Information : dans la réalité, Tom n'a participé qu'à une seule épreuve lors de ces JO (celle du plongeon 10m synchronisé avec Noah Williams). Pour les besoins du récit, je lui ai ajouté une compétition.
*
La semaine a filé trop vite. La compétition de Tom a lieu aujourd'hui. J'ai promis d'y assister (et même sans promesse, j'y serai allé de toute façon, parce que je n'ai pas pu le voir depuis jeudi). En prenant le petit déjeuner ce matin, je me sentais impatient. Comme avant une compétition, je stress' presque autant pour lui que pour moi.
Tu devrais arrêter cette obsession Léon, ça vaut mieux. Dans quelques jours, les jeux seront terminés et tu ne le reverras plus jamais.
La perspective de notre séparation et la fin des jeux qui se profile me rendent morose. Le temps est passé trop vite. Beaucoup trop vite. J'ai l'impression que c'était il y a des années que je concourais pour obtenir mes cinq médailles.
— Alors, tes pronostics ?
Maxime Grousset, assis à côté de moi dans les gradins, tend son doigt vers le tableau sur lequel le nom des plongeurs sont affichés. L'épreuve de plongeon masculin 10m, en individuel, est l'une des dernières de ces jeux. Dans un peu de plus de vingt-quatre, tout sera terminé. La piscine est remplie à craquer. Des milliers de personnes ont dépensé leur argent pour assister à la compétition. Les jeux, vivement critiqués, ont finalement convaincu le public. Les français se sont laissés prendre aux jeux, ils acclament leurs sportifs, nous soutiennent, et se retrouvent unis autour des mêmes objectifs.
C'est à cela que sert le sport : partager des valeurs communes de solidarité et d'unité.
Et à propos d'unité, le président de la République m'a contacté hier soir pour me proposer d'être celui qui rapportera la lanterne contenant la flamme, des tuileries au stade de France. J'ai bien sûr accepté, même si l'idée d'être encore une fois sous le feu des projecteurs m'effraie.
« Je fais ça pour mon pays, pour les français, pour ces millions de spectateurs qui m'ont porté et soutenu durant ces jeux », me répété-je pour tenir.
— Alors ? insiste Maxime.
Sa remarque me ramène dans la compétition. Je fixe mon regard sur le tableau où s'affichent le nom des sportifs plongeurs.
— Cao Yuan va rafler la médaille d'or, déclare Yohann à ma place, en s'essuyant sur mon côté droit.
— Pourquoi forcément la Chine ? lance Florent en se joignant lui aussi à la conversation. Les américains sont bien placés.
— Les chinois remportent toujours les épreuves de plongeon, rappelle Yohann. Cao est une légende dans son pays, un peu comme Léon pour nous.
Yohann me gratifie d'un clin d'œil et d'une tape amicale sur l'épaule. Ce que j'aime avec mes amis du cercle des nageurs, c'est que malgré les compétitions, nous ne sommes jamais en concurrence. Le monde du sport est fait de défaites et de victoires, mais comme l'indique la devise des JO, « l'important, c'est de participer ». Bien sûr, nous espérons tous décrocher l'or, mais rien que le fait d'être ici, et de concourir avec les meilleurs de notre génération est déjà génial.
— Si Cao décroche cette victoire, ce sera sa huitième médaille d'or, sifflé Yohann. Ce type est incroyable.
J'en connais un autre qui est incroyable.
— Tom Daley peut y arriver, lui aussi, ajouté-je faiblement.
— Daley ? répète Maxime. Mmm, ouais. C'est vrai. C'est le seul à être parvenir à lui voler un titre à Tokyo en 2021. Étonnant pour un anglais.
— Ça ne fonctionnera pas cette fois, il est trop vieux, lance Florent.
— Il ne devait pas arrêter la compétition après Tokyo d'ailleurs ? demande Yohann.
— Si, mais il a décidé de participer une dernière fois si j'ai bien compris, répond Maxime.
Je n'ajoute aucun commentaire, mais repasse cette remarque dans mon esprit : « trop vieux ». Pourtant, Tom n'a pas encore trente ans, il les fêtera cette année, ce qui nous fait très exactement 10 ans d'écart. Mais pour le monde du sport, 30 ans, c'est souvent la fin d'une carrière. Il n'y a que Rafael Nadal, au tennis, pour répéter chaque année qu'il prend sa retraite, puis revenir quand même...
