Deux poussières d'étoiles
Extrait qui sera inclus dans mon roman On a Two-Way Street, à paraître sur Wattpad.
Thème : Ciel étoilé.
Mots : 5000 maximum.
" Two alone in the dark may you be
Starry eyes
The sparks will fall on me
Starry eyes "
— Cigarettes After Sex
" Everything atom in your body came from a star that exploded.
And the atoms in your left hand probably came from a different star than your right hand.
It is really the most poetic thing I know about physics :
You are all stardust. "
— Lawrence Krauss
Nous étions enlacés sur un banc de parc, à observer des astres que nous ne pouvions voir. La nuit était tombée, mais les étoiles ne brillaient plus sur New York depuis longtemps déjà. Elles semblaient s'être éteintes à tout jamais, laissant l'une des plus grandes métropoles de ce monde dans l'obscurité.
La ville qui ne dort jamais, envahie par la pollution lumineuse qui émanait des édifices, s'était elle-même privée de sa vue sur la Voie lactée.
Ceux qui logeaient dans les hauts gratte-ciels n'y attachaient aucune importance.
Mais, pour les trop nombreuses personnes qui n'avaient pas cette chance et qui erraient jour et nuit sous les constellations, c'était une désillusion de plus dans ce système tout sauf solaire.
Parce qu'en plus d'être devenues invisibles, telles des âmes errantes qui hantaient les rues, elles s'étaient vues retirer l'espoir de rêver d'une vie meilleure. Même les étoiles filantes, effacées de l'atmosphère, ne pouvaient plus passer sur leur chemin pour entendre leurs vœux, leur désir criant de s'en sortir. Le monde, qui semblait les avoir oubliées, continuait de tourner à une vitesse folle en ignorant leur appel à l'aide.
Stuart appartenait à cette catégorie d'entités, laissées en marge de la société.
Malgré tout, je le voyais.
Je crois qu'au fond, je le comprenais. Pas totalement, mais autant que c'était possible.
Moi aussi, j'étais un électron libre : j'orbitais tant bien que mal autour de la masse, sans jamais réellement en faire partie. J'étais à l'écart comme lui, mais pour différentes raisons.
C'était mon esprit, qui s'étendait au-delà des galaxies, qui me gardait malgré moi à distance. En perpétuelle explosion, il apercevait ce qui était inobservable pour les autres. Peut-être même était-ce lui qui m'avait permis de discerner Stuart dans l'obscurité des rues. Il me permettait d'aller loin et peut-être qu'un jour, il me mènerait là où les perspectives sont infinies.
Mais pour l'instant, cette haute potentialité me décalait dans l'espace et dans le temps. Elle m'espaçait de là où je me trouvais et de ceux qui m'entouraient. Pourtant, auprès de Stuart, j'avais l'impression d'enfin repérer un noyau auquel me rattacher dans l'immensité. Malgré les ténèbres dans lesquelles il s'était abîmé, il continuait de scintiller.
Quand mes prunelles se posaient sur lui, un halo l'entourait soudain. La lueur de ses iris vert pétrole m'attirait, dans une toute nouvelle démonstration de la loi d'attraction.
Dès l'instant où mon regard s'était arrêté sur lui dans cette venelle sombre, lors de cette soirée pluvieuse d'automne, j'avais su. J'avais su que mon monde allait graviter autour du sien, comme la lune autour de la terre. J'avais entrevu son cœur grand comme l'univers, malgré le poids qui le comprimait.
— J'aimerais tellement les compter de nouveau...
La voix de celui qui m'entourait de ses bras résonna comme un écho dans le silence de la nuit. Je savais qu'il parlait ces corps cosmiques, masqués derrière le brouillard de la grosse pomme. Mon regard rivé sur la voûte céleste a bifurqué vers lui, alors que ses doigts continuaient de jouer avec mes cheveux.
— Tu le feras, un jour. J'en suis certaine. Les étoiles ne sont pas aussi loin que tu peux le penser...
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire franc, qui valait pour moi plus que toutes les nébuleuses que le Big Bang avait bien pu engendrer.
— Et qu'est-ce que la grande scientifique Jester a à me partager sur le sujet ? rit-il doucement en entremêlant l'une de mes mèches à son index.
Venant de quelqu'un d'autre, j'aurais pu le prendre comme une moquerie : c'était récurrent. Mais je savais que la question de Stuart était sincère. Pour une raison que j'ignorais, il semblait se plaire à écouter les réflexions loufoques d'une savante folle.
— Je n'ai rien à dire là-dessus, à vrai dire, gloussé-je.
— Allez, je suis sûr que tu peux trouver quelque chose à m'apprendre, insista-t-il.
Un flottement s'installa, pendant que je cherchais dans ma mémoire une primeur astronomique à lui transmettre. Puis, une lumière jaillit dans mon esprit :
— Tu savais qu'à part l'hydrogène, les atomes de nos corps... Le carbone, l'oxygène, le calcium, le fer, tous ces éléments... Ils proviennent d'étoiles qui ont explosé ?
Comme réponse, je sentis sa mâchoire remuer de gauche à droite derrière mon crâne. je poursuivis mon rapport concernant cette découverte :
— Alors... On ne peut peut-être pas compter les astres par-dessus New York, mais... D'une certaine façon, on peut au moins dire qu'ici, on est deux poussières d'étoiles.
— C'est magnifique, ce que tu dis, souffla-t-il.
Je me sentis rougir. Nos mains s'entrelacèrent en silence. Les yeux de Stuart resplendissaient d'un éclat différent. Et lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes, je me sentis décoller. En une fraction de seconde, j'eus le sentiment de quitter le sol.
À cet instant, j'étais à des années-lumière de ce banc de parc, de ces tours aux étages multiples et de Gotham.
Mon esprit vagabondant défiait la gravité, pour retrouver ce ciel étoilé qui désertait la ville debout.
Il se trouvait dans un état d'apesanteur duquel il n'aurait jamais voulu sortir.
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© 2023 MAHNZA
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