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La chose qui arriva un pâle matin n'avait rien de plantureux. Une maigre tige dans un pot de terre, avec au bout, une petite feuille enroulée sur elle-même à l'extrémité noircie. Sur le pot, une plaque d'identité : Plant TO55005B.
— Elle a dû souffrir du voyage, avait conclu le livreur. Quelle idée d'habiter seul, si loin, en surface !
Jao, un peu vexé de cette tromperie sur la marchandise, décida néanmoins solennellement de porter secours à cette plantule rabougrie, plus par défi que par réel attachement. C'est en sortant le pot de son emballage qu'il vit le manuel au fond du paquet.
« Comment bien cultiver sa plante. 1. Votre plante vient de faire un très long voyage... dans le temps ! Elle vous rejoint enfin après des siècles d'hibernation. Il faut donc lui apporter un soin tout particulier. Commencez par l'hydrater gentiment avec de l'eau de source. »
De l'eau de source ? Jao n'avait pas pensé à ça. Si la plante nécessitait une liqueur aussi précieuse, alors elle était définitivement perdue. Les sources de la surface étaient taries depuis des centaines d'années. La pluie sale qui tombait parfois sur la Terre s'évaporait avant de toucher le sol. Les puits souterrains existaient, mais leur accès était hautement surveillé et leur consommation, réservée à l'élite. Le peuple se contentait de liquide recyclé.
— Mais que croient-ils donc, chez VERTEK ? Que tous leurs clients sont des nantis ?
De dépit, il versa quelques gouttes du seul liquide à sa disposition sur la feuille qui frémit. Puis, dans le doute, en déposa encore un peu sur la tige. Par où donc pouvait boire ce végétal ? Il fallait bien l'avouer, cette lubie lui sembla de plus en plus déraisonnable. Cela, pourtant, ne lui ressemblait pas, de faire des choses déraisonnables. Mais tout de même, quelle mouche l'avait donc piqué ? Son regard fit le tour de la pièce arrondie aux étagères vides. À quoi avaient-elles bien pu servir autrefois ? Qui avait bien pu vivre ici ? Avant la Grande Descente ? La fenêtre, ronde elle aussi, donnait sur une lande morte et creuse. Il surprit son esprit à vouloir y voir autre chose qu'une varenne brulée, assoiffée... il s'imagina, avec peine, une plante identique à la sienne qui sortait de terre, puis une deuxième, un peu plus loin... Mais l'effort cérébral requis pour arriver à remplir une lande de verdure s'avéra au-dessus de ses forces. Ses yeux se posèrent alors sur un petit cadre en métal cabossé, installé sur le rebord de la fenêtre.
— Ria, soupira-t-il, adressant au portrait un sourire brisé.
Ria n'aurait eu aucun mal à concevoir une terre fertile, un vallon fécond, une lande luxuriante. Ria, elle, avait toujours rêvé d'un abri en surface.
— Ma Ria, ma douce Ria, tes yeux constamment tournés vers le haut, le ciel, et ce qu'il y avait derrière...
À son tour, il leva les yeux, mais ne vit pas au-delà des ornements en staff qui décoraient le plafond vouté de son abri solitaire. Un peu moins solitaire depuis quelques instants maintenant. Ils étaient deux désormais. Lui, et la plante.
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