Attendre et espérer

Y'avait Titanic hier sur TF1, alors pour fêter ça je vous ai traduit le chapitre suivant !

Merci beaucoup à ma bêta Meg qui est repassée pour corriger tous les chapitres précédents, je ne sais pas comment vous avez pu comprendre quoi que ce soit avec toutes les fautes que j'avais laissées !

Bonne lecture ^^ N'hésitez pas à me donner vos impressions !

* * *

La cabine de Seokjin est la plus proche ; c'est là que Jungkook décide de se rendre en premier. Alors qu'il court dans les couloirs, il éprouve une étrange sensation, comme si son centre de gravité était en train de se décaler. Mais il n'ose pas imaginer ce que ça peut bien vouloir dire, car l'idée que le bateau soit déjà en train de pencher, en si peu de temps, est tout simplement trop horrible ; il préfère se dire qu'il se fait des idées.

Malheureusement, alors qu'il est à mi-chemin, le son d'une corne de brume se fait soudainement entendre dans les couloirs, et Jungkook s'arrête ; la corne sonne sept fois de suite, suivi d'une huitième fois plus longue, et pour être honnête, il a beaucoup de mal à ne pas paniquer. Il sait ce que le signal veut dire. Évacuez le navire.

Taehyung, pense-t-il, tandis que sa respiration s'affole. Merde.

À gauche et à droite, des portes commencent à s'ouvrir ; des passagers aux visages ensommeillés regardent autour d'eux, visiblement en train de se demander ce qui se passe. Le cœur battant violemment dans sa poitrine, Jungkook se remet à courir, obligé de slalomer entre des inconnus en pleine confusion. Vingt secondes plus tard, une voix d'homme se fait entendre par les haut-parleurs crachotants.

À tous les passagers, votre attention, s'il vous plaît. Ceci n'est pas un exercice, je répète, ceci n'est pas un exercice. Suite à une urgence, nous sommes dans l'obligation d'évacuer le navire. Merci de mettre vos gilets de sauvetage, que vous trouverez dans vos cabines, puis veuillez vous rendre vers les sorties les plus proches. Restez calmes. N'utilisez pas les ascenseurs. Je répète, n'utilisez pas les ascenseurs. Les canots de sauvetage sont en train d'être préparés en vue de l'évacuation. Merci de vous rendre sur le pont d'évacuation où vous serez pris en charge par les membres d'équipage...

La voix continue à parler, débitant des informations en anglais, mais Jungkook ne l'écoute plus ; il se contente d'accélérer le rythme. Pourvu que Taehyung, où qu'il soit, comprenne ce qui se passe.

Il arrive devant la cabine de Seokjin trente secondes plus tard et tambourine à la porte.

— Hyung ! Seokjin-hyung ! Ouvre ! Hyung !

La porte s'ouvre, et le visage de Seokjin apparaît dans l'entrebâillement. Il a l'air inquiet, mais pas autant qu'il devrait l'être.

— Jungkook ! Qu'est-ce qui se passe ? J'ai été réveillé par l'alarme, et je n'ai rien compris de ce que disait le type dans le haut-parleur...

— On évacue le navire, voilà ce qu'il a dit, répond Jungkook à toute allure. Attrape ton gilet de sauvetage et allons chercher Yoongi.

— On évacue le navire ? En plein milieu de la nuit, en plein milieu de l'océan Pacifique ?

— Ouais. Dépêche-toi, hyung ! Prends ton gilet de sauvetage !

— Merde, merde, ok. Où est le tien ?

— Je ne l'ai pas, il est dans ma chambre. Dépêche-toi, il faut qu'on aille chercher Yoongi et ma famille !

— Merde, répète Seokjin avant de faire volte-face. Peut-être qu'il y a un deuxième gilet de sauvetage pour toi ici !

— Tu n'as pas écouté l'équipe pendant l'exercice de survie qu'on a dû faire en arrivant sur le bateau ? Il y autant de gilets dans les cabines que d'occupants.

— Bordel, t'as raison, il n'y en a qu'un. Mais t'as besoin d'un gilet !

