Nuit : Le songe d'une Libération Rédemptrice

Ace se retrouva dans un lieu inconnu, sombre et lugubre.

Les murs étaient en béton, gris, froids. Il était enfermé.

Sa voix cassée troubla le silence oppressant :

"S'il vous plaît...?"

Il était seul et avait l'impression que personne ne pouvait l'entendre ou le voir. Pourtant, il continua de demander :

"Il y a quelqu'un ? Aidez-moi... S'il vous plaît..."

Plus il appelait à l'aide, plus les murs se rapprochaient, réduisant l'espace de la pièce un peu plus.

"Je suis coincé !"

Il posa la paume de sa main sur le béton. C'était glacial.

Ace entendit des murmures indistincts, comme s'il était entouré de fantômes.

En se retournant, il distingua une porte, dans l'obscurité.

Le jeune homme s'en approcha pour tenter de l'ouvrir, mais elle était bloquée. Les murs continuaient de se rapprocher, alors il força encore et encore sur la poignée.

"À l'aide ! Pitié !"

Les voix résonnaient de plus en plus fort, mais Ace ne comprenait toujours pas ce qu'elles disaient.

Son cœur tambourinait, il frissonnait.

Il tira encore une fois dessus, du plus fort qu'il le put. Enfin, la porte s'ouvrit.

Un couloir étroit s'étendait devant lui. Même en plissant les yeux, Ace ne put en distinguer le bout, c'était trop sombre.

Il commença à marcher, incertain, mais ses jambes étaient lourdes et il avait du mal à avancer. Le jeune homme avait l'impression de marcher dans une mare de boue qui lui arrivait jusqu'aux hanches.

Il entendit des rires moqueurs qui le suivaient. C'était comme si quelque chose le poursuivait, mais il ne pouvait pas le voir.

Soudain, il vit sa famille, au bout du tunnel.

Il se précipita pour les rejoindre.

"Luffy, Sabo ! Grand-père ! Vous êtes là !"

Ace reprit son souffle, en s'appuyant sur ses genoux.

Ses proches ne dirent rien du tout.

Puis, Marco s'avança devant lui, sortant de l'ombre. Tous regardèrent le garçon avec dégoût et mépris.

Ace ne comprenait pas pourquoi : il ne leur avait rien fait. Mais ils commencèrent à l'insulter et à le rejeter.

Il essaya de s'expliquer, de se défendre, mais sa voix était inaudible, comme s'il était dans sa baignoire et que quelqu'un lui tenait la tête sous l'eau.

Il se retrouva alors sur une scène, attaché à un siège blanc, devant une foule qui l'observait avec dédain.

Le jeune homme reconnu tous ses voisins, ses collègues, ses anciens professeurs...

Il était incapable de faire quoi que ce soit, à part regarder le public le juger. Ace avait l'impression que tout le monde le rejetait, même la société pour laquelle il travaillait dur. Toute la cité était là, à présent.

"Inutile !

_Hérétique !

_Profiteur !

_Fénéant !"

Ace était inutile et sans valeur.

Soudain, un homme vêtu d'un manteau blanc dont capuche descendait jusqu'à son nez arriva avec une seringue.

"Libérons le !

_Mauvais citoyen !

_Erreur du système !

_Défaillant !"

Le garçon tira sur ses liens frénétiquement, comprenant qu'il assistait à sa propre «libération».

Sa tête bouillonnait.

C'était une erreur ! Il n'était pas malade, il avait toujours pris sa pilule ! Il n'avait jamais voulu devenir un poids pour la cité ! Il avait toujours travaillé dur !

Ace écarquilla les yeux. C'était faux. Il avait été inutile, la dernière fois. Il avait ralenti le rythme de la chaîne, à l'usine, perturbant l'équilibre de la cité.

Le garçon secoua la tête. Il ne voulait pas ! Il n'avait pas fait exprès !

Il entendit une femme chuchoter à l'oreille d'une autre :

"J'ai entendu dire qu'il eu un contact inapproprié avec quelqu'un..."

Non... C'était un accident... Il ne voulait pas être mauvais...

Il arrêta de se débattre quand il vit ses proches, au premier rang, qui l'observaient sans rien dire.

"Luffy... Sab..."

La seringue pénétra sa peau.

"Permettons à cet ancien citoyen d'être libéré. La cité le remercie de son sacrifice pour la paix et l'équilibre. Pour que la so..."

Enfin, il n'entendit plus la foule réciter le discours de libération. C'était fini. Son esprit allait rejoindre les «libérés», et son corps allait être exposé sur le mur Ouest, avec les autres.

Avant que sa vision ne se trouble, il se demanda si l'endroit où vivaient les âmes des libérés, «l'après», était vraiment un monde meilleur. Et si ce n'était pas le cas ? Comment pouvait-il être heureux avec les libérés, s'il ne pouvait plus être utile à la société ?

Le jeune homme se réveilla en sursaut, secoué par ce cauchemar perturbant. Il tenta de se ressaisir en listant dans sa tête les directives qui régissaient sa vie.

