Retour aux sources


Au petit matin, Romane fut réveillée par l'arrivée des vacanciers attendus. La nuit avait été particulièrement courte et elle les maudit de leur vacarme. Ressassant en boucle le dérapage de la veille d'avec sa tante, fermer l'œil s'était montré compliqué. Chaque heure s'était égrainée comme une poignée de minutes. Après le retour de promenade, elle avait écourté la soirée car l'ambiance joyeuse de son arrivée avait laissé place à une sorte d'austérité pesante. Au lit comme les poules, elle mourait d'envie d'entendre la voix de Liam... elle qui comptait sur son séjour, pour profiter des longues soirées d'été pour discuter de tout autre chose... Après quelques heures d'insomnie, elle finit par envoyer un mail à celui qui occupait ses pensées les trois-quart du temps. Trouver une raison pour amorcer le dialogue, ne fut pas bien compliqué.

« @Romane Saint-Clair

à @Liam Laurence

03 :40 AM

Mon cher Liam,

Votre retour s'est-il bien passé ?

Comme tu le sais, je suis dans le sud-ouest, en Dordogne chez ma tante paternelle Claudine.

En consultant Google Maps, je me suis aperçue que je n'étais qu'à 50 kilomètres environ de Vélines, le village où la famille de Violette s'était réfugiée pendant l'occupation et d'où elle a envoyé sa dernière lettre à William. Demain, je compte m'y rendre dans l'espoir de trouver des indices qui nous aideraient à trouver sa sépulture .Je ne sais pas à quoi ressemble la maison de famille qu'elle a occupée à l'époque (d'ailleurs je me demande même si elle existe encore ?) Tu m'as dit t'y être rendu avec ton grand-père, peux-tu me donner des informations pour mes investigations ? »

Comment conclure ? Se demanda-t-elle, entre « Bien cordialement » ou « Je t'aime comme une malade ! », il y a un monde quand même et puis toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire...

Elle choisit finalement après avoir hésité sur de nombreuses formules plus farfelues les unes que les autres, un sage :

« À Bientôt,

Bisou Romane » suffit.

Elle hésita avant d'appuyer sur envoyer, se faisant l'effet d'une adolescente qui vit ses premiers émois.

Elle attendit sept heures piles pour mettre le pied à terre, torturée depuis son réveil par l'envie folle d'ouvrir son portable pour vérifier si Liam avait répondu. Elle prit son mal en patience et descendit jusqu'à la cuisine où elle trouva Claudine déjà affairée. La jeune femme vint déposer un baiser sur la joue de sa tante qui lui répondit d'un petit sourire soulagé.

— Tu as bien dormi ? Questionna celle-ci.

— Oui, mentit Romane. Et toi ?

— Oui merci, acquiesça Claudine, les traits tirés et visiblement peu reposée.

Romane déjeuna. Les tensions de la veille s'étaient dissipées pour le moment, mais elle savait qu'elle devrait revenir à la charge tôt ou tard. Elle se vêtit rapidement et aida Claudine dans sa besogne puis en fin de matinée, elle s'autorisa enfin à consulter ses mails.

Elle eut la surprise de constater avant même d'ouvrir le message que Liam n'avait pas tardé, une demi-heure après, il avait répondu.

« Darling,

Je commençais à croire que tu m'avais déjà oublié !

Le retour s'est bien passé même si ton départ précipité m'a contrarié...

Flora a déjà commencé les cours de Français et moi je prends mes dispositions pour mettre en place mon travail à distance des prochains mois.

J'ai dit à Flora que tu comptais te rendre à Vélines et maintenant elle m'épuise pour s'y rendre aussi.

Je te mets en pièce jointe une photo de la maison que j'ai prise avec William, il y a huit ans. Je ne connais pas le nom de la rue mais tu la trouveras facilement car l'habitation est face à l'église du village.

Je t'embrasse tendrement

À bientôt ma belle

Liam

Romane relut le mail quatre fois, buvant les mots de Liam comme le meilleur des champagnes. Au fur et à mesure de ses lectures, elle sentit la fatigue de la nuit se dissiper bientôt remplacée par une euphorie qui plaqua un sourire béat sur sa face. Elle consulta enfin le cliché de la pièce jointe. La bâtisse qui avait vu les derniers jours de Violette, pouvait aisément répondre au qualificatif de demeure, tant elle était impressionnante.

***

Deux heures plus tard, Romane tenait les barreaux d'une grille de fer forgé oxydée qui la séparaient de la maison de maître ayant abrité la famille de Violette Jolie. En passant en voiture, elle n'avait eu aucun mal à la reconnaître, c'était à ses yeux la plus belle construction de la rue, même dans son état de délabrement avancé. Elle fut surprise de trouver un panneau « à vendre » avec un numéro de téléphone, le tout écrit à la main sur un panneau de fortune. Elle ressentit une émotion particulière en prenant conscience que ce lieu était le point de départ de la vie des jumelles. Elle aurait tellement voulu avoir le don de faire parler ces pierres blondes de Dordogne, pour leur arracher les histoires qu'avaient pu abriter ces murs. Elle secoua encore la grille fermée, frustrée de ne pouvoir pénétrer au-delà de cette clôture. Puis elle se recula et fit une photo avec son Iphone pour Liam et Flora, « ça y est j'y suis ! » mit-elle en légende avec une émoticône de pouce levé. Son portable vibra peu de temps après, c'était Liam.

