
    Roxanne ? Elle ne m'a rien dit...
    — Mais si tu veux mon avis, reprend-il, elle a mytho. Roxanne a demandé à Gab de se charger d'elle.

Je ne peux pas détourner le regard de Clémence qui murmure à l'oreille de Gabriel. J'essaie de deviner l'objet de leur conversation à partir des expressions faciales du grand athlète, seulement, il reste insondable.

Je suis sur le point de boire une gorgée de ma boisson quand Vincent vient saisir ma mâchoire et m'oblige à lui faire face, ce qui m'occasionne un sursaut.

Il prend la parole, ses lèvres non loin des miennes :

— Tu t'es déjà changé ? Dommage, je trouvais que ça t'allait bien de porter une jupe.
    Je tente de contrôler mon sourire.
    — Je pense que tu en as assez vu, non ?
    — Au contraire, chuchote-t-il en jouant d'un jeu de sourcil.

Abruti.

Sans que je puisse le voir venir, il s'empare de la bouteille entre mes mains et boit une gorgée. Faussement outré, j'affiche une mine exagérée face à son geste et reprends égoïstement mon bien en râlant :

— Dégage tes sales pattes de là, voleur !
    — Quoi ? Avant, ça ne te dérangeait pas de mélanger ta salive à la mienne, objecte-t-il dans le plus grand des calmes.
    Nous rions en chœur alors que je n'hésite pas à le frapper à l'aide d'un coussin.
    — Quanto sei noioso ! (Ce que t'es chiant !)

Cela ne m'empêche pas pour autant de lui offrir ma boisson pour lui faire plaisir. De toute façon, je sais pertinemment qu'il n'aurait pas bougé de sa place pour aller s'en chercher une lui-même, et puis l'idée qu'il puisse préférer boire après moi ne me déplaît pas. Pour la peine, c'est moi qui me relève, dans le but d'aller m'abreuver d'une autre bière.

En me dirigeant vers la cuisine, je bifurque mon visage pour garder Vincent dans mon champ de vision, et fini par percuter quelqu'un par manque d'attention. Déconcerté, je m'excuse rapidement avant de lever la tête sur la personne en question.

Gabriel.

Il ne porte plus son maquillage et ses affreux faux cils qui lui déformaient le regard. Contre toute attente, le grand brun m'adresse un sourire qui me déroute.

Il fait exprès d'attraper mon bras à l'endroit où se trouvaient mes bleus, avant de m'avertir :

— Fais attention la prochaine fois, tu pourrais t'faire mal.

    Sa voix est limpide. Je n'arrive pas à déterminer s'il est sincère ou s'il est sarcastique, bien qu'il me relâche aussitôt.
    Confus par la situation, je ne peux m'empêcher de balbutier :

    — Dé... Désolé, je n'étais pas attentif.

Il poursuit sa route comme si ce comportement était naturel entre nous, laissant mes pensées en pagaille.

***

Les heures passent et la majorité du groupe danse au milieu du séjour. La musique est si forte que l'on doit élever la voix pour s'entendre. J'observe mes amies se déhancher sur une chanson d'ambiance, faisant toutes sortes de mouvements absurdes dans le seul but de me faire rire. Vincent saute à travers la foule et s'agite comme si personne ne le regardait.

Je l'envie terriblement.

De loin, il m'enjoint à m'approcher, seulement, je réponds par un signe de tête négatif, un petit sourire collé au coin de ma bouche. Ma timidité m'empêche de me lancer. Pour la peine, je me redresse du canapé afin de me diriger vers la terrasse, indiquant à Vincent que je vais fumer.

Appuyé contre le mur de bois du chalet, j'inhale la première bouffée après avoir allumé ma cigarette et l'expire dans un soupir d'apaisement. Vincent rapplique, une clope déjà entamée entre les lèvres.

— Tu viens danser avec moi, après ?
    Je pouffe. Il ne lâchera pas l'affaire tant que je n'aurai pas accepté, mais mon malaise est plus fort que sa volonté.
    — Je ne sais pas danser, tu devrais le savoir.
    Ses sourcils se froncent, apparemment en désaccord avec mes paroles.
    — Ah ouais ? C'est étrange, il me semble t'avoir vu danser, il n'y a pas si longtemps.
    — Ne parlons pas de ça, ça devait être horrible à voir...
    — Pas du tout. C'était même très plaisant.