— J'en prendrai un au point de rassemblement. Vite !

Une fois que Seokjin a récupéré son gilet de sauvetage et qu'il l'a enfilé, Jungkook hoche la tête.

— Ok. Maintenant, on va chercher Yoongi-hyung !

— Qu'est-ce qui se passe ? demande Seokjin, hors d'haleine, tandis qu'ils courent.

— Je ne sais pas, il est arrivé quelque chose au bateau, halète Jungkook.

Tant bien que mal, il lui parle de la secousse subite, de la coupure d'électricité, de l'équipage qui paniquait dans le hall. Seokjin répond par un juron.

— C'est une blague, lâche-t-il, la respiration sifflante. Je déteste courir.

— Tu préfères mourir ? rétorque Jungkook. Dépêche-toi, hyung, putain !

Mais ils sont ralentis par les autres passagers, qui inondent maintenant les couloirs, leur gilet de sauvetage rouge serré autour de leur torse, tous en train de paniquer. Le « restez calmes » de l'annonce n'a pas fait grand effet, pense Jungkook – non qu'il soit lui-même vraiment détendu en cet instant. Seokjin est poussé contre un mur par un passager et tombe par terre, déséquilibré.

— Merde ! s'exclame-t-il en se relevant. Regarde où tu vas, connard ! Et pourquoi le sol penche, d'abord ?!

Jungkook le sent aussi. C'est encore léger, mais il est tout de même impossible de ne pas le remarquer.

— Le bateau coule, répond-il.

Dès qu'il prononce ces mots, il sait qu'il a raison.

Le paquebot est en train de couler.

Quoi ? braille Seokjin. Qu'est-ce qui s'est passé ?!

— Aucune idée, mais si tu veux sortir de là vivant, je te suggère de te dépêcher.

Soudainement, il s'arrête et attrape le bras de son meilleur ami.

— Non, attends ! C'est moi qui vais y aller. Yoongi est mon cousin. Tu n'es pas obligé de venir avec moi, hyung. Trouve un canot et monte dedans !

— Sans toi et Yoongi ?! Tu débloques ?!

— Je sais, mais il faut aussi que j'aille chercher mon frère, Jisoo, mes parents. Ça va prendre trop longtemps, je suis censé retrouver Taehyung à la proue dans... (Il jette un coup d'œil à sa montre.) Dans cinq minutes, putain. Il faut que tu ailles lui dire que je suis en route et qu'il faut qu'il monte dans un canot si je ne suis pas là dans dix minutes, quinze au plus. Hyung ! Tu peux lui faire passer le message ?

— Non, répond Seokjin.

Jungkook manque de lâcher un grognement de frustration, mais son ami continue :

— Voilà ce qu'on va faire : c'est moi qui vais aller chercher Yoongi, et toi, tu vas chercher ta famille. Ça sera plus rapide comme ça.

— O... Ok, d'accord, bafouille Jungkook. Assure-toi que Yoongi prenne son gilet de sauvetage, hein ?

— Assure-toi d'en prendre un pour toi, réplique Seokjin. Ok, on se voit à la proue.

Lorsque Seokjin disparaît, filant à toute allure vers la cabine de Yoongi, Jungkook doit prendre une profonde inspiration pour se calmer. En tant qu'ex-futur PDG, il sait comment gérer les situations stressantes, mais celle-ci est inédite pour lui, et son anxiété grimpe en flèche à la seconde où il se retrouve seul.

— Merde, merde, merde, murmure-t-il. Reprends-toi, Jeon Jungkook. Pense à Taehyung !

Taehyung – le nom lui donne du courage, et il se précipite vers la cabine de Jisoo, qui n'est pas loin de celle de Seokjin.

Il n'a pas besoin de frapper à la porte ; Junghyun est dans le couloir, en train d'aider Jisoo et ses parents à enfiler leurs gilets de sauvetage. Quand ils aperçoivent Jungkook, tous se mettent à crier en même temps.

— Jungkook-ssi !

— Hyung !

— Dieu merci, Jungkook-ssi, vous êtes là !

— Hyung, qu'est-ce qui se passe ? On sait qu'on évacue, mais on ne sait pas pourquoi !

