Chapitre 14 › L'effet coquillage
23 h 53 s'affiche au cadran de ma montre. Après une douche afin de me remettre de mes émotions, je me décide enfin à rejoindre mes colocataires, réunis au coin d'un feu. Je me fie à leurs rires en provenance de la plage. La fraîcheur du soir m'a obligé à enfiler un sweat. J'ai cependant gardé mon short de bain, plus confortable que mes autres vêtements.
Camille lève la main en me voyant arriver, s'exclamant d'une voix joviale :
— Hé, Allan ! Viens t'asseoir ici !
Je remarque Gabriel lui jeter un coup d'œil froid face à sa démarche, mais au moins, il me prouve son honnêteté de ce matin. Je contourne chaque individu afin de me rapprocher de lui et m'installe en tailleur à ses côtés. D'un timbre de voix plus bas, je salue l'assemblée par simple politesse. Certains me sourient et d'autres ne semblent même pas m'avoir vu débarquer. Au moins, personne n'a l'air de faire la gueule depuis mon arrivée, et c'est déjà un bon point.
Camille fouille dans la glacière derrière lui et propose :
— Tu veux boire quoi ? Une bière ?
— Elles sont aromatisées ?
Il vérifie brièvement.
— Yep, elles le sont. Mais y a autre chose, si tu veux !
— Une bière, ça ira très bien.
J'acquiesce avant de prendre un peu la température de ce qui se passe autour de moi.
Maxence gesticule dans tous les sens en expliquant l'une de ses mésaventures à Nicolas qui semble amusé. Solène et Jade, quant à elles, grillent des marshmallows au-dessus du feu et débattent sur les tendances actuelles en matière de mode. Gabriel, de son côté, se mêle à toutes les discussions, comme le maître des lieux. Tant qu'il ne fait pas attention à moi, ça me convient.
Mon regard se dirige maintenant vers Vincent, un peu plus à l'écart et face à moi. Il plonge ses yeux dans les miens sans battre d'un cil, comme s'il m'avait observé dans ma propre introspection. Il me scrute, le coin de sa bouche relevé d'un sourire. Je détourne alors le regard le plus loin possible de lui. Pour autant, je sens ses yeux m'analyser et le rouge me monte rapidement aux joues. Mes lèvres se pincent entre elles, je ne sais pas ce qu'il cherche à faire, mais ça a le pouvoir de me mettre mal à l'aise.
Heureusement pour moi, Camille me sort de mes étourdissements lorsqu'il me tend la bière qu'il a pris le soin de décapsuler.
Je lui offre un demi-sourire.
— Grazie.
Je trempe timidement mes lèvres sur le rebord de la bouteille. Je grimace à cause du pétillant m'agressant la gorge et la langue.
J'évite de trop regarder Vincent, assis dans le sable aux côtés de Roxanne. Elle s'accroche à lui comme une moule à son rocher. Sa main se balade le long de son avant-bras et je me demande s'il frissonne à ses gestes. Elle essaie de le séduire, de l'amadouer, mais elle est encore dans le doute. Elle se trahit au nombre de fois où je la vois rentrer son ventre pour paraître plus mince. Du rouge orne ses lèvres et ses ongles sont inhabituellement vernis. Sous cette peinture se cache le visage de Roxanne. Pourtant, je n'ai jamais eu autant de mal à la reconnaître.
Ils ont l'air d'être tous passés à autre chose depuis que Jade m'a publiquement humilié. Néanmoins, je reste sur mes gardes. Mon cœur bondit au moment où cette dernière me montre l'écran de son téléphone pour que je puisse décider de la plus belle tenue qu'elle se dispute avec Solène.
— Allan, regarde. On est d'accord que la jupe longue, c'est plus classe que la jupe patineuse ?
— Tu racontes n'importe quoi ! s'injure Solène. La jupe longue, ça fait beaucoup trop stricte. Et en plus, ça tasse.
Je n'y connais rien en mode actuelle, même en mode tout court. J'observe timidement l'écran un bref instant pour n'offrir qu'un haussement d'épaules en pointant une tenue au pif. Puis elles retournent dans leur discussion afin de débattre sur le choix que je viens de faire. Mes interactions sociales ne font que me démontrer que je ne fais pas partie de cette génération. On me propose de fumer de l'herbe, mais je refuse tout de suite en acceptant plutôt une cigarette.