Il saisit une des poches de mon jean pour me tirer contre lui, puis ses mains glissent de chaque côté de mes hanches.

— Quand j'étais au collège, commence-t-il, il y avait cette fille, dans ma classe, que je voulais inviter à danser à la fête de l'école. Le truc, c'est que je dansais comme un pied.
    — Oh, alors, déjà enfant, tu étais un petit charmeur ! Tout s'explique.
    — Un peu, ricane-t-il. Mon grand-père m'a appris quelques mouvements de salsa et de tango, afin que je puisse au moins me débrouiller sans lui marcher sur les pieds.

D'un coup, mon compagnon se met à bouger. Il enclenche un pas en arrière et emporte mon corps dans sa cadence, puis il avance et me fait reculer, à son rythme.

OK, j'ai compris, tu veux me donner un cours.

J'obtempère, docile, et saisis son épaule de ma main libre, l'autre tenant toujours ma cigarette, que je fume tant bien que mal. Le regard de Vincent est ancré dans le mien, bien que mes iris dérivent vers cette lune dessinée au milieu de son front. Il appuie avec insistance sur ma taille et m'entraîne dans ses séquences répétitives.

Nous tournoyons lentement, un pas en arrière, un pas en avant, tout en nous déplaçant.

— Ne bloque pas tes hanches, laisse-toi aller et tiens-toi droit, murmure-t-il, un petit sourire aux lèvres.
    — Ce n'est pas aussi facile que tu le dis...

Je me sens ridicule, ça doit se ressentir dans ma gestuelle. Mais Vincent ne va pas abandonner aussi aisément. Il rapproche nos corps jusqu'à ce qu'ils se touchent, bien décidé à mener la danse. Sa main droite glisse dans le bas de mon dos et me colle à lui avec force. J'en lâche ma cigarette, alors que je ne l'ai pas terminée.

— Suis mes mouvements, sans résister.

Sans poser de questions, mon corps se cale sur le sien, abandonnant toute autonomie. Lorsqu'il me fait reculer, je peux sentir son genou passer entre mes jambes, provoquant un frisson jamais ressenti jusque-là. Quand c'est moi qu'il fait avancer de quelques pas, la sensation que je vais chuter dans son corps me happe.

— Tu comprends le mouvement ? demande-t-il.
    — À peu près, oui...

Non, ta présence me chamboule beaucoup trop pour que je puisse comprendre quoi que ce soit.

En une fraction de seconde, il saisit ma main gauche et me fait tourner sur moi-même. Surpris, je manque de tomber au moment où il me ramène à lui, mon dos contre son torse. Ses bras enlacent mon enveloppe charnelle et me serrent contre la sienne. Notre étreinte devient mon refuge, mon lieu préféré.

Le visage dans mon col, Vincent chuchote :
    — Tu vois, tu sais très bien danser.

Après moult tentatives au cours de la soirée pour que je cède, il finit par avoir gain de cause. Nous sommes loin du déhanché dans lequel il souhaitait m'embarquer, puisque la musique qui accompagne nos pas n'est autre qu'une sorte de slow, Purple, des Retriever.

Nous tournons sur nous-mêmes en de lents mouvements. Je me sens flotter, mes bras enlacent sa nuque, que je câline du bout de mes doigts.

Son regard se dépose dans le mien, et je le soutiens avec insistance, mimant les paroles de la chanson :

Purple, you're the voices on my lips.*

Le coin de sa bouche esquisse un léger sourire, je ne suis même pas certain que nous clignons encore des yeux.

Purple, you're the wet paint I have kissed.**

Il essaie de dissimuler ses joues qui se sont mises à rougir en me serrant plus fermement contre lui. C'est trop tard, je l'ai remarqué avant qu'il ne réagisse. Mon portrait niché dans son cou, mes mains parcourent avec délicatesse son échine, jusqu'à ce que mes phalanges se glissent timidement sous le tee-shirt qu'il porte. Nos visages se redressent pour se faire face et, presque comme une transmission de pensée, nous collons nos fronts l'un contre l'autre. La lune et le soleil, dessinés sur notre épiderme, s'assemblent et mes yeux se ferment.

Les dernières notes de la musique s'évaporent et nous retrouvons doucement nos esprits. Nos corps se décollent et mes paupières me rendent la vue. Il a le même sourire mièvre que je sens scotché à mes lèvres.