— Jungkook-ssi, où est ton gilet de sauvetage ?

— J'en prendrai un au point de rassemblement, répond-il à Jisoo, qui a l'air à la fois terrifiée et déterminée. Junghyun, où sont les parents ?

— J'étais sur le point d'aller les retrouver, répond son frère. Mais je suis d'abord allé chercher Jisoo-ssi, et ses parents étaient là aussi.

— Ok, parfait. Conduis-les aux canots, je m'occupe de Mère et de Père. Ne perds pas de temps, le bateau commence déjà à pencher !

— Qu'est-ce qui se passe, hyung ?!

— Il se passe qu'on évacue et qu'il n'y a pas de temps à perdre, répond Jungkook, peu désireux de prononcer une phrase aussi horrible que « le bateau coule » devant Jisoo et ses parents.

Il n'est même pas entièrement sûr que ce soit vrai – peut-être qu'ils évacuent pour une raison complètement différente, une panne de moteur, ou quelque chose comme ça...

Juste au moment où il se fait cette réflexion, une autre explosion se fait entendre, quelque part dans les profondeurs du paquebot, impossible à confondre avec autre chose, cette fois ; une violente secousse les fait tous tomber par terre. L'électricité coupe pour la deuxième fois, et ils se retrouvent dans le noir complet.

Pendant cinq terribles secondes, durant lesquelles ils entendent les passagers hurler et le métal se déformer, Jungkook se demande s'il n'a pas atterri dans un film d'horreur. Il sent son sang geler dans ses veines et espère de tout son cœur que Taehyung n'était pas près de l'explosion et qu'il va bien ; mais le moyen le plus rapide de s'en assurer est de le retrouver à la proue comme il l'a promis. Mais comment y arriver dans l'obscurité la plus totale ?

Puis les lumières se rallument, mais elles sont rouges ; ce sont les lumières de secours, dont la teinte écarlate donne l'impression qu'ils sont tous trempés de sang. Ils sont certainement passés sur un générateur de secours, pense Jungkook.

— Merde, souffle-t-il.

Il se relève avec difficulté (le bateau penche de plus en plus, et ça devient très difficile à ignorer) et aide Jisoo et ses parents à se remettre debout.

— Attrapez la rampe et trouvez la sortie, leur ordonne-t-il. Je vais chercher Maman et Papa. Vite !

Heureusement, personne ne proteste, et tous quatre se dépêchent de partir.

— Bonne chance, Jungkook-ssi ! hurle Jisoo depuis l'autre bout du couloir, avant de disparaître dans un escalier.

Jungkook tremble, maintenant – il a l'impression d'avoir les jambes en coton, écrasées sous le poids de son anxiété, mais il se dirige tout de même vers la cabine de ses parents, à l'étage du dessous. La porte est fermée.

— Maman ? Papa ? appelle-t-il en frappant sur le battant. Vous êtes là ?

— Jungkook ? répond la voix de sa mère de l'autre côté. On est à l'intérieur !

— Fiston, on ne peut pas sortir ! La porte est verrouillée et refuse de s'ouvrir ! ajoute son père. Je crois que c'est à cause de la coupure d'électricité !

— Bordel, marmonne Jungkook. Ok, reculez, je vais essayer de l'enfoncer !

Mais la porte est trop solide, et avec le sol qui penche, il a du mal à prendre assez d'élan. Il écrase son pied contre la porte, encore et encore, mais elle ne bouge pas d'un poil.

— J'y arrive pas ! s'écrie-t-il. Je vais essayer de trouver un membre d'équipage avec une carte magnétique pour vous faire sortir !

— La carte magnétique ne marche pas ! s'exclame son père. On a essayé de notre côté et ça ne fonctionne pas, alors ça ne fonctionnera pas non plus du tien.

— Merde, merde, merde, grogne Jungkook.

C'est très, très dur de ne pas paniquer ; il doit s'obliger à penser à Taehyung pour se calmer.

— Ok, je... je vais essayer de trouver quelque chose pour enfoncer la porte !

