🍍 chapitre 10
Changbin ne cessait de faire les cents pas dans le salon du bungalow. Les poings serrés, les mains moites, la respiration folle, il allait et venait d'un bout à l'autre de la pièce.
— Tu devrais te calmer un peu…
Ce fut comme s'il n'entendit pas la voix de Jisung. Il continua à marcher, les pensées en vrac et le ventre noué. Felix devait arriver d'une minute à l'autre et il n'arrivait toujours pas à s'apaiser. À vrai dire, il était ainsi depuis le matin et, même si ses amis tentaient de le rassurer, il s'inquiétait. Il craignait que ces derniers fassent mauvaise impression auprès de Felix, ou même qu'il le ridiculise en parlant de choses honteuses qu'il avait pu faire en étant plus jeune. Oh non, il ne voulait pas qu'ils gâchent ce moment.
— Hey, arrête de stresser comme ça, dit Chan en s'approchant de son ami.
Il l'obligea à s'arrêter et lui caressa lentement le bras, les yeux dans les yeux. Il pouvait voir que Changbin était sous pression et qu'il finirait par craquer à cause de celle-ci.
— Ça va bien se passer, ok ?
— Je sais pas. J'espère.
— Franchement, tu veux qu'il se passe quoi ? intervint Jisung depuis le canapé.
Changbin déglutit et haussa les épaules. Il avait plein d'idées, mais il craignait de les partager avec ses amis au risque de passer pour un idiot. Il allait leur faire rencontrer Felix, un jeune homme qu'il appréciait énormément, et il avait l'impression qu'il était en train de réaliser quelque chose de surhumain. Presque comme s'il présentait quelqu'un à ses parents. C'était arrivé une seule fois, et sa relation s'était soldée par un échec. Ils avaient été d'ailleurs très déçus et peut-être que c'était de ça dont il avait peur, de décevoir les personnes à qui il tenait.
— Je suis sûr qu'on va passer une bonne soirée. Et on fera tout pour mettre Felix à l'aise.
— Je crois pas que ce soit lui qui ait besoin de ça, marmonna Changbin.
Dans cette histoire, c'était bien lui qu'il fallait mettre à l'aise, non pas Felix. Celui-ci n'avait aucune peur, il était confiant et les relations sociales semblaient être quelque chose de très simple à gérer. Changbin ne se faisait aucun souci pour lui, il était même persuadé qu'il serait à l'aise et qu'il n'hésiterait pas à discuter avec tout le monde. Ce serait sûrement plus facile ainsi. S'ils avaient tous les deux été réservés, la soirée se serait avérée compliquée. D'ailleurs, il n'y aurait pas eu de soirée. Il n'y aurait rien eu. Si Felix n'avait pas été Felix, jamais ils ne se seraient cotoyés. Jamais ils ne seraient allés plus loin.
— Alors on te mettra à l'aise. Tu peux compter sur nous.
D'un sourire, Changbin remercia Chan. Il était soulagé d'un poids, même si toutes ses appréhensions ne s'étaient pas envolées. Il ne pourrait souffler qu'une fois le repas terminé et Felix reparti.
Il essaya de se poser sur le canapé, même s'il ne cessait de regarder son portable. Il décomptait les minutes, même les secondes. Il avait hâte de voir le visage souriant de Felix, mais son angoisse l'empêchait encore de pouvoir totalement savourer le moment qui allait suivre. Avec un peu de chance, ses amis allaient être sympathiques et rester correctes. S'ils osaient tout gâcher, il leur en voudrait toute sa vie. Il soupira longuement, les yeux clos. Ça ne servait vraiment à rien de se mettre dans des états pareils. Il ne jouait pas sa vie non plus. Et ce n'était pas comme s'il allait revoir Felix après ces vacances.