Il doit y avoir une erreur à propos de ma naissance, un bug dans le logiciel de l'univers, ou un truc dans le genre.
C'est la seule explication possible.
Maxence nous raconte ses délires sans queue ni tête. Il porte encore sa casquette et ne sait toujours pas aligner une phrase sans ses tics de langage. Je l'écoute déblatérer en diminuant ma bière. Ma gorge me gratte à cause de toute la fumée que j'inhale et dont je n'ai pas l'habitude. Parfois, je tousse contre la manche de mon sweat ou lorsque je suis au bord du fou rire.
Je détourne furtivement les yeux en direction de Vincent. Il est occupé à dévorer une guimauve grillée que Roxanne lui apporte aux lèvres. Elle lève ses doigts à sa bouche pour se débarrasser des restes du bonbon collé, mais pour moi, c'est comme si je venais de les surprendre en train de s'embrasser.
— Camille, donne-moi une autre bière, s'il te plaît, demandé-je aussitôt.
Bière qui se retrouve rapidement à moitié vide.
J'occupe mon attention en écoutant les footballeurs et le fumeur qui relatent de bons souvenirs de leurs soirées passées et fortement animées. Camille insiste pour être le narrateur de quasiment toutes les histoires et je l'écoute avec intérêt. J'ai l'impression de l'entendre faire défiler les photos de son profil Instagram, sauf qu'à présent, je les vis avec eux comme s'ils revivaient le moment, et ça me fait prendre du bon temps. Un temps dont j'ai besoin.
Mes doigts empestent le tabac. Je reprends une cigarette entre mes lèvres asséchées par l'agressivité des résidus d'alcool que j'ai pu consommer. Le blondinet se précipite pour sortir un briquet de sa poche et fait apparaître sous mes yeux la flamme qu'il protège d'une main.
Je marmonne un remerciement et amène le bout de ma clope jusqu'au feu.
Maxence, qui contrairement à nous est debout – et empeste le cannabis – , vient tapoter l'épaule de Camille avec malice et s'exprime de sa voix grave et enrouée :
— Ahlala, mec ! Chez-moi, tu sais ce qu'on dit quand quelqu'un allume la cigarette d'un autre mec ?
Le blond se retourne, un sourcil arqué, tandis que je me tends en m'attendant au pire.
— Non, quoi ? rétorque le blond.
— Qui allume encule !
Je manque de périr, étouffé par la fumée que j'étais en train d'inhaler, toussant plus franchement alors que tous se mettent à rire. Camille donne un coup de poing dans la jambe de Maxence. Un brin penaud, le blond essaie de faire passer ça comme une lettre à la poste en déviant le sujet. Mais, cette fois-ci, je ne vais pas me laisser abattre. Je ne vais pas me renfermer dans ma coquille et me mettre en colère après la crise que j'ai faite ce soir. Je vais être courageux – sans doute un peu grâce à l'alcool.
L'avant de mon corps se retourne vers Maxence et, à mon tour, esquissant un sourire et priant que personne ne puisse remarquer que je tremble d'appréhension, je réponds à sa petite blague :
— Tu sais ce qu'on dit chez moi, Maxence ?
Je marque une pause et remarque à cet instant que tous ont les yeux rivés sur moi et sont suspendus à mes lèvres. Impossible de faire marche arrière sans avoir l'air ridicule, maintenant.
Des bouffées de chaleur me traversent. Je me décide d'aller jusqu'au bout, tant pis pour les moqueries :
— Qui allume encule, mais qui le dit subit.
J'ai le réflexe de vouter mes épaules au premier éclat de rire qui devient communicatif. Maxence lui-même en rit et me tapote l'épaule, amusé plutôt que vexé.
— OK, mec, je renonce ! capitule-t-il, les mains en l'air. Tu m'as bien eu.
Il me tend sa bière et nous trinquons.
Même Gabriel a souri. Je ne sais pas ce qui a changé, si ce sont eux ou si c'est moi. Peut-être que le rapprochement de Vincent et Roxanne a finalement été un mal pour un bien et m'a poussé à sortir tisser de nouveaux liens.
Je termine de boire ma deuxième bouteille quand je surprends Vincent qui me scrute. Il baisse son attention afin d'attirer mon regard vers sa main, à plat contre le sol de la plage, et observe ses doigts qui s'enfoncent avec lenteur dans le sable qui s'y prête. Je suis comme hypnotisé par ses gestes. J'avale difficilement ma salive en relevant un court instant mes yeux vitreux vers les siens avant de revenir à sa main presque enfouie.