Son regard me fuit, il en devient timide, presque gêné.

— Je vais aller me chercher quelque chose à boire, annonce-t-il d'une voix tranquille. Tu veux quelque chose ?
    — Un dernier verre pour moi.
    — OK. Je nous apporte ça.

Il s'échappe avec un sourire de politesse.

Désormais seul au milieu du salon, tout me semble vide. Afin de ne pas rester bêtement planté là, je m'engage à prendre les escaliers pour rejoindre la salle de bains du haut et me rafraîchir. À mes dépens, je surprends une conversation entre Clémence et Gabriel et m'arrête avant d'atteindre l'étage. J'aurais très bien pu rebrousser chemin, mais ma curiosité prend le dessus sur ma raison et je me retrouve à les espionner.

La voix de mon ex-petite amie tente d'être discrète en chuchotant, cependant son agacement l'emporte :

— La dernière fois, tu m'as fait venir pour ça quand tu m'as croisée à la fête foraine, je te rappelle !
    — Ouais, j'ai fait une erreur. T'aurais mieux fait de rester avec tes potes, je marche plus dans tes combines de gamine, réplique sèchement Gabriel. D'ailleurs, je sais même pas ce que tu fous encore là, t'es même pas invitée. Barre-toi, ça vaut mieux.
    — T'es qu'un lâche ! L'autre est tout d'un coup devenu gay et toi, tu veux rien faire ?
    Gabriel patiente quelques secondes avant de rétorquer plus calmement :
    — Clémence, passe à autre chose, et ne parle plus jamais comme ça de mes amis ou j'te le ferai regretter.

Gabriel me considère comme son ami ?

Le bruit de ses pas se rapproche et mon sang ne fait qu'un tour. Je me précipite dans les escaliers, tout en essayant d'alléger ma démarche pour ne pas me faire surprendre. J'arrive à temps au canapé, m'y affale et tente de paraître naturel. Mon regard croise celui du sportif, qui le détourne aussitôt. Il tire une tronche de dix mètres de long et s'échappe de la pièce.

Quant à Clémence, elle apparaît un court instant plus tard, une trousse dans sa main, que je reconnais bien. Sans même m'adresser un quelconque intérêt, elle sort du chalet et s'isole sur la terrasse inoccupée.

Moi qui balayais faussement l'écran de mon téléphone pour paraître occupé, j'hésite à la rejoindre et à tirer définitivement un trait sur toute cette histoire. Mes canines mordillent ma lèvre inférieure. Je jette un rapide coup d'œil à Vincent, retenu par une conversation dans la cuisine.

C'est maintenant ou jamais.

Tant que j'en ai le courage, je décide de me lancer et sors. Clémence, assise à même le bois de la terrasse, ouvre sa trousse à vernis. Elle a toujours aimé se peindre les doigts de plusieurs couleurs.

La peur au ventre, j'engage la conversation :

— Alors, c'est ce que tu avais oublié ?

Je prends place à ses côtés, bien qu'elle m'ignore. Sans un mot, je l'observe sortir les diverses couleurs qui, à ma connaissance, sont toujours les mêmes : du noir, du rouge, du jaune, du gris et du vert foncé.

Elle applique minutieusement le noir sur l'ongle de son pouce, et je réitère mon approche :

— Ces couleurs, j'ai toujours pensé que c'était celles de tes émotions.
    Aucune réponse, pas même un regard.
    — J'ai longtemps espéré qu'elles deviennent plus vives, poursuis-je, mais, à l'exception du jaune, elles sont restées sombres.

J'avale difficilement ma salive, ses expressions demeurent vides de sensibilité. Un silence s'installe entre nous et je détourne mon attention de ses gestes. Je commence à penser que c'était une mauvaise idée, quand elle parle enfin :

— T'es toujours aussi profond, toi, hein ? questionne-t-elle sur un ton moqueur.
    Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche et de répliquer qu'elle me devance, d'une intonation plus calme et sérieuse.
    — Selon toi, comment tu interpréterais ces couleurs ?

Pour la première fois depuis des lustres, j'entrevois la possibilité d'un dialogue avec elle. Ma poitrine se serre, me voilà inquiet à l'idée que ma démarche puisse me faire replonger dans le cauchemar que ses amis m'ont forcé à vivre.

