Chapitre 20 › Le reflet des sentiments
Vincent a les yeux qui pétillent. J'ai l'impression de le redécouvrir sous les lumières vivent des forains. Je n'avais jamais vraiment prêté attention à l'anneau percé dans le cartilage de son oreille, ni même aux plis qui étirent ses yeux lorsqu'il éclate de rire. Pourtant, à présent, tout ça me paraît inévitable. Il semble si heureux que s'il me le demandait, je serais prêt à lui gagner un poisson rouge à la pêche aux canards et j'affronterais tous les manèges à sensations dont j'ai horreur, si ça peut lui faire plaisir.
Les habitants du chalet sont dispersés dans la foule. Et bien que celle-ci soit dense, Vincent et moi gardons nos distances. Je tente de faire bonne figure, mais la vérité est que le monde m'étouffe. Il y a trop d'odeurs, trop de bruit, trop de gens, trop de cris. Chacun de mes sens est en alerte, au point où j'en viens à respirer mécaniquement pour m'éviter une crise en public.
Sous sa casquette, Vincent ferme un œil et laisse l'autre dans le viseur de la carabine qu'il tient entre ses mains. Il se concentre, puis son doigt actionne la gâchette. Le ballon gonflé d'air éclate en un bruit sourd et me provoque un sursaut qui fait s'emballer mon cœur.
— T'as vu ça ? entonne-t-il d'un air radieux trahissant sa fierté. Avoue que t'es impressionné.
Je ne réponds qu'un rictus afin d'éviter qu'il ne remarque mon mal-être.
Les mains dans les poches de ma veste en jean, les ongles de mes index grattent la peau autour de mes pouces. De la salive remplit ma bouche et ma vision se trouble, rendant incertain le décor qui m'entoure. J'ai comme une impression de claustrophobie qui me rend nauséeux. Mon angoisse est un arbre enraciné au plus profond de moi et qui, lorsque ses branches se déploient, me donne cette pénible sensation d'être trop à l'étroit dans mon corps.
Vincent me tend un briquet ringard dont le tour est parsemé de cœurs rouge mal imprimés, seule distraction qui me permet encore de ne pas m'enfermer dans ma tête avec mes peurs.
— Tiens, dit-il.
— Où est-ce que tu as eu ça ? m'étonné-je.
— Au tir, à l'instant. Attends, j'ai été un tireur d'élite et tu n'as rien vu ? s'insurge-t-il d'un ton ironique.
J'arque un sourcil et m'empare de son offrande.
— Si tu étais vraiment un tireur d'élite, tu n'aurais pas gagné un briquet.
Vincent plisse les yeux.
— Estime-toi déjà heureux que je t'ai pris les cœurs plutôt que Bob Marley.
Je pouffe.
Bien sûr que je suis content ! Peu importe que ce soit un fichu briquet ringard. Ce qui compte, c'est que c'est lui qui me l'a gagné. La culpabilité me prend, je vois bien qu'il est déçu. J'aimerais l'en être reconnaissant, seulement, je suis tellement préoccupé par la crise naissante dans mon corps que j'en oublie le reste.
Ma mâchoire se resserre, étrangle mes cordes vocales et bloque l'arrivée d'air dans mes poumons. Vincent me parle, mais je n'entends que la lourdeur de sa voix sans comprendre ce qu'il me dit.
Ça y est, elle est là.
La crise.
J'ai la bouche sèche et les membres qui s'engourdissent. J'attouche ma nuque, puis mon front. J'ai du mal à ressentir ma peau, j'ai du mal à ressentir que j'existe. Je grimace par ma salive a du mal à traverser ma gorge. Mon cœur s'affole, manque des battements au point de me donner des vertiges. Je n'arrive plus à contrôler ce qu'il m'arrive.
Je disparais.
J'ai peur.
Mes oreilles sifflent et mes dents mordent l'intérieur de mes joues. Elles aussi, je ne les ressens plus. Je cligne plusieurs fois des paupières, mais le paysage reste flou. Les larmes s'empressent de se hisser au bord de mes yeux.
Pourquoi suis-je comme ça ?
Je voudrais être normal.