— Bonjour chéri, que me vaut l'honneur de ton appel, lança Romane audacieuse, prête à tout faire pour passer son message.

Un blanc suivi, Romane regarda l'écran de son téléphone craignant un instant une coupure de réseau dans ce bled perdu au fin fond de nulle part.

Puis une voix mal assurée s'exprima.

— Bonjour Romane, c'est moi Flora, prononça-t-on dans un français plus que scolaire.

Instantanément, le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine et elle regretta aussitôt son effronterie, le souffle coupé et les joues cramoisies.

— Bonjour Flora, bredouilla-t-elle confuse.

— La maison... la maison, répéta-t-elle, puis, for sale, ajouta l'Anglaise manquant de vocabulaire. Et dans un brouhaha, elle passa son fils.

— Bonjour Romane, prononça Liam avec son bel accent anglais, qui roulait si bien les « R ».

Maman souhaiterait que tu contactes le vendeur de la maison. Elle veut l'acheter ! Claqua-t-il déconcerté.

— Euh...oui, pas de soucis, répondit la jeune femme quasi indifférente, toujours sur le coup de son embarras.

— Peux-tu faire d'autres photos ? Que je puisse estimer combien vont coûter les travaux de la nouvelle folie de ma mère.

— Pas de soucis, je t'en enverrai. Mais la prochaine fois, préviens-moi quand même si tu me passes ta mère ! Je l'ai appelée « chéri »... avoua la jeune femme penaude.

Liam éclata d'un rire franc qu'il eut du mal à réprimer. Romane déconcertée, se résigna à rire d'elle-même à son tour. Décidément, elle qui n'avait pas de talent d'aguicheuse, si habituée à la retenue, n'allait pas réitérer de si tôt sa hardiesse.

— Ne t'inquiète pas avec son niveau de français, elle n'aura rien compris, finit-il par articuler.

— Sans doute... et puis le baiser auquel elle a assisté, vaut toutes les explications et ne nécessite pas de traduction de toute façon, plaisanta Romane.

— Oui, ça l'a contrariée mais maintenant qu'elle sait que nous ne sommes cousins que sur le papier, elle s'est calmée, expliqua l'homme.

— Moi, je le savais, sinon il ne se serait rien passé ! Claqua-t-elle. Mais toi ça ne te dérangeait pas de séduire une parente ? Questionna-t-elle désireuse de connaître ses arguments.

— Hummm... hésita-t-il d'abord. La première fois que j'ai rendu visite à Rose, en posant le bouquet de fleurs sur la table, j'ai vu un cadre photo de ta mère et toi. Je t'ai trouvé ravissante, prononça-t-il d'une voix grave. Ensuite, nous nous sommes croisés dans le couloir et j'ai su qu'il me serait difficile de ne pas te vouloir. J'ai décidé de laisser faire les choses, tout simplement.

Les hommes sont ainsi, ils ne se cassent pas la tête et vont droit au but, déconcertant, songea Romane.

— Je te tiens informé de la suite des événements, conclut-elle sobrement.

— Pas de chéri ? Rien... quémanda Liam déçu.

— À bientôt chéri ! Termina-t-elle dans un timbre plus sensuel que voulu.

— J'y compte bien ma douce, lui émit-il satisfait.

La communication terminée, elle composa le numéro de la pancarte « à vendre ». Un homme peu verbeux accueillit son appel avec une certaine froideur. Au début, il lui donna rendez-vous pour le lendemain, mais l'insistance de la femme qui appuya sur le fait qu'elle était de passage uniquement aujourd'hui, avança celui-ci à deux heures plus tard.

Pendant ce temps à tuer, elle décida de se rendre au cimetière du village, après tout c'était la logique pour trouver une défunte.

Inspecteur Romane n'eût pas loin à aller, car le lieu du repos éternel se trouvait derrière l'église de style roman, elle-même face à l'ancienne propriété de la famille Jolie. La jeune femme n'était pas rebutée par les cimetières et n'y voyait pas le monde des ténèbres mais plutôt un aboutissement naturel de la vie. Dans celui-ci des ornements paysagers donnaient une quiétude solennelle, laissant filtrer ça et là, les rayons du soleil de juillet comme des lumières divines. Les arbres centenaires, ombrageant les tombes et caveaux les plus anciens, faisaient bruisser leurs feuilles à chaque coup de vent comme des voix douces venues de l'au-delà. Dans cette ambiance mystique, la jeune femme qui avait depuis longtemps rangé ses convictions religieuses se surprit à prononcer une petite prière « si quelqu'un m'entend quelque part, venez-moi en aide pour retrouver cette chère Violette ». Quelques secondes plus tard Romane perçut des sifflements se mêler au chant du feuillage...

***

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Coucou! Comment allez-vous?

Les vacances ont commencé ?

En tout cas, comme vous avez pu le lire, pour Romane

Ses vacances prennent des allures d'enquête privée!

Mais bon, Liam a fait une promesse, et comme elle aime Liam...

Merci pour vos votes précieux et vos commentaires

qui m'indiquent que la direction que je prends est la bonne!

Des Bises Luce








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