« Tu me dois un poème,
Je te dois un écrit »
Cet écrit, il est spécial, différent de tout ce que j'ai pu produire jusqu'ici.
Pourquoi ? Parce qu'il est dédié à la toute première personne dans ma vie personnelle (que je n'ai pas rencontrée grâce à Wattpad ou Bookstagram) à qui j'ai osé confier que j'écrivais. Ça ne semble pas grand-chose, mais cette passion, irrationnellement, j'en ai eu honte. À un tel point que j'en ai fait l'un de mes deux secrets les mieux gardés.
Cet ami - qui compose également à temps perdu, mais seulement en anglais et en vers - et moi, on s'est mis à parier des textes. Jusqu'ici, on a gagné et perdu chacun une fois, alors il me doit un poème et je lui devais un écrit. C'est la raison d'être de You Owe Me a Poem, I Owe You a Writing.
Je m'inspire souvent de gens qui m'entourent ou que je rencontre pour créer, mais c'était la
première fois que j'écrivais explicitement sur quelqu'un de réel... et certainement pas la dernière (même si je voulais disparaître de la surface de la terre quand ça a été lu).
Je tiens à préciser que j'ai couché mes idées sur le papier au sens propre : j'ai rédigé ce pavé directement au crayon sur un carnet, que j'ai pris en photo pour conserver une trace du résultat. Ce que vous vous apprêtez à lire, c'est une retranscription manuelle non retravaillée.
Vous ne comprendrez assurément pas tout : certains détails de ce texte ne peuvent être saisis que par son destinataire et moi. J'ai une plume concise dans le sens où chacun de mes mots est choisi pour une raison précise.
Malgré tout, j'espère que vous apprécierez votre survol... 🌌
Mon écriture, c'est le pari que j'ai perdu. Tu m'as dit que je te devais un poème, mais je ne suis pas poète, alors à défaut de pouvoir accorder des syllabes et des rimes en vers, je trace des lignes continues de mots. Le rythme de ce manuscrit est dissonant et les lexèmes se succèdent dans un ordre désordonné. Ils sont placés sous forme de paragraphes plutôt que de strophes ; il s'agit du fil décousu de mes pensées mis sur le papier d'un carnet plutôt qu'une œuvre en alexandrins écrite, effacée et retapée sur les touches de mon clavier.
Avec une certaine probabilité, je rédigerai un autre texte plus tard sur mon ordinateur. Il y a de bonnes chances que je te fasse lire quelque chose de moins brut, moins maladroit, moins authentique. Ce sera un écrit large et hasardeux, que j'oserais distribuer à n'importe qui sans crainte que son message ne soit discarté.
Il parlera de la vie, je crois, en la comparant à un jeu de société à grande échelle où les gagnants sont ceux qui parviennent à vivre et où les perdants se contentent d'exister jusqu'à ce que le sablier soit vide. Où l'on doit inévitablement affronter une série d'épreuves, même lorsqu'une combinaison d'éléments en place nous prédispose à une bonne fortune. Où souvent, l'adversaire le plus redoutable, c'est nous, c'est le meneur lui-même. Parce qu'on n'a qu'une seule main à jouer, et qu'une erreur de stratégie peut être décisive sur un plateau aussi aléatoire. Il portera sur les dés qu'on aimerait parfois rebrasser, sur les moments où on parvient à se sauver la mise et sur les fois où on n'a d'autre solution que d'abandonner une partie. Il traitera de tout, à vrai dire, sauf de mon cœur, des piques qui l'ont atteint et des trèfles à quatre feuilles qu'il a eu le bonheur de cueillir. Même si je me tiens à carreau, même si je n'ai jamais su tricher et même si je respecte les règles imposées à la lettre, j'avoue que j'ai encore du mal à mettre cartes sur table. Le château s'est effondré plus d'une fois. J'en ai vu de toutes les couleurs et le noir polaire de mes iris, c'est la meilleure frime que j'ai trouvée pour dissimuler le rouge qui s'écoule parfois encore. Quand il est question de moi, je suis silencieuse et dépourvue de réponses, à l'instar d'une énigme à résoudre. Tu n'avais pas tort lorsque tu as dit que j'étais difficile à déchiffrer. Même si j'ai le sentiment que tu me perces à jour et lis en moi beaucoup trop facilement.
C'est maintenant le moment de vérité où je me lance, où je m'acquitte de ma dette.
D'après le gage, mon écriture devait parler de toi.
Je dirais que tu es l'un des deux jokers au milieu de cinquante-deux autres nombres et figures que l'on connait. Tu n'entres dans aucune des quatre familles de treize, et le joueur peut t'attribuer la valeur qu'il souhaite selon la partie dans laquelle il choisit de se lancer.