Mes sens sont pris de court par Vincent qui empoigne ma veste au niveau de mon épaule. Il me traîne jusqu'à l'arrière du stand de tir à la carabine, à l'abri des regards et des lumières vives. Je me laisse faire, trop désorienté pour montrer une quelconque marque de résistance. Je ne suis plus maître de moi-même. Mon dos se cogne bêtement contre la paroi, ce qui a pour effet de chasser le brouillard dans lequel je m'égare.
Vincent attrape mes mains et s'attarde sur les écorchures de mes pouces. Habillement, dans une sorte d'habitude, il s'active à masser mes paumes tout en appuyant sur leurs revers.
— Arrête..., articulé-je d'une voix haletante.
Je tente de me retirer, mais il poursuit en remontant ses doigts le long de mes phalanges avec une concentration que je ne lui connais pas. Caché sous sa casquette, son visage, qui était pourtant si étincelant, s'est assombri.
Il masse mes phalanges dans un silence de plomb.
— Vincent, dis-moi quelque chose...
Tout ce que j'ai fait pour éviter ça n'aura donc servi à rien. J'aurais encore préféré qu'il s'interroge sur mon comportement, qu'il me demande des explications. Qu'il se demande pourquoi il se sent obligé de masser mes mains !
S'il te plaît, Vincent.
Je veux que tu me questionnes sur ce qui ne tourne pas rond chez moi. Mets-toi en colère, secoue les ombres qui me tiennent. Repousse-moi loin de toi. Je partirai, si c'est ce qu'il faut pour conserver ta joie. Je suis prêt à souffrir, si cela peut faire perdurer ton sourire.
Il s'arrête, laissant un soupir lui échapper.
Il tape subitement le camion en plaçant ses paumes de part et d'autre de ma tête. Par réflexe, mon dos se presse de se plaquer contre le métal. Il a bousculé mes larmes à travers son geste, elles naviguent jusqu'aux traits marqués de ma mâchoire.
Ses yeux me percent la rétine, s'infiltrent dans mon esprit. Je retiens mon souffle, le pouls si élancé qu'il en fait gonfler mes veines. Le langage de son corps laisse à penser qu'il veut voir jusqu'où je suis prêt à aller pour supporter ça – pour conserver mon secret.
Enfin, il parle :
— C'est invisible pour mes yeux.
J'exhale un soulagement, mais ne peut m'empêcher de baisser les yeux.
— Regarde-moi, Allan, ordonne-t-il avec autorité.
Je bats des cils et m'exécute. Aussi étrange que cela puisse être, je ne peux lui désobéir.
Je confesse à voix-basse :
— Je ne fais que ça, te regarder.
— Tant mieux, dit-il avec plus de douceur. Parce qu'il n'y a jamais rien eu de plus réel que toi à mes yeux. Entends-moi bien : tous ces moments où tu crois disparaître, tu existes pour moi.
Il a envie de sourire.
J'ai envie de l'embrasser.
Vincent est mon ami. Un ami que j'ai terriblement envie d'embrasser.
Au départ, j'ai adoré ses épaules. Puis j'ai aimé ses grains de beauté, son sourire et la marque de bronzage de son débardeur près de ses clavicules. Ensuite, ça a été au tour de ses bouclettes et de ses mimiques, du grain de sa voix enrouée et de son rire – surtout son rire. J'ai apprécié découvrir son caractère et ses détails physiques comme son pouce corné ou la touche d'orange dans ses yeux. Ce que je préfère, c'est son visage pendant qu'il dort.
Notre proximité est telle que son souffle heurte mes lèvres qu'il ne quitte pas des yeux.
J'ai peur.
Même son corps est avancé au point que je ressens sa chaleur corporelle émaner de lui, m'invitant à me concilier contre ce dernier.
Il est si proche.
Mon cœur cogne contre ma poitrine.
Il va le faire.
Je suis submergé par une vague de frisson. Le bout de son nez frôle le mien, me prépare à délicatement fermer les paupières, quand Roxanne déboule de nulle part :
— Ah, vous êtes là !
Vincent s'écarte si subitement qu'il me paraît n'avoir été qu'un mirage.
— On... reprend-elle en nous scrutant. On vous cherche partout depuis au moins vingt minutes...
