Professionnel de carrelage
« Tous les passagers sont priés de faire attention à leurs bagages à main et de ne pas les laisser sans surveillance, sous peine d'être réprimandé par les forces de l'ordre. »
C'était au moins la treizième fois que cette annonce passée en boucle, dans mes oreilles encore endormies.
-Réveille-toi ma chérie, me dit doucement ma mère. On doit avancer.
J'ai cligné péniblement des yeux, tentant d'être un minimum lucide. On croirait pas, mais cela peut-être vraiment utile lorsqu'on désire faire un pas devant l'autre, sans se vautrer par terre lamentablement. Expérience malheureusement vécue et récurrente.
-Tu es vraiment la seule personne que je connaisse capable de t'endormir debout en seulement dix minutes, continua-t-elle en me taquinant.
Et on remercie chaleureusement mon adorable maman adorée, pour cette magnifique remarque constructive, et tellement utile pour ma vie future. Je sens que je vais vraiment aller loin. C'est vraiment un talent qui sera indéniablement mis sur mon futur CV.
On a légèrement avancé d'un petit mètre. Enfin ! On est les prochains à passer pour enregistrer les valises. J'avais envie de faire une démonstration de claquettes pour extérioriser ma joie, avant de me rappeler douloureusement mon pitoyable niveau de danse. Ainsi que le fait que je n'avais ni des claquettes, ni le courage de me ridiculiser volontairement devant tout le monde.
Je suis donc restais sagement à côté de mon bagage, en souriant. C'était plutôt un bon compromis.
Nous sommes, après 10 minutes d'attente, enfin arrivés au niveau du guichet. Je me sentis comme libérée délivrée d'un énorme poids lorsque j'ai posé mes affaires sur le tapis roulant. Le garçon du guichet, commença à nous enregistrer, et je me voyais déjà tranquillement assise dans l'avion, en buvant un agréable jus de tomate.
Même si les avions doivent être les seuls lieux, où les personnes boivent du jus de tomate.
Seulement voilà. Mon karma de malchanceuse me rattrapa rapidement, provoquant une panne juste avant que ma valise parte. J'avais envie de pousser un « Non ! » digne de celui de Dark Vador dans Star Wars III, mais je suis restée à sourire avec ma tête de soumise. J'ai simplement répondu un pauvre « Ce n'est pas grave... », à l'employé désolé. Il partit donc comme une fleur, voir quel énième problème me tombait dessus.
-Il faut vraiment qu'on lui achète un porte-bonheur, se moqua mon frère.
-Extrêmement drôle et recherché, lui répondis-je en râlant.
Ma réaction eu l'effet inverse de celui espéré, et l'amusa d'avantage qu'autre chose.
-Ne te moque pas de ta petite sœur s'il te plait, me défendit mon père. Tu sais bien qu'il lui reste encore beaucoup de problèmes avant que l'on arrive à destination. Et je ne désire pas l'avoir à côté de moi en train de se plaindre et de pleurnicher.
Ah non. On m'indique dans l'oreillette que sa remarque était d'avantage destinée à m'enfoncer, plutôt que de m'aider. La solidarité paternelle, c'est plus ce que c'était. Le pire, c'était le petit sourire narquois sur son visage. Mais c'est qu'il est fier de sa remarque en plus! Père indigne...
Je me suis assise sur le tapis en me bouchant les oreilles pour ne pas entendre davantage leurs remarques. Je savais parfaitement que mon comportement était plus que puéril, mais je ne voulais pas m'énerver à seulement 6 heures du matin.
J'ai fermé les yeux, et je me sentais doucement tomber dans les bras de Morphée.
Avant de me faire réveiller prématurément par le tapis roulant, qui s'était toute seule remis en marche. Il commençait à m'emporter au loin, avec ma valise, avant que je réussisse à me lever du tapis.
Pour finalement tomber de façon plus que ridicule sur le sol carrelé. Depuis quand les machines se réparent toute seule ? C'est inacceptable ! Si le matériel est défectueux, il n'a pas à se retourner contre de pauvres personnes innocentes, désirant rattraper leurs heures de sommeil de cette nuit. Un véritable scandale !
