Chapitre 2 - Plongeon synchronisé (Tom)
Lundi 11 juillet, Centre Aquatique, Saint Denis
Je stress.
Et si Jane, mon entraîneuse, m'a appris quelque chose, c'est qu'il n'est jamais bon d'être angoissé avant une compétition.
Debout devant l'escalier menant au plongeoir, elle me prodigue ses derniers conseils, le doigt tendu vers le ciel. J'aperçois le plongeoir, à 10m au-dessus de nos têtes, ou je vais bientôt m'élancer. Dans le public, c'est déjà l'euphorie. Deux athlètes ont déjà concouru, et c'est bientôt notre tour avec Noah.
— N'oubliez pas ce que je vous ai déjà dit cent fois. Concentration, coordination, précision.
Elle répète cela tout le temps, comme un mantra. Je relève la tête vers l'écran géant ou s'affiche l'ordre de passage. Nos noms sont annoncés et la voix de commentateur sportif résonne dans l'Arena.
— C'est à vous. Donnez tous les garçons.
Nous hochons la tête, prêts à rejoindre le grand bain. Ce n'est pas ma première compétition. J'ai débuté ma carrière à 14 ans, au JO de Pékin, j'étais alors l'un des plus jeunes sportifs de grandes Bretagne à concourir. Depuis, j'ai accumulé les compétitions et les médailles : champion d'Europe, champion du monde, médaillé d'or Olympique lors des derniers jeux de Tokyo en 2021.
J'avais pour projet d'arrêter la compétition après ces jeux pour épouser Dustin et avoir des enfants avec lui. Comment a-t-il pu changer d'avis aussi brutalement après toutes ces années passées ensemble ?
— T'es stressé ? demande Noah alors que nous montons les escaliers.
— Non, ça va, mens-je.
Pourtant, mon cœur bat déjà trop vite. Je secoue la tête de droite à gauche, mais j'imagine que mon visage parle pour moi. Arrivés à mi-parcours, Noah m'agrippe par l'épaule et me force à le regarder.
— Écoute moi bien, Dustin est un con.
Mon cœur se serre. Dustin n'est pas un con. Dustin était l'amour de ma vie, mais il n'a jamais supporté que je sois plus connu que lui. Réalisateur et scénariste, il espérait décrocher un Oscar et être porté au rang des plus grands du cinéma. Cela n'a jamais fonctionné, son dernier film a été vivement critiqué et il n'a pas arrêté de me reprocher ma participation aux jeux de Paris.
— Il a besoin de temps, déclaré-je.
— Ça faisait des mois que ça n'allait plus. C'est mieux pour toi.
Alors dans ce cas, pourquoi ça fait si mal ?
— On va en discuter.
Je fais mine de partir, mais Noah m'attrape par le poignet et me tire vers lui.
— On n'a pas le temps pour ça, là ! m'agacé-je.
— Écoute moi, Tom. Dustin et toi, c'est fini OK ? Et je vais même aller plus loin : c'est très bien que ce soit terminé. Tu n'aurais pas été heureux avec lui, il a toujours été jaloux de ta carrière et de ton succès. Au moins maintenant, tu vas pouvoir vivre pour toi.
— Et être seul, c'est ça ?
Retraité à 30 ans, sans carrière, sans objectif.
Quelle vie rêvée !
Noah lève les yeux au ciel et croise ses bras sur son torse nu. Nous ne sommes qu'en maillot de piscine.
— Je parlerai avec lui tout à l'heure, je peux le convaincre de...
— Il t'a quitté la veille de notre compétition uniquement pour te voir échouer, me coupe Noah. Alors non, tu n'iras pas ramper à ses pieds. À la place, tu vas plonger avec moi, décrocher cette médaille et lui faire un gros fuck. Pigé ?
Un sourire étire mes lèvres malgré moi. Noah a toujours les mots qu'il faut pour détendre une situation. Je ravale les larmes que je sens poindre et hoche la tête. Nos noms sont de nouveaux annoncés et nous nous pressons pour rejoindre le haut du plongeoir.
Il culmine à 10m de hauteur et offre une vue plongeante sur la piscine en contrebas et sur les spectateurs installés dans le gradin. En arrivant, nous saluons la foule qui applaudit et se met à hurler. Ce n'est pas la même euphorie que lors des JO de Londres, où mes compatriotes hurlaient mon nom et me soutenaient, mais je retrouve quand même la joie et l'énergie de la foule.
Étonnement, au milieu des applaudissements, j'entends un prénom répéter : « Léon ».
— Le français nous vole la vedette, marmonne Noah.
Mon regard parcourt les milliers de spectateur et finit par s'arrêter sur l'un d'entre eux, dont je reconnais les cheveux blonds et les yeux bleus. Léon Marchand est assis avec d'autres nageurs français.
— Laisse le profiter de sa nouvelle célébrité.
— Il n'a pas l'air à l'aise.
Je hausse les épaules. La célébrité n'est pas toujours facile. Léon Marchand n'a qu'une vingtaine d'année, il finira par s'y faire.
— Tu es prêt ? demande Noah.
J'opine. De toute façon, il le faudra bien.
Comme toujours avant une compétition, j'étire mes bras et mes jambes. Inspire. Expire. Je dois faire le vide dans mon esprit, repousser les pensées parasites et ne laisser la place qu'à mon objectif. Noah fait de même. Nous devons nous élancer en tandem, et les juges nous notent à la fois sur nos figures, mais aussi sur leurs synchronisations. Ils observent plusieurs phases des sauts : la position de départ, l'impulsion, le plongeon, et l'entrée dans l'eau.
Chaque fois que je saute, j'imagine ma mère devant la télévision, terrifiée. Il faut dire que c'est une discipline dangereuse et qu'on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise chute.
— 30 secondes ! souffle Noah.
Je rouvre les yeux. Le chrono défile.
Nous reculons d'un même mouvement, les yeux rivés vers un point fixe.
20 secondes.
10 secondes.
Un bip retentit.
— Star !
Nous nous élançons. Je pousse sur mes jambes, m'élève dans le ciel, tend les bras, me replie sur moi-même, et tourne, tourne, tourne.
Mon corps pénètre dans l'eau en piquet.
Le plongeon n'a duré que quelques secondes à peine. Quelques secondes qui, comme toujours, ont semblé suspendre le temps.
Je pousse sur mes pieds pour m'extraire de la piscine et remonter à la surface. Noah arrive en même temps que moi.
La foule applaudit. Mon équipier nage vers le bord du bassin, je le rejoins en quelques battements de jambe, remonte et accepte la serviette que l'on me tend.
Léon Marchand m'observe quand je relève les yeux et je sens une drôle de sensation m'envahir. Une sensation que je n'avais plus éprouvée depuis longtemps.
Quelque chose qui ressemble à des papillons et qui vibre dans mon ventre.
— TOM ! Viens voir les résultats.
Je lâche Léon du regard et rejoins Noah.
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