Mirage


Elle fit une pause à mi-parcours pour se dégourdir les jambes mais aussi pour appeler Liam. Elle avait hâte d'entendre sa voix, au timbre si caractéristique et lui raconter son périple. Elle tenta par deux fois de le joindre mais bascula sur son répondeur à chacune de ses tentatives. 

Pas de message vocal, ni de sms, ils la priveraient des réactions de son « cher & tendre », car lui apprendre qu'elle avait retrouvé le fantôme de Violette était tout sauf banal et ne pouvait se faire que de vive voix. Elle pouffa de rire, rien que d'y penser, elle aurait tant aimé voir sa tête à ce moment-là !

Mis à part ce mythe ridicule,qui devait bien partir de racontars et par extension d'informations plus ou moins fiables. Elle avait fait le point sur sa venue à Vélines. Tout compte fait, on pouvait considérer qu'elle avait avancé. Les fossoyeurs lui avaient apporté un regard nouveau avec des arguments étayés, puis le destin s'était chargé du reste avec l'opportunité de la vente de la « villa Ange ». Elle avait acquis la conviction qu'il fallait creuser les circonstances du passage de possession du bien entre la famille Jolie et la paroisse. Pour terminer, sa mission serait également de revoir Marie ainsi que de rentrer dans ses bonnes grâces, ce qui s'annonçait être un véritable défi ! Cette femme avait été le point de convergence de la journée. Elle connaissait la demeure, l'existence de Violette, était proche du prêtre qui avait succédé aux Jolie et laissait traîner ses oreilles partout.

Quelques minutes plus tard, elle se gara sur le parking de la maison d'hôte de sa tante Claudine.Instantanément, elle ajouta à sa liste d'enquêtrice de revenir à la charge auprès de celle-ci, pas question de laisser tomber, elle voulait des réponses. Rose n'était plus capable de lui narrer son histoire alors elle comptait bien sur sa tante pour le faire, principalement à propos de ce qui semblait la bloquer à ce point.

Une jaguar noire au luxe ostentatoire vint la sortir de ses pensées d'investigatrice. La ligne sport du bolide stationné, contrastait drôlement avec le bus stoppé à quelques mètres derrière et dont les retraités revenus d'excursion s'extasiaient à leur passage près de la belle anglaise. Amusée par la scène, Romane passa la porte tout sourire.

— Qu'est-ce qui te rend si joyeuse ? Demanda la tante parvenue à sa hauteur pour l'accueillir.

— C'est les gens, ils m'amusent... répondit-elle en haussant les épaules.

— Tant mieux, il faut prendre le plaisir où il est !Tu rentres tard, tu t'es perdue ?

— Non, pas du tout, j'ai avancé ! Affirma triomphalement la nièce.

— Ah bon ! Tu as retrouvé la dépouille de ta grand-mère? Interrogea Claudine impressionnée.

— Pas vraiment...répondit la jeune femme interloquée par la formule employée par sa tante. Dans son esprit venait d'apparaître l'image d'une vieille grand-mère morte, toute momifiée, ce qui était loin de la jolie jeune femme de la photographie qu'on lui avait tendue à Londres. Elle sortit de sa vision morbide pour conclure : je te raconterai plus tard. Là, je meurs de soif.

— Ah ! Très bien,va te trouver une place près de la piscine. Enfin, si tous les papys mamies ne les ont pas toutes prises. Je t'amène une boisson. Sur ces paroles Claudine s'éloigna au pas de course.

Romane surprise de la voir filer ainsi, en conclut qu'elle devait avoir quelque chose au four.

Elle, elle était fatiguée,débraillée avec son short et son tee-shirt d'ado. Pour toute coiffure, elle avait négligemment rassemblé sa chevelure, maintenue par une épingle dont des mèches folles s'échappaient. Aux pieds, ses baskets de toile ne demandaient qu'à être retirées pour mettre à nu ses jolis orteils vernis et faire respirer ses petons.

Elle avançait nonchalamment, croisant les clients qui retournaient à leurs chambres, quand soudain son cœur bondit dans sa poitrine ! Un mirage venait de faire apparaître... Liam !