Je me suis relevée honteuse, me rappelant que tout le monde avait assisté à ma chute, du haut des cinquante centimètres du tapis roulant. Je voyais clairement que mes parents se retenaient de rire de la situation pour me faire plaisir, mais ça en devenait vraiment gênant.
-Tu as découvert une toute nouvelle passion pour les sols ? ricana de nouveau mon adorable frère.
-Exactement ! Je regardais si le carreleur avait bien fait son travail. Mais ça laisse un peu à désirer, lorsque l'on remarque le petit bout de joint mal fait.
-Hilarant... railla-t-il.
Ce fut à mon tour de rire un peu. (Même si mon humour laissait vraiment à désirer.)
-Je sais, on me dit souvent que je d'un sens de l'humour très fin.
Il secoua la tête désespérée. Nous avons fini d'enregistrer les bagages, puis on a commencé à se diriger vers la sécurité.
-Combien on pari que je vais encore sonner, souffla ma mère lorsque nous arrivions devant les multiples caisses.
Si j'avais le don pour être victime de toute la malchance du monde quand je prenais l'avion. Ma mère, elle, me battait dans l'art du sonnage à la sécurité (Oui, le mot sonnage n'existe pas, mais que voulez-vous, je viens de me faire victimiser par un tapis roulant. J'ai donc le droit à un peu de repos, non ?).
J'ai commencé à enlever mon sweat qui entourait ma taille, avant de poser mon sac sur une seconde bassine. J'ai déposé mon téléphone sur un troisième, avec ma montre et mon bracelet.
-Vous savez mademoiselle, me dit la fille de la sécurité, ce n'est pas la peine d'enlever votre montre et bracelet. Je doute que vous arriviez à faire sonner le portique avec.
Ça, c'était une bonne nouvelle. Je prends note pour la prochaine fois. «Ne pas s'embêter à galérer avec les bracelets, ils passent le portique.»
J'ai fini par passer la sécurité en sautillant. Ça va, ce n'est pas trop dure pour l'instant. Je me suis dirigée par la zone de réception des affaires, et j'ai commencé à remettre les miennes dans mon sac, puis j'ai tenté de raccrocher mes bijoux. C'était bien évidement un long moment de gêne pour moi, car j'étais incapable de le faire sans afficher des grimaces des plus étranges due à ma concentration.
Que voulez-vous ? Je trouve extrêmement compliqué d'accrocher un pauvre petit bracelet.
Un bruit de sonnerie retentit, et j'entendis la douce voix mélodieuse de ma mère jurer. En effet, elle a sonné. Objectif remplit.
Je me suis retournée pour voir la raison cette fois-ci. À priori, c'était le bouton du jean. Un classique. Mon père c'est approché en riant.
-Nous sommes en directe de l'aéroport de Lyon St Exupéry, pour un événement incroyable. Félicitations ma chérie, c'est la centième fois tu sonnes officiellement. Pour fêter ça, tourné de petit-déjeuner.
Ma mère soupira bruyamment, désespérée par son comportement, pendant que mon frère filmait la scène. Si une personne relativement normale aurait été surpris par ce qu'il se passait, moi non. C'était monnaie courante dans la famille.
On s'est dirigée vers la porte d'embarquement, pendant que les garçons, continuaient leur reportage. J'ai légèrement ralenti mon rythme pour rejoindre ma mère.
-Tu pense que papa à réellement compter le nombre de fois où tu as sonné ? lui demandais-je.
-Non, ne t'inquiète pas. Même si ton père en est tout à fait capable, il n'est pas toujours présent lorsque je prends l'avion. Il fait simplement ça pour me charrier. Si ça peut te rassurer, j'ai dépassé la centaine depuis déjà quelques temps.
Sa remarque a-t-elle réellement pour but de me rassurer? Nous nous sommes arrêtés juste avant un la porte d'embarquement dans un petit café. Nous avons chacun notre tour passé commande, avant de finir par s'installer à une table. Il était bientôt 8 heures, et cela faisait maintenant presque quatre que nous avions quitté la maison. Le plus horrible dans tout ça, c'est d'avoir du abandonné mon petit chat adoré. Je suis sûr que sa sœur chérie lui manque.
