Jeudi Soir : L'invitation à Dîner


Garp se leva de son fauteuil et s'exclama :

"Ah, vraiment ? Il faut préparer le dîner pour l'accueillir, dans ce cas !

_Oui, et il ne devrait plus tarder, acquiesça Sabo.

_C'est trop bien ! J'ai trop hâte de rencontrer ton ami, grand-frère !"

Ace était assis sur le canapé, perdu dans ses pensées. Il ne répondit rien à Luffy, qui haussa simplement les épaules, pas vraiment inquiet de son silence. Il n'avait même pas dit à Garp que Marco allait passer de lui-même, laissant Sabo s'en charger. Il était un peu trop perturbé pour penser à les prévenir tout de suite.

Après quelques minutes à discuter entre eux sans qu'Ace ne participe, Garp était parti dans la cuisine pour préparer le repas, tandis que Sabo s'était installé dans le salon et avait allumé la télévision. Il regardait distraitement les actualités, mais Ace ne prêtait aucune attention à ce qui se passait à l'écran. Il ne prêtait même pas attention à Luffy qui avait posé sa tête sur ses genoux, se contentant simplement de jouer distraitement avec les mèches de cheveux de son cadet.

Il avait l'esprit ailleurs, revivant l'incident avec le rebelle dans sa tête. Il se sentait toujours choqué par les idées qu'il avait entendues, et il avait du mal à les comprendre.

Comment pouvait-on être prisonnier d'un système alors que tout semblait si parfait dans leur cité ? Ace était confus et avait l'impression que quelque chose avait changé en lui depuis cette rencontre.

Sabo remarqua que son frère était silencieux et demanda :

"Est-ce que ça va Ace ? Tu as l'air préoccupé".

Ace secoua la tête, n'osant pas en parler à son frère. Sabo pouvait parfois être borné et Ace avait peur qu'il ne comprenne pas ses doutes.

Alors qu'il allait poser une autre question, Sabo fut interrompu par l'arrivée de leur grand-père qui sortit de la cuisine. Il ébouriffa les cheveux des jumeaux en passant devant le canapé avant de s'asseoir sur le fauteuil.

"Le repas est en train de cuire. J'espère que tout est prêt pour l'arrivée de Marco. Tu peux mettre la table, mon grand ?, demanda-t-il en souriant."

Ace se leva pour aller mettre la table (faisant râler Luffy qui était bien installé) mais son esprit était ailleurs.

Il essaya de se concentrer sur la tâche à accomplir, mais les paroles du rebelle résonnaient toujours dans sa tête. Comment il pouvait être prisonnier d'un système qui semblait si bien fonctionner ?

Alors qu'Ace posait une assiette, d'un mouvement las, il tendit l'oreille quand Sabo posa une question à leur grand-père :

"Grand-père, tu as déjà entendu parler du mouvement rebelle dans la cité ? Tu en penses quoi ? Est-ce que tu te sens en sécurité, avec ces gens qui traînent dans les rues ?"

Ace se tut, ne voulant pas mentionner leur propre incident avec le rebelle. Il avait l'impression que ses propres doutes étaient dangereux. Il savait où Sabo voulait en venir, mais il savait aussi que son jumeau ne le dirait pas à la famille non plus.

Garp fronça les sourcils. Il soupira et regarda son petit-fils dans les yeux.

"Sabo, je ne sais pas qui a raison ou qui a tort. Tout ce que je sais, c'est que nous sommes en sécurité ici et que nous devons suivre les règles pour rester en vie."

Ace leva les yeux, surpris par la réponse de Garp. «Rester en vie» ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Ace n'avait jamais pensé qu'il risquait une chose telle que perdre sa propre vie.

S'il fallait suivre les règles, c'était uniquement pour être un bon citoyen. Ça n'impliquait pas la mort, si ?

Il avait toujours cru que son grand-père était un homme droit et juste, mais maintenant il commençait à douter.

Sabo acquiesça, mais Ace put voir dans ses yeux qu'il n'était pas satisfait de la réponse de Garp.

La tension était palpable dans le salon, mais personne ne dit rien de plus sur le sujet. Ace retourna s'assoir dans le canapé une fois sa tâche accomplie, de plus en plus perturbé et inquiet. Toute sa vie se retrouvait chamboulée. Ou, en tout cas, toutes ses idées. Sa tête lui faisait mal, il ne savait plus comment prendre tout ce qui lui arrivait. Plus rien allait. Sa routine était cassée, ses pensées divaguaient, et il avait pleuré.