J'assimile rapidement qu'il est en train de jouer à L'aveugle. Le nom de son stupide jeu n'a jamais été aussi clair qu'à présent.
Une sensation étrange se produit dans mon ventre, comme une sorte de papillonnement intense. Pourtant, je ne vois pas où il veut en venir, jusqu'à ce qu'il déterre le coquillage blanc qu'il avait trouvé sur la deuxième plage lors de l'une de nos premières balades en tête-à-tête. Un frisson s'empare de moi en le voyant apparaître dans sa main. Ma gorge semble plus étroite lorsqu'il tournoie le coquillage entre ses doigts, avant de finalement le glisser dans la poche du short qu'il porte.
Nous relevons les yeux en même temps, mais je détourne illico le regard.
Je suis troublé. Je commençais à me faire à l'idée que Vincent pourrait m'oublier le temps d'une journée, ou bien de plusieurs jours. Mais maintenant, il me fait entrevoir qu'il a gardé ce coquillage sur lui pour peut-être combler un certain manque créé par mes absences.
Je n'arrive plus à suivre aucune conversation. Même les gestes tactiles de Camille dans mon dos et au niveau de mes épaules ne me font pas revenir à la réalité. Je le sens me toucher, mais je ne suis pas là. Je suis hors de mon corps.
Il est temps de me retirer.
— Je vais aller me coucher, je suis épuisé.
Camille se redresse immédiatement après moi sous les yeux de Gabriel qui nous analyse avec orgueil. Je l'imagine bouillonner de colère de constater que, contrairement à lui, ses amis réussissent à m'apprécier.
— J'te raccompagne, faut qu'je reprenne des bières, annonce le blondinet.
— OK, allons-y.
De toute manière, je commence à m'habituer à sa présence.
Nous rebroussons chemin à pas lents vers le chalet. Un peu éméchés, nous débattons sur la soirée que nous venons de passer ensemble. Camille parle sans arrêt, mais ce n'est pas désagréable pour un introverti tel que moi.
— T'as passé une bonne soirée, alors ? s'enquiert-il.
— Oui, c'était sympa. Sans regrets !
Nous avons un faible rire, puis je conclus timidement :
— Merci de m'avoir proposé de vous rejoindre.
Mes mots le contaminent d'un sourire jusqu'aux oreilles.
Finalement, je l'apprécie, cette pipelette.
Un soupir quelque peu soucieux s'échappe de mes lèvres lorsque nous pénétrons dans la cuisine où je m'arrête pour y boire un verre d'eau.
— Tu vas vraiment dormir ? me questionne t-il, tandis qu'il s'approvisionne en bières.
Mon visage se tourne vers l'horloge suspendue au mur, affirmant que nous frôlons bientôt les 2 h du matin. Je glisse une main dans ma nuque alors que je m'appuie contre un meuble de la cuisine.
— Pas vraiment. Je suis dans une période insomniaque.
— Oh. Ça doit être chiant, déduit-il. Tu dois t'ennuyer tout seul.
Il me décroche un petit rictus.
— Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude. Je vais lire et finir par m'endormir.
Il a l'air embêté.
Une moue tracassée se dessine sur ses lèvres avant qu'il ne remette les bières qu'il a prises là où il les a trouvées.
— J'sais qu'on se connaît à peine, mais..., hésite-t-il un bref instant. Je peux rester avec toi ?
Mes yeux s'arrondissent de surprise.
— Rester avec moi ? répété-je comme pour être sûr d'avoir compris. Que fais-tu des autres et de la fête ?
Camille fend l'air d'une main lasse.
— Y'en aura d'autres ! De toute façon, j'ai un p'tit mal de crâne.
J'hésite. D'un point de vue pratique, le fait de rester à discuter avec Camille m'empêchera de repenser à Vincent et son foutu coquillage.
Mon corps se redresse du plan de travail avant d'emboîter le pas en direction de ma chambre.
— OK, pourquoi pas ! Tu ne viendras pas te plaindre si tu t'ennuies.
Ça le fait rire et, de mon côté, je souris de plus belle.
Assis côte à côte sur l'herbe du jardin en face de la terrasse de ma chambre, nous contemplons le ciel étoilé, chacun avec un regard bien différent. Il trouve ça effrayant tandis que je trouve ça rassurant. S'ensuit un débat sur la vie extraterrestre qui, selon moi, n'a aucun sens dans la façon dont il la décrit.