— Ça y est ! Ça va commencer.
Je relève la tête.
Au même moment, le micro annonce le nom des athlètes qui entrent. Un à un, ils se mettent à défiler. Je me penche pour apercevoir Tom. Il entre dans les derniers, sous les applaudissements du public, le drapeau britannique flottant derrière lui. Son petit air anglais me plaît et lui va à ravir.
L'athlète chinois, Cao Yuan, est le premier à concourir.
Concentré. Imperturbable. Il attend le top départ, puis se met à courir sur sa planche, avant d'effectuer plusieurs pirouettes pour finir dans l'eau sans presque aucun remous. Impressionnant. Cette discipline m'intrigue vraiment. Le plongeoir est immensément haut. Je ne pourrai jamais sauter comme ils le font. J'adore l'eau, j'adore nager, cela ne me gêne pas de plonger pour pénétrer la surface froide, mais de là à monter à plus de 10m de hauteur et me mettre à faire des cabrioles, il ne faut pas exagérer.
— Tiens, ce n'est pas l'anglais, ça ?
Mon cœur se met à battre. Avec espoir, j'imagine Tom monter les marches, et attend de l'apercevoir, mais ce n'est finalement pas lui qui arrive. Le nom de Noah Williams résonne dans la piscine. Il lève les bras pour saluer son public et je me renfrogne.
— Ouais, c'est lui, marmonné-je.
— Je ne suis pas sûr de l'apprécier, commente Florent. Il m'a l'air assez antipathique.
Il l'est, mais je ne veux pas participer aux critiques lancés par mes amis. Même si je n'aime pas spécialement Noah, il reste l'ami de Tom. Le plongeur se prépare, prend de l'élan, puis saute.
Il commet une petite erreur, pour le reste, tout est parfait.
Deux autres plongeurs le suivent : un japonais et un américain.
Vient ensuite le tour de Tom. Cette fois, je me redresse, attentif. De loin, j'admire sa musculature, son air concentré. Son visage s'affiche sur les écrans au-dessus de la piscine. Il est vraiment mignon.
— Start !
Tom s'élance. Son corps part vers l'avant, il tourne sur lui-même, effectue une, deux, trois pirouettes, puis finit sa course dans le bassin. Je me redresse, les yeux rivés sur le jury, avant de river mon regard vers la piscine pour le voir émerger de l'eau.
— Il a fait plusieurs erreurs, commente Florent. C'est mort pour lui.
— T'es sur ? demandé-je.
Je ne m'y connais pas assez en plongeon. Je sais qu'ils sont notés sur plusieurs aspects du saut, mais je ne connais pas le décompte précis.
Tom rejoint le bord du bassin et lève les yeux vers le classement général. Son visage se tord en une grimace, alors que Noah le rejoint. Je les vois échanger avec une femme qui doit être leur entraîneur.
La compétition se poursuit. Nous assistons aux derniers sauts, puis attendons les résultats. Lorsqu'ils apparaissent, Cao Yuan est premier, suivi par Tamari Rikuto, le japonais, et Noah Williams.
Tom ne finit que cinquième, derrière l'américain. Fair-play, je le vois féliciter Noah en le prenant dans ses bras, puis le pousser vers les gradins pour se faire acclamer par le public, avant d'applaudir à son tour.
— Je te l'avais bien dit, déclare Florent. La carrière de Tom Daley est finie.
— C'est déjà un exploit d'avoir participé à cinq jeux dans cette discipline, fait remarquer Yohann.
C'est vrai. Je n'avais que quatre ans quand il a décroché sa première médaille à Pékin, à l'âge de 14 ans. C'est fou dit comme ça.
— Ça vous dit d'aller manger un sandwich ? propose Yohann. Je meurs de faim.
Ils acceptent tous, et nous descendons les gradins pour rejoindre les food truck disposés à l'extérieur de la piscine.
Au moment où je m'apprête à les suivre, mes yeux rencontrent ceux de Tom. Il est au téléphone, l'oreille collé contre le combiné, et sa conversation a l'air houleuse.
— C'est vraiment pour me dire ça que tu appelles ? l'entend-je dire.
Il a l'air en colère. J'hésite à suivre les autres.
— Tu viens ? m'appelle Florent.
Tom raccroche. Des larmes brillent dans ses yeux quand il relève la tête vers moi.
— Allez-y, je vous rejoins.
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