Chapitre 7 - Intrusion et questions intimes (Léon)


Deux jours sont passés depuis que j'ai dîné avec Tom. Je n'ai pas osé le recontacter. Je sais qu'il a ses entraînements, je ne veux pas le perturber. D'autant que je joue avec le feu. Si quelqu'un me surprend en train de passer du temps avec lui, on pourrait se faire des idées, et je dois à tout prix éviter que mon secret s'ébruite.

Ce matin, un journaliste m'a demandé si j'étais en couple, puis si ma « petite amie » ne craignait pas cette nouvelle célébrité.

Évidemment, mon agent, en charge de gérer ma nouvelle notoriété, m'avait prévenu que cela pouvait arriver. Aussi, quand le journaliste m'a dit, l'air de rien :

— Pourriez-vous nous parler de cette jeune bénévole dont on vous dit si proche près des bassins ?

J'étais préparé.

Enfin techniquement.

Sur le moment, j'ai quand même failli m'énerver. Pourtant, ce n'est pas de moi de surréagir. J'ai toujours été réservé et introverti. Je me mets rarement en colère, et ma préparation mentale m'a beaucoup aidé à canaliser mes émotions. La natation m'a offert une force mentale à toute épreuve, je sais calmer les battements de mon cœur en quelques secondes et faire redescendre la pression. Mais cette histoire, ça fait au moins 10 fois que j'en entends parler. Les réseaux sociaux n'ont pas cessé de mettre en avant une romance fictive entre moi et une bénévole dénommée Apolline, qui m'a offert une bouteille d'eau avant ma première compétition. J'ai croisé cette fille à deux ou trois reprises près des gradins, en train de nettoyer l'eau au bord de la piscine pour ne pas que l'on glisse. Peut-être aussi dans les vestiaires, quand elle est venue apporter des serviettes aux nageurs. De là à envisager une romance, il n'y a visiblement qu'un pas. Les fans sont prêts à tout croire et tout inventer...

— Je n'ai aucune histoire avec cette jeune fille, répond-je calmement.

Et il n'y a aucune chance pour que cela arrive avec aucune bénévole.

Un sportif, à la limite.

— Et Zazie Gardeau, cette amie d'enfance venue vous soutenir ?

Je serre les poings sur mes cuisses et continue de sourire. Zazie est une amie, rien de plus. Nous étions à l'école ensemble et elle a accompagné mes potes toulousains et ma famille.

— Non plus.

— Et la gymnaste américaine ?

Cette fois, j'en ai assez.

Assez que l'on me questionne sur des filles dont je ne sais rien, ou sur des histoires qui ne mèneront jamais à rien.

J'aimerais avoir la force et le courage de Tom Daley et être capable de répondre : « Il n'y aura jamais rien parce que je suis gay ». Mais je me tais. Je sais que dans le monde d'aujourd'hui, les gens sont plus tolérants envers les sportifs queer, mais une part de moi craint de les décevoir. Et puis, ne nous mentons pas, même si cela va mieux dans mon pays, il reste toujours des intolérants. Il n'a qu'à voir les réactions lors de la cérémonie d'ouverture des JO. Certains ont reproché au Comité d'avoir fait venir des drags queen, comme si cela risquait personnellement de les insulter. Ces gens ne savent pas apprécier le spectacle...

Et puis même, c'est ma vie privée. Je n'ai pas envie de l'étaler, cela me regarde. Si Tom a choisi de révéler sa sexualité au grand jour, pour défendre les valeurs auxquelles il croit et militer ; moi, je n'en ai pas envie. Ou plutôt, pas maintenant. J'apprends juste à me faire à cette nouvelle célébrité, je ne peux pas aussi gérer un coming-out et d'éventuelles critiques.

Seuls mes parents sont au courant, quelques amis proches aussi. Cela me suffit.

— Êtes-vous venus m'interroger sur ma vie sentimentale ou mes performances sportives ? attaqué-je, tout en tâchant de rester poli.

