À vendre...

Une sonnerie d'appel retentit.Le portable de Romane afficha le numéro de l'agent immobilier coupant court à la conversation qui devenait pourtant intéressante. La visite de la propriété se ferait mais avec une collaboratrice, lui annonça son interlocuteur toujours aussi chaleureux. Lui-même était retenu ailleurs pour un impératif. Bien qu'elle ne saisît pas vraiment le caractère urgent que pouvait prétexter l'agent, la jeune femme acquiesça. Aussitôt, l'homme raccrocha sans aucune formule de politesse. Interloquée, elle regarda son mobile, hébétée, ce qui ne manqua pas d'intriguer Pierre qui l'observait.

— On t'a posé un lapin ? Demanda-t-il sans détour.

— Oui et non... hésita-t-elle d'abord. Puis devant l'expression satisfaite de l'homme, elle poursuivit :

— Ce n'est pas un rendez-vous galant, précisa-t-elle. Je dois la visiter, indiqua-t-elle en faisant un signe de tête pour montrer le bâtiment de l'autre côté de la rue.

D'abord père et fils furent surpris. Puis Francis rebondit.

— Ben, j'en connais un qui va être content si tu t'installes ici ! Répliqua-t-il avec un air facétieux.

Illico, Pierre adressa un clin d'œil à la jeune femme. Son expression et son regard avide en dirent long sur ses espérances la concernant. Il était assez bel homme, robuste, il ne faisait aucun doute qu'il devait faire des ravages dans les parages, mais rien ni personne ne brillait plus aux yeux de Romane que son Liam qu'elle espérait revoir bientôt...

— Je la visite pour ma tante, pas pour moi, rectifia-t-elle sans détour. Les jumelles y sont nées, c'est sentimental.

La mine du plus jeune des hommes se brouilla de déception, puis d'un tempérament persévérant il renchérit.

— Au moins on se reverra, c'est déjà ça !

Romane ne répondit pas, n'attisant aucun espoir chez Pierre.

— Je l'ai toujours connu comme presbytère... intervint alors Francis pensif.

— Vraiment ? Et quel âge avez-vous si ce n'est pas trop indiscret ? Questionna la jeune femme.

— Soixante-cinq ans, petite ! Confia-t-il dévoilant une rangée de dents incomplète.

— Vous n'avez que sept ans d'écart avec les jumelles alors... Il faut croire qu'il n'y a peut-être pas eu d'autres propriétaires entre-temps... réfléchit-elle à voix haute.

— Je ne sais pas... mais je le demanderai à mon père, répliqua Francis. C'est un vieux gâteux mais il a toute sa tête encore. Le seul hic, c'est qu'il chiale comme un gosse quand on reparle de la guerre. Quand il est revenu, il n'était plus le même me disait ma mère.

L'histoire de ce bien pouvait-elle être la pierre angulaire qui mènerait à Violette ? Difficile à dire, mais aucune piste n'était à négliger. La famille Jolie avait subi les événements comme tous leurs compatriotes, mais dans quelle mesure ? Avait-elle essuyé des pertes ? Il fallait qu'elle élabore la généalogie familiale pour répondre à ces interrogations.

Une autre question la taraudait : pourquoi et comment l'Église catholique, avait-elle pu acquérir un bien aussi ostentatoire à la fin de la guerre. Le pays était en majeure partie à feu et à sang et de nombreuses églises étaient rasées ? Étrange et pas très charitable de mobiliser des fonds ainsi, alors que leurs fidèles étaient dans la tourmente.

Romane écouta ensuite les aventures professionnelles des deux hommes. Ils évoquèrent des récits, des plus tristes aux plus sordides. Des mères qu'ils durent arracher du cercueil de leurs petits-enfants, refusant qu'ils gagnent les ténèbres de leurs tombes, aux proches qui caillassaient la boîte en représailles de déshéritage ou de vieilles rancœurs, tout était possible, y compris le fou rire nerveux qui n'avait rien de rare. Contre toute attente, il fallait bien avouer que le duo père-fils avait un véritable talent pour faire vivre leurs histoires. Parlant fort, imitant les différents protagonistes, ils tirèrent des éclats de rire jusqu'aux larmes à la jeune femme. Le temps s'écoula rapidement avec ce show qui était loin de la morosité apparente du métier de fossoyeur.