Mais l'angle d'inclinaison du paquebot est d'au moins dix degrés, maintenant, si Jungkook l'estime par rapport à son propre centre de gravité, et il n'y a absolument rien qui puisse lui être utile en vue.

— Non ! hurle sa mère. Non, Jungkook, ne t'en fais pas pour nous et sors. Tu perds du temps, va trouver un canot !

— Je ne vais pas vous laisser ici ! Je reviens !

Il se précipite dans le couloir d'à côté, tout en se tenant à la rambarde, puis tourne une nouvelle fois, et enfin, il trouve quelque chose : une hache d'urgence, coincée derrière un panneau de verre.

Il se dépêche de briser le verre avec son coude, puis s'empare précautionneusement de la hache et retourne en courant vers la cabine de ses parents.

— J'ai une hache ! crie-t-il. Reculez !

La hache est un peu plus efficace que les coups de pied, mais à peine. Il l'écrase dans la porte, encore et encore, jusqu'à ce qu'il y ait une ouverture de cinq centimètres dans le bois. C'est alors qu'il réalise qu'il faudra sûrement plusieurs heures pour les sortir de là ; le problème, c'est qu'il est pratiquement sûr qu'ils n'ont pas plusieurs heures devant eux.

Le visage de son père apparaît derrière le trou qu'il a pratiqué.

— Je vais prendre le relais ! dit-il. Donne-moi la hache et laisse-nous ! Monte vite dans un canot !

— Je ne peux pas faire ça, papa, je ne peux pas vous laisser ici !

— Il le faut, Jungkook. On ne peut pas tous mourir ici. Et l'entreprise ? Qui la dirigera si tu n'es plus là pour me succéder ?

— Je ne reprendrai pas l'entreprise, de toute façon ! s'écrie-t-il. Je démissionne. C'est Junghyun qui la reprendra, et il peut aussi épouser Jisoo si ça lui chante. Je les ai croisés, ils sont probablement déjà dans un canot en ce moment même. Vous m'entendez ? Je pars avec l'homme que j'aime !

C'est un drôle de moment pour leur annoncer la nouvelle, mais le plus étrange, c'est le soulagement qu'il ressent une fois que les mots sont enfin sortis. Derrière la porte, un silence choqué lui répond, et à travers le trou, dans la faible lumière rouge, Jungkook aperçoit un des yeux de son père, rond comme une soucoupe. Pendant quelques secondes, plus personne ne dit quoi que ce soit, jusqu'à ce que sa mère pousse son père pour regarder Jungkook à son tour.

— Alors vas-y, mon chéri, sinon tu ne partiras pas du tout ! On se débrouillera, dépêche-toi de filer !

Jungkook la regarde, bouche bée. C'est sans doute la première fois qu'elle l'appelle mon chéri depuis qu'il a cinq ans.

— Maman...

— Pars, Jungkook ! Je t'aime ! Vite, file !

Tandis que Jungkook cligne des yeux pour ravaler ses larmes, le visage de son père réapparaît derrière l'ouverture.

— Oui, Jungkook, donne-nous la hache et pars ! Ne gâche pas ton temps ici. Je suis désolé pour tout, fiston. Je t'aime et je veux juste que tu sois heureux, quoi que tu fasses. Est-ce que tu veux bien me pardonner ?

— P... Papa... B-bien sûr que je te pardonne...

— Je suis sûr que Junghyun s'en sortira très bien avec l'entreprise. Si tu peux, aide-le de temps à autre, d'accord ? Mais il faut que tu t'en ailles, maintenant.

— Papa...

— La hache, Jungkook !

Le cœur coincé dans la gorge, Jungkook pousse le manche à travers l'ouverture. La tête de la hache passe avec plus de difficulté, mais finalement, elle disparaît derrière la porte.

— Dépêche-toi, Jungkook ! hurle sa mère. On s'en sortira, cours !

— Vite, vite ! ajoute son père.

Les yeux brûlants de larmes qu'il n'arrive plus à retenir, Jungkook hoche la tête.

— Je suis désolé ! Je vous aime, maman, papa. Je suis vraiment désolé !

