"t'es un mec drôle toi"
C'est ce que tu m'as soufflé un soir,
Tirant la braise qui te ruinait les poumons de tes lèvres froncées en une moue adorable,
Penchant à peine la tête sur le côté comme pour te mettre à mon niveau,
Tes yeux à peine brouillés par tes mèches de feu, et leurs pupilles pleines d'étoiles artificielles que tu inspirais désespérément pour te tirer de ce monde cruel et gris
Je te baignais dans mon regard à la fois respectueux et admiratif,
Mêlant ta silhouette à celle des idoles tant vantées,
Gravant dans ma mémoire ta pose, ton coude posé sur ton genou tandis que tu maintenais ce tube de cendre d'où tu prenais quelques bouffées entre tes doigts fins et tremblants, un de tes pieds pendants pour se séparer de l'autre que tu posais devant toi, avec un air d'irrespect conquérant, un bras poussant contre ton séant pour te soutenir, tout jusqu'à cette manière qu'avait tes cheveux de tomber et revenir derrière tes oreilles d'où pendaient deux anneaux diaphanes à l'éclat solaire est resté comme vrillé dans mon esprit
Tu me parlais à grands gestes de nébuleuses, d'éléphants et de tours à demi effondrées,
Semant quelques grains de cendre vile alors que tu me désignais de ton index fiévreux et impatient les constellations qui clairsemaient la voûte céleste
La nuit encore jeune se penchait sur nous pour surprendre ce que tu me racontais,
Tes contes de chanteurs et de monstres, de villes et de magie,
Et tes murmures rendus graves par la fumée que tu ingérais sans cesse, faisant rougeoyer de plus belle ce serpent qui t'engluait les poumons,
Me faisait presque voir dans les volutes de la mort que tu aspirais avec un soulagement visible ces légendes que tu me narrais
Où es-tu passée ?
Qu'est devenue l'innocence de tes pas légers et nus, presque inexistants, sur les tuiles des toits et le sable des plages, sur les capots de voitures et les herbes sauvages, sur les murmures des gens et la foule sans visage ?
Où as-tu mis tes étoiles et tes dieux, tes rêves et tes discours graves et vibrants de joie et d'une certitude palpable, tes mèches de feu et tes yeux d'océan qui s'entremêlaient dans ton corps vaporeux et pâle, tellement fin et léger qu'on le croirait prêt à disparaître en un nuage gracile ?
As-tu laissé le serpent qui te rongeait par les veines et les poumons, le souffle et le sang, le coeur et tes lèvres entrouvertes pour laisser sortir son sifflement sinistre t'étreindre jusqu'au coeur, cramponnant ses battements aimants pour les léthargiser de ses écailles grises et brûlées ?
Quel était ton nom ? Il se dissipe dans mon esprit, comme une buée sur une vitre qu'on efface d'un geste du poignet, une trace d'encre qu'on frotte pour en débarrasser notre peau, un paquebot de sucre qui fond dans l'iceberg brûlant de l'oubli
La coque se craquèle et coule tandis que le véhicule déjà mort pique sous les vagues sombres
Pourtant je te vois encore, assise sur la tête d'une voiture endormie, la tête levée vers les étoiles,
Ces étoiles qui étaient tiennes
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