Pleuré ! Il avait pleuré ! C'était tout simplement inconcevable, impossible !

Il essaya tant bien que mal de se concentrer sur sa famille. La conversation dériva alors sur des sujets plus légers, comme le travail de Sabo ou les derniers exploits de Luffy à l'école.

Ace se demanda si Garp savait quelque chose sur la rébellion, ou s'il avait des idées révolutionnaires lui-même. Mais il ne pouvait pas demander à son grand-père directement, car il savait qu'il n'aurait pas de réponse claire.

Non. Il chassa cette pensée de son esprit immédiatement. C'était impossible. Son grand-père était son héros. Il ne pouvait tout simplement pas être un déviant dangereux, quelle idée.

La sonnette retentit, annonçant l'arrivée de Marco. Tout le monde se mit à sourire, heureux de le voir. Ace se força à sourire lui aussi, mais il se sentait toujours troublé.

Le jeune homme avait eu hâte qu'il arrive, après ce début de soirée bizarre et tendu.

"Salut Marco, bienvenue chez moi !

_Salut Ace, merci de m'avoir invité, répondit Marco en souriant."

La famille observait l'invité avec curiosité. Ace présenta Marco à Garp, Luffy et à Sabo.

Le grand-père s'avança pour l'accueillir :

"Bonsoir, Marco, nous sommes ravis de te recevoir chez nous. Ace nous a beaucoup parlé de toi.

_Bonjour, monsieur. Merci de m'accueillir chez vous. Je suis heureux de rencontrer la famille d'Ace.

_Bon, mon grand, tu le fais rentrer, ton ami, ou pas ?

_Euh... oui ! Euh... Pardon, excuse moi !"

Ace était décidément très fatigué. C'est Garp, en ricanant, qui invita le jeune-homme à entrer :

"Entre, entre, ne reste pas planté là !"

Marco entra dans la pièce, saluant chacun des membres de la famille d'un sourire poli. Ace s'aperçut que le visage de Marco était légèrement tendu, sans doute à cause de la fatigue permanente qu'ils ressentaient tous les deux.

"Alors, Marco, comment se passe ton travail à la section des naissances ?, demanda Sabo, curieux.

_Oh, ça va, c'est assez mouvementé en ce moment. Nous avons beaucoup de demandes, parce que c'est la saison. Mais j'adore mon travail, c'est passionnant.

_Tu as travaillé dur aujourd'hui, j'imagine, supposa Garp.

_Oui, c'était une journée chargée, répondit Marco en souriant nerveusement, mais j'aime mon travail."

Luffy glissa sur le fauteuil pour s'approcher de l'invité. Il l'observa un petit moment, l'air curieux, avant de demander :

"Tu fais quoi, en fait ?"

Ace pouffa à la remarque de son cadet. Il n'écoutait vraiment rien en cours, visiblement. Garp serra d'ailleurs la mâchoire, se retenant de réprimander son petit-fils, ce qui fit ricaner Sabo. Marco répondit sincèrement :

"Je m'occupe des bébés avant qu'ils ne soient remis aux couples.

_Sérieux ? C'est trop cool comme boulot !

_C'est cool, oui, sourit le médecin.

_J'veux faire ça, moi !"

Ace rit franchement.

"Je te vois mal là dedans, p'tit frère. Il faut être doux et prudent. Et pour être honnête, c'est pas trop... Euh... Toi.

_Tu verras ! Je suis sûr que si je pense super fort à ça pendant le test, je serais affecté là bas !

_Ça... Ça marche pas comme ça, soupira Sabo, amusé."

Garp leva les yeux au ciel. Luffy l'exaspérait, parfois. Oh, il le chérissait de tout son cœur, mais comme il avait envie de le disputer !

Le grand-père finit par soupirer, résigné. Tant pis... C'était Luffy.

La conversation continua ainsi pendant quelques minutes, la famille posant des questions sur le travail de Marco et sur la ville en général.

L'heure de la pilule arriva. Marco prit la sienne, qu'il avait emporté dans son sac, et toute la famille d'Ace défila pour prendre leur traitement, au comptoir.

Comme les fois précédentes, ni Ace, ni Marco ne se sentirent mieux.

Garp déclara :

"Bon, trêve de bavardages, passons à table !"

Tout le monde se leva et se dirigea vers la salle à manger.