— Crois-moi, Allan ! Je suis sûr qu'un jour, les extraterrestres viendront foutre l'bordel sur notre planète. Tous les films le disent ! Et d'ailleurs, ils sont déjà venus.
Je suis outré par ce que j'entends.
J'exagère les expressions de mon visage avant d'éclater de rire, alors qu'il garde un air sérieux, persuadé de ce qu'il rapporte.
— Mais qu'est-ce que tu racontes, là ? Quand seraient-ils venus, d'après toi ?
Il attire sa lèvre inférieure entre ses dents avant de bien se redresser, prêt à me vendre ce qu'il compte me dire :
— OK. Genre, les pyramides et la technologie.
— Quelle technologie ?
— Je sais pas. Les téléphones, par exemple ! T'as jamais vu des photos qui date de deux cents ans avec des gens qui ont un portable à la main ?
— J'ai jamais vu ça, avoué-je. Il faut t'enlever Internet, tu le sais ?
— Bref ! s'agace-t-il. Tu crois vraiment qu'on a fait ça tout seul ? C'est sûr que c'est extraterrestre.
Un rire franc m'échappe au point où je m'en tiens le ventre. Les yeux du blondinet brillent, animés par les convictions qu'il a sur l'espace.
— Pour être honnête, Camille, je ne sais pas si je t'admire ou si, au contraire, tu m'inquiètes.
— Tu verras, quand ils viendront ! s'exclame-t-il en me pointant du doigt. Tu viendras pas pleurer pour que j'te protège des Martiens.
Je pouffe, puis lui présente mon opinion.
— Pour moi, il existe une ou plusieurs dimensions où nous existons sous d'autres formes.
— Comme dans les films Marvel ?
Sa référence me provoque un rictus. L'avant de mon corps se penche en arrière, maintenu par l'appui de mes mains dans mon dos.
— Disons que je pense que c'est le genre d'univers dans lequel un petit morceau de notre âme vit, et que le tout n'est qu'un puzzle à reconstituer. Un ensemble.
Il s'allume une cigarette et m'en tend une que je refuse.
— Maintenant c'est clair, t'es complètement perché, mon pauvre ami, taquine-t-il.
Je roule des yeux, faussement ennuyé par sa remarque.
Nous partageons un moment d'apaisement et de silence quand le visage de Camille se tourne en direction du mien. Tout son corps me donne l'impression de dévier vers moi, mais je ne daigne pas bouger de ma position, bien que sa façon d'être me mette en alerte et me crispe.
Sans que je m'y attende, il questionne :
— Du coup, tu crois qu'il s'passe quoi après la mort ?
D'accord, donc on bifurque vers les conversations glauques.
— Je n'y ai pas franchement réfléchi. Et toi ? Si tu me poses cette question, c'est que tu dois avoir une idée.
— Je sais pas, ça me fait un truc chelou quand j'y pense. C'est un truc inévitable, imprévisible et ça m'semble tellement absurde.
Une moue se forme sur ma bouche. Je ne suis pas à l'aise avec le sujet et tente donc le conclure rapidement :
— Mmh. Oui, c'est étrange. Dans tous les cas, autant vivre sans se poser de questions.
Dixit le garçon qui donne des conseils qu'il ne sait même pas appliquer sur lui-même.
Ma réponse a l'air de laisser mon ami sur sa faim.
— Tu ferais quoi si t'avais la possibilité de t'poser aucune question ?
Je n'aurais aucune angoisse. Je pourrais enfin être comme les autres, être normal. Je pourrais aller aux fêtes, me faire de nouveaux amis, nager dans l'océan... Je pourrais enfin profiter de ma vie, au lieu de l'éviter.
Il a mis le doigt là où ça fait mal. Un éclat de tristesse se manifeste dans ma voix.
— Rien de spécial.
— Allez, Allan ! insiste-t-il. Il y a forcément une chose qui sort du lot.
Je hausse les épaules.
— Fais-le, toi, si tu es si malin que ça ! Dis-moi ce que tu ferais.
Comme s'il avait attendu que je lui retourne la question, Camille se rapproche subitement de moi. Sa voix blanche me semble plus proche que je n'ai jamais pu l'entendre lorsqu'il me murmure à mon oreille :
— Moi, je céderais à toutes mes envies.
