Chapitre 14

Malgré le pouvoir de la plume utilisé afin d'assurer notre chemin jusque Eleanor, Bastian reste sur ses gardes. Le loup renifle, tend l'oreille aux moindre petits bruits suspects qui l'alertent, mais au bout d'un certain nombre de mètres parcourus, il doit bien se rendre à l'évidence : la magie a fait son effet et personne ne viendra nous déranger.

-Je trouve ça trop facile. soupire t-il.

Trop fatiguée pour lui répondre - alors que je ne suis levée que depuis quelques heures, c'est incroyable ! - je laisse Maloé qui hausse les épaules lui répondre.

-C'est à ça que nous sert le pouvoir de la plume, à rendre les choses faciles.

Bientôt, nous arrivons devant une porte scellée. Personne ne garde l'entrée, bien évidemment, mais le verrou, lui, nous barre la route.

-Pas de soucis.

Je dégaine mon stylo plume, prête à faire sauter ce verrou en deux temps, trois mouvements. Mais Bastian me devance et l'arrache d'une facilité déconcertante. Puis il se recule et croise les bras sur son torse en me lançant un regard suffisant.

Alors que Maloé nous passe devant pour entrer dans la pièce, je me mets à bailler, ce qui retiens l'attention de Bastian. Il arque un sourcil.

-Déjà prête à te mettre au lit ?

-Je me sens fatiguée tout à coup. je répond simplement.

-Maloé ?

Nous nous retournons vers la jeune louve à l'intérieur de la pièce. Près d'elle se trouve une autre femme à la silhouette gracile. Bien que ses cheveux soient en bataille et ses yeux bouffis, Eleanor est d'une beauté à couper le souffle.

Pourquoi lui ai-je donc donné une apparence aussi surréaliste ?

La magnifique brune aperçoit le loup à mes côtés et ses yeux caramélisés s'écarquillent.

-Bastian ! Tu es là aussi. Vous êtes enfin venue me chercher.

Puis elle éclate en sanglot.

Mmh, j'imagine que ça ne doit pas être facile d'être retenue prisonnière par un abruti qui veut la mort de votre conjoint.

Malgré tout déstabilisée par le comportement de mon héroïne - je l'avoir faite bien plus brave que ça - je ne sais pas quoi dire, ou faire. Bastian prend les devants.

-Nous devons y aller maintenant. Nous ne devrions pas trainer plus longtemps ici. C'est trop dangereux.

Maloé et moi hochons la tête puis quittons la pièce sombre. Maloé maintient son Alpha femelle près d'elle qui a cessé de pleurer mais hoquète par moment. Ses yeux larmoyants se lèvent vers nous.

-Qui est-elle ? Et où est Jasha ?

Je grimace. Comment lui dire que Maloé et Bastian ne font plus partis de sa meute sans qu'elle ne panique ?

-Jasha est resté sur le territoire de la meute. Nous allons te ramener à lui. la rassure doucement la louve.

-Oh. fait-elle, déçue.

Ni une, ni deux, elle se remet à pleurer, ce qui se met à me taper sur les nerfs. Eleanor est une louve, certes, incapable de se transformer, mais elle reste un métamorphe lié à un Alpha. Elle ne devrait pas paraître aussi faible. Au lieu de ça, elle ne cesse de geindre, sauf pour pousser des petits cris aiguë dès qu'elle entend un bruit, ce qui redouble ses pleurs.

Je sens soudain une masse chaude s'enrouler autour de mes épaules. Bastian vient de poser son bras et me rapproche contre lui. Sous mon regard interloqué, il se justifie.

-Tu as l'air tendu.

Je soupire. Oui, je suis tendue. Déjà que je suis fatiguée, les pleurs d'Eleanor me mettent à fleur de peau. Plus je passe du temps avec elle, plus je me rends compte que la personnalité de la louve latente, que j'ai moi-même façonnée, m'écœure. Elle parait si faible, et je ne peux n'en vouloir qu'à ma propre personne. J'ai créé cette personne fragile, dépendante de son âme-sœur pour se sentir en sécurité. C'est ma faute.

Néanmoins, la chaleur réconfortante qui s'échappe du corps de Bastian m'apaise et je me sens me détendre dans ses bras.

-J'ai hâte que cette histoire de conflit se termine.

-Pas moi. ajoute le loup à voix basse.