— M. Marchand ne souhaite pas aborder sa vie privée, me défend mon agent.

Le journaliste hoche la tête et passe à la suite de ses questions. Cette fois, on revient sur mes victoires, mes médailles, mes projets futurs pour la suite de ma carrière. J'avoue ne pas savoir moi-même ce que je souhaite faire ensuite.

— Comptez-vous retourner aux États Unis ? demande le journaliste.

— Sûrement, je dois finir mes études.

— Nous vous verrons aux prochains jeux de Los Angeles ?

Difficile à dire.

— Je ne me suis pas décidé, c'est encore tôt.

J'ai le temps de voir venir. Pour l'heure, et même si j'adore les jeux, j'ai surtout hâte de retourner le calme et la tranquillité qui me manque.

J'ai toujours aimé nager, mais j'ai plusieurs fois failli renoncer. Si on me considère aujourd'hui comme un homme machine, capable de nager aussi vite qu'un requin dans un bassin, cela n'a pas toujours été le cas. Durant longtemps, je n'étais que le gamin gringalet qui avait froid dans l'eau. Il m'a fallu des heures et des heures d'entraînement pour parvenir à ce niveau, et j'ai bien failli tout abandonner quand le Covid est arrivé. À l'époque, je me préparais pour les JO de Tokyo, et tout s'écroulait avant même de commencer. Florent Manaudou, que j'avais appelé, m'avait remotivé. Sans le soutien de mes camarades nageurs, je n'en serai pas où j'en suis aujourd'hui.

— Et en ce qui concerne vos records, continue le journaliste. Michael Phelps ne vous en veut-il pas trop ?

— Les records sont faits pour être dépassés, répond-je. Maintenant, si vous le voulez bien, je vais devoir mettre fin à cette interview.

Je prétexte avoir un autre rendez-vous. Le journaliste me remercie et je quitte la salle, en compagnie de mon agent qui s'excuse immédiatement pour les questions intrusives. Je le rassure, il n'est pas responsable. Toutefois...

— Serait-il possible d'avoir les questions en avance la prochaine fois ? Et de mettre quelques limites.

Il m'assure qu'il préviendra mieux les journalistes sur les questions à ne pas poser. Je le remercie et quitte le lieu de l'interview pour aller prendre un taxi. Cet après-midi a lieu les épreuves d'athéismes. Tom m'a dit qu'il y serait avec Noah. Je n'ai pas très envie de voir son coéquipier, mais l'idée de le revoir lui me plaît.

Je sens encore sa bouche se poser sur ma joue. Effleurer mes lèvres.

J'ai fait exprès de tourner la tête au dernier moment, dans l'espoir de provoquer une réaction. C'était dangereux, je le sais, mais il était tellement mignon avec son cadeau. L'étui a médaille est toujours posé sur ma table de chevet, j'y ai glissé ma première médaille d'or, celle qui a un goût particulier.

Je sors mon portable et cherche le nom de Tom.

Léon :

T'es déjà au stade ?

Je m'engouffre dans le taxi. Le temps que celui-ci démarre, Tom m'a répondu.

Tom :

Pas encore.

Je sors de la piscine.

On va pas tarder.

Léon :

Vous aurez déjeuner ?

Tom :

Non, on prend un tupp'

Ça a été l'interview ?

J'hésite à répondre avec sincérité. Je pourrai mentir. Dire que tout était parfait. Finalement, j'opte pour la vérité :

Leon :

Compliqué.

Ils m'ont posé plein de questions personnelles.

J'aime pas ça.

Tom :

Je comprends 🥺😕

On en reparle tout à l'heure si tu veux ?

Léon :

OK 🥰

Il faut croire que je ne peux rien lui refuser.

*

J'espère que vous avez aimé ce chapitre.

Et pour mes lecteurices de mon autre fanfiction, avez-vous repéré ma référence (subtil) à Apolline 😉 ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top