Pendant le repas, la famille continua de questionner Marco sur son travail, mais Ace l'observait en silence, plongé dans ses pensées. Il ne pouvait s'empêcher de songer à l'incident avec le rebelle la nuit dernière et à la façon dont il avait pleuré. Il avait besoin de parler à Marco en privé à ce sujet, il ne voulait pas le faire devant sa famille. Tout en l'observant, il se demandait ce qui pouvait bien lui passer par la tête. Il avait l'air préoccupé, peut-être même inquiet.

Ace voulait lui parler, mais il ne savait pas comment entamer la conversation.

Le repas se termina. Quand la famille se dirigea dans le salon pour passer la soirée ensemble, Ace se pencha vers Marco une fois qu'il eût déposé ses couverts dans le lave-vaisselle :

"Tu... Tu veux bien venir avec moi dans ma chambre ? Je dois te parler...

_Oui, bien-sûr. C'est pour ça que tu m'as invité, ricana le médecin."

Les deux jeunes-hommes saluèrent la famille avant de monter les escaliers.

Après avoir atteint la chambre, Ace invita Marco à s'installer sur le lit, puis il s'assit à ses côtés. Ils échangèrent un regard silencieux, avant qu'Ace ne pose ses yeux sur le sol.

Il voulait lui parler de cette nuit, mais en même temps, la mine de Marco l'inquiétait. Ace voyait qu'il n'était pas à l'aise, pas bien.

"Ava, active le mode "intimité", s'il te plaît, souffla le jeune ouvrier.

_Très bien, Ace. Je sors de la chambre. Le mode "intimité " sera désactivé quand je capterai votre présence dans le couloir."

Un bip résonna dans la pièce, annonçant que les micros et les capteurs de l'intelligence artificielle s'étaient éteint dans la chambre.

Ils restèrent silencieux un moment, jusqu'à ce que le garçon trouve le courage de prendre la parole :

"Marco, est-ce que tout va bien ? Tu as l'air préoccupé depuis que tu es arrivé."

Marco baissa les yeux, comme s'il cherchait ses mots.

"Je suis désolé, Ace. Je ne voulais pas t'inquiéter. C'est juste que... Tu sais, toute cette histoire... Ça me perturbe beaucoup...

_Oui, moi aussi... Justement... Euh...

_Tu n'as pas l'air bien non plus.

_Non, pas vraiment..."

Un silence s'installa entre eux. Ace avait du mal à trouver un moyen d'aborder le sujet. Il sentait que Marco était très inquiet, et il se dit qu'il valait peut-être mieux changer de sujet pour le moment :

"Et toi, comment s'est passée ton début de soirée ? Tu as fait quoi de beau ?"

Marco esquissa un sourire, semblant soulagé que la conversation prenne une tournure plus légère.

"Oh, pas grand-chose de spécial. Je me suis simplement préparé pour venir ici. Mon père était très content que j'ai enfin mon premier ami de travail."

Ace sourit à son tour, heureux de voir que Marco se détendait peu à peu.

"Tu sais, Marco, si tu as besoin de parler, je suis là pour toi. Je suis ton ami, tu peux me faire confiance."

Marco sourit à nouveau, plus franchement cette fois.

"Merci, Ace. Je sais que je peux compter sur toi."

Ace sentit son cœur s'emballer à ces paroles, sans vraiment savoir pourquoi. Entendre son ami lui dire qu'il pouvait compter sur lui, ça le rendait fier, mais aussi plutôt content.

"Ace, il y a quelque chose qui ne va pas ?, demanda Marco en voyant son ami tendu et distant."

Ace hésita un instant avant de répondre. Il appréhendait la réaction de son ami, mais il savait qu'il pouvait faire confiance à Marco. Finalement, il prit une profonde inspiration et décida de se confier.

"Je voulais te parler de quelque chose qui s'est passé la nuit dernière, dit Ace, en fixant le sol.

_Qu'est-ce qui s'est passé ?, demanda Marco, soucieux."

Ace hésita un instant avant de répondre, se demandant s'il devait révéler ses doutes à son ami. Il se sentait comme s'il était malade, anormal, et il n'avait jamais ressenti ça avant.

"Je... j'ai eu un petit incident la nuit dernière, commença Ace, Je ne suis pas sûr de comment le gérer.

_Qu'est-ce qui s'est passé ?, demanda Marco.

_J'ai pleuré, avoua-t-il, sans lever le regard."