Le village était d'un calme reposant, rien à voir avec la vie trépidante de Paris ou de Londres. Pour les vacances, ce havre de paix semblait être prisé des randonneurs. Plusieurs dizaines d'entre eux défilèrent pendant l'heure, puis une femme âgée au profil bien différent vint se poster devant le portail de la demeure à visiter. Petite et décharnée, ses cheveux lisses argentés étaient coiffés au carré séparés d'une raie au milieu et surmontés d'un gros diadème de velours. Chemisier col Claudine, jupe droite trop grande qui lui arrivait au mollet, c'était la parfaite tenue de la pieuse grenouille de bénitier.

— On dirait bien que c'est Marie, la bonne du curé qui va te faire la visite, déclara Pierre.

— On l'appelle Marie la gazette, précisa Francis. Elle n'aurait pas pu confesser ! Elle a une langue! Elle en est pas maître ! Insista Francis hilare.

Parfait au moins, elle était fixée, le but étant d'apprendre des choses et non d'alimenter les ragots, elle se tiendrait sur ses gardes. Après avoir échangé leurs numéros en cas d'informations utiles, Romane sollicita leur discrétion concernant ses recherches. Puis elle prit congé d'un Francis chaleureux et d'un Pierre dépité.

Elle traversa la rue et se présenta à la dame âgée. Très vite, elle eut confirmation de l'identité de celle-ci. Marie précisa qu'elle avait été envoyée par le curé parti assister une famille suite à un décès. La jeune femme comprit alors l'impératif de l'agent immobilier qui n'en était pas un. Puis la bonne du curé, habituée au lieu, passa le bras entre les barreaux du portail et dans une cavité à l'arrière du mur se saisit de deux clés anciennes nouées entre elles. Lors de son ouverture, la grille grinça dans un bruit strident. Une allée, parsemée de mauvaises herbes, menait à un perron de cinq marches. De part et d'autre, le jardin ressemblait à une friche abandonnée depuis une éternité, les arbres aux branches anarchiques y conféraient un esprit cafardeux malgré le soleil radieux de l'été. Les murs de la bâtisse imposante étaient envahis de végétaux rampants, çà et là au gré de leur fantaisie, jusqu'au toit. Des coulées noires assombrissaient la majorité des pierres autrefois blondes quand elles n'étaient pas interrompues par de hautes fenêtres réparties harmonieusement sur la devanture. Des volets d'un bois épais délavés par le temps étaient toujours en place quand d'autres avaient fini au sol.Quant au toit de Lauze, à la pente vertigineuse caractéristique de la région, il avait passé les décennies sans dommage, preuve d'un savoir-faire incontestable. Une tour sur l'avant de la façade conférait un cachet particulièrement poétique à l'ensemble. Marie avançait à vive allure. Alors que Romane prenait un maximum de photos. La meneuse de visite avait déjà disparu à l'intérieur, quand en montant les marches, elle la vit réapparaître visiblement énervée.

— Bon alors on la fait cette visite ? Cracha-t-elle désagréable.

— C'est ce qu'on est en train de faire non ? Rétorqua Romane avec aplomb.

— Non, vous faites des photos, rien à voir ! Claqua-t-elle, excédée.

— Il faut bien que je fasse estimer les travaux, répondit la jeune femme gardant son calme.

— Ben moi, je suis juste venue pour rendre service à monsieur le curé, j'ai autre chose à faire ! Je vous montrerai où remettre les clés, comme ça vous en ferez autant que vous voulez et dans tous les sens si ça vous chante !

— Très bien, concéda Romane qui pénétra dans l'habitation à son tour.

