Chapitre 7

-Léane ?

Les yeux clos, je dors paisiblement, épuisée par la journée que j'ai vécu. Mon corps est aussi mou qu'une guimauve, enfoncé dans le matelas sous une couverture bien épaisse. Je dors si bien qu'un filet de bave doit couler de la commissure de ma bouche, ce qui arrive souvent en général. En cet instant, je suis à des kilomètres de la réalité, de ce monde de métamorphes et d'enchanteresse de mauvais goût. Je rêve, loin de tous problèmes. Et c'est si paisible.

Quand personne n'est là pour gâcher cet instant de sérénité.

-Léane ? répéte cette même voix en insistant plus.

-Hum... ouais... je suis... réveillée... je parviens à dire avec difficulté, encore à moitié endormie.

Parler dans un état pareil me demande des efforts qui me fatiguent encore plus et me donne envie de me recoucher paisiblement, ce que cette personne ne semble pas comprendre.

-Léane ?

Cette fois, l'homme - car ce ne peut être que la voix d'un homme en étant si grave - me secoue par l'épaule sans relâche. N'étant pas du matin, je me redresse brusquement et crie.

-Mais quoi putain ?!

Je croise aussitôt, bien que la luminosité soit encore faible dans la chambre, les yeux doré de l'Alpha qui semble supris par tant d'agressivité.

Oups.

-Je... il se racle la gorge. Qu'est-ce que tu dirais d'une balade en forêt ?

Je jette un coup d'oeil à l'horloge mural qui indique sept heure et demi.

-A st'heure là ?

-Bien-sûr ! Toute bonne journée commence par une promenade matinale dans une forêt paisible.

Je le regarde un instant, me demandant si ce type est sérieux. Manifestement, oui. Je m'étire un instant en baillant avant de soupirer en m'avouant vaincu. Je m'extirpe de l'épaisse couverture et me lève.

-Laisse-moi me préparer et je te rejoins en bas.

Jasha acquiesce, un sourire aux lèvres, avant de sortir de la chambre. Je jette un coup d'oeil à travers la fenêtre. Le soleil commence à peine à se lever et il fait si froid que l'herbe semble avoir gelée durant la nuit. Aucune voiture ne circule dans la rue, comme si le quartier est encore profondèment endormi. Tout me donne envie de retourner me recroqueviller dans le grand lit, mais je n'ai pas envie de décevoir l'Alpha. Alors je m'en éloigne et attrape des vêtements chauds.

Plus tard, je retrouve Jasha sur le palier de la porte qui me tend un manteau d'hiver. Je l'enfile.

-Et vous faites ça tous les matins ? je lui demande curieuse.

Je n'ai jamais parlé de balade matinal dans les bois dans mon livre, mais peut-être les loups avaient du temps de libre pour faire les choses qu'ils voulaient, après tout je n'ai pas contrôler chaque minute de leur vie, il m'est arrivée de faire des ellipses.

Soudain, l'Alpha pose un doigt contre ma bouche et me fait signe de parler moins fort.

-Certains d'entre nous dorment encore. m'informe t-il en m'indiquant la direction vers la chambre de Bastian.

Il est étonnant de ne pas voir le bêta auprès de nous, lui qui est d'habitude toujours dans les parages.

-Allons-y.

Nous ne croisons personne dans la rue. Aucune lumière n'est allumée à l'intérieur des maisons. Tous les métamorphes semblent être encore en train de dormir. Je suppose qu'il doit en être autrement dans le reste de la ville, là où les humains vivent, travaillent et étudient. Mais je ne le saurai jamais, puisque Jasha prend un chemin caché derrière les maisons des loups garous qui mènent directement à la forêt.

Le soleil se lève de plus en plus, éclairant de mieux en mieux notre chemin. Ici, tout est paisible. Les oiseaux sifflent, perchés sur les hautes branches des arbres. Le vent souffle très peu, à intervalle régulier. Pour une fois, bien emmitouflée dans un gros pull et un manteau hivernal, je n'ai pas froid.

-Que penses-tu de la meute ? J'espère que l'un d'entre eux ne t'ont pas trop importunée. Tu as l'air de leur plaire.

Je sourie, heureuse d'apprendre que je suis acceptée des loups.

-Je suis plus que ravie de pouvoir faire la rencontre des personnages que j'ai inventé. En particulier Maloé.

Jasha se met à rire doucement.

-Cette louve est une boule de joie, personne ne peut la détester.

-C'est vrai.

Nous ne nous arrêtons pas de marcher, progressant à un rythme lent dans cette immense forêt.

-J'aurais voulu faire la connaissance d'Eléanor.