Marco cligna des yeux plusieurs fois.

"Tu as... Quoi ?

_Pleuré.

_C'est pas possible...

_Je te jure que oui.

_Euh... C'est très grave, ce que tu me racontes..."

Ace hocha la tête lentement, parfaitement conscient que ça n'était absolument pas normal. Marco enchaîna :

"Tu es sûr ? Tu as eu... Euh... des larmes ?

_Oui. J'ai même eu des sanglots. C'était terrible. C'était une sensation que je voudrais ne plus jamais éprouver.

_Pas une sensation, Ace."

Le garçon releva la tête pour inviter Marco à éclaircir ses pensées. Il continua :

"Une emotion. Pleurer, c'est le résultat de la tristesse. La tristesse, c'est une emotion.

_Mais... Marco... C'est juste...

_Je sais. Mais ça, et la peur... Excuse moi, Ace, mais on a pas une grippe."

Les mots de Marco étaient durs à entendre. Pourtant, Ace savait que c'était assez logique de penser ça. Simplement, cela impliquait beaucoup trop de choses très graves.

Marco finit par demander :

"Pourquoi ? Que s'est-il passé ?"

Ace leva enfin les yeux et plongea son regard dans celui de Marco.

"Je ne sais pas, répondit-il honnêtement. Je me suis réveillé en pleine nuit et j'ai ressenti une douleur dans la poitrine. J'avais l'impression que quelque chose n'allait pas, mais je ne sais pas quoi."

Marco posa sa main sur l'épaule d'Ace pour le rassurer.

"Je suis là pour toi, Ace, dit-il doucement. Je vais essayer de t'aider à comprendre ce qui se passe."

Ace hocha la tête, reconnaissant, et esquissa un sourire timide. Il ne releva même pas le fait que ce contact n'était pas approprié pour leur étiquette relationnelle : il en avait besoin.

"Merci, Marco, murmura-t-il. Je suis content de t'avoir comme ami."

Marco sourit à son tour, heureux de voir que leur amitié se renforçait de jour en jour.

"Je suis aussi heureux d'être ton ami, Ace, dit-il avec sincérité."

Ils passèrent un moment sans rien dire. Le jeune homme finit même par glisser sa tête sur l'épaule du médecin, qui le laissa faire. Ils profitèrent du contact un long moment, épuisés.

Soudain, Ace se souvint de quelque chose :

"J'ai entendu parler d'un groupe de citoyens qui s'opposent au gouvernement. Ils disent que... Euh... On nous a lavé le cerveau."

Marco fronça les sourcils.

"Ce sont des hérétiques, Ace. Le gouvernement nous protège des maladies, des guerres, des choses qui ont détruit l'ancien monde. Il nous permet de vivre dans une société harmonieuse et pacifique. Nous ne devons pas les écouter."

Ace hocha la tête, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi les opposants pensaient une chose pareille. Leurs idées devaient bien être basée sur quelque chose, et Ace n'arrivait pas vraiment à croire à l'histoire de Sabo.

Il était difficile d'imaginer qu'il existait autre chose que la vie qu'ils menaient tous les jours, mais il était vrai qu'il ressentait quelque chose qu'il ne comprenait pas.

"Le... Le rebelle que j'ai rencontré a dit..., commença timidement Ace.

_Tu as rencontré un rebelle ?

_Euh... Oui... Tout à l'heure. C'était assez... Choquant.

_Il ne t'as pas blessé ?

_Non. Je vais bien. C'est juste que... Je ne sais plus quoi penser. Il a dit... Il a dit que nous étions prisonniers de la société.

_Prisonniers ?

_Oui."

Marco resta pensif un moment avant de dire :

"Même si... Même si nous ressentons bien... Des... des émotions... Hum...

_J'espère bien que non. C'est juste impossible... Pourtant... Pleurer n'est pas possible, normalement.

_Oui. Je voulais dire... Même si nous ressentons vraiment des émotions, ce qui serait inconcevable, mais imaginons. Si c'est le cas... Pourquoi maintenant ?"

Ace glissa la tête sur les genoux de Marco. Il sentait que la fatigue devenait insoutenable, et l'épaule ne suffisait plus.

"Je ne sais pas, souffla-t-il."

Ace ferma les yeux. Il ressentait une étrange chaleur dans son corps, comme si toute l'énergie qu'il avait épuisée dans la journée était en train de se recharger lentement.