Je n'arrive même pas à trouver quelque chose à dire, les papillons dans mon ventre ont laissé place à la culpabilité. Je ne voulais pas qu'elle nous surprenne, même s'ils ont clarifié leur ambiguïté.
***
Au stand de bonbons d'à côté, mes deux amies attendent leur tour. Solène parcourt la vitrine tandis que Roxanne reste en retrait, le regard dans le vague et les bras croisés. Plus loin, Nicolas, Maxence et Vincent font la queue pour un manège à sensation.
J'ai opté pour un coin tranquille le temps de reprendre mes esprits, une bouteille d'eau fraîchement achetée pour seule compagnie. Tout est allé si vite... Mon corps n'est pas fait pour supporter autant de montagnes russes émotionnelles.
— Roxanne, attends-moi ! hélé-je en voyant mes amies s'éloigner.
Solène est la seule à se retourner, mais je ne renonce pas et me place à la hauteur de la blonde.
— Roxanne, on peut parler ?
— Plus tard, Allan.
— C'est important.
— Tu m'as pas écoutée quand c'était important pour moi, pointe-t-elle d'un ton tranchant.
Sa remarque me fait l'effet d'un coup de poignard dans le ventre.
Je suis un ami médiocre.
— Je vais vous laisser, ajoute Solène, qui n'attend pas notre accord pour s'écarter.
Roxanne grogne contre cette dernière, puis me fait face après avoir levé les yeux au ciel et croisé les bras contre sa poitrine.
D'une même voix, nous brisons la glace :
— Je suis désolé, Roxanne.
— Vincent et toi, vous couchez ensemble ?
Mon pouls accélère, ma réponse fuse :
— Non ! Ce n'est pas ce que tu...
— Crois, c'est ça ? m'interrompt-elle, les traits tirés par une forte émotion qui ne demande qu'à être libérée.
Ça me déstabilise au point où je ne sais plus m'exprimer ni même où poser mon regard.
— J'arrive plus à te comprendre, Allan. Tu savais que Vincent me plaisait, je t'en ai souvent parlé, j'ai été jusqu'à l'inviter ici.
— Ne parle pas comme si j'avais prémédité tout ça.
— C'est pas ce que je dis. Mais ça fait quasiment trois semaines que tu me fais payer cette stupide histoire de dessin et maintenant, tu vas bécoter mon crush derrière un camion ?
— Je suis désolé, soufflé-je enfin, la voix chevrotante. Moi aussi, je n'arrive plus à me comprendre. J'aurais dû venir t'en parler, mais tout est si confus dans mon esprit que..., expliqué-je avant d'inspirer profondément. Que je n'ai pas su être le meilleur ami dont tu avais besoin.
Elle renifle et balaye ses joues d'un geste du revers de ses mains.
J'aurais pu éviter tout ça, si j'avais eu le cran de lui parler de la vraie raison de ma séparation avec Clémence. Elle m'aurait compris, soutenu, cru.
Je tente une approche en voulant la prendre dans mes bras, mais la blonde s'écarte aussitôt.
— Il me faut du temps, justifie-t-elle. Tu me manques beaucoup, Allan. Je m'en veux de t'avoir blessé l'autre soir, tu sais. Mais j'ai déjà du mal à accepter que Vincent m'ait refoulé, alors si en plus, il l'a fait pour toi...
Mon cœur loupe un battement.
« Il l'a fait pour toi ».
— Toi aussi, tu me manques, avoué-je, la gorge nouée.
Le coin de sa bouche se relève, creusant sa fossette.
J'attends qu'elle se retire pour expirer bruyamment l'air que j'avais coincé dans mes poumons. Moi qui voulais adoucir notre amitié, je n'ai fait que l'assombrir.
Mes épaules se font étreindre par le bras de Vincent qui me presse contre lui et chasse le nuage noir de mes pensées.
— Toi, t'as envie de pop-corn, ça se voit à ta tête, assure-t-il, un sourire étiré jusqu'aux oreilles.
J'arque un sourcil, ne pouvant m'empêcher de pouffer.
— Tu es médium, maintenant ? Dis plutôt que c'est toi qui en as envie.