L'Alpha cesse un instant tout mouvement avant de reprendre sa marche tranquillement.

-Elle en serait sûrement ravie.

Un doux sourire flotte sur les lèvres de Jasha qui fixe le sol d'un air songeur. Puis il secoue la tête et son sourire disparait.

-Mais ça n'arrivera pas. On doit te renvoyer chez toi pour enfin la sauver. Cette rencontre ne pourra pas avoir lieu.

Je grimace. Un sentiment de culpabilité m'envahit. Je n'aime pas mentir, je suis une personne plutôt honnête. Alors cacher quelque chose à Jasha - un homme que j'ai moi-même créér ! - ça me rends mal.Je ne cesse d'observer sa façon d'agir, de parler, je tente à tout prix de voir un seul signe qui me prouverait que Bastian a raison et que je ne peux pas faire confiance au blond. Mais tout me pousse à croire que Jasha est un homme bien. Il m'a recueilli chez lui, prend soin de moi, fais attention à ce que j'ai tout ce qu'il faut, et m'offre son aide afin que je rentre chez moi.

Non, Jasha ne peut pas être l'homme que l'on m'a décrit.

Je tripote mes mains nerveusement, à deux doigts de craquer. Finalement, je pousse un long soupire, et me décide à lui avouer.

-Jasha, faut que je te dise, à propos de l'enchanteresse...

J'inspire profondément.

-On t'a menti.

Les sourcils de l'Alpha se froncent, perplexe.

-L'enchanteresse n'est pas en train de consulter ses livres de je-ne-sais-quoi pour trouver le moyen de me renvoyer chez moi. En fait, elle nous a dit qu'elle ne peut pas me renvoyer dans mon monde.

Jasha se met à rire nerveusement. Je me sens de plus en plus mal à l'aise sous le regard devenu froid de l'Alpha.

-Tu ne peux pas repartir dans ton monde ?

Il fait un pas en avant. La couleur de ses yeux semble devenir plus intense, plus inhumain, plus sauvage. La pointe de ses crocs appuie sur sa lèvre inférieure. Un grognement retentit.

-Je pensais que ta venue ici n'était pas que du hasard, je pensais que pouvoir communiquer avec toi me permettrait de retrouver Eléanor, mon âme-soeur, ma femelle. Mais tu ne me sers à rien dans ce monde ci.

Jasha continue d'avancer. Ses grognements s'intensifient au fur et à mesure des mètres parcourus. Je recule, terrifiée. Mes mains tremblent, les larmes brouillent ma vue.

-Comment ça " je ne te sers à rien " ? Je t'ai créé, Jasha, tout comme je t'ai lié à Eléanor. Tu me dois la vie et une raison de la vivre.

-La ferme ! hurle t-il, si fort que les oiseaux prennent leur envole autour de nous.

Je verse une larme. Je me sens stupide, et naïve. Jasha ne m'aidait pas par générosité, ou parce que je suis celle qui l'a fait vivre. Jasha ne me voulait que parce que j'ai le pouvoir de lui rendre sa précieuse moitié par le biais de ma plume. Mais maintenant qu'il comprend que je ne peux rien pour lui, la mascarade se finit et Jasha se débarasse de moi.

Comment ais-je pu me tromper sur son compte ?

-Tu m'as fait perdre mon temps, misérable humaine.

Tout à coup, il s'élance. Sa peau lisse et bronzé disparait vite pour laisser place au pelage brun du loup qui grogne férocement. Animée par la peur, je fais demi-tour et cours le plus vite possible pour m'éloigner du loup en criant. Je l'entends derrière-moi, il me poursuit, j'entends chacune de ses foulées qui le rapproche de ma frêle silhouette. Je tente de redoubler d'efforts, mais je ne peux pas courir plus vite. Le loup me rattrape, je le sais.

Je vais mourir.

Au loin, j'apperçois une silhouette massive se détacher du décor. C'est un autre loup qui fonce droit sur moi. Je suis encerclée, complètement fichue. Tout ceci est sans espoir. Je ne ressortirai pas vivante de cette forêt. Je ne rentrerais jamais chez moi.

Le loup noir est à quelques mètres de moi. Ses yeux argentés brillent par la colère et l'animosité. Sa démarche est aggressive. Ses crocs luisent, prêts à s'enfoncer dans une chair tendre.

C'est donc ainsi que ma vie se finit.

Le loup est là, devant moi, assez proche pour m'achever d'un coup de griffe. Mais il n'en fait rien. Au lieu de ça, Bastian pousse sur ses pattes arrière et saute au-dessus de moi avant d'atterir contre Jasha.

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