La fraîcheur ambiante la saisit immédiatement. Le grand hall en imposait par ses volumes et ses murs de pierre respiraient l'authenticité. Le haut plafond, portant les vestiges d'un lustre ancien, conférait un cachet témoignant du passé prestigieux des lieux. Sur la droite, la tour, dont la paroi arrondie s'ouvrait sur un escalier aux larges marches de pierre, apportait caractère et originalité à l'ensemble. La lumière du jour éclairait à demi la pièce: d'un côté, elle était filtrée par le volet d'une fenêtre située près de la porte d'entrée et à l'opposé libérée par une autre ouverture située à hauteur de la quatrième marche de la tour.

— On va visiter le rez-de-chaussée, après je vous laisserai monter seule, car moi je monte pas, j'ai mal au dos, décréta la femme acerbe.

Romane opina et suivit. Elles empruntèrent d'abord une porte située sur la droite du hall. La pièce immense qui s'offrit à elles, devait-être idéale pour recevoir lors de réceptions. Des objets de cultes, pupitres, aubes,croix, étoles et autres colifichets non identifiables côtoyaient paperasses, livres et bon nombre de cartons empilés. Dans ce capharnaüm, on devinait le large conduit d'une cheminée au fond ainsi que des ouvertures vitrées de part et d'autres aux volets fermés. Le sol de tomettes rectangulaires en terre cuite semblait identique à celui de l'entrée mais d'une couleur toujours aussi indéfinissable car trop encrassée. Si la bonne du curé n'avait pas de vertu de discrétion, elle n'en possédait pas plus comme agent immobilier, ni même comme femme de ménage...

— Je me demande bien ce qui peut vous motiver à vouloir acheter cette ruine ? s'enquit alors la gazette de Vélines.

Romane fut tenter de lui apprendre que « la ruine » comme elle la nommait, était en fait un véritable bijou, qui remis en état étincellerait comme au temps des années folles mais elle préféra économiser sa salive.

— Je ne suis pas sûre d'arrêter mon choix sur ce bien... Broda-t-elle.

— Ah ! Je vous comprends, ici personne n'en veut!  Vous avez d'autres visites à faire ?

— Je cherche le coup de cœur pour mon projet, dit-elle spontanément avant de regretter aussitôt son évocation d'un projet imaginaire.

— Ah bon et c'est quoi votre projet ?

— Des chambres d'hôte, répondit-elle, avant de rebondir sur les propos de la femme.

— Et pourquoi personne n'en veut ici ?

Pour la première fois depuis leur rencontre, le visage de Marie changea pour une expression d'embarras. Il était évident qu'elle avait trop parlé et qu'elle hésitait à livrer les raisons qui rebutaient à acquérir ce bien. Romane la fixa et hocha la tête en signe d'insistance, la bonne n'eût alors d'autre choix que de parler.

— Si monsieur le curé vous demande pourquoi vous n'en voulez pas, surtout ne lui dites pas que je vous ai parlé de ça...

— Je n'ai pas dit que je n'en voulais pas, corrigea Romane. Il m'est indispensable de tout savoir et tout bon agent immobilier ne laisserait pas de zone d'ombre.


Encouragée par les arguments avancés, la femme sourit, satisfaite de pouvoir se livrer à ce qu'elle faisait de mieux... colporter des ragots. Qu'elle était la teneur de ces rumeurs, Romane brûlait de le savoir. Après-tout, ne dit-on pas qu'il n'y a pas de fumée sans feu ? Songea-t-elle.

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Pensez-vous qu'il puisse y avoir une part de vérité dans les rumeurs de la gazette

du village ?

Personnellement et par expérience, je me suis aperçut que

 si elle peut parfois elle pouvait partir de faits réels,

il faut bien reconnaître que

 plus elle est partagée et plus elle a de chance

d'être déformée... alors prudence

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Coucou comment allez-vous?

pas trop chaud?

Moi je vous ai fait faux bond la semaine dernière,

Mon esprit avait envie de s'évader alors je suis partie

quelques jours ;)

Merci pour vos lectures de partout!

 En France métropolitaine, dans les DOM-TOM

 mais aussi en Tunisie, au Maroc,

au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Bénin, au Cameroun,

à Haïti, aux Etats unis et aux Canada...

Merci pour tous vos commentaires et votes ! 

coucou aux nouveaux! 

N'hésitez-pas à m'apporter vos impressions, c'est précieux !

Des bisous

Luce 😎

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