THIRD STAGE

Les jambes contre le mur, allongée sur mon lit, je clos finalement mon volume de poche d'Orgueil et Préjugés, que je n'avais jusqu'ici jamais lu. Maintenant je comprends mieux pourquoi « les filles deviennent dingues quand on leur cite du Jane Austen ». Qui ne voudrait pas un Mr. Darcy... ?

Balançant le livre sur les draps crème du lit, je pose mes deux mains fraîches sur mon visage. Quatre jours. Il n'est pas revenu, ne m'a rien envoyé ; il a disparu, et je veux le voir. 

N'y tenant plus, je descends de mon lit, enfile rapidement ma paire de ballerines et sors de ma chambre. Pour éviter Mamie, je sors par la porte arrière et m'échappe à travers le jardin, poussant le  petit portail grinçant menant à la route de campagne. 

Sa tante a beau habiter à quelques minutes du manoir, j'ai sans doute choisi le pire moment pour faire le chemin. L'air est lourd, le ciel noir et la pluie menace de tomber à tout instant. Alors je me dépêche. 

❁  ❁  ❁  ❁

« Ouais, il doit être dans la serre. Il va là-bas pour lire, apparemment. »

Ses lunettes sur le nez, Sam hausse les épaules en m'indiquant d'un geste la porte-fenêtre du salon. Puis, sans attendre, il retourne sur le canapé et ouvre son ordinateur, jetant un coup d'œil aux feuilles éparpillées sur la table basse. 

« Désolé, mais j'ai pas mal de boulot, alors... »

Lui adressant un léger sourire, je le remercie et pars vers la dite-serre. On allait souvent se cacher là-bas, quand on était enfant. D'ailleurs, il me semble bien qu'on se cachait de Sam. On ne voulait pas qu'il joue avec nous. Deux petits connards.

Ça y est, la pluie tombe. 

La porte est déjà ouverte, et j'entends un rire clair avant-même de rentrer. Celui d'une fille. Oh.

Il est là, oui. Avec une blonde aux jambes immenses qu'elle a apparemment décidé d'enrouler autour de son bassin. Avec ses bras autour de son cou, elle doit vraiment avoir peur qu'il se barre pour s'accrocher comme ça. 

Et lui, il embrasse son cou, les deux mains posées sur le rebord du bassin où elle est assise. Elle rit à nouveau, sans doute parce qu'il lui a cité une connerie de bouquin anglais entre deux baisers, mais ses yeux tombent sur moi et elle pose immédiatement la main sur sa bouche, comme si le fait de cesser de rire allait m'empêcher de les voir.

« Josh, Josh ! s'écrit-elle alors pour lui faire lâcher prise, dans un air amusé. »

Ça va, je ne dois pas afficher une mine trop déconfite pour qu'elle prenne ça sur le ton de la rigolade.

Il se redresse et se tourne alors vers moi. Il lui faut une petit moment pour comprendre ce qui vient de se passer, mais quand il le fait, il jure et repousse la blonde. Oups, la braguette ouverte... Misère de misère.

Je ris un peu, haussant un sourcil. 

« T'interromps surtout pas pour moi Joshua, je voudrais pas te pourrir ton coup. »

Et sur ces mots, je repars, n'attendant aucune réponse. Le bruit de ses pas m'indique qu'il a décide de me suivre, sans doute en refermant sa braguette au passage. Enfin, j'espère.

« Eh, Jackie, attends ! »

Croisant les bras, je me tourne vers lui.

« C'est pour ça que t'es pas venu me voir pendant tout ce temps ?

- Ça ? Elena ?

- Elle pourrait s'appeler Clitorine que je m'en foutrais un peu, mais ouais, Elena. »

Il sourit en entendant ce que je viens de dire, me faisant lever les yeux au ciel.

« C'est pas drôle.

- Un peu quand même.

- T'as pas répondu à ma question. »

Son sourire devient un rictus gêné. Je préfère ça, montre un peu de remords au moins, crétin.

« On peut s'éloigner un peu ... ? »

Je hausse les épaules. Si c'est pour qu'il me donne une réponse, je veux bien qu'on aille où il veut. Il prend alors mon bras et m'emmène derrière la serre. Je vais alors m'adosser contre le verre, attendant toujours.