Lunettes de soleil et maillot de bain, il était alangui sur un transat tel un félin qui dédaigne son monde sachant qu'il est incontestablement le plus désirable mâle à des kilomètres. Sa peau ruisselante ne demandant qu'à être léchée... « Mais je déraille ! Se sermonna Romane. C'est la déshydratation ! » Puis remarquant toutes les clientes plus ou moins jeunes baver sur ce corps d'athlète, elle réalisa qu'il était bien réel. « Son » Liam était là ! À exhiber sa musculature sèche et longiligne à tous les fantasmes de ces dames. Il fallait vite qu'elle corrige le tir en s'incluant dans le tableau.C'était-elle ! la chanceuse serrée par ces bras et caressée par ces mains ! Revigorée par cet imprévu, elle s'avança puis réalisa très vite sa tenue qui laissait à désirer. S'apprêtant à faire demi-tour, pour aller se faire belle, elle fut arrêtée dans son élan par sa tante plateau à la main.

— Mais où vas-tu ? j'ai ta boisson ! Et regarde qui est là pour te faire une surprise !

Déconfite, Romane se retourna découvrant le regard bleu azur de Liam qui avait ôté ses Ray-ban. La scène n'avait échappé à personne : ni les beaux yeux dévoilés à toute l'assistance qui fondait, ni l'embarras de cette fille mal fagotée qui arrivait tout droit de randonnée où elle avait dû se rouler dans les foins, pour paraître si souillon. Aussitôt, Romane maudit son accoutrement ainsi que le toit ouvrant de la petite Citadine qui s'était chargé de la coiffer.

À l'instant, où elle plongea dans les yeux aigue-marine, on aurait pu faire clignoter« LOVE » sur sa tête, que les choses n'auraient pas été plus claires. Elle croisa le regard de Claudine qui avait évidemment compris. Sa moue attendrie la conforta dans l'idée qu'elle frôlait l'attitude d'une petite fille effarouchée, alors elle s'avança vers lui. Il lui saisit immédiatement la main pour l'attirer contre son torse humide, se moquant de toutes ces paires d'yeux indiscrets. Il vint prendre sa bouche dans un baiser langoureux qui tira un « Oooh ! » aux spectateurs intrusifs de la scène. Puis la libérant de son étreinte, il lui fit un large sourire. De toute évidence, elle lui avait manqué. Une chaleur chaude envahit les entrailles de la jeune femme jusqu'au cœur. Avec cet acte criant de sincérité, il venait de raviver les cendres froides de ses sentiments endormis par les épreuves de la vie. Sentant que l'émotion gagnait sa belle, Liam brisa le silence.

— Avoue, tu ne pensais pas me retrouver ici ! Affirma Liam, satisfait de son effet.

— Ah non vraiment ! Quelle surprise ! Lâcha-t-elle comblée, les pupilles dilatées par la montée d'adrénaline à son contact.

Claudine les invita à se retrouver en toute intimité dans un espace qui n'était pas réservé à la clientèle. Une petite table était déjà dressée avec deux couverts. La petite courette partiellement gazonnée et fleurie, aux palissades de bois, garantissait un moment qui n'appartiendrait qu'à eux. Avant de retourner auprès de ses clients, Claudine invita Romane à la suivre en cuisine pour découvrir le menu qu'elle leur avait concocté, lui précisant qu'elle devrait s'occuper du service elle-même.

— Pas de soucis, c'est parfait ! Je te remercie ma bonne fée, la gratifia-t-elle en la serrant dans ses bras.

— Tu n'avais rien oublié dans ton récit à Londres ? Lui fit remarquer Claudine narquoise.

— Si, tu vois, moi aussi je finis par avoir des secrets pour toi... répondit la nièce sincère.

Claudine reçut cet aveu comme un avertissement. Les secrets vieillissent mal, ils possèdent les gens qui les portent, leur lient la langue et poussent les premiers intéressés à prendre leurs distances avant de disparaître à jamais...

— Je te souhaite une merveilleuse soirée ma chérie, avec ton bel Anglais qui est vraiment irrésistible. Elle marqua un temps, puis regarda la jolie femme, que sa nièce était devenue. Les yeux dans les yeux tout en lui saisissant les mains, elle ajouta.

— Ma chérie, je t'aime à un point que tu ne peux même pas imaginer. Romane tenta de répondre mais l'index de la femme se posa délicatement sur ses lèvres. J'aurais des choses à te dire, poursuivit-elle à mi-voix, mais pas ce soir, profite de ton bonheur. Les yeux embués, Claudine claqua un baiser sonore sur la joue de la jeune femme, puis retourna à ses obligations.

Cette fois, Romane en avait la certitude, le verrou venait de céder. Pourquoi ? Simplement, parce qu'elle lui avait fermée la porte de son jardin secret et que sa tante savait pertinemment que si elle n'ouvrait pas le sien, toutes deux s'éloigneraient. Confier ses pensées les plus intimes à quelqu'un qui ne lui accordait pas sa confiance en retour, impensable.

