Chapitre 2
Quelle journée de merde.
Mon corps est affreusement douloureux, comme si j'avais chuté dans un escalier. Je me sens vidée de toute énergie, du moins durant un moment, jusqu'à ce que je comprenne que je ne suis plus chez moi en fait. L'adrénaline déferle alors et je m'assis. Autour de moi, tout est sombre, mais grâce à la faible lueur de la lune, j'arrive à distinguer des arbres. Mes mains reconnaissent un sol terreux et le bruit des chouettes me confirme une chose : je suis en pleine forêt.
Mais qu'est-ce que je fous là ?!
Il me faut un instant pour me rappeler des événements. Je me rappelle que j'étais en train d'écrire, comme presque tous les soirs. Puis une lumière m'a éblouie. Et me voilà ici.
M'a-t-on droguée ?
Cela aurait expliqué la provenance de cette lumière et de l'ordinateur volant : des hallucinations. Mais je doute que cela soit possible. Comment aurait-on pu me droguer ? Au boulot, j'ai ma propre bouteille constamment avec moi, et personne n'est entré par effraction dans mon appartement pour mettre du poison dans ma nourriture.
Tout ceci est improbable.
Je croise les bras contre mon buste pour tenter de me réchauffer. Il fait nuit, la température doit avoisiner les sept degrés et je suis en simple pyjama, sans veste et pieds nus. Je n'ose pas imaginer l'état de mes cheveux humides dont je n'ai pas pris la peine de peigner une fois sortie de la douche. Tout emmêlée et maintenant pleine de terre, ma tignasse doit me faire ressembler à une folle sortie de l'asile.
Un portrait pas vraiment charmant.
Alors que je m'apprête à me lever pour tenter de retrouver le chemin vers mon appartement, j'entends du bruit non loin. Du bruit qui semble se rapprocher à mesure que les secondes s'écoulent. Pétrifiée, je n'ose pas bouger. Pourtant, je devrais. Il faut que je me lève et que je prenne mes jambes à mon cou dans le sens inverse du bruit qui arrive. Mais je n'arrive pas à décoller mes fesses du tas de terre.
En cet instant, mille et un scénarios traversent mon esprit paranoïaque. La plupart conduisent tous à la même conclusion : je vais mourir ici, dans cette forêt.
Et moi qui rêvais d'une vie trépidante.
Le bruit se rapproche et ne semble être qu'à quelques mètres de là où je me trouve. Je réussis à distinguer une forme se dessiner dans la pénombre. Non, en fait, plusieurs. Ces choses ont l'air gigantesques et semblent me foncer droit dessus.
Alors que l'une d'elles approche, j'ai le réflexe de me coucher sur le sol. Une énorme masse noire me passe au-dessus du corps, si vite que je n'ai pas le temps d'identifier la chose. Alors que je pensais qu'elle allait s'en aller et ne plus revenir, la silhouette s'arrête dans son élan et se retourne dans ma direction. Deux billes argentées brillent dans la nuit. La chose grogne.
Je suis foutue.
Voyant que cette chose, qui semble être un très gros animal, s'apprête à se jeter sur moi, je me relève précipitamment et cours dans la direction opposée en espérant le fuir. Mes pieds nus s'égratignent sur les branches qui jonchent le sol, mais je m'en fiche. Une seule chose compte désormais : fuir. Comme je m'y attendais, la bête se lance à ma poursuite. À peine quelques secondes après m'être relevée, l'animale me percute et je retombe face contre terre. Affolée, je rampe loin de la bête et me retourne sur le dos pour lui faire face.
Par tous les dieux, cette bête est immense.
L'animale s'avance sans se départir de ses grognements. Il saute sur moi et avec l'une de ses pattes me cloue au sol, une patte si immense qu'elle recouvre la quasi-totalité de mon buste. Il se penche plus près et je réussis enfin à le distinguer correctement.
C'est un gigantesque loup.
Je croise un instant ses deux orbes gris qui luisent dans l'obscurité et semblent me promettre une mort douloureuse. Mais les oreilles du loup se dressent sur son crâne et il cesse de grogner. En cet instant, le canidé semble posséder la même expression que les gens lorsqu'ils croisent une autre personne et qu'ils se disent " tiens, je crois l'avoir déjà vu quelque part ".
Amusant de voir une expression si humaine sur la face d'un animal.
Alors que je me rassure de ne plus voir aucune animosité dans le loup qui me surplombe, j'entends des hurlements. Bientôt, d'autres loups viennent nous rejoindre. Enfin, je crois. Je ne peux que spéculer par les sons que j'entends et par ma logique. Mes yeux, eux, restent figés dans ceux du loup qui semble bien plus calme à présent.
-Lâche-là, Bastian. ordonne alors une voix venue d'ailleurs.
Je suis surprise de voir l'énorme bête obéir à ses ordres. Le loup noir, du nom de Bastian, se recule, mais ne s'éloigne pas pour autant, comme s'il préfère me garder à l'œil. Encore terrifiée par la scène que je viens de vivre, je mets un instant à reprendre mes esprits pour enfin me relever et faire face à l'homme à qui les loups obéissent.