Malgré ça, je réponds sérieusement :

— Pour moi, le noir représente le vide et le rouge est significatif d'une colère. Quant au gris, il me fait penser au néant. Le vert foncé est associé à l'espoir et le jaune, teinte la plus vive, me rappelle la lumière.

    Elle recouvre l'ongle de son majeur de rouge et commente d'un ton sardonique :

    — Tu m'en diras tant.

Contre toute attente, elle relève enfin son visage face au mien et me toise. Une sueur froide me parcourt le corps, j'ai peur d'avoir été trop loin et d'aggraver les blessures que je tente de guérir.

Au lieu de ça, elle reste muette et retourne à ses occupations. Ce n'est que lorsqu'elle termine de vernir sa première main qu'elle retrouve l'usage de la parole :

— Tu l'aimes vraiment, ce pauvre mec ?
    Mes sourcils se froncent.
    — Ce n'est pas un pauvre mec.
    Elle me coupe quasiment la parole, un léger rire narquois traverse furtivement ses lèvres.
    — Donc, tu l'aimes vraiment. Je t'ai genre... transformé en gay.
    — Je ne suis pas gay, rectifié-je tout de suite. Je m'en vais, salut.

Agacé par son comportement insultant, je me tourne dans le but de me relever quand elle me retient dans un geste vif, saisissant mon avant-bras.

— Reste.
    Son emprise me relâche. Mon pouls s'élance à toute allure, mais je persiste à feindre mes émotions et renonce à m'en aller.
    — Je t'ai menti, Allan.
    — Je sais, tu ne m'apprends rien de neuf.
    — Tu comprends pas, me coupe-t-elle. J'avais de réels sentiments pour toi lorsqu'on était ensemble, mais tu m'énervais à un tel point que j'ai fini par te détester.
    Les traits de mon visage se crispent, je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'avoue cela.
    — Ce que tu dis n'a pas de sens, Clémence.
    Elle soupire et s'explique :
    — T'étais un mec simple. Quand on se disputait, tu revenais vers moi avec toujours autant d'amour, comme si rien ne s'était passé. Ça me soulait tellement !
    — Je n'aime pas les problèmes, tu le sais.
    — Ouais, mais c'était chiant. T'étais sans cesse souriant et prêt à me consoler chaque fois que j'en avais besoin.
    Je pouffe ironiquement, haussant les sourcils.
    — C'est vrai que c'est terrible, on ne peut que me blâmer. Tu as dû vivre un enfer !
    — Arrête. T'es un garçon gentil, Allan, et ça, ça m'énerve au plus haut point.
    — Je n'ai jamais rien entendu d'aussi absurde, m'agacé-je. Qu'est-ce que j'aurais dû faire, alors ?
    — Je sais pas, je m'en fous ! Ce n'était pas suffisant pour moi. Tu sais pas t'affirmer, c'était gavant. Tu me respectais et m'aimais, alors que j'arrive même pas à ressentir ça pour moi.
    Ma gorge se remplit de sanglots que je retiens. J'ai l'impression de m'étouffer dans la douleur.
    — Alors, si je me suis fait harceler tout ce temps, c'est juste parce que je t'aimais trop bien pour toi ?

    Elle termine l'application de son vernis sur l'autre main et conclut ses révélations :

    — Écoute, notre relation a bien commencé à cause d'un pari, mais je suis tombée amoureuse de toi par la suite. Et un jour, je t'ai plus supporté. Pour moi, quand tout va bien, ça me fait flipper. Alors, j'ai voulu te briser autant que je le suis, pour que tu puisses me comprendre et arrêter d'être ce mec gentil. Je voulais qu'on souffre à deux.

J'essaie de rétorquer quelque chose, n'importe quoi, seulement, les larmes qui ruissellent le long de mes joues, sans que je parvienne à les contrôler, m'en empêchent.

— Allan ?

Cette voix, je la connais. Pourtant, à cet instant, elle me surprend et m'oblige à me retourner. Vincent est là avec nos deux verres à la main. Il me découvre en larmes et encore sous le choc, puis il jette un prompt coup d'œil en direction de Clémence avant de rapidement revenir à moi.

Ce que je vois sur son visage est plus sombre et terrifiant que l'obscurité qui habite Clémence.

*Violet, tu es les voix sur mes lèvres
**Violet, tu es la peinture mouillée que j'ai embrassée.

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