Forte de cette avancée, c'est le cœur léger qu'elle partagea une coupe de champagne avec le bellâtre qui la dévorait des yeux.

— Je trinque à cette journée placée sous le signe des surprises ! Déclara la jeune femme.

Le cristal tinta, tandis que Liam intriguait d'en savoir plus la questionna sur ses découvertes. Elle reprit son récit par le début comme dans un film, bien que Liam en ait déjà eu connaissance concernant la vente. Puis vint l'épisode des fossoyeurs, leurs affirmations sur le fait que Violette n'ait jamais reposé dans le cimetière du village. Liam fut impressionné par les renseignements que la jeune femme avait pu obtenir, son grand-père et lui n'avaient même pas pu parler deux minutes aux habitants. Elle consentit alors à lui livrer son secret pour soutirer des confidences : offrir un verre au bar du coin ! Puis elle imita avec bienveillance, le père et le fils dans leurs épopées professionnelles, ce qui amusa beaucoup Liam, découvrant l'humour rafraîchissant de sa ravissante hôtesse.

Arrivée à l'évocation de la visite du bien, le sourire de Romane laissa place à une émotion différente, mêlée d'une mélancolie étrange, un malaise. Elle décrivit précisément les lieux, ses ressentis. Elle évoqua la vieille bonne acariâtre qui lui avait servie de guide à la vitesse de la lumière car peu disposée à s'éterniser. Elle lui expliqua que celle-ci était repartie avant même la fin de la visite.

— Tu as des photos pour moi ? s'intéressa Liam.

— Très peu, Marie, ma guide improvisée, s'est offusquée que j'en prenne, elle était pressée. Et puis, comme je te l'ai dit, la visite n'est pas terminée, je comptais y retourner demain, avoua-t-elle.

— Mais c'est quoi un château ? Pourtant la façade ne me paraissait pas si grande, s'interrogea-t-il, perplexe.

— Je n'ai visité que trois pièces... finit par avouer Romane empêtrée.

— Ah bon et pourquoi ça ?

— Vois-tu, je me suis un peu moquée de Marie, l'ancienne bonne du curé. Elle m'a appris que les gens du village avaient des raisons de ne pas vouloir de ce bien. Et quand j'ai voulu savoir, elle a joué à un petit jeu que je n'ai pas apprécié, mais finalement comme j'y ai joué mieux qu'elle, elle a fini par se faire avoir.

— Ah... répondit l'homme qui n'avait pas trop saisi son propos, il parlait bien le français mais certaines subtilités lui échappaient encore, cette histoire de jeu n'était pas claire.

Romane consciente qu'elle l'avait perdu dans son récit, finit par lâcher la chute.

— Enfin, tout ça pour te dire que la « villa Ange », oui c'est son nom, précisa-t-elle devant le regard interrogateur de son aimé, est hantée !

— Alors, tu as eu peur et tu t'es sauvée, conclut-il en ricanant.

— Non, ça m'a amusée, elle l'a mal pris et m'a dit qu'elle viendrait me tirer les pieds la nuit, expliqua Romane.

— Qui ça la bonne ? Demanda Liam perdu.

— Non ! Elle c'est le fantôme de la « villa Ange ».

— Ah, c'est une fille ? Rebondit Liam moqueur.

— Oui ! Elle ! C'est Violette Jolie ! Claqua-t-elle comme un couperet.

Liam qui venait de porter son verre de vin à la bouche, avala de travers puis se mit à tousser , se frappant la poitrine. Essayant de reprendre son souffle, il tentaa de prononcer un mot mais emporté dans un fou rire incontrôlable , il n'y parvint pas.

La jeune femme ne fut pas déçue de son effet qui avait failli étouffer son amoureux, de plus sa venue lui avait permis de voir sa réaction en live. Après avoir contrôlé son rire nerveux, Liam put enfin exprimer ce qui lui brûlait les lèvres.

— Eh bien c'est formidable! comme je dormirai avec toi dès que la villa nous appartiendra. Quand Violette viendra te tirer par les pieds, j'en profiterai pour lui demander où elle a rangé son corps ! Annonça-t-il hilare.

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Liam est de retour ! 

Pour le plus grand plaisir de Romane !

Quant à la tante Claudine, elle sent le vent tourner,

Il est temps de libérer sa conscience...

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Le chapitre est plus long que d'habitude, j'espère que vous l'apprécierez !

Merci pour vos votes et vos commentaires qui m'aident dans l'écriture ;)

Bonjour aux nouveaux! et merci aux fidèles!

Des bises

 Luce  😘😘😘

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