Intriguée, j'aimerais lui demander pourquoi. Pourquoi il tient tant à ce que je reste, qu'est-ce qu'il me cache et que j'aimerais tant savoir, pourquoi est-il si secret ? Mais alors que nous sortons du bâtiment, je n'ai pas le temps de lui demander quoique ce soit. Lucien est là, et lui et ses amis nous encerclent, la plupart déjà transformé, prêt à nous attaquer au moindre geste brusque.

-Comment... ?

Je ne comprends que trop tard la faille. J'ai bien écrit que personne ne se mettrait en travers de notre route, mais j'ai eu la stupidité de préciser " jusque Eleanor ". Maintenant que nous l'avons atteinte, la magie ne fait plus son effet.

Fais chier !

-Je ne sais pas comment vous avez fait pour entrer sur notre territoire sans que nous le remarquions, mais vous allez le payer cher. annonce Lucien avant de claquer des doigts.

J'aimerais sortir la plume, j'aimerais pouvoir griffonné n'importe quelle phrase qui mettrait le combat en suspens. Mais les métamorphes s'élancent, et je n'ai pas le temps.

-Cours ! me hurle Bastian avant de prendre sa forme de loup.

J'imagine que Maloé a dû en faire de même. Paniquée, je ne sais plus quoi faire. J'essaie de fuir, mais où aller ? Nous sommes encercler. A force de tourner sur moi-même, je commence à avoir le tournis. J'aperçois Eleanor qui reste tétanisée devant les métamorphes qui s'apprêtent à nous abattre. Étant latente, elle ne peut pas se transformer et, avec le tempérament que je lui ai fait, elle ne peut pas se battre non plus. Alors je cours vers elle. Elle ne me voit pas venir, elle n'ose pas détourner son regard de Lucien et de ses alliés. J'arrive près d'elle. Et, poussée par mon élan, je la plaque au sol juste à temps. Un métamorphe nous passe au-dessus, et si je ne nous avais pas allongée au sol, nous n'aurions sans doute plus de tête pour penser.

-Surtout, reste allongée ! je crie par-dessus le vacarme que font les métamorphes.

Elle me fixe, abasourdi. Puis se met à hurler de sa voix perçante, appelant le nom de son âme-sœur encore et encore, comme si ça allait le faire apparaitre.

Tout à coup, je sens que quelque chose m'attrape par le col de ma veste. Je tente de me débattre du mieux que je peux, même si je sais que je ne fais pas le poids face à un métamorphe, moi qui ne suis qu'une humaine, stylo magique ou non.

-Lâche-moi, monstre !

Je me sens soudain toute légère, une sensation plutôt étrange. Lorsque je me risque à ouvrir les yeux, je constate que je monte haut, très haut. Les métamorphes deviennent vite des petits points sous mes pieds. Cette sensation ne dure que quelques secondes avant que l'effet contraire ne se produise. Je hurle. La chute va faire mal. Mais au lieu d'atterir contre le sol dur contre lequel je me serais sans doute briser la nuque ou la colonne vertébrale, voilà qu'une masse sombre vient me rattraper au vol. Le loup de Bastian m'a évité la mort. En regardant par-dessus mon épaule, je vois que nous ne sommes plus à l'intérieur du cercle de métamorphes. J'aperçois la louve rousse de Maloé à l'intérieur qui nous regarde, et je comprends que c'est elle qui m'a balancée dans les airs. Puis la louve attrape le corps crispé de son Alpha femelle et s'élance vers les métamorphes. Elle appuie fort sur ses pattes arrières, saute, et nosu rejoint à l'extérieur du cercle. Bastian n'en attend pas plus pour décamper. Les deux loups filent à travers bois sans s'arrêter jusqu'à rejoindre la voiture qui nous attend sagement là où nous l'avions laissé.

Nous l'avons échappé belle.

Mais alors que cette pensée traverse mon esprit, le loup de Bastian s'écroule. je roule sur le sol.

-Bastian ! s'écrie Maloé qui vient de retrouver forme humaine.

Je me relève vivement, alertée par le cri de la louve et la chute inattendue de Bastian. Je m'approche du loup noir. J'attrape sa tête que je pose sur mes genoux et le caresse en lui demandant ce qui ne va pas. Quelques secondes plus tard, l'apparence humaine de Bastian prend sa place. Voilà que ma main se retrouve plus sur un pelage sombre mais bien sur la peau chaude de sa joue. Mais je n'y prête pas attention. Sa hanche rougeoyante m'inquiète tout de suite.

-Il est blessé. je souffle, me sentant soudain impuissante devant tout ce sang.

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