Courage mon petit choupinou d'amour, on revient très vite à la maison. Dans trois semaines. Ok, c'était peut-être un petit peu long. Mais bon, il fallait bien le rassurer avec quelques euphémismes. On allait finir par lui faire peur sinon.
Je finis par chasser l'image de mon petit chat entrain de pleurer toute les larmes de son corps, suite à mon départ. Je me faisais du mal pour rien.
Est-ce que les chats peuvent pleurer ?
-Pourquoi ça ne marche pas, bougonne ma mère.
-Maman, pas de téléphone à table, lui fit remarquer mon frère.
Elle le fusilla d'un regard meurtrier.
- Moi, contrairement à un zigoto en face de moi, je ne regarde pas des vidéos, mais j'essaye plutôt de créer un groupe Messenger avec votre grand-mère, à tous les deux. Sinon, elle va encore se faire un sang d'encre.
Petite piqûre de rappel pour ceux qui ne connaisse pas les expressions toute droit sortie des grottes du type Lascaux.
Zigoto, terme définissant une personne qui fait le bazar de manière enfantine. Il est donc utile pour sous-entendre à mon frère qu'il devient vraiment très, très, pénible (pour rester polit évidement).
C'était plutôt cohérent ce qu'elle disait. Ma grand-mère maternelle avait un don pour s'inquiéter lorsque l'on quittait notre maison trop longtemps.
-C'est plutôt facile pourtant de créer un groupe. Tu es sûr de l'avoir sur Messenger ? demandais-je.
-Bien-sûr que non.
J'ai soupiré.
-Maman, maman, maman...
-Ma puce, ma puce, ma puce...
-Tu n'as même pas ajouté ta propre mère sur Messenger.
-Non, je ne suis pas assez dingue pour la laisser spammer mon fil d'actualité professionnel. Elle serait capable de liker et commenter tous ce que je poste, alors que c'est pour le travail.
-Fille indigne, répliqua mon frère. Moi au moins je l'ai ajouté.
On l'a regardé d'un air désespéré.
-Ce ne serait pas toi qui étais venue me voir pour savoir comment la bloquer sans qu'elle ne le remarque ? questionna mon père sur un ton innocent.
-Peut-être... Mais je l'ai tout de même en ami.
-Donc pour résumer, conclue ma mère, la seule qui ne soit pas totalement ingrate c'est la plus jeune.
Tous les regards se sont tournés vers moi. Ils me faisaient tous des yeux de biche en battant des cils.
-Non, dis-je décidée à rester ferme sur ma décision. Je refuse de devoir créer un groupe, simplement parce que vous avez tous bloqué mamie.
Je sentais leurs regards suppliants couler sur ma peau. J'ai pourtant essayé tant bien que mal de les ignorer. Mais...
-Donc tu disais, mamie, les cousines, papa, le truc qui me sers de frère, et enfin toi. Je n'ai oublié personne ?
-Si, me contredit ma mère. Tu n'as pas mise ta marraine.
-Ma marraine ?
-Oui, tu sais la seconde fille de ta grand-mère, ma grande sœur également. C'est dingue comme on est multifonction dans cette famille.
Je serai tenté de lui dire que pas vraiment, mais mieux valait ne pas la contredire.
-Tu es sûr qu'elle est sûr Messenger ?
-Évidemment... Tu ne l'as pas ajoutée ? me demanda ma mère sur un ton désolé.
-Effectivement.
-Filleule indigne.
C'est moi que l'on traite de filleule indigne, alors que je n'étais seulement pas au courant. Cette famille était décidément vraiment étrange.
-Je sais ce que tu penses, et c'est totalement différent, me rétorqua ma mère.
Il faut vraiment que l'on fasse un test de dépistage de pouvoir psychique. Elle est capable de lire dans les pensées, j'en suis persuadée.
Je continuais de la regarder stupéfaite, tout en avalant régulièrement un bout de cheesecake. Ce fut finalement mon père qui rompit le silence.
-Sinon, moi j'ai tout le monde. Si vous voulez je peux le créer moi, ce groupe.
On s'est tous tourné de façon parfaitement synchronisée, en faisant des gros yeux.
-Fayot ! on s'est écrié d'une seule voix.
On finit par embarquer deux petites heures plus tard dans l'avion.
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