— Oups ! Pardon ! s'exclame Florent.
Accompagné par Maxime, mon ami nageur s'arrête net en nous voyant.
Tom et moi nous écartons d'un bond, mettant le plus de distance possible entre nos deux corps. Malheureusement, cela ne suffit pas pour cacher à Maxime et Florent qu'ils viennent d'interrompre un moment intime. Les yeux écarquillés, mes deux amis nageurs ouvrent grand la bouche, ce qui leur donne l'air de deux poissons hors de l'eau.
— Euh..., commence Florent, sans savoir quoi dire.
— Vous..., reprend Maxime.
— Qu'est-ce que vous faites là ? les coupé-je.
Ma question est stupide. Eux pourraient me rétorquer « Et toi ? Pourquoi tu es parti t'enfermer avec Tom Daley dans un vestiaire » ? Mais j'imagine que notre attitude d'ado surpris en pleine séance de bécotage parle pour nous. Les deux nageurs semblent très embêtés. Florent passe ses mains dans ses cheveux, Maxime s'embrouille dans sa réponse.
Je décide de me lever. Tom est toujours assis, l'air gêné.
— On cherchait un endroit où se poser. Il y a trop de bruit dans le stade, répond finalement Florent.
Ses yeux dérivent vers Tom. Celui-ci s'est mis à se ronger les ongles.
— Désolé... Si on avait su... Enfin...
Florent n'arrive pas à poursuivre. J'imagine qu'il est embarrassé. C'est finalement Maxime qui ose dire :
— Félicitations, du coup ?
Tom relève la tête. Nous échangeons un regard, un peu stupéfaits et incrédules.
— Tu me félicites pour quoi, au juste ? demandé-je.
— La lanterne évidemment ! s'empresse de répondre Florent.
Pourtant, son regard revient toujours se poser sur Tom. J'ignore ce qu'il pense de tout cela. Comme tout le monde, les deux nageurs pensaient sans doute que j'aimais les femmes. Ils s'imaginaient sûrement que j'allais leur annoncer que je sortais avec une bénévole, une fan, ou n'importe quelle fille, mais pas avec un garçon. Pour leur défense, je n'ai jamais rien laissé paraître.
— Désolé, j'aurais dû vous le dire...
Enfin, pas vraiment. Dans le fond, rien ne m'oblige à faire un coming-out. Eux ne sont pas venus me dire « Eh ! On est hétéro au fait ! » alors je ne vois pas pourquoi je m'excuse. Pourtant, je ne peux m'empêcher de ressentir de la culpabilité. Pas parce que je suis gay, mais parce que je l'ai caché à deux des amis dont je suis le plus proche.
— Tu n'as pas à t'excuser, me répond aussitôt Maxime. C'est plutôt nous qui interrompons quelque chose, visiblement.
— Mouais, c'est le cas de le dire, répond Tom en se levant.
Un sourire étire ses lèvres. Florent reprend sa respiration et éclate de rire.
— Putain ! Si j'avais su que t'étais parti t'enfermer avec un mec dans les vestiaires. Toi ! Le type le plus timide de l'équipe des nageurs. Tu caches bien ton jeu, Léon.
— Ce n'est pas... enfin...
— C'est de ma faute, déclare Tom. C'est moi qui l'ai entraîné.
— J'aurais dû me douter qu'il y avait balai sous gravillon, continue Maxime. Vous étiez un peu trop proche cette semaine tous les deux.
— J'étais aussi proche de toi que de lui ! rétorqué-je en fixant Maxime.
Maxime ouvre grand ses yeux.
— Aussi proche ? Je ne crois pas ? À moins que tu m'ais embrassé sans que je ne le sache.
Je lève les yeux au ciel. OK, je n'étais peut-être pas proche ainsi.
— T'es au courant que tu fraternises avec l'ennemi ? lance Florent en pointant Tom du doigt.
Passé l'instant de gêne, Florent Manaudou semble avoir retrouvé sa bonne humeur et sa manie de faire des blagues sur tout et n'importe quoi. Tom en profite pour se rapprocher et glisser sa main dans la mienne, avant d'embrasser ma joue. Je me sens rougir, comme chaque fois qu'il me touche. Le problème, quand vous êtes blonds, c'est qu'il est impossible de cacher vos émotions. Elles s'impriment sur votre visage.
— Cette fois, on va dire qu'on a tous les deux décrocher la médaille d'or, déclare Tom, sur un air beaucoup trop mignon qui me donne envie de l'embrasser encore.
Florent et Maxime nous regardent d'un air ému. Je sens qu'ils sont heureux pour moi. Même s'ils sont surpris – forcément, ils ne s'attendaient pas à cela – ils ne me rejettent pas. Au contraire, ils sont plein d'encouragement, taquins, comme d'habitude en fait. Je les en remercie du regard. C'est exactement la réaction que j'attendais d'eux et pas pu espérer mieux. Pour autant, j'ai quand même besoin de m'assurer d'une chose.
— Vous ne direz rien, pas vrai ?
Maxime et Florent échangent un regard, avant de hocher la tête de concert.
— Tu peux compter sur nous, déclare Maxime.
— Mais tu sais qu'il n'y a rien à cacher, hein ? ajoute Florent. Tu as le droit d'être gay, ça ne change rien pour vous.
— Pour vous, non, et je vous en remercie. Mais pour les autres, je ne sais pas. Je ne suis pas encore prêt à le dire. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de m'exposer ainsi.
Le problème, quand on est médiatisé, c'est que lorsque l'on dit « Je suis gay », on porte forcément un message. Moi, je veux vivre mon histoire d'amour avec Tom, dans l'intimité. Cela aurait été pareil avec une femme. Je veux juste que notre histoire nous appartienne. Ma famille sait que j'aime les garçons, deux de mes amis les plus proches le savent aussi désormais. Je mettrai peut-être Yohann et mon agent dans la confidence – au cas où l'information fuiterait -, mais cela s'arrêtera là.
Je vais attendre que l'épisode de célébrité passe. Que le calme revienne. Que ma vie habituelle reprenne. Peut-être qu'un jour, je me sentirai prêt à le crier au monde entier et à embrasser la cause des sportifs ouvertement queer, comme Tom le fait.
Mais pas pour l'instant.
Pour l'instant, je le veux seulement pour moi.
— Tu peux compter sur nous, me promet Florent.
Il pose sa main sur mon épaule et l'enrobe de chaleur. Je m'avance vers lui, le laisse me serrer dans ses bras, puis fait de même avec Maxime. Tom reste en retrait à nous observer. Les embrassades effectuées, Florent déclare :
— Bon, ce n'est pas tout, mais on va repartir faire la fête. Vous venez ?
J'échange un regard avec Tom. J'aimerais rester ici, dans ce vestiaire, à l'embrasser, mais nous aurons tout le loisir de le faire plus tard. Aussi, je dépose un baiser furtif sur ses lèvres, agrippe ses doigts et nous partons à la suite de mes amis.
Il est temps de terminer cette folle soirée.
L'une des plus belles de ma vie.
*
Nous arrivons doucement à la fin de cette histoire.
Il s'agissait du dernier chapitre. L'épilogue sera posté demain.
Je souhaite à tous les élèves une bonne rentrée (je suis prof, je sais ce que c'est d'avoir envie de rester en vacances, mais vous allez réussir brillamment, j'en suis sûr). Et à ceux et celles qui travaillent déjà : bon courage !
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