Je croyais que ces animaux ne pouvaient pas être domestiqués.
J'époussette rapidement mon pyjama aux couleurs sobres. Puis je relève la tête et sursaute en voyant que celle de l'homme se trouve à quelques centimètres du mien. Néanmoins rassurée de voir un homme à l'allure tout à fait charmante, je lui souris.
Je crois que ce type est blond - difficile d'y voir dans cette pénombre - et il doit avoir aux environs de la trentaine. De l'or semble couler dans ses yeux alors qu'il me regarde de haut en bas, comme si je suis une bête curieuse qui vient d'atterrir dans son verre.
C'est troublant, j'ai l'impression d'avoir déjà vu ce type auparavant.
Or, ce type est assurément sexy, même si l'obscurité peut être trompeuse, et si j'avais rencontré un jour, ne serait-ce que croiser dans la rue, un mec aussi séduisant, je m'en serais assurément souvenu. Avec sa chevelure blonde, ses yeux d'or, ses pommettes saillantes et son mètre quatre-vingt, ce type ressemble beaucoup à l'idée que je me fais de Jasha, le protagoniste masculin de mon livre. Non, en fait, il ressemble trait pour trait à l'apparence que je lui ai donné.
Quelle étrange coïncidence.
-Bonsoir, monsieur. je le salue chaleureusement tout en lui tendant la main.
L'homme recule d'un bond. Et soudain grogne. Je sens mon visage blêmir alors que les iris de l'homme se mettent à luire dans l'obscurité de la même façon que celles du loup ont brillé.
Purée, dans quel monde j'ai atterri ?
-Qui es-tu, humaine ? me demande t-il avec un certain mépris.
Eh bah, pour l'hospitalité, on repassera.
Je prends une inspiration tremblante et tente de trouver mes mots pour lui répondre, mais rien ne vient. Un loup s'approche de nous à pas lent. Au fur et à mesure qu'il fait un pas, sa silhouette se change, se déforme, jusqu'à devenir celle d'une femme absolument divine.
Pas possible.
-Je crois qu'elle est trop terrifiée pour vous répondre, Alpha.
Tout se bouscule dans ma tête. Des loups énormes. Qui se transforment en humain. Les grognements. Alpha.
L'homme m'observe un instant avant de hocher la tête.
-Rassure-toi, petite humaine, nous ne comptons pas te dévorer.
Ses paroles ont l'effet inverse et je sens mon corps trembler.
Il ne parle assurément pas comme un homme.
Je tente de reprendre contenance, jugeant qu'il vaut mieux reprendre ses esprits si je veux survivre.
Et puis il a dit qu'ils n'allaient pas me manger, ce doit être vrai.
-Je m'appelle Jasha Mihayl. Je suis le chef de cette meute.
Cet homme semble beaucoup plus sympathique maintenant qu'il ne grogne plus. Il émane de lui une image rassurante derrière laquelle j'aimerais me réfugier. Tous ces loups autour de nous me font flipper. Le loup noir se met à me renifler sans grande discrétion et je n'ose pas lui dire d'arrêter, ayant trop peur qu'il me croque la main.
-Ah, c'est marrant, vous avez exactement le même nom que l'un de mes personnages dans le livre que j'écris. En fait, vous avez même son exact physique. je ris nerveusement.
En y réfléchissant bien, il n'y a pas que Jasha qui coïncide avec mon histoire. Bastian est le nom donné au second de la meute de métamorphe, un loup noir aux yeux argentés, et cette fille qui se tient aux côtés de son chef a le même portrait que Maloé, un autre personnage faisant partie de la meute. Cette fille qui était un loup il y a pas moins de deux minutes.
Oh putain de merde.
Le visage rassurant de Jasha se ferme, soudain soucieux et perplexe.
-Un personnage de livre, tu dis ?
Je hoche la tête. Le loup s'arrête de me renifler, comme s'il réalisait quelque chose que je ne comprends pas.
-Vous pensez que c'est elle, qu'elle est l'auteure ? questionne la jeune femme à son acolyte.
J'ai l'impression que Jasha ne sait plus quoi dire. Il est réellement choqué de ma comparaison avec mon protagoniste. De mon côté, je n'en mène pas large. Je pense être dans un rêve des plus réalistes où je rencontre les personnages de mon histoire.
C'est fou !
-C'est possible que oui.
Les loups, comme indignés, se mettent à hurler et à aboyer férocement. Mais Jasha les fait taire d'un seul geste de la main, autoritaire, tout comme l'est le Jasha de mon livre.
-Nous allons tous rentrer sur le territoire et tirer cette histoire au clair.
Les loups commencent alors à décamper. Jasha et la jeune femme prennent la forme de loups aussi grands que leurs compères. Je suis peut-être encore droguée, ce qui explique ces hommes qui peuvent se métamorphoser en animale. Le loup noir vient s'abaisser à mes pieds, comme s'il s'attend à ce que je monte.
Non, c'est bien trop fou pour n'être qu'une hallucination.
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