Directives d'une journée d'un bon citoyen :

D'abord, réveil à quatre heures et trente minutes.

Il tourna la tête. Le réveil affichait "une heure et quarante-six minutes." Il avait déjà failli à cette directive, ce qui lui provoqua des palpitations cardiaques infernales.

C'était la première fois qu'il faisait un rêve aussi effrayant. Il se demanda si cela pouvait être lié à sa grippe tenace.

Le garçon pensa à Marco. Les contacts de la veille étaient inappropriés, ils ne suivaient pas les directives de bonnes relations amicales, alors il se demanda s'il pouvait être rejeté socialement pour cela. Ace s'inquiéta pour son ami. Et s'il allait être rejeté par sa faute, lui aussi ?

Les personnes qui étaient rejetés socialement ne pouvaient plus jamais avoir d'étiquette relationnelle avec qui que ce soit, et elles perdaient celles qu'elles avaient, même leurs familles.

Les rejetés vivaient seuls, et travaillaient seulement de nuit. Ils se réveillaient à 19h30, au moment où tout les autres citoyens finissaient le travail et rentraient la plupart du temps chez eux, et leur couvre-feu était à 5h30, au moment du début de la journée des autres, minimisant ainsi tout contact avec les bons citoyens.

Il arrivait cependant parfois qu'on croise un rejeté, au moment de la fin de la journée. Cela arrivait le plus souvent le vendredi, car c'était le soir réservé aux amis, le seul soir où ils finissaient le travail à 18h au lieu de 19h30. Quand on croisait un rejeté, on ne devait pas lui adresser un seul regard. Ils étaient reconnaissables grâce à la ceinture de leurs uniformes, qui était rouge, au lieu du blanc habituel.

Ace frissonna. Il voulait à tout prix éviter d'être rejeté, car il chérissait sa famille, et il chérissait son unique ami.

Il chassa rapidement ces pensées de son esprit.

Le garçon repensa aux corps des libérés, qu'il voyait lorsqu'il passait près du mur Ouest, le samedi, quand il allait chercher du pain.

Cette pensée lui donna la nausée. Pourtant, il voyait ça chaque semaine. Le sac blanc sur la tête de la plupart des corps pendu par le cou, leurs uniformes entièrement rouges. Tout ça secoua Ace, sans vraiment qu'il ne sache pourquoi.

Ce n'était pas grave. Ils étaient heureux dans la libération. Alors pourquoi était-il si touché par l'idée que les corps étaient tous près de lui, soudainement ?

Sans trop savoir pourquoi, Ace se demanda quelle était la raison pour laquelle on accrochait leurs corps.

Le jeune homme fouilla dans sa mémoire comme il pût, car il était persuadé de le savoir, au fond de lui.

Oui. Tome 47 de l'histoire de la cité :

Le corps d'un libéré est suspendu durant un mois pour qu'il soit plus proche du soleil, et que son esprit puisse rejoindre son futur lieu de vie en paix. Les libérations privées, en clinique, se font dans un uniforme noir, tandis que celles publiques se font dans un uniforme gris. Tous les corps des citoyens libérés porteront ensuite l'uniforme rouge, signifiant la paix.

C'était ça. Le rouge, pour la paix.

Rien d'inquiétant. Ils allaient tous bien...

Le jeune homme posa ses pieds sur le sol carrelé de sa chambre. La voix d'Ava résonna dans sa chambre, avec un volume faible :

"Ace, pourquoi vous levez vous ?

_Je vais à la salle de bain, chuchota le jeune homme.

_Bien. J'allume les LEDs nocturnes du couloir et j'ouvre la porte de la salle de bain.

_Merci, Ava.

_Bon rafraîchissement, Ace."

Le garçon suivit le chemin lumineux qu'Ava lui avait tracé jusqu'à la salle d'eau, sur la pointe des pieds.

Il ouvrit la porte et la referma doucement derrière lui, essayant d'être le plus silencieux possible.

Ava alluma les lumières de la pièce progressivement pour protéger les yeux d'Ace, encore habitués à l'obscurité. Le jeune homme tourna un moment en rond dans la pièce, se passant de temps à autre de l'eau sur le visage.

Pourtant, rien ne calma la sensation dans son corps. Il décida de s'installer par terre.

"Ava...?

_Oui, Ace ?

_Je me sens très fatigué...

_S'agit-il de votre grippe ? Voulez-vous que j'appelle un médecin de nuit ? Je peux aussi vous conseiller de boire un verre d'eau et de retourner vous coucher.

_Je ne veux ni l'un, ni l'autre, souffla Ace.

_Quelle est votre demande ?"

Le garçon réfléchit un moment, la tête sur les genoux.

Il murmura :

"Je voudrais que tu me laisses seul, s'il te plaît.

_Voulez-vous que je passe en mode "douche", et que j'active le mode "intimité" ?

