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Jao s'était décidé. Il s'achèterait une plante. Verte forcément. La publicité vantait la beauté de cette couleur perdue avec beaucoup d'éloquence. Sans compter les bienfaits qu'on pouvait en tirer pour la santé en général : purification de l'air, réduction du stress, et même, sentiment de bonheur accru. Certes, cela lui couterait ses dernières économies. Et il y avait toujours un risque que la plante meure, malgré tous les soins qu'on pouvait lui apporter. Le service de répression des fautes graves viendrait alors frapper à la trappe, l'accuser de négligence. Il risquait gros. Mais il vivait seul depuis longtemps. Donc en réalité, il ne risquait que lui-même.

Veuf. Père d'une fille qu'il voyait rarement. Elle était partie faire sa vie dans la grande métropole de Bourbay où l'air y était vicié, certes, mais le quotidien, un peu plus stimulant que celui d'un exil forcé en surface, enfermée à l'abri de hublots qui donnaient sur le vide. Bourbay, un labyrinthe souterrain qui, comme des racines, s'enfonçait toujours plus profondément dans la terre. Ah, la terre... limon autrefois fertile et qui aujourd'hui, ne pouvait être associée dans l'esprit de l'Homo subterraneus — l'homme souterrain — qu'avec cimetière. L'homme creusait pour survivre, en même temps qu'il creusait sa tombe. Et pourtant, il ne pouvait excaver vers le haut : la surface n'était que béton ou désert venteux à l'air irrespirable. Il fallait forer toujours plus bas. Et tâcher d'extraire des couches sédimentaires de quoi subsister. « Les minerais ne nourrissent pas le mineur » disait un proverbe contemporain. Mais les insectes...

Toujours est-il que le vieux Jao s'était offert avec l'épargne de toute une vie une modeste demeure en surface, luxe suprême pour celui qui a toujours vécu en profondeur. Certes la surface de la Terre ne méritait pas le coup d'œil. Le soleil avait longtemps disparu derrière la masse de particules fines qui recouvrait la planète telle une chape molletonnée de résidus polluants et de poussières actinifères. Quant à la verdure, elle faisait partie de ces mythes fondateurs qui racontent le monde d'avant. On n'y croyait pas vraiment.

Et puis une nuit, des publicités sont apparues sur les écrans grésillants des habitants de la capitale qu'il visitait en raison des dernières formalités administratives qui ferait de lui un exilé. (Car vivre seul en surface ne pouvait s'apparenter qu'à un exil.) On y voyait une chose verte aux feuilles plantureuses, éclatantes, presque trop belle pour être réelle.

« La verdure à votre portée ! Tout un monde ressuscité grâce aux savants de VERTEK qui ont enfin craqué le planticiel pour vous apporter un peu de rêve ! »

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