Chapitre 37 › Sous la jupe des garçons

Nous sommes rentrés vers la fin de l'après-midi pour profiter une dernière fois des paysages qui nous ont tant plu. Les derniers pas vers le chalet ont été difficiles pour moi, car ils m'ont rappelé que ces moments ensemble allaient bientôt prendre fin. Ça m'a rendu anxieux au point de me pousser à ressentir le besoin de m'isoler.

Perché sur l'un des rochers bordant la plage, je contemple l'horizon, où le soleil n'est plus qu'une perle scintillante au loin sur la mer. Une brise s'engouffre dans mes cheveux et je ferme aussitôt les yeux, rappelé à mes souvenirs de nuits passées aux côtés de Vincent, à sentir ses doigts s'enchevêtrer dans ma chevelure avec tendresse.

— Allan, tu viens ?

Cette voix, je la reconnaîtrai entre toutes.

Je me retourne et avise Vincent qui poireaute sur le seuil de la porte. Demain sera peut-être horrible, mais, en attendant, il me suffit de le rejoindre pour profiter de sa présence, et je ne compte pas en gâcher une seule seconde.

Lorsque j'arrive à son niveau, un petit sourire étire sa bouche alors que ses yeux me scrutent de haut en bas. Face à l'expression contemplative qu'il arbore, mes sourcils se soulèvent pour montrer mon interrogation à laquelle il répond sur un timbre taquin :

— Tu savais que ce soir, c'est une soirée à thème ?
    Il porte un sourire qui me laisse entendre que je vais devoir fournir beaucoup d'efforts afin de sortir de ma zone de confort.
    — Qu'est-ce que c'est que cette histoire, encore ?
    Roxanne surgit soudain de nulle part. Excitée comme une puce, elle sautille et se jette sur moi pour se suspendre à mon cou et s'exclame :
    — T'es enfin là, c'est pas trop tôt ! Je t'ai dégoté une tenue, tu vas voir, tu vas être splendide, mon joli !

Un rire nerveux s'échappe de ma gorge. J'ai le premier réflexe de saisir ses avant-bras et de doucement la détacher. La musique de fond recouvre sa voix alors qu'elle débite un nombre incalculable de mots à la seconde que je comprends à peine. C'était à prévoir, Roxanne n'allait pas nous laisser repartir sans faire la fête une dernière fois.

— Une tenue ? l'interrogé-je. Je n'en ai pas besoin, je pense que j'ai déjà ce qu'il me faut...
    Vincent pouffe, puis ajoute :
    — Crois-moi, tu n'as pas ce qu'il te faut. Bien que ça me pose aucun problème si c'est le cas.
    Les doigts de Roxanne attrapent le tissu de mon tee-shirt, comme pour m'inviter à la suivre, ce que je refuse en ne bougeant pas d'un iota.
    — Je ne comprends rien à votre histoire ! C'est quoi le thème ?
    — Viens, dépêche-toi ! s'acharne-t-elle en tirant sur mon vêtement. Ton visage ne va pas se maquiller tout seul !

Mon expression se décompose, consternée par ce qu'elle vient d'entendre.

Appuyé contre la poutre de la porte, Vincent s'esclaffe d'un rire moqueur. Il ne donne pas l'air de vouloir m'aider à me sortir de cette situation, bien au contraire.

Désemparé, je bégaye :

— Mon visage va... Il va quoi ?
    Solène se pointe et s'adresse directement à Vincent :
    — Ne ris pas trop, mon grand, toi aussi, tu vas y passer !

Celle-ci décide d'attraper le col de son haut et l'embarque à son tour, sans qu'il puisse protester. Distrait par cette justice, j'en oublie un instant que je me fais entraîner par Roxanne qui répond tardivement à l'une de mes questions :

— Au fait, le thème de la soirée, c'est : Sous la jupe des garçons !