_S'il te plaît, oui. Mais n'allume pas la douche, je ne vais pas en prendre une. Je veux juste être seul un petit moment.

_Très bien, Ace. Le mode "intimité" sera désactivé lorsque vos pieds toucherons les capteurs du couloirs. Je quitte à présent la pièce en éteignant tous mes micros et mes capteurs."

Un "bip" résonna, annonçant que Ava avait quitté la salle de bain. Le jeune homme inspira profondément.

Ace rumina pendant quelques minutes les images des corps pendus au mur dans son esprit, se posant de plus en plus de questions qu'il qualifiait encore hier de "volatiles", "impossibles" ou "inappropriées".

Puis, il pensa à son échange avec Marco, à son quotidien qu'il avait cassé, à ces idées qu'il avait eu hier.

Le garçon sentit ses yeux le piquer. Il se leva pour aller voir dans le miroir, et constata qu'ils étaient très rouges.

Soudain, quelque chose en sortit, sur le bord, le faisant reculer brusquement.

C'était un liquide transparent, comme de l'eau. Une goutte glissa sur sa joue et tomba sur le lavabo. Ace la fixa, chamboulé, choqué et inquiet. Il plongea de nouveau son regard sur le miroir et se rapprocha pour analyser la situation.

Une autre goutte s'échappa du coin de son œil droit. Il pencha un peu la tête. Quand elle glissa sur sa pommette, il posa son doigt dessus, curieux.

Le jeune homme observa un long moment le bout de son index avant de le renifler.

Ça ne sentait rien.

D'un geste hésitant, tremblant, il ramena son doigt près de sa bouche et posa le bout de sa langue dessus.

C'était salé.

Il recula la tête d'un coup, perturbé. Qu'est-ce que c'était ?

Ace fouilla dans sa mémoire pour essayer de se rappeler un éventuel chapitre d'un de ses livres qui parlait de ce phénomène, mais il ne trouva rien.

Les gouttes ne cessaient de tomber, et il se mit à sangloter et à renifler.

Le jeune homme s'étonna, n'ayant aucune idée de ce qui lui arrivait.

Un symptôme de la grippe ?

Son cœur se remit à tambouriner dans sa poitrine. Sa gorge se serra, et il gémit.

"Ava ! Ava !"

Personne ne répondit. Ace se souvint qu'elle était en mode "intimité". Elle ne pourrai pas l'aider ici.

Il hésita à sortir de la salle de bain pour lui demander d'appeler un médecin de nuit, mais il se ravisa.

Il ne voulait pas être encore plus inutile. Il ne voulait pas être un poids, et il ne voulait pas déranger un citoyen. Sa famille allait s'inquiéter, si elle était dérangée par la venu d'un médecin en pleine nuit. Il ne voulait pas de ça.

Ace s'assit par terre de nouveau, tentant de se calmer sans trop savoir comment faire.

Au bout d'un moment, la fatigue le rattrapa, et il sentit qu'il allait s'endormir. Les gouttes avaient cessé de tomber, alors il se leva et sortit de la salle de bain en titubant.

Quand il posa un pied dans le couloir, les LEDs nocturnes s'allumèrent devant lui, le conduisant jusqu'à sa chambre.

Il s'allongea dans son lit, toujours perturbé. En tournant la tête vers le réveil, Ace constata qu'il ne lui restait plus que quarante minutes avant le réveil.

Le jeune homme murmura :

"Ava ?

_Oui, Ace ?

_Comment s'appelle le phénomène qui fait sortir du liquide des yeux ?

_Histoire de l'ancien monde, tome 28 : les emotions. "«Pleurer» était une réponse automatique du corps humain face à l'émotion de tristesse, dans l'ancien monde. «Pleurer» n'existe plus aujourd'hui, car l'émotion de tristesse a disparue. Les pleurs s'accompagnaient souvent de sanglots, de tremblements, de gémissements. Dans les cas violents de tristesses chroniques, le sujet pouvait parfois éprouver une envie de mettre fin à sa vie. Heureusement, l'évolution a empêché l'humain de ressentir cette émotion négative, le protégeant de maladies comme la dépression et l'anxiété généralisée. La tristesse parfois pouvait être liée à la colère ou à la peur, se référer aux définitions suivantes." Cela vous satisfait-il, Ace ?Voulez-vous que je vous lise un autre chapitre de ce livre ?

_Oui... Ça... Ça me suffit, merci...

_Je reste à votre service.

_Ava ?

_Oui, Ace ?

_Je... Je... Je crois que je ne suis pas... encore en état de retourner au travail. Peux-tu enregistrer un... un rendez-vous avec le docteur Trafalgar Law pour demain, s'il te plaît ?

_Pas de problème, Ace. Passez une bonne fin de nuit.

_Merci, Ava..."

Ace se força à fermer les yeux pour le peu de temps de sommeil qu'il lui restait.

Pourtant, il était inquiet, et resta donc éveillé une trentaine de minutes avant de tomber de fatigue.

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