— Tu perds du temps ! Vas-y !

Il échange un dernier regard avec sa mère, puis son père, et tourne les talons pour se précipiter vers la sortie la plus proche.

Le pont d'évacuation se trouve quatre étages en dessous, mais descendre les escaliers n'a jamais été une tâche aussi périlleuse pour Jungkook. Les yeux remplis de larmes, il parvient à peine à voir ce qu'il y a devant lui, et la demi-pénombre n'aide en rien, pas plus que le degré d'inclinaison du bateau.

Finalement, il débouche sur le pont extérieur, avec une seule idée en tête : courir vers l'avant du bateau. L'air frais lui oxygène le cerveau et lui insuffle une détermination nouvelle, mais il a du mal à avancer, à cause des passagers qui attendent d'être évacués, dans la panique la plus totale. C'est la débandade ; tout le monde pousse, tire, bouscule, crie. La moitié des canots est déjà à l'eau, en train de s'éloigner, et Jungkook se demande si Taehyung est sur l'un d'entre eux.

Il passe devant le point de rassemblement, là où il a assisté à l'exercice de survie le premier jour, et se rappelle qu'il n'a toujours pas de gilet de sauvetage ; il fait immédiatement marche arrière, en attrape un, et une fois qu'il est attaché autour de lui, il reprend sa course vers la proue – c'est bien plus facile, maintenant, puisqu'il est dans le sens de la pente.

Le problème, c'est qu'il n'y a plus de proue.

L'avant du bateau est déjà sous l'eau – c'est évident même dans la faible lumière. Jungkook, le cœur serré, jette un regard à sa montre. Il était censé retrouver Taehyung vingt-cinq minutes plus tôt.

— Merde ! s'exclame-t-il, faisant sursauter plusieurs personnes à côté de lui.

Ok – changement de plan. Il va fouiller le bateau en entier s'il le faut, mais il le trouvera. Si seulement Taehyung avait un téléphone portable ! Jungkook en a un, une chose affreuse et beaucoup trop lourde, mais à l'exception de Seokjin, aucune autre de ses connaissances n'en possède. En plus, il n'y a pas de réseau en pleine mer, et le téléphone en question est rangé dans sa valise, dans sa cabine.

Il faudra bien qu'il retrouve Taehyung à l'ancienne.

— Taehyung ! Taehyung ! Tu m'entends ?

— Jungkook ? Jungkook !!

Le cœur battant avec violence, les yeux écarquillés, il se tourne vers la voix qui vient de prononcer son prénom ; sa déception est grande lorsqu'il réalise qu'il s'agit de Namjoon et de Hoseok au lieu de Taehyung. Il la ravale, honteux d'être déçu alors que ses deux amis sont devant lui, bien vivants.

— Hoseok ! Namjoon ! s'exclame-t-il en courant vers eux. Vous allez bien ?

— Jungkook, merci mon Dieu ! On était inquiets ! s'écrie Hoseok. Taehyung nous a dit que vous deviez vous retrouver quelque part mais que tu n'étais pas venu.

— Vous avez vu Taehyung ?! Où est-il ?!

— Je ne sais pas, c'était il y a environ un quart d'heure, répond Namjoon. Il était avec Jimin, Yoongi et Seokjin. Je leur ai dit de monter dans un canot mais Taehyung pleurait et hurlait qu'il ne voulait pas partir sans toi.

— Chiottes, murmure Jungkook.

Il est bouleversé de savoir que Taehyung était là, vivant, et qu'il a refusé de sauver sa peau parce qu'il attendait son retour.

— J'espère qu'il est parti, ajoute Namjoon, les sourcils froncés. On coule à toute allure. J'ai entendu un officier dire qu'on s'était fait torpiller. On s'est littéralement fait torpiller.

— On quoi ?! Pardon ?! souffle Jungkook, éberlué.

— Je n'en sais pas beaucoup plus, répond le steward. C'était un missile, apparemment, ils l'ont vu arriver sur les radars. Il a complètement détruit la coque à l'avant. Ils ont voulu fermer les portes étanches, mais les dégâts étaient trop étendus.