Je n'ai pas le temps d'objecter que la bouche du garçon entre en contact avec l'épiderme de mon cou. Mes paupières se ferment d'elles-mêmes alors qu'un frisson inconnu me traverse l'échine. Je suis dans l'incapacité de bouger, submergé et perturbé d'apprécier son souffle brûlant qui rend ma peau granuleuse.
L'atmosphère prend une tournure des plus troublantes. Les muscles de mes cuisses, mais aussi mon thorax, se raidissent sous la petite morsure qu'il m'inflige. Ma petite voix intérieure m'ordonne de fuir. Mais il m'est impossible de le repousser quand il torture ma peau de la sorte.
Camille reprend la route de ses baisers jusqu'à ma gorge en imposant une main sur mon genou. Mon corps recule aussitôt, retirant sa prise d'un mouvement brusque.
— Arrête, dis-je à voix basse.
Il retente de poser une main sur moi, mais je m'écarte à nouveau. Un geste qu'il ne comprend visiblement pas.
— J'croyais qu'on devait pas s'poser d'question ?
— C'est une erreur, ça n'aurait jamais dû déraper comme ça. Je n'ai jamais fait ce genre de chose, Camille.
— Quoi ? T'as jamais eu de bails avec un mec ?
Je n'ai jamais eu ce genre d'intimité avec personne.
Je suis prêt à tout arrêter quand il pose ses doigts contre ma joue et m'incite à rebrousser chemin jusqu'à lui.
— T'inquiète pas, laisse-moi faire.
Sans plus attendre, Camille a l'audace de saisir le lobe de mon oreille avec sa bouche et de le croquer à son tour, affolant mon cœur qui bat désormais outre mesure. Je découvre pour la toute première fois la bouche d'un homme se repaître de mon enveloppe charnelle. Mon corps est tiraillé entre ces nouveaux plaisirs que je découvre et mon anxiété qui obligent mes mains à retenir celles du blond, juste pour m'assurer qu'il n'aille pas trop loin.
Je sens alors son sourire contre ma peau, il se délecte du désir effréné qu'il fait naître en moi. Mon visage se penche délicatement sur le côté, mes lèvres sont tiraillées par les morsures de mes dents avisées. La température de mon corps devient défaillante au moment où la salive de Camille longe la longueur de mon cou du bout de sa langue.
J'exhale un soupir plus explicite.
J'ai toujours pensé qu'on ne peut pas se connaître sans faire des expériences, et bien que mon aventurier me tourmente de diverses façons, je ne ressens pas la chaleur me brûler les reins. Je suis presque frustré de ne pas avoir autant de désir qu'il n'en a, à en juger par la bosse entre ses jambes qui étire son bermuda. Je lui offre ma mâchoire et ma nuque, à la recherche d'un éventuel besoin de son corps. Je tente de ressentir quelque chose qui me rendrait plus vivant que je ne l'ai jamais été, d'attaquer mes angoisses à la racine pour enfin m'en débarrasser.
Je suis un peu plus terrifié à chaque fois qu'il embrasse ma peau. C'est un combat intérieur que je mène entre mon esprit qui me persécute et mon corps qui se découvre.
Je me surprends à l'imaginer déposer ses lèvres contre les miennes, un pas qu'il n'a pas encore franchi, car je l'en empêche. Toutefois, il pourrait les embrasser d'abord timidement, puis avec plus d'entrain, et aussi m'inviter à rejoindre son muscle buccal pour mélanger nos salives. Je dessine ce schéma dans mon esprit alors qu'il dévore mon cou avec envie. J'imagine sa bouche se rapprocher dangereusement de la mienne, pour enfin atteindre son but.
L'image est parfaite.
À l'exception que ce sont les lèvres pulpeuses de Vincent qui se dessinent sous mes yeux contre mon gré. Une chaleur insoutenable s'empare subitement de mon corps, trop fébrile pour supporter un poids aussi lourd que ma respiration en bataille dans mon thorax. C'est son visage qui apparaît dans mon esprit sous les morsures plus prononcées du blond qui me pince la peau.
Je tremble de toutes parts.
L'entièreté du corps de Vincent se concrétise dans ma tête. Je le connais par cœur, ses grains de beauté en forme de triangle, la pilosité de ses jambes mouillées, son pouce légèrement corné par les couteaux.
Merde, j'ai la gaule.
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