Chapitre 9
-Debout !
Je me lève d'un bond, surprise par cette agitation dès le matin, et manque de tomber du lit, les pieds entremêlés dans la couverture. Affolée, je regarde tout autour de moi en imitant la position de défense des boxeurs. Je suis surprise de voir qu'à part Bastian et moi, il n'y a personne, et que nos vies ne sont pas en danger - du moins pas pour l'instant. Je baisse ma garde.
-Merde, tu m'as fichu la frousse. Qu'est-ce qui te prend de beugler de si bon matin ?
-Il est temps de partir. répond simplement l'homme-loup.
Il faut un peu de temps à mon cerveau pour se rappeler tout de la situation que je suis en train de vivre. Encore ensommeillée, j'ai du mal à faire la différence entre l'étrange réalité et mes rêves absurdes.
-J'ai été récupéré la voiture d'un ami pendant que tu dormais. J'ai fait le plein d'essence et j'en ai profité pour retirer assez d'argent pour un an. Tout est prêt, nous n'avons plus qu'à y aller.
-Y aller, oui... je baille. Euh, pourquoi au faite ?
-Pour mettre le plus de distance entre Jasha et nous. Je te rappelle qu'il veut notre peau.
Ah oui, c'est vrai.
Je m'étire sous le regard impatient de Bastian qui me presse pour partir. Je soupire et vérifie que je n'ai rien laissé dans la chambre avant de me rappeler que mise à part des vêtements empruntés à une louve, je n'ai rien. Puis je sors. Nous prenons le chemin de l'hôtel jusqu'à son parking où nous rejoignons une simple voiture grise.
-Je te laisse conduire.
-Je ne t'aurais de toute façon pas laisser le choix. ricane Bastian en s'installant derrière le volant.
*****
Il est dix heure, nous avons déjà parcouru cent soixante dix kilomètres. Mais la faim commence à se faire ressentir alors je demande à Bastian de s'arrêter quelque part pour avaler quelque chose. Si le loup a d'abord été réticent, souhaitant mettre le plus de distance possible entre lui et son ancienne meute, les gargouillements de son propre estomac l'ont convaincu. Nous mettons donc le cap vers le restaurant le plus proche.
Nous arrivons bientôt sur le parking d'un restaurant reproduit comme les dinners américains des années soixante-dix. Une charmante serveuse vient nous accueillir, un grand sourire aux lèvres, quand nous passons la porte. Elle nous installe à une table et nous laisse parcourir la carte, retournant nettoyer le comptoir.
-Cool, il y a des pancakes ! je m'exclame un sourire aux lèvres, excitée à l'idée de manger quelque chose de délicieusement sucrée.
J'en commande justement à la serveuse quand elle revient nous voir plus tard, avec le sirop d'érable qui va avec et un énorme milshake à la fraise. Je vois Bastian me fixer d'un air amusé.
-Faut profiter de la vie. je me justifie une fois que la serveuse est repartie.
Peu de temps après, elle revient avec notre commande et je me jette sur les pancakes.
-Il ne vont pas se sauver tu sais. ricane le loup.
Soudain, j'entends Bastian s'étouffer avec sa propre nourriture.
-Qu'est-ce que...
Devant nous, de l'autre côté de la vitre, apparait une silhouette féminine qui nous fixe, les mains sur les hanches. Ses longs cheveux roux ondulés sont secoués par le vent et elle est obligée de les remettre à leur place chaque fois que les courants d'air viennent les lui placer contre son visage cerné de charmantes tâches de rousseurs.
-Merde, qu'est-ce que Maloé fait ici ? je m'exclame, surprise.
-C'est évident, non ? Jasha l'a envoyée pour nous faire la peau. marmonne Bastian à voix basse.
Je secoue la tête, peu convaincue.
-S'il souhaite vraiment nous tuer, il n'aurait pas envoyer Maloé. Ce n'est pas une guerrière, c'est une femme pacifiste au grand coeur ! Faut vraiment commettre un crime très très grave pour qu'elle décide de nous éliminer.
Bastian plisse le front, songeur. Moi, je suis persuadée de ce que je dis. J'ai moi-même inventé cette magnifique louve rousse, et je sais qu'elle n'est pas capable de nous faire du mal, même si son Alpha le lui demande.
-Tu as probablement raison. Il y a des loups hyper balèzes prêts à tuer sur commande, et Jasha choisirait cette petite louve ? Ça ne tient pas debout.
Maloé entre dans le restaurant et nous rejoint à grande enjambée. Elle se penche sur la table.
-Bah alors, on s'en va sans dire au-revoir ? nous gronde t-elle.
Bastian semble essayer de se faire tout petit alors que la louve nous observe tour à tour de son regard sévère.
-On ne nous en a pas vraiment donné l'occasion. J'ai été banni, au cas où tu ne serais pas au courant.