Mais quelque chose n'allait pas. La pilule qu'ils avaient prise aurait dû les réveiller et leur donner de l'énergie depuis longtemps. Pourquoi cela ne fonctionnait-il pas ?

Marco soupira :

"Je me demande... Si le système fonctionne comme il le devrait, alors pourquoi nous ressentons... Des... des émotions ? Oui, je suis presque sûr que nous ressentons des émotions, maintenant, Ace.

_C'est tellement... Anormal...

_Oui..."

Marco souffla longuement avant de reprendre :

"Nous avons évolué pour être des citoyens parfaits, des êtres sans émotions qui suivent les ordres, les directives, pour le bien être de la cité... Si l'évolution l'a décidé, c'est que c'était bon pour nous... Mais... Mais maintenant que nous en sommes là, que faisons-nous de ces émotions ?"

Ace ouvrit les yeux, regardant Marco avec un regard interrogateur.

"Que veux-tu dire ?

_Je veux dire que... Maintenant... Nous ne savons pas quoi faire avec ces sentiments. Nous ne savons pas comment les contrôler. Nous ne savons pas comment les utiliser pour le bien de la société."

Ace réfléchit à cela, sa tête toujours sur les genoux de Marco. Il commençait à remettre en question sa vie et son rôle dans la cité. Le jeune ouvrier murmura :

"Je me demande... si nous sommes censés être des citoyens parfaits, alors pourquoi avons-nous ces sentiments ?"

Marco regarda Ace, incertain. Il n'avait jamais envisagé que leur destin pourrait un jour être chamboulé. Ace marquait un point : pourquoi ressentaient-ils ça, tous les deux, si ce n'était pas bon pour la cité ? Étaient-ils devenus des poids pour la société ? Étaient-ils devenus inutiles, maintenant ?

Après tout, tout ce que ces soit disant émotions avaient fait, ce n'était que de les empêcher d'accomplir leur travail comme il le fallait. Marco et Ace avaient encore du mal à croire qu'il s'agissait vraiment d'émotions. Ils cherchèrent silencieusement d'autres explications, mais rien ne leur venait.

Le médecin finit par répondre :

"Je ne sais pas... Mais je sais que nous devons être prudents. Nous ne pouvons pas laisser les autres savoir que nous ressentons des émotions. Les sentiments nous ont rendus moins utiles. Si nous sommes un poids pour la cité... Nous risquons d'être libérés, tout comme ceux qui sont pendus sur le mur Ouest."

Ace frissonna en pensant au mur Ouest, où étaient pendus les "libérés".

Il se souvint de la veille, de ces images qu'il voyait tous les samedis en allant chercher du pain.

"C'est... c'est penser aux libérés qui m'a fait pleurer hier soir..."

Marco semblait perplexe. Ils passaient tous les deux toutes les semaines devant eux, et jusqu'à présent, ces images qui ne l'avaient jamais choqués.

"Je ne comprends pas... Nous passons devant ce mur souvent. Pourquoi maintenant ?"

Ace déglutit. Il se tourna un peu pour chercher plus de chaleur, collant son front sur le bas du torse de Marco. La joue sur les genoux du médecin, il avoua, d'une voix tremblante :

"Je... je ne sais pas... Hier soir, j'ai penser à ces corps sans vie, et j'ai commencé à imaginer leur douleur, leur désespoir. Je me suis fait l'image dans ma tête, comme si j'y étais vraiment. J'ai imaginé leur famille qui les pleure, leur dernier soupir, leur dernier regard... Cela m'a brisé le cœur, Marco."

Le médecin regarda Ace, les yeux remplis de compréhension. Il avait vu les mêmes corps sans vie que lui, mais il ne les avait jamais vus de cette façon. Il ne les avait jamais imaginés comme des êtres humains, avec une vie, jusqu'à maintenant.

Ace se blottit un peu plus contre Marco. Il voulait approfondir ce contact, ressentir plus de chaleur. Ce n'était pas suffisant. Ces genoux ne le réconfortaient pas assez. Il serra la mâchoire, et inspira par le nez, essayant de reprendre son souffle.

Après un moment, il parla d'une voix faible et tremblante :

"Ils sont là, tous pendus les uns à côté des autres. Leurs corps sont comme des pantins, et ceux qui n'ont pas de sac sur la tête ont... Ces yeux fixes, comme s'ils n'avaient jamais existé. Leurs peaux sont grises et flasques, comme si toute leur vitalité avait été aspirée hors d'eux. On dirait des coquilles vides dans des uniformes rouges, mais ils ont toujours l'air si... humains. Ça me... J'ai... J'ai du mal à l'admettre, mais c'est encore un sentiment : Ça terrifie, tu sais ?"