— Ne me sous-estime pas, Morelli. Je vois tout. Allez, quémande-t-il. Pense à ce goût sucré et à cette texture aérienne...
Je soupire, exaspéré de ne pas réussir à résister à la moue que forment ses lèvres.
— OK, c'est bon. Allons chercher tes pop-corn !
Vincent manifeste sa joie en venant brièvement embrasser ma tempe. Je rougis immédiatement, pris de surprise par son geste inattendu.
Bras dessus bras dessous, nous nous baguenaudons vers le stand de confiserie le plus proche. Autour de nous, le monde ne cesse de tourner à vive allure, mais le mien s'est arrêté à Vincent que j'admire pendant qu'il attend ses pop-corn.
— Rassure-moi, tu n'es pas du genre à manger des pop-corn salés ? me sonde-t-il.
Je réponds aussitôt, haussant les épaules par évidence :
— Bien sûr que si, les pop-corn salés, c'est ce qui se fait de mieux.
Il se tourne lentement vers moi, les yeux écarquillés d'horreur.
— Je plaisante, espèce d'abruti, le rassuré-je tout de suite.
Il témoigne d'une main sur son cœur.
— Ne refais plus jamais ça, Morelli. On ne plaisante pas avec le pop-corn.
— Choisis-le, avant que je ne change d'avis.
Nous nous installons sur un banc plus loin, reculé de l'agitation de la fête foraine. J'étire mes épaules en arrière dans le but de les décontracter, soucieux à l'idée que nous puissions aborder ce qu'il s'est passé après le stand de tir.
À la place, il me montre ses talents de lancer de pop-corn en l'air qu'il rattrape avec sa bouche. Ça a le don de me faire rire et j'applaudis sa performance.
— Et tu m'as caché ce talent durant tout ce temps ? Je suis un peu déçu, remarqué-je d'un ton espiègle.
Le coin de ses lèvres se soulève en un sourire que je devine timide, car ses yeux font de leur mieux pour m'éviter.
— Tu sais, Allan, il y a un tas d'autres choses que je sais faire avec ma bouche et dont tu ignores encore l'existence.
Je m'étouffe en avalant un pop-corn. Mon buste se courbe à cause des nombreux toussotements que cela me procure.
Vincent se lève immédiatement.
— Eh, Allan ! Ça va ?
Je tapote contre ma poitrine tandis qu'il frotte mon dos.
— Vas-y, respire tranquillement, m'indique-t-il en venant s'accroupir face à moi.
Je gonfle ma poitrine d'air, essuyant du revers de mes doigts les larmes dues à ma quinte de toux. Un sourire embarrassé se dessine sur mes lèvres. Mon visage doit sans doute être devenu rouge, mais cela ne résulte pas uniquement du fait que j'ai ingurgité un pop-corn de travers.
La honte !! Le timing ne pouvait pas être plus mauvais !
— Je vais bien, articulé-je difficilement. C'est passé dans le mauvais trou, comme on dit.
Il lâche un rire franc, tapant gentiment mon genou de la main lorsqu'il se redresse.
— T'inquiète pas, Morelli. Même les meilleurs ont des ratés.
Sans crier gare, il s'empare de mon poignet afin de m'inviter à le suivre.
— Viens, m'ordonne-t-il. On va faire un manège.
Mon ventre se noue.
— Mais je déteste les attractions !
— Fais-moi confiance, celle-là, tu vas l'aimer.
Avec hâte, il nous entraîne au centre de la fête foraine et s'arrête devant le palais des glaces.
Il ne pouvait pas faire pire choix.
Vincent entre le premier et m'encourage à emprunter le même chemin :
— Allez, rejoins-moi, ça va être sympa.
Je relâche un soupir protestataire, néanmoins, je m'exécute.
La première allée dans laquelle nous pénétrons est couverte de miroirs qui déforment notre reflet. Ça m'en donnerait presque le tournis. J'avance à pas douteux, me fiant à ceux de Vincent qui donnent l'air d'être plus confiants.
Durant une seconde, je détourne le regard vers la sortie qui se confond dans le décor. Rien qu'une seconde d'inattention qui me fait perdre mon compagnon de vue et louper un battement de cœur.