Cette fois, Jungkook est trop stupéfait pour parler. Il n'arrive même pas à imaginer que ça puisse être vrai.

— On aide les gens à monter dans les canots depuis l'annonce, ajoute Hoseok en jetant un regard au pont d'évacuation. Peut-être qu'il faudrait qu'on monte aussi avant qu'il n'y en ait plus. S'ils ne s'éloignent pas assez vite, ils vont sombrer avec le navire.

— Oui, dépêchons-nous d'en trouver un, approuve Namjoon.

— Je... Je dois retrouver Taehyung, balbutie Jungkook. Je ne peux pas partir sans lui.

— Il est probablement déjà sur un canot, Jungkook ! répond Namjoon, les yeux écarquillés. Tu ne le trouveras pas !

— Je... Même si c'est le cas, il faut quand même que je sois sûr. J'ai déjà dû abandonner mes parents qui étaient coincés dans leur cabine ! Je ne peux pas sauver mes fesses et abandonner Taehyung aussi. Je dois être sûr qu'il est sur un canot.

— Je suis désolé pour tes parents, Jungkook, dit Hoseok gravement. Mais si Taehyung est bien à bord d'un canot, tu ne pourras pas en être sûr !

— Je m'en fiche ! Je trouverai une solution. Je le chercherai jusqu'à la dernière seconde. Mais je ne monte pas sans lui.

— Jungkook...

— Dépêchez-vous, les gars. Trouvez un canot avant qu'il ne soit trop tard. Vite !

Tout en parlant, ils se dirigent (avec difficulté, tant le navire penche) vers un canot qui est toujours à bord.

— Viens avec nous, Jungkook ! le supplie Hoseok. Je t'en prie, monte avec nous ! Je suis sûr que Taehyung est déjà en sûreté loin du naufrage, alors viens avec nous !

— Désolé, répond Jungkook avec un sourire triste. Je ne peux pas. Mais... si c'est vrai... et si vous le revoyez, est-ce que vous pourrez lui dire que je l'aime ?

Une larme coule sur la joue de Hoseok, qu'il essuie avec sa manche. Namjoon a l'air sur le point d'éclater en sanglots.

— Viens avec nous, Jungkook, il faut que tu viennes...

— Non, insiste Jungkook. Je suis désolé, Namjoon-hyung. Je ne peux pas. Dépêchez-vous, vous perdez du temps.

— Messieurs, montez vite dans le canot ! s'exclame en anglais le membre d'équipage qui aide les passagers à embarquer.

Puis il reconnaît Namjoon, et ajoute :

— Joon ! C'est toi ! Vite, monte ! On part maintenant ou on va couler avec le bateau.

— Allez-y, dit Jungkook. Tout ira bien pour moi.

— Menteur, sanglote Hoseok tout en enjambant le bord du canot. Je ne vois pas comment ça pourrait aller !

— Ça ira, répond Jungkook fermement. Je nagerai s'il faut, ne vous inquiétez pas. Je suis un bon nageur. On se revoit en Corée, ok ?

Les lèvres de Namjoon tremblent, mais il serre l'épaule de Jungkook et hoche la tête.

— Ne meurs pas, Jungkook.

— Je vais essayer, plaisante-t-il, la voix tremblante, tandis qu'il regarde Namjoon rejoindre Hoseok.

— Monsieur ? demande le membre d'équipage en regardant Jungkook. Vous montez ?

— Non, désolé. Bonne chance à vous tous.

Il n'attend pas que le canot descende avant de se détourner et de commencer à escalader le pont d'évacuation. Il entend Hoseok sangloter, mais s'oblige à ne pas regarder en arrière et serre la rambarde avec force. Il faut qu'il retrouve Taehyung.

La tâche serait déjà compliquée sur un bateau droit, mais sur un bateau qui penche, c'est carrément mission impossible. Le paquebot coule beaucoup trop vite (et maintenant, Jungkook sait pourquoi : parce qu'il se sont pris un putain de missile), et les gens continuent à émerger des sorties de secours pour monter dans les canots, découvrant par là même qu'il n'en reste que très peu, et qu'ils ne pourront pas quitter le navire s'ils ne se dépêchent pas.