Ace prit une profonde inspiration et poursuivit :

"Ils sont tous différents, certains plus jeunes que d'autres, mais tous avec la même expression sur leur visage, quand on peut la voir. Ils sont là sans être là. Leur mort est presque trop parfaite, comme si tout leur avait été enlevé, sauf leur apparence."

Il serra les poings et laissa échapper un soupir étouffé.

"J'essaie de ne pas y penser, mais chaque fois que je me fais cette image dans mon esprit, je suis submergé par cette sensation d'horreur et de désespoir. Je ne sais pas combien de temps je pourrai supporter ça..."

En entrant dans les détails des descriptions des corps sans vie, Ace finit par se remettre à pleurer.

Entre deux sanglots, il se désola, la voix totalement brisée :

"Ça... Ça recommence ! Marco ! C'est horrible ! Ça fait... Ça fait mal !"

Le jeune homme tenta de réconforter Ace comme il le pouvait. Il passa sa main dans ses cheveux, ajoutant encore un autre contact interdit pour leur étiquette relationnelle à la liste, mais n'y pensa pas. C'était plus fort que lui, Marco le faisait sans le contrôler.

Il pensa au mur, se fit l'image dans son esprit, et lui aussi commença à se sentir mal. La vision d'Ace qui pleurait le rendit encore plus mal, cependant. Et il ne savait pas pourquoi.

Finalement, il comprit qu'il ressentait de l'empathie. En tout cas, cela ressemblait à la description de l'empathie dans le tome 28 de l'histoire de l'ancien monde.

Après avoir lutté mentalement un long moment, le médecin céda à la tentation. Il le voulait. C'était incontrôlable : Marco finit par passer ses mains sour les bras d'Ace et le tira contre lui pour le prendre dans ses bras.

"Marco ! Je... J'en suis sûr, maintenant ! J'ai peur ! J'ai tellement peur ! Et je me sens si triste ! C'est comme si quelqu'un frappait de toute ses forces ma poitrine avec une brique ! J'ai l'impression que je vais mourir !

_Ça va aller... Calme toi...

_Comment on va faire ? On va... On va se faire libérer si quelqu'un apprend ça ! Marco ! J'ai tellement peur !

_Moi aussi, j'ai peur, Ace...

_Je veux pas être libéré ! Je... Et si... Et si le monde d'après n'existait pas ? Et si quand on est libéré, en fait, on ne faisait que... Que... Que mourir ? Et s'il n'y avait rien, après ? Je veux pas mourir, Marco ! Je... Je chérie ma famille !"

Ace s'arrêta un petit moment sur sa phrase, avant de murmurer :

"Non... Je ne la chérie pas... C'est plus que ça... C'est bien plus...

_Qu'est-ce que c'est, alors ?, demanda le médecin, à voix basse.

_Je... Je l'aime... Je l'aime tellement. J'aime Luffy, j'aime Sabo, j'aime mon papy. Je veux pas les quitter... Je..."

Marco serra un peu plus son ami contre lui. Il sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine. C'était puissant, très puissant.

Au bout d'un moment, les pleurs d'Ace se calmèrent. Sa voix était étouffée par l'uniforme de Marco, mais il murmura :

"Et... Et toi... Depuis... Trois ans. On se connait, mais on ne se parle que pour se dire «bonjour», se demander... «Comment ça va ?»... Pourtant... J'avais envie d'être ton ami depuis le début. J'avais envie de te parler plus que ça, je voulais... Je voulais qu'on soit amis depuis longtemps... Parce que je me sentais bien, dans l'ascenseur, avec toi.

_Pour dire vrai... Moi aussi. C'est pour ça que j'étais très heureux quand notre étiquette relationnelle a été modifié, il y a à peine deux jours. Ça ne fait que deux jours qu'on est officiellement amis, mais j'ai l'impression que ça fait en fait bien plus longtemps que ça. Comme si les discussions stériles de l'ascenseur... Non, ce n'est pas ça. Plutôt... Comme si les silences dans l'ascenseur avaient suffit. C'est comme si... Comme si on avait une relation amicale depuis longtemps, depuis plusieurs années. Une relation silencieuse."