-Ouais, je sais, Jasha nous a briefé sur le sujet.
Maloé s'installe près de Bastian et attrape mon milshake qu'elle remue avant d'en boire le contenu à l'aide de la paille.
-Qu'est-ce que tu fais ici alors ?
La louve hausse les épaules.
-Je suis partie de la meute, de façon temporaire, du moins je l'espère. nous explique t-elle.
-Tu es... mais pourquoi ?
Elle soupire longuement. Son habituel air jovial semble à des kilomètres. Maloé parait désespérée.
-Je crois que Jasha ne va pas bien. Te bannir de la meute, toi, son loup le plus proche, juste parce que tu as aidé notre auteure qui soit dit en passant a été déclarée comme traitresse - et j'aimerais bien savoir pourquoi d'ailleurs - bref, tout ça ne lui ressemble pas. Je le trouve étrange depuis que Léane est arrivée dans notre monde. Peut-être est-ce le fait que désormais plus personne ne contrôle ce qu'il est, ou bien est-ce tout simplement la séparation entre lui et Eléanor qui le rend dingue, mais ce qui est sûr c'est qu'il commence à péter les plombs. Il a prévu d'envoyer la meute se battre sur le territoire de Lucien dans une semaine, sans même avoir prévu de plan d'attaque concret. Il va tous les envoyer à l'abattoir.
Bastian médite sur ses paroles. Mal à l'aise, je me focalise sur mon assiette presque vide. Je suis consciente d'être en partie responsable de cette meute, mais ici, dans ce monde, je ne me sens pas à ma place, pas concernée par ces histoires. Ici, je ne suis rien qu'une vagabonde. Dans ma réalité, je suis une auteure, l'auteure de cet univers, ailleurs, je ne suis personne.
Je ne peux rien pour eux.
-Désolé, Maloé, mais je ne peux rien pour toi. Je suis bannie, et je ne pense pas que Jasha m'aurait écouté même si je faisais toujours partie de la meute. Comme tu l'as dit, il a perdu les pédales. lui dit Bastian, un air triste sur le visage. Désormais, ma seule préoccupation, c'est de sauver mon cul, et de m'occuper de celui de Léane. Et si tu viens avec nous, tu n'auras pas à te battre non plus.
-Mais Eliott va y aller lui, c'est mon compagnon, je ne peux pas le perdre.
Les yeux larmoyants de la louve rousse me font mal au coeur. J'ai envie de l'aider, mais je ne suis pas une métamorphe, ni une enchanteresse ou quoique ce soit. Je n'ai même pas le pouvoir de faire changer les choses en écrivant l'histoire, alors que je suis l'auteure.
Mais j'ai peut-être une idée.
-Et si on faisait en sorte que ce bain de sang n'ait pas lieu ?
L'attention des deux loups se tournent enfin vers moi, intrigués.
-Ce que souhaite Jasha, c'est de retrouver son âme-soeur, non ? Si on la retrouve avant la fin de la semaine, on peut la lui ramener, ça éviterait le conflit entre les meutes et toi, Bastian, tu pourrais peut-être réintégrer la meute ? je propose d'une façon hésitante.
Contre toute attente, Bastian désapprouve.
-C'est trop dangereux pour nous d'y retourner. Lucien comme Jasha veulent notre mort. Je ne risquerais pas ta vie pour ce plan foireux. s'emporte l'ancien bêta.
-Non, son plan est excellent ! Si l'on réussit à nous faufiler sur le territoire de Lucien et qu'on repart avec Eléanor, alors personne ne mourra.
-Ou bien quelqu'un périra et ce sera Léane.
-Pourquoi tant d'intérêt pour ma vie ? je demande, perplexe.
Bastian ouvre et referme la bouche, et ne dit rien. Il croise les bras sur son torse et évite soigneusement mon regard.
Il me cache quelque chose.
-Léane n'est pas à tes ordres, c'est sa vie et elle en fait ce qu'elle veut. À elle de choisir de m'aider ou pas. déclare Maloé d'un ton ferme alors que le loup, ronchon, ne dit plus un mot.
La porte du restaurant s'ouvre en grand tandis qu'un jeune homme très jovial entre en chantonnant. Je suis de suite intriguée par ses nombreux tatouages qui recouvrent ses bras mais aussi par les traits de son visage.
C'est fou, mais j'ai l'impression d'avoir déjà vu cet homme quelque part.
Il s'installe au comptoir et commande une boisson à la serveuse qui s'empresse de le servir. Comme s'il a senti mon regard sur sa silhouette, le jeune homme se retourne.
-Salut ! nous salue t-il avec entrain.
Je me crispe sur mon siège, sidhérée après avoir reconnu le tatoué. Son portrait a circulé sur les réseaux, les chaines infos ainsi que les journaux, qui déclarent tous qu'il était porté disparu.
Cet homme n'est pas de ce monde, il vient du mien.
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