Jungkook remonte vers le pont arrière, où la piscine déborde sur le plancher incliné, où les transats glissent doucement le long de la pente, et il attrape le garde-fou exactement là où Taehyung et lui se sont embrassés quelques heures plus tôt – même s'il a l'impression que plusieurs jours se sont écoulés entretemps. Il se disait que si Taehyung était sur le bateau, maintenant que la proue n'est plus accessible, il serait forcément ici, à un endroit important pour eux, mais il ne le voit nulle part.

Fermement accroché à la rambarde, il observe la foule, mais les visages terrifiés et paniqués qu'il voit sont ceux d'étrangers, de gens qu'il n'a jamais vus de sa vie mais qui vont mourir, comme lui, dans quelques minutes tout au plus. Le fait que Taehyung n'en fasse pas partie est un soulagement – ça doit vouloir dire qu'il est en sûreté, loin du navire en train de sombrer, et qu'il n'était pas stupide au point de faire comme Jungkook et d'attendre qu'il revienne. Tant mieux.

Bon Dieu, pourvu que Taehyung ne soit pas allé le chercher à l'intérieur du paquebot. Il ne serait pas assez inconscient pour faire ça, si ?

Il songe à faire une dernière course, juste pour vérifier à nouveau, mais il se rend vite compte que ce n'est déjà plus possible ; tout ce qui se trouve sur le pont commence à tomber, attiré vers l'avant du bateau sous l'effet de la gravité – les gens glissent, ou donnent l'impression d'escalader une montagne, cherchant désespérément à atteindre le sommet, et bientôt, Jungkook se retrouve entouré de voisins, qui s'accrochent à la rambarde comme lui, en pleurant et en haletant, tandis que d'autres glissent vers la mort sous ses yeux.

Peut-être que j'aurais dû monter dans le canot avec Namjoon et Hoseok, pense-t-il brièvement ; mais il sait qu'il aurait regretté pour le reste de sa vie de ne pas avoir vérifié si Taehyung était à la poupe.

Subitement, les lumières s'éteignent de nouveau, et cette fois, elles ne se rallument plus. Les gens autour de Jungkook hurlent, et pour la première fois, il est saisi de terreur à l'idée de sa mort prochaine. C'est injuste, pense-t-il. Je viens juste de le rencontrer !

Il n'y a rien d'autre à faire que d'attendre, là, dans l'obscurité complète, attendre le moment où il pourra sauter dans l'eau, s'éloigner du paquebot et nager vers les canots. Pour l'instant, Jungkook est coincé ; s'il lâche la rambarde, il glissera le long du pont et s'écrasera contre quelque chose – et ça commence à faire haut, maintenant. Il ne se tient plus qu'à la force de ses bras tandis que ses jambes s'agitent dans le vide, comme c'est également le cas pour ses voisins.

Certains lâchent prise, et tombent dans le néant avec un cri perçant qui s'arrête net lorsqu'ils s'écrasent quelque part ; Jungkook les entend, mais il ne voit rien du tout. Ce n'est pas comme dans Titanic, songe-t-il. Même la lune est absente du ciel. En jetant des coups d'œil autour de lui, il voit de petits points lumineux, au loin, qui doivent venir des canots, et quand il lève le nez en l'air, il voit les étoiles, belles et froides, spectatrices silencieuses de la catastrophe, à des millions d'années-lumière de là.

Ses bras commencent à fatiguer. Dans un ultime effort, il se hisse pour attraper le garde-fou avec ses jambes ; c'est épuisant, mais il ne le regrette pas, car très vite, les gens autour de lui commencent à tomber comme des mouches. Il les entend.

Taehyung, Taehyung, j'espère que tu es en sécurité, s'il te plaît...

Une éternité plus tard, du moins selon lui, un craquement monstrueux se fait entendre, ainsi que le bruit du bois qui se fend, du métal qui hurle, et il perçoit le changement de gravité lorsque le paquebot se brise en deux et que la partie de la poupe retombe sur la mer, à nouveau droite.