Ces mots m'accablent, je voudrais contester, mais Vincent et moi sommes embarqués dans des salles de bains opposées.

Elle me déteste, je ne vois pas d'autre explication !

Dans la pièce du haut où je suis envoyé, je retrouve Gabriel, qui tente de se décider entre deux jupes à porter. J'ai du mal à en croire mes yeux. Son gabarit ne lui permettra jamais de fermer l'un des bouts de tissu qui lui ont été proposés. Rien qu'en portant un simple tee-shirt, je devine facilement ses hanches robustes, qui feront craquer la couture du bas qu'il va choisir. D'autant que sa taille ne va rien arranger, il pourrait rester en sous-vêtement qu'on ne verrait pas la différence.

L'intervention de Roxanne qui me saisit l'épaule et m'invite à m'asseoir sur le rebord de la baignoire d'angle me fait détourner le regard de mes indiscrétions :

— Installe-toi, tu vas voir, je vais te faire un make-up, tu vas être in-cro-yable !
    — Il faut vraiment que je porte une jupe ? tenté-je de négocier.
    Elle roule des yeux. Mes doigts tirent sur le bas de mon tee-shirt et ne font que témoigner du malaise que j'entretiens avec mon corps.
    — Ça va être amusant !
    — Je n'en ai vraiment pas envie, insisté-je.
    — C'est le temps d'une photo de groupe, tu pourras mettre ce que tu veux juste après.

Voilà qu'elle relève mes mèches de cheveux à l'aide d'une pince.

Je me sens ridicule.

Ses doigts se déposent de part et d'autre de mon visage, afin d'appliquer ce qu'elle appelle une base lissante, et je ne peux m'empêcher de cligner des yeux plusieurs fois, tout en essayant de lui échapper. Elle est patiente et attend quelques secondes avant de saisir mon menton avec des gestes plus tendres que les précédents. À l'aide d'un pinceau, elle crée je ne sais quelle forme circulaire au milieu de mon front. Quant à moi, je fixe sagement le sol.

Un silence règne dans la pièce, même Gabriel n'ose pas le briser. Il n'y a que le souffle de mon amie et ses mots qu'elle chuchote qui bousculent cet équilibre :

— Je veux pas te forcer, Allan. Si tu ne veux pas porter de jupe, c'est pas grave du tout.
    — Tu m'y obliges un petit peu.
    Elle pince ses lèvres.
    — Désolée, mauvaises habitudes. Je veux juste que tu t'éclates pour notre dernière soirée.

L'envie de sourire, comme celle de pleurer, s'empare de moi. Le mélange de ces deux émotions me secoue. C'est la première fois que Roxanne prend mon malaise en considération. Si elle arrive à faire un effort, je dois en faire autant.

Ainsi, je prends une profonde inspiration avant de redresser les yeux vers elle et abdique d'une voix morne :

— As-tu apporté la jupe que tu portais à la dernière journée porte ouverte du lycée ?
    Son visage s'illumine instantanément.
    Ma séance de maquillage dure depuis un bon quart d'heure. Gabriel commence à perdre patience, il grommelle dans le fond de la pièce :
    — Je vais finir par la craquer, celle-là !
    Il a déjà essayé plusieurs jupes, appartenant aux trois filles, et aucune ne lui permet d'être à l'aise.
    — Tu n'as qu'à prendre la jupe longue et ne pas la fermer, c'est juste le temps d'une photo ! râle Roxanne, qui, elle aussi, perd patience.

Elle applique ce qu'elle appelle du highlighter sur le bout de mon nez, mais aussi sur mes pommettes.

Le souffle agacé de Gabriel s'étend et je ne peux m'empêcher de dévier un regard curieux dans sa direction. Je me sens comme un voyeur à l'observer retirer ce énième vêtement avant de se revêtir d'une jupe longue, qui lui arrive au-dessus des genoux.