Tu es particulier. Tu es assurément le premier joueur que je rencontre qui a eu quatre chevaux en même temps sur son terrain, qui manifeste un dédain frappant face aux chiens, et qui présente une fascination inexpliquée pour les huards. Qui rit de moi à cause d'un coq pris pour une poule, qui devine qu'un œuf a deux jaunes et qui ridiculise un pauvre canard blanc du nom de Donald. Qui fait pousser des arbres phyllogénétiques avec les épingles à linge de sa mère, qui admire l'éclat des jonquilles et qui esquisse un ours et une patate métaphoriques avec mes crayons de graphite. Qui invente un alphabet pour créer une langue de symboles, qui élabore une formule de physique qui fonctionne (ou pas, le mystère reste entier) et qui prend la plume pour transformer ses notes en recueil de poésie. Qui dresse des listes sans fin, qui mesure pour un quart de pouce et qui fait des tours de magie pour épater une galerie composée d'une seule observatrice. Qui remarque les sons incessants d'une ville pas si grande, le silence total des oiseaux et l'absence partielle d'étoiles dans le ciel à la nuit tombée. Dont l'anniversaire se trouve pile sur une case du calendrier que je ne peux pas oublier, parce que cette date-là il y a bientôt sept ans, ce que j'ai de plus stable depuis a commencé.
Paradoxalement, tu es également générique, dans un sens : tu sembles capable de représenter plusieurs brèmes. Celle d'un as au combat paré d'argent, celle d'un illusionniste en herbe hors pair, celle d'un fort en thème, celle d'un créateur de pièces maîtresses, celle d'un fêtard, celle d'un valet de ferme, celle d'un jeune loup.
Ton naturel semble fleurir dans n'importe quelles conditions, que ça soit au milieu d'une piste de danse avec tes lunettes de soleil à vingt-deux heures ou au milieu de nulle part, au fond d'une petite campagne, là où le reflet de la pleine lune éclaire l'eau d'un marais.
Sur une rue, une allée, une avenue, un boulevard, une autoroute ou un rang, tu trouves ta voie.
Tu peux promettre de mettre le pied à l'étrier dans un sentier en forêt comme sur une planche à neige dans une descente à la montagne.
Tu fais aussi le bouffon, souvent – j'ai pu l'entrevoir dès la tournée des bars -, et j'admets être un assez bon public pour ce spectacle un peu fou.
Tu prends le destin pour une aventure et avances sans plan pour la suite du chemin à parcourir, comme j'essaie de le faire en dépit de mon talon d'Achille qui me met des bâtons dans les roues. Je vais à l'encontre de ma perspective scientifique : je ne m'interroge pas, je ne calcule rien, je n'évalue aucune probabilité et je ne formule ni théories ni hypothèses. Au contraire, je tente d'être un brin plus artistique : de peindre le temps pour y ajouter des détails, d'apprécier le beau – tel que le violet des champs de lavande - lorsqu'il est sous mes yeux et de changer de regard.
Ça me fait oublier plusieurs choses, même la bataille que je livre.
J'aime ça, parce que tu as raison au fond : it's enough to be good.
Ma course effrenée aux scores a failli me faire craquer trop de fois, et c'est un prix que je ne suis plus prête à payer pour des pourcentages. J'apprends à ralentir, à saisir l'occasion de croquer dans la vie à pleines dents comme dans un fruit défendu. Jusqu'ici, elle a un goût parfois salé comme du maïs soufflé, amer comme la lime, acide comme un citron ou âpre comme ton daiquiri manqué. Toutefois, les saveurs douces et sucrées comme celles du chocolat, des fraises et des pastèques finissent toujours par reprendre le dessus.
Je ne tire pas le tarot pour prédire de quoi l'avenir est fait. Pas plus que je ne consulte l'horoscope : je n'ai jamais cru en l'astrologie et en ses signes.
Peut-être qu'au terme de cette partie de poker, je retournerai ma veste et j'aurai l'impression qu'on m'a damé le pion. Malgré tout, malgré cette éventualité d'échec au roi, je continue de taquiner la dame de pique et je montre mon jeu, sans omettre les deux cartes que j'ai tout fait pour cacher par le passé. J'ai plongé et, désormais, je me contente de suivre le courant de longues discussions nocturnes. J'ai à présent confiance qu'il m'emportera jusqu'à un rivage, quel qu'il soit, où l'hiver se termine et où le printemps s'amorce.
PS : même si je n'ai pas ton niveau en anglais, le français, les anacoluthes et les oxymores ont peu de secrets pour moi. Tu peux me le dire si, avec mes locutions et expressions, mon écriture prend la forme d'un logogriphe.
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© 2024 MAHNZA
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