Ça ne durera pas longtemps – il le sait. Est-ce qu'il faut qu'il tente sa chance et qu'il saute dans l'eau, là tout de suite, ou doit-il attendre que le paquebot sombre complètement, au risque d'être aspiré avec lui ? Finalement, il hésite trop longtemps, et la partie brisée sur laquelle il se trouve recommence à pencher.

Vivement, il passe de l'autre côté du garde-fou avant que l'inclinaison ne rende la chose impossible ; puis, le souffle court, les bras et les jambes en feu, il attend.

Il ne faut pas longtemps ; tout se passe très vite, et incroyablement lentement en même temps, comme si chaque seconde contenait des heures entières – mais rapidement, l'eau bouillonne juste à quelques mètres en dessous de lui, plus proche, toujours plus proche, et soudainement, il est submergé, et le paquebot sombre sous ses pieds.

L'eau n'est pas aussi froide qu'il le pensait ; il l'imaginait glaciale, mais ce n'est pas l'Atlantique en avril, c'est le Pacifique en juillet, et ça fait une grosse différence. Ce ne sera peut-être pas suffisant pour éviter l'hypothermie, mais peut-être que ça lui donnera quelques minutes supplémentaires à vivre – peut-être suffisamment de temps pour qu'il soit repêché par quelqu'un.

Du moins, s'il parvient à émerger de l'eau.

Heureusement, le gilet de sauvetage qu'il a attrapé l'aide beaucoup, car il est incapable de dire de quel côté est la surface ; il se contente de donner des coups de pieds paniqués, encore et encore, les poumons en feu, jusqu'à ce que sa tête émerge finalement de l'eau et qu'il puisse respirer.

Autour de lui, les gens s'agitent et crient, et Jungkook n'a qu'une chose en tête : s'éloigner d'eux. Il ne veut pas risquer d'être submergé.

Il regarde autour de lui pour essayer d'apercevoir les canots et nager dans leur direction, mais il ne les voit plus ; en fait, il ne voit plus rien du tout, à part la Voie Lactée, qui s'étire d'un bout à l'autre du ciel. C'est la première fois qu'il la voit en vrai.

Dommage qu'il soit un peu trop occupé à ne pas mourir pour prendre le temps de l'admirer.

Au final, il parvient à s'éloigner des autres ; il ne sait pas s'il va dans la bonne direction, mais ça n'a pas d'importance ; il est trop fatigué pour nager vers les canots, de toute façon.

Alors il attend. Il ne crie pas, parce que ça ne servirait à rien, et il ne pleure pas, parce qu'il a peur d'être incapable de s'arrêter s'il laisse libre court à ses larmes. À la place, il flotte, le gilet presque au niveau de son menton, le froid s'infiltrant dans ses veines, et lève les yeux pour regarder les étoiles.

Juste au-dessus de lui, il y a Cassiopée, qu'il reconnaît pour l'avoir vue dans le planétarium, puis Orion, assez basse dans le ciel. La voix de Taehyung résonne dans son esprit. Les étoiles d'Orion sont super éloignées les unes des autres. S'il devait dire à quel moment exact il est tombé amoureux de lui, il dirait que c'était à cet instant. Là-bas, dans le planétarium, lorsque les galaxies se reflétaient dans ses yeux.

Il se demande si Taehyung peut voir Orion, lui aussi, de là où il est – assis dans un canot, il l'espère. Il se demande si ses parents ont réussi à sortir de leur cabine. S'ils ont réussi à enfoncer la porte et à s'échapper. Il se demande où est son frère, Jisoo et ses parents, où sont ses amis.

Mais ses pensées reviennent inlassablement sur Taehyung – peut-être que Jungkook en voulait trop, trop vite, et que l'univers a décidé de le punir de son avidité.

Peut-être qu'un jour, si l'univers juge qu'il a suffisamment souffert, ils pourront regarder les étoiles ensemble, de retour en Corée.

Mais pour l'instant, il est en plein milieu de l'océan Pacifique, entièrement seul, et il n'y a rien d'autre à faire que d'attendre et d'espérer.

Il ferme les yeux.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top