Après plusieurs minutes, des tambourinements retentirent contre la porte en bois du bungalow. Changbin se redressa d'un bond, les yeux ronds et la gorge affreusement nouée. Il jeta un coup d'oeil à ses camarades, ces derniers lui indiquèrent de se dépêcher d'aller ouvrir. Il se précipita à la porte. Quand Felix se dévoila à lui, il eut un petit mouvement de recul. S'il l'avait toujours trouvé sublime, il l'était encore plus ce soir. Il n'avait pas imaginé que cela puisse être possible. Il avait enfilé une chemise blanche, un jean slim et avait dû passer du temps sur ses cheveux qu'il avait ramené vers l'arrière.
— Salut, déclara-t-il, ses lèvres s'étirant en un large sourire.
Changbin crut que son coeur allait tomber. Ses peurs s'étaient envolées en un quart de seconde, le sourire du jeune homme avait un pouvoir monstrueux sur ses angoisses. Il se reprit lorsque Felix pencha la tête sur le côté, perplexe.
— Vas-y, entre !
Il se décala pour le laisser pénétrer dans la maison et referma derrière lui. Aussitôt, Felix ôta ses chaussures et s'inclina devant tous les autres présents dans la pièce. Changbin le rejoignit et bien vite, ils se retrouvèrent presque encerclés. C'était un instant qu'il redoutait tout particulièrement : les présentations. Même si tout le monde connaissait Felix par son intermédiaire, Felix ne les connaissait pas. Il n'y passa pas trop de temps, et heureusement, Minah lui vint en aide. Elle avait vu sa détresse et il lui paraissait être de son devoir que de le soutenir. Après cela, il s'installèrent autour de la table sur la terrasse et les discussions fusèrent dans tous les sens. Chan et Minho avaient ramené quelques petites choses à se mettre sous la dents afin d'accompagner les bières.
Felix était à l'aise. Il parlait, répondait aux questions qui lui étaient posées, en posait en retour… Oui, Felix restait le Felix que Changbin connaissait. Souriant, confiant, avenant. Il ne pouvait que plaire à ses amis, c'était sûr et certain qu'ils allaient tous l'adorer. Il était aussi sûr qu'ils lui diraient de le revoir car ils l'appréciaient.
La soirée suivie son cours dans la joie et la bonne humeur. Felix n'hésitait pas à poser une main sur la cuisse de Changbin, comme s'il voulait le rassurer, mais ce dernier n'arrivait pas vraiment à se détendre. Il n'osait pas parler, il le faisait seulement lorsque quelqu'un s'adressait à lui. Il n'avait que très peu bu, contrairement aux autres, mais peut-être aurait-il dû. Se sentant étouffer, il s'excusa auprès de Felix et décida de rejoindre Minah dans la cuisine. Elle était occupée à mettre des petits macarons et mignardises dans un grand plat lorsqu'elle se rendit compte de sa présence.
— Ça va ? s'inquiéta la jeune femme.
Changbin soupira et s'appuya dos au plan de travail. Il ne savait pas vraiment si ça allait justement. Il était heureux que Felix s'entende si bien avec tout le monde et qu'il soit à l'aise, mais il sentait le décalage entre eux se faire de plus en plus immense. Il était son contraire. Il était ce qu'il désirait devenir. Ou redevenir.
— Tu angoisses de cette situation ?
— Je sais pas… J'avais peur qu'il vous plaise pas et…
— S'il te plaît à toi, il nous plaît aussi. Et puis, c'est un gars gentil et intelligent. Il est vraiment intéressant.
— Je sais tout ça. Et ça me fait réaliser que lui et moi, on est très différents.
La jeune femme arrêta ce qu'elle était en train de faire et s'approcha de lui. Elle posa une main sur son épaule et le regarda dans les yeux, un petit sourire fendant ses lèvres rouges.
— C'est pas grave. Il te plaît, tu lui plaîs, c'est le principal. Et puis arrête de te mettre la pression ! Tu ne joues pas ta vie là, profite juste de tes amis et de Felix.