Un sourire apparaît au coin de ma bouche quand il enfile une brassière en dentelle que je ne peux m'empêcher de commenter :

— T'es chic, comme ça.

Celui-ci se retourne et je découvre son visage que je n'avais pas encore aperçu. Ses lèvres sont couvertes d'un rouge à lèvre rouge mat et ses yeux sont ornés de faux cils. Pris par surprise, mes joues se gonflent d'air et un éclat de rire m'échappe instantanément.

Roxanne grogne après moi, sa poupée à maquiller ne se tient pas tranquille.

Furieux, le sportif tente de se défendre :

— Regarde ta tronche avant d'te moquer, imbécile !
    Roxanne lève les mains et surenchérit :
    — D'ailleurs, j'ai terminé. Je suis trop fière de moi, t'es si mignon !
    — Arrête de te foutre de moi, pestè-je.
    — Non, je te jure ! Je pense que je tiens un truc là. En fait, je suis plutôt douée.

Je me redresse instantanément et présente mon reflet au miroir. Ce dernier me provoque un électrochoc, tant que mes doigts se crispent sur la faïence du lavabo contre lequel je m'appuie.

Contente d'elle, mon amie se tient à mes côtés, un sourire sur les lèvres.

— Alors ? Ne suis-je pas une artiste extraordinaire ?

Dans la glace, j'observe mes yeux ornés d'un trait de crayon noir, qui fait ressortir le vert de mes iris. Elle y a apporté un effet flouté qui harmonise le tout. Le bout de mon nez et mes pommettes brillent d'une couleur chaude et éclatante, les paillettes illuminent mon visage.

Pourtant, ce qui me frappe le plus, c'est ce soleil, parfaitement dessiné, qu'elle a créé au milieu de mon front. Il brille de mille feux, entouré de ses reflets qui rappellent une constellation.

J'ai du mal à me reconnaître. J'ai la sensation de regarder une version améliorée de moi-même.

    — Quoi ? s'inquiète la blonde. Ça te plaît pas, c'est ça ?
    — Je suis...
    Je marque un silence. Je ne parviens pas à décrocher le regard du portrait qui m'est renvoyé.
    — Moche ? Horrible ? Dis-moi !
    — Beau, avoué-je.

Mon ventre se tord lorsque je réalise que c'est la toute première fois de ma vie que je me complimente physiquement. Roxanne s'empresse de saisir mes épaules et de presser un instant son corps contre mon dos, son menton contre mon épaule, afin de capturer mon regard dans le miroir.

— Je suis contente que ça te plaise. Je vais chercher les vêtements et on en aura terminé.

Suis-je digne de porter une étoile telle que le soleil ? Moi qui ai toujours eu l'impression de vivre dans le noir, je me retrouve soudain représenté comme celui qui éclaire le monde.

Je me demande ce que Vincent va penser de ça.

Mon amie se précipite pour me donner les vêtements que je vais porter.

— Allez, Allan, enfile ça vite. Nous n'attendons plus que toi.
    — Et Vincent ?
    — Il est déjà prêt !

L'angoisse me gagne à l'idée de faire une entrée où tous les yeux vont se braquer sur moi. En plus, je ne cesse d'imaginer la façon dont Vincent peut bien être déguisé.

J'espère qu'il ne porte pas de faux cils.

La jupe entre les mains, je doute.

— Je ne suis plus certain que ce soit une bonne idée, Roxanne.
    — On fait comme tu le sens ! Au cas où, je t'ai apporté ça, pour cacher un peu tes jambes, dit-elle en me tendant une paire de collants noirs.
    Nous échangeons un regard dubitatif avant que je les saisisse et que je capitule :
    — Et puis merde ! Donne-moi ça.

