Sur cette page, ma plume parle de confidences dans une voiture.

" Let's waste time
Chasing cars
Around our heads "
— Snow Patrol

L'heure était avancée, et tu l'étais toi aussi. Il était près de quatre heures du matin. Il ne restait plus que deux personnes dans l'appartement qui était bondé d'étudiants plus tôt dans la soirée.

Nous, on était seuls dans ma voiture stationnée un peu plus loin. Mes phares étaient éteints. On discutait de tout et de rien face à mon parebrise ; on refaisait le monde pendant que tu sirotais ta dernière bière sur mon siège passager.

À un moment, la conversation a dévié de sa trajectoire initiale.

Tu as laissé entendre que tes parents s'étaient séparés quand tu avais un an ; je t'ai répondu que les miens avaient divorcé quand j'avais quatre ans.

Tu m'as interrogée à savoir si, moi aussi, je vivais surtout chez ma mère depuis ; je t'ai avoué que oui.

Puis, tu m'as demandé si ça allait bien avec mon père.

Je t'ai dit que oui ; tu m'as dit que, toi, non.

À partir de là, tu t'es mis à parler sans t'arrêter, et moi, en silence, j'ai écouté tes confidences résonner dans l'habitacle par-dessus la radio.

Tu m'as parlé de votre enfance à ta sœur et toi, des négligences de celui qui aurait dû prendre soin de vous, de ses menaces prononcées pour vous faire taire. De ses conquêtes, des journées entières où il vous enfermait dehors, du voisin qui vous donnait à manger. De l'arrestation de ce dernier pour trafic de drogues, de son incarcération, de votre faim. De votre ennui dans la rue, des mégots derrière les bennes à ordures avec lesquels vous jouiez pour tuer le temps, de votre grand-père qui était exactement comme son fils. De quand votre mère l'a découvert, de comment ça a pris fin et de l'état des relations dans votre famille paternelle.

Tu m'as raconté tout ça en éclatant d'un rire sonore par instants. Un rire qui se voulait léger, mais qui ne faisait que rendre l'atmosphère lourde qui régnait dans le véhicule encore un peu plus pesante, parce que tes yeux ne suivaient pas tes lèvres dans cette fausse euphorie.

Puis, tu m'as confié ta peur de devenir père et de ne pas savoir mieux faire que le tien.

Sous le choc devant ces révélations qui m'ont heurtée de plein fouet, je n'ai pas su quoi dire, sauf peut-être que je comprenais tes craintes.

Mais maintenant que je me suis remise de l'impact de tes mots, de la collision de ton regard vitreux avec le mien, je te peux parler de manière transparente sans perdre les pédales.

En essence, je te dirai que ce que l'on voit dans le rétroviseur n'est pas à l'image de l'avenir qui nous attend lorsque l'on continue de rouler, de tracer sa route sans se freiner.

Je te dirai que même si on jettera toujours un coup d'œil sur notre passé, il se trouve derrière et non devant.

Surtout, je te dirai que, lorsque je te vois animer des jeunes, débattre sur le patriarcat et défendre tes points de vue sur l'éducation que tu voudrais donner à tes futurs enfants lors de repas entre amis, je sais que tu seras un papa extraordinaire. Que les enfants qui occuperont la banquette arrière de ta voiture seront en sécurité. Qu'ils auront beaucoup de chance de t'avoir comme guide pour les accompagner dans les itinéraires qu'ils choisiront d'emprunter.

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