— Je sais. C'est dur à faire.
— Je suis fière de toi, dit-elle.
Changbin cligna plusieurs fois des yeux. Il croyait avoir mal entendu. Minah venait vraiment de dire qu'elle était fière de lui ? Il pouffa de rire et baissa la tête, les joues rouges.
— Tu lui as laissé une chance de nous rencontrer, je pense que c'est un grand pas que tu as fait là.
Elle lui caressa tendrement le bras. Elle avait totalement raison. Il la remercia et lui proposa de l'aider pour amener le dessert à l'extérieur. Changbin avait retrouvé le sourire et cette fois, il se mêla aux discussions, ne pensant qu'à cet instant. Ils parlèrent de ce que faisait Felix en dehors de son travail de saisonniers, chose que Changbin n'avait jamais demandé par peur d'être trop intrusif, mais aussi par peur de s'attacher. Il était idiot, il s'était déjà attaché à lui. Il découvrit pas mal de chose, qu'il était étudiant, qu'il aimait la natation et avait deux soeurs. Avec Minho et Chan, il n'hésita pas à parler de son homosexualité et cela fit chaud au coeur de Changbin de constater qu'ils étaient tous assez bien pour en discuter. Si Felix avait le pouvoir de le mettre à l'aise parfois, il avait également ce pouvoir sur les autres. Il était un jeune homme vraiment étonnant.
Le dîner toucha à sa fin et Felix dût repartir. Le lendemain, il avait une dure journée qui l'attendait, il allait faire le service du midi et du soir, et il se devait d'être en forme pour cela. Changbin lui proposa de le raccompagner jusqu'à son bungalow. Ce n'était pas parce qu'il avait peur qu'il reparte seul, plutôt parce qu'il n'avait pas eu un moment seul avec Felix. Et il en avait besoin.
— Ils sont tellement cool tes potes ! s'exclama-t-il alors qu'ils empruntaient un petit chemin de terre.
— Tu trouves ? C'est parce que tu les côtoies pas souvent.
Le serveur lui asséna un léger coup de coude.
— Quoi ? C'est vrai ! Chan et Minho sont insupportables avec leurs bisous et… Je préfère pas en parler en fait !
— Mais ils sont juste amoureux ! rit Felix. Ose dire que tu ne t'es jamais comporté comme ça !
Changbin manqua de s'étouffer, presque outré.
— Jamais ! Je trouve ça…
Soudain, Felix l'arrêta et se mit devant lui. Malgré le faible éclairage de la résidence, Changbin pouvait voir à quel point son regard était intense. Cela le fit déglutir. En à peine quelques secondes, la bouche de Felix se trouva sur la sienne, et ses mains rejoignirent sa taille pour le tirer contre lui. Il ne put résister à l'envie qui le submergeait. Il saisit le visage du serveur en coupe et, en rythme, leurs lèvres se caressèrent.
— Dis moi que tu n'as jamais eu envie d'être niais toi aussi… souffla-t-il sur la bouche Changbin.
Il frémit. Avec Felix, il avait envie d'être niais, affreusement niais même. Il avait envie de l'appeler par des surnoms ridicules, de l'étreindre de façon aléatoire, n'importe où, n'importe quand. Il avait envie de tout ça et pourtant, il ne pourrait pas. Sentant l'émotion le gagner, il happa les lèvres de Felix entre les siennes et un autre baiser débuta, bien plus torride que le précédent. Il avait tant envie de l'embrasser, encore et encore, de le caliner, de le sentir se serrer contre lui… Il n'avait pas envie de le quitter, même de seulement penser à le quitter. Pourtant, ils allaient bientôt se séparer, ne plus se voir, et peut-être finir par tout oublier de cette histoire. C'était un crève-coeur. Il l'aimait bien. Il l'aimait très fort, même s'il savait que leur relation n'allait pas durer.
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