Elle éclate de rire tandis que je lui arrache des mains et enfile la jupe qu'elle m'a précédemment amenée. Afin de me rassurer, elle veille à mettre de côté mon jean noir, que je revêtirai plus tard, ainsi qu'une chemise fluide de même couleur, transparente, appartenant à Solène. Le style du vêtement étant mixte, je soupçonne mes amies d'avoir préparé à l'avance tout ce qu'il me faut pour que je ne puisse pas contrer leurs idées farfelues.

Pour le moment, j'ai tout de même le droit de porter un tee-shirt simple, que Roxanne m'aide à placer dans la jupe patineuse comme elle le fait sur elle-même.

Roxanne jette un coup d'œil au rendu de la tenue et ronchonne :

— C'est pas juste ! Comment ça se fait qu'elle t'aille mieux à toi qu'à moi ?

Elle revêt un large tee-shirt appartenant à Nicolas. Son short , qui doit aussi venir de lui, est bien trop grand pour elle. Ça lui va finalement très bien, si l'on ne prend pas en compte la fausse moustache dessinée au-dessus de ses lèvres.

— Arrête de te plaindre. Toi, au moins, tu as de la moustache.

Je me démène à enfiler les collants pendant que nous nous marrons et finalise ma tenue par ma paire de Converse habituelle.

Mon regard se hisse jusqu'au miroir et je grimace en constatant que les vêtements que je porte ne font que marquer ma carrure malingre. Pourtant, je n'ai qu'une obsession : que va penser Vincent et à quoi ressemble-t-il ?

— Allez, on y va ! me presse Roxanne.
    J'affiche une moue réprobatrice, prêt à renoncer.
    — Non, en fait, je...

Roxanne anticipe mes prochaines paroles et ne me laisse pas finir mes jérémiades. Elle me tire vers la sortie et affirme, d'une voix dominant la mienne :

— Lance-toi, Allan ! Tu ne crains rien.

Sa phrase n'est même pas terminée que la porte qui nous séparait du groupe s'ouvre en grand. Je me retrouve en un instant propulsé au milieu de la pièce, comme mis à nu aux yeux de tous.

Malgré l'anxiété qui entreprend de s'emparer de moi, la première personne que je cherche du regard n'est autre que Vincent, que je capte dans un coin du séjour. Nos regards se plantent l'un dans l'autre, et c'est comme si le temps s'arrêtait.

Il ne porte pas de jupe, mais un jean que je reconnais et qui lui appartient. En revanche, son torse est recouvert d'un crop top qui laisse apparaître son bas-ventre et les traits marqués de son bassin qui forme un V. J'avale difficilement ma salive face à cette image. Comment peut-il être aussi charmant, même ainsi ?

Finalement, il finit par faire le premier pas pour rompre cette distance entre nous. Il se hâte, abandonne son verre sur le premier meuble qu'il croise, puis s'empresse de déposer ses mains de part et d'autre de mon visage. J'ai tout de même un bref moment de recul, tant sa démarche est inhabituelle.

Mes iris remontent jusqu'aux siennes. A-t-il toujours été aussi grand, ou est-ce moi qui me sens simplement petit face à lui ? Ses yeux me dévorent, sa voix est aussi fragile que de la porcelaine :

— Tu es...
    — J'ai honte, murmuré-je.
    — Non ! Tu ne dois pas avoir honte. Au contraire, t'es incroyablement beau, Allan. Et aussi très... dishy*.
    Je pince mes lèvres et confie :
    — Je suis soulagé que tu ne portes pas de faux cils.

Son rire franc provoque une réaction électrisante dans tout mon corps. Toutes mes cellules sont en train de brûler d'amour pour lui. À tout moment, je vais m'effondrer en un tas de cendres dans le creux de ses mains.

Lui aussi est maquillé de la même manière que moi. Le noir fait ressortir les touches d'orange dans ses yeux bruns. Ses pommettes brillent d'un bleu indigo, mais ce qui me marque le plus et accélère les pulsations de mon cœur, c'est cette lune, parfaitement dessinée au milieu de son front. Ensemble, nous sommes une éclipse, un tout, comme deux âmes sœurs qui se rencontrent pour la toute première fois. Et ça, c'est grâce à mes amies.