Il n'y a plus aucune trace ni aucun reflet de lui dans tous les miroirs. Ils ne me montrent que mon image éclairée par le plafond qui projette des néons bleus et violets. Je me mets aussitôt à sa recherche, tâtonnant avec maladresse les glaces à l'aveuglette. Ma respiration devient haletante, j'ai comme la sensation que les murs vont se rabattre sur moi quand, enfin, je trouve un couloir.
— Vincent, reviens ! crié-je la voix tremblante. Je ne me sens pas bien dans les endroits confinés.
Je crois l'entendre, mais je ne le vois toujours pas.
Tout en moi me supplie de sortir d'ici, mais ma détermination à retrouver Vincent est plus forte que mon anxiété qui s'étend par des fourmillements dans mes extrémités.
L'exercice est une torture, je suis incapable de me regarder dans autant de miroirs sans me mépriser davantage. Une fraction de moi s'est changée en un colossal monstre d'angoisse. Depuis, je peine à cohabiter avec moi-même, dans un équilibre précaire entre ombre et lumière.
— Vincent !
Sa voix me parvient enfin.
— N'aie pas peur, Allan. Tout va bien se passer.
Un soulagement envahit mon corps. Mes mains se mettent à toucher tous les miroirs qui m'encerclent avec hâte et trouvent un nouveau passage. J'espère avoir atteint mon but, mais je tombe nez à nez avec mon reflet.
Mon pouls s'agite, il pulse à vive allure dans mes veines. Je cède à la panique en me laissant envahir par la colère :
— Mais où tu es, putain ! Tu as intérêt à te montrer, Belvio ! Sinon...
— Sinon quoi ?
J'en ai le souffle coupé lorsque le portrait de Vincent est projeté de toutes parts de manière soudaine. Il reste droit, les mains dans les poches avant de son jean avec un petit rictus ornant ses lèvres.
Lequel est le vrai ?
J'effleure son image dans les miroirs, pensant entrer en contact avec la version originale de son être. Mes doigts remontent jusqu'à ses lèvres, comme dans un rêve dans lequel il m'est interdit de l'atteindre.
— On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible pour les yeux, me cite-t-il du Petit Prince. Regarde avec ton cœur, Allan.
J'ai un mouvement de recul.
— Je ne peux pas faire ça. Mon cœur est aveugle, à présent.
— Je croyais que l'aveugle avait retrouvé la vue ? énonce-t-il, citant maintenant la description de ma photo Instagram récemment supprimée.
Je serre les dents, troublé par ses connaissances sur moi.
— Où as-tu vu ça ?
— Je te l'ai dit, Allan. Je vois tout.
Même ce qu'il s'est passé avec Camille ? Tu m'as vu penser à toi pendant qu'il embrassait ma peau ?
Si je venais à enfin avoir le courage de le regarder avec autre chose que mes yeux, qui sait ce qu'il en ressortira ? Je tourne sur moi-même et détaille chaque reflet de Vincent.
J'écoute ma petite voix intérieure qui me fait avancer jusqu'à l'une de ses images, mon cœur frappant de plus en plus fort contre ma poitrine telle une boussole qui me guide.
Je ne peux me retenir lorsque je ne constate aucune vitre froide, mes mains se placent de part et d'autre de ses joues que je câline de mes pouces. Mes doigts s'éclipsent avec prudence dans sa nuque où mes phalanges découvrent ses cheveux rasés.
Pourquoi je me sens si bien auprès de lui ?
Je le dévore du regard et il en sourit.
Ses yeux dans les miens sont truffés d'artifices, et mon âme déborde de lumière. Là, dans ses bras qui viennent de me saisir, c'est comme si la vie venait de prendre tout son sens.
Je suis à la bonne place. Au bon endroit, au bon moment, dans la bonne époque, mais, surtout, dans la bonne étreinte.
— Tu m'as apprivoisé, chuchote-t-il. Tu es pour moi, unique au monde.
Je me sens flotter. Je peux sentir son souffle s'éparpiller sur ma bouche.
— Et tu es pour moi unique au monde, conclus-je, le cœur au bord des lèvres.
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