« Écoute... Tu sais que je t'adore, mais... T'es trop jeune, je peux pas faire ça, tu comprends ? »

J'écarquille les yeux. Ok, je m'attendais à tout sauf à ça.

« Faire quoi ?

- Être plus qu'amis. Je suis pas le genre de mecs qui arrivent à avoir des jolies histoires romantiques, je suis plutôt... Enfin, tu vois ?

- Un queutard ? »

Il ne s'offusque même pas. Sans doute parce que c'est la vérité.

« Et alors ? Je te demande pas de boire de la limonade avec moi et de m'embrasser sur le front en me ramenant chez moi avant le couvre-feu, il me semble ? 

- Mais je m'en voudrais, tu comptes trop pour moi... Ce genre de choses, faut que tu le fasses avec quelqu'un qui t'aime vraiment et tout, enfin, pas que je ne t'aime pas, je t'aime beaucoup, mais... »

Oulah, il s'emmêle complètement. Passant une main sur sa nuque, visiblement gêné, il relève les yeux vers les miens, comme pour me supplier de comprendre ce qu'il tente de dire. Et malheureusement, il me faut quelques secondes pour assimiler ce qu'il insinue.

« Oh, tu... Tu crois que ce serait ma première fois ? »

Cette fois, c'est lui qui ne comprend pas. Il fronce les sourcils, me fixant.

« Tu veux dire que tu l'as fait avec d'autres mecs ?

- Bah ça tombe bien, non ? Puisque tu veux pas que je le fasse avec toi.

- Nan mais Jackie, ça a rien à voir. C'est pas un truc à prendre à la légère ! »

Maintenant, il est énervé. Et je commence à l'être aussi.

« Pourquoi, y a que Elena là-bas qui peut ouvrir les cuisses ?

- Quel rapport avec ses cuisses ?

- J'en sais rien, je vois juste pas pourquoi tu veux contrôler ce que je fais des miennes !

- Parce que t'es une gamine, Jackie ! J'arrive pas à croire que... Putain !

- Je sais que t'es un fossile toi, du haut de tes 22 ans, mais on est au 21ème siècle, les filles qui couchent avant le mariage sont plus considérées comme des traînées, bordel ! »

Je veux le contourner pour partir, mais il pose ses mains de part et d'autre de mes épaules sur la paroi en verre contre mon dos.

« Nan nan, attends, pars pas. C'est pas ce que je voulais dire, c'est juste que toi...

- Moi, j'ai 18 ans. Je suis plus au collège, même si t'as du mal à l'imaginer. Et j'en ai rien à foutre que ce soit comme ça que tu me vois. »

Même si tout ce que j'ai dit précédemment est vrai, cette dernière affirmation est complètement fausse. Mais il n'est pas obligé de le savoir.

« Maintenant retourner avec Clitorine, je voudrais pas que t'aies les couilles bleues à force de trop attendre. »

❁  ❁  ❁  ❁

Poussant la porte-fenêtre, je m'apprête à quitter cette maison de malheur pour rentrer chez ma grand-mère, d'où je n'aurais jamais du partir. De toute façon je suis déjà trempée de la tête aux pieds, alors autant rentrer malgré la tempête qui s'engage dehors. Avec de la chance j'attraperais une grippe et je pourrais définitivement dire que mes vacances ont été merdiques.

« Eh, où tu vas comme ça ? »

Je m'arrête en me tournant vers Sam, qui vient de m'interpeller. Merde, j'espérais passer incognito. Foutue.

« Je rentre chez moi...

- Tu te fous de moi ? Désolé mais ma tante et ta grand-mère me tueraient si je te laissais faire ça. »

Je fais la moue, me demandant comment je vais me sortir de cette galère. Je ne vois pas trop comment je pourrais rester ici après ce qui vient de se passer.

« Ta grand-mère sait que tu es là, au moins ? »

Oh non, il a raison, elle risque de s'inquiéter... Je secoue la tête en signe de négation.

« Bon, je vais l'appeler et le lui dire. Eh puis ensuite on montera deux secondes, que je te donne des vêtements secs. »

J'ouvre la bouche pour répondre, mais la porte fenêtre s'ouvre à nouveau, en trombe, pour laisser entrer un Josh essoufflé.

« Eh, Sam, t'aurais pas vu Jackie passer ? Elle- »

Son regard se pose sur moi et il s'interrompt.

« Oh. »

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