À mon tour, je murmure :

— Toi aussi, tu es très beau...

Volontairement, je me rapproche de son corps jusqu'à ce que nos vêtements se touchent. Il me fait totalement oublier mon accoutrement, lequel n'a pas échappé à ses yeux qui s'abaissent.

Ses canines s'emparent de sa lèvre inférieure et la mordent délicatement, puis il ajoute, d'une intonation plus basse :

— C'est embêtant. Je ne sais pas si j'ai envie de me faufiler sous ta peau ou tes vêtements...

L'highlighter est rapidement remplacé par le feu qui embrase mes pommettes et les empourpre. Un rire nerveux m'échappe et mes mains repoussent celles de Vincent dans le seul but que je puisse détourner le regard, intimidé par ses mots.

— Dans tes rêves, Belvio.

Dans les miens aussi.

Ce qui m'irrite l'amuse. Troublé par mes pensées, j'essaie de paraître naturel en passant ma main sur les plis de ma jupe.

Attends. Qu'est-ce que tu fais, Allan ? T'es vraiment en train de défroisser ta jupe, là ?

Il me fait faire n'importe quoi. Heureusement, Solène me sauve la mise en appelant le groupe à se réunir pour la photo tant convoitée.

Nous nous joignons au mouvement, découvrant la transformation de chacun. Tout le monde a joué le jeu, pour le plus grand bonheur des demoiselles à l'origine de cette idée. Nous rions aux éclats face à l'apparence de certains qui n'ont fait aucun effort de style, sans parler du désastreux maquillage de Gabriel qui, pour une fois, est la cible des moqueries.

Les filles ont emprunté nos vêtements afin de se déguiser, avec d'illusoires barbes et moustaches en guise de truquage. Elles imitent les clichés masculins, rien que pour nous divertir, ou se moquer un peu de nous. Maxence et Nicolas amplifient donc la comédie en parlant faux ongles et sacs à main et font jaillir la joie de nos camarades.

À travers le brouhaha, Jade nous interpelle par un cri à travers le séjour :

— Trêve de plaisanteries, rassemblez-vous !

Nous l'écoutons sans broncher en nous rapprochant les uns des autres. Le bras de Vincent entoure mes épaules. Il s'apprête à poser pour la photo qui sera prise, dès que les filles auront réussi à immobiliser le téléphone.

— Lève les yeux, ordonne-t-il sèchement.

Ses paroles sont accompagnées d'un geste de sa main qui remonte le visage de Maxence face à l'objectif. Je n'avais pas remarqué que ce dernier détaillait ma tenue, qu'il n'avait sûrement pas remarquée avant puisque je me cache derrière Vincent depuis le début.

— Détends-toi, mec. J'étais juste curieux de voir sa tenue.
    — Il n'y a rien à voir.

Son ton est direct et froid. Le sportif détourne alors le regard, penaud.

Mon corps se raidit sous la tension. On dirait qu'il se sent en danger ou menacé dès que je deviens le sujet d'attention.

Solène lève un bras et s'écrit :

— Attention, on a que trois secondes !

Mes deux meilleures amies se précipitent à mes côtés, me bousculent et s'accrochent à moi. Durant les trois secondes du retardateur, tout le monde prend la pose et le moment se fige. Des sourires apparaissent sur les lèvres, des mains se lèvent et certains s'étreignent. Enfin, le flash de l'appareil photo se déclenche, nous aveuglant au passage.

L'instant est immortalisé.

Lorsque je suis arrivé ici, je n'étais qu'un garçon fermé qui avait perdu son sourire. Désormais, à l'aube du départ et malgré mes craintes, je prends le risque de vivre.
Mais, surtout, j'ai remplacé ma solitude par les bras de Vincent.

*Séduisant/sexy.

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