Ace nicha sa tête dans le cou de Marco.

Ils restèrent comme ça, sans rien dire, un très long moment.

La chaleur de leurs corps entrelacés créait une bulle de sécurité dans laquelle ils se sentaient protégés.

Ils ressentaient l'un pour l'autre une empathie profonde et inattendue, ce qui les surprenait beaucoup. L'empathie, c'était un sentiment bien étrange.

Marco passa sa main dans le dos d'Ace, un geste d'une grande douceur qui brisait un autre tabou de leur société.

Les sensations qu'ils ressentaient étaient intenses et difficiles à décrire.

Leurs corps se réchauffaient mutuellement, créant une connexion presque électrique.

Pour Ace, ce n'était pas comme les câlins de Luffy, de Sabo, ou de Garp.

Pour Marco, ce n'était pas comme les câlins de son frère, Satch, ou de son père, Edward.

Ils se sentaient vivants, présents dans le moment, malgré les horreurs qu'ils avaient pu voir et les doutes qui les assaillaient.

En ouvrant les yeux, Ace vit le réveil électronique afficher 23h09.

Il soupira. Il était temps que Marco s'en aille, sinon il allait rater le couvre feu.

Pourtant, se séparer de lui, ça lui procura une sensation de déchirure, dans sa poitrine. Le garçon ne voulait pas lui dire au revoir. Ace savait qu'il le reverrait demain, au travail, mais il voulait plus. Il voulait rester comme ça pour toujours.

Marco soupira :

"Je dois y aller...

_Je sais...

_Demain... On va toujours au café des amis ?

_Oui ! Bien-sûr ! Je... Je ne veux pas manquer ça... Je ne veux pas manquer plus de temps avec toi."

Marco sentit ses joues le brûler. Le médecin ne savait pas pourquoi, mais c'était assez agréable. Ce n'était pas une brûlure comme quand on posait sa main sur une plaque de cuisson. C'était une brûlure douce.

"Bon... Je ne dois pas tarder. J'ai dix minutes de marche, et il faut être rentrer un peu avant...

_Oui... Je te raccompagne jusqu'à la porte."

En descendant, Marco salua toute la famille d'Ace, qui était encore dans le salon, et s'en alla avec un pincement au cœur. C'était une sensation qu'il n'avait jamais ressentie avant.

Alors qu'il s'allongea dans son lit, Ace entendit quelqu'un frapper à sa porte.

"Sabo ?

_Salut."

Le jeune homme se redressa quand son frère s'installa sur le bord de son lit.

"Tu es sûr que ça va, par rapport à ce qui s'est passé cet après-midi ?

_Euh... Oui, ça va... C'est juste que... Ça m'a un peu choqué.

_C'est normal d'être choqué, souffla Sabo.

_C'est gentil de demander.

_C'est normal. Je veux te protéger, parce que je te chérie beaucoup.

_Moi... Moi aussi, je te chérie, Sabo.

_Grand-père a eu... Une réponse bizarre, tu ne trouves pas ?

_Euh... Oui. Mais... Je pense qu'il ne vaut mieux pas essayer d'approfondir le sujet.

_Tu as peut-être raison..."

Un moment silencieux s'installa entre eux, avant que Sabo ne dise :

"Marco est quelqu'un de bien.

_Oui, je l'apprécie beaucoup.

_C'est bien, d'avoir un ami de travail. Tu as de la chance. J'ai hâte que Koala devienne mon amie.

_Koala c'est... Celle qui te ramène un café tous les matins ?

_Oui, c'est elle. Elle est gentille. Elle est entrée dans la division du maintien de l'ordre il y a bientôt trois ans, et depuis bientôt trois ans elle ramène un café à tous nos collègues.

_Tu l'apprécies ?

_Oui."

Ace souffla du nez.

"C'est bien. J'ai hâte pour toi.

_Merci Ace."

Sabo inspira longuement avant de dire :

"Je suis là, si tu as besoin de parler. Ne reste pas tout seul avec ça. Je sais que ça peut être très bouleversant, la première fois que ça arrive. Ces individus sont dangereux.

_Merci, Sabo."

Les jumeaux partagèrent une courte étreinte avant que le jeune officier ne quitte la chambre d'Ace. En fermant la porte, il murmura :

"Bonne nuit, frangin.

_Bonne nuit..."

Quand Ace ferma les yeux, il se dit que les émotions n'avaient peut-être pas que des mauvais côtés, finalement.

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