Chapitre 4
Auguste s'en voulait à mort d'avoir perdu le seul souvenir qu'il avait de son père. Même s'il lui en voulait de l'es avoir abandonnés lui et sa mère il y avait une part au fond de lui qui tenait à le voir. Mais là n'était plus la question. C'était le voleur qui lui avait pris.
Ils arrivèrent au port. Des centaines de bateaux y étaient et ils ne reconnurent pas le leur tout de suite. Un homme leur fit signe. Il était grand, carré, robuste, chauve avec une élégante veste rouge. Il devait avoir quarante ou cinquante ans. L'homme mit son chapeau sur sa tête puis s'approcha du petit groupe.
« Bonjour, je suppose que vous êtes le jeune et élégant prince Charles, le brave chevalier Yvan de Pierrefort et le petit, derrière doit être Auguste.
Auguste se disait qu'il aurait quand même pu dire quelque chose comme : « Auguste, le fidèle ami du prince Charles » ou « le grand et magnifique Auguste » et tout un tas de beaux compliments mais non, il l'avait appelé "le petit".
-Aller, suivez-moi, leur dit l'homme. Je vais vous conduire au bateau.
Arrivés sur le pont, ils virent des dizaines de pirates, tous affairés à préparer le bateau. Sur la coque était marqué en grand Valencia.
-Oh, excusez-moi, je ne me suis pas présenté, leur dit l'homme, je suis le Général Sabidurío, pour vous servir.
-Vous n'êtes pas le Capitaine ? demanda Auguste de plus en plus intrigué.
-Non, non, bien sûr que non, je n'en ai pas l'étoffe, expliqua-t-il.
Toute cette modestie chez un pirate perturba Auguste.
-Si ce n'est pas vous le Capitaine, alors qui est-ce ? le questionna Charles.
-Le Capitaine est...commença-t-il.
-Tu ne me laisse même pas me présenter, dit une voix féminine.
Tout à coup ils virent une femme sauter du nid de pie et se rattraper à une corde pour ne pas tomber. Elle était brune, assez petite, avec une longue natte. Malgré le peu de mèches qui dépassait, on pouvait voir des boucles tomber sur ses épaules. Elle portait une élégante veste bleu marine ornée de boutons d'or, elle avait aussi un crochet à la main. Bien sûr, les deux jeunes hommes comprirent que c'était un faux.
-Heureuse de vous rencontrer, je me présente, je suis le Capitaine Ali, dirigeante de la Valencia.
Auguste n'arrivait à déterminer son âge, elle paraissait jeune, mais d'autant qu'il le savait, pour être Capitaine, il fallait de l'expérience, donc des années de préparations, donc elle devait être plus vieille qu'en apparences.
-Le Capitaine est une femme ? pensa le chevalier tout haut.
-Oui et ? demanda le Capitaine. Cela vous pose-t-il un problème ?
-Désolé, s'excusa le chevalier, faites comme si je n'avais rien dit.
-Donc, vous êtes là dans le but de trouver la bague aux mille reflets, c'est bien ça ? demanda le Capitaine aux trois nouveaux arrivants.
-Oui, exactement, lui répondit Charles.
-Capitaine, quel âge avez-vous ? demanda Auguste.
-Morbleu ! s'exclama Yvan.
-Ça va pas la tête, on ne demande pas ça au Capitaine, s'énerva Charles. Et encore moins à une femme !
Ils semblaient tous outrés par cette question. Auguste n'y voyait pourtant pas le mal.
-C'était juste pour savoir, se défendit-il.
-Quelle médiocrité, s'insurgea le Capitaine. Bon reprenons, venez avec moi, Valencia ne va pas tarder à partir en mer.
Ils montèrent sur le bateau et rentrèrent à l'intérieur. Il leur fallut traverser un long couloir avant d'arriver dans une immense pièce. A l'intérieur se trouvait une table gigantesque et ronde. Au centre était disposé une carte d'une immensité incroyable. Le Capitaine, la roula puis la rangea sur une étagère, elle partit dans l'autre direction, prit l'échelle, grimpa puis attrapa un autre rouleau, le jeta sur la table et redescendit. Quand elle le jeta, le fil qui l'entourait s'enleva et une fois sur la table se déroula toute seule. Les deux garçons et le chevalier en étaient bouche bée.
-Fermez vos bouches, on dirait des poissons hors de l'eau, leur ordonna le Capitaine.
Ils obéirent.
-Qu'est-ce que c'est ? demanda Charles.
-Votre carte pour la bague aux mille reflets, leur répondit le général.
-Vous ne l'avez pas trouvée ! s'exclama le chevalier.
-C'est normal, expliqua Charles au chevalier. Mon père voulait qu'on parte à l'aventure. Vous pouvez continuer Capitaine.
-Bien, le trésor se trouve sur l'île du crâne maudit, continua-t-elle. Pourtant, personne ne l'a jamais trouvé, mais nous, si. Et fort heureusement, le prince est parmi nous. Par conséquant les corsaires ne pourront rien nous faire mais d'autres dangers nous guetterons, alors, restez sur vos gardes.
Elle fit une pause pour s'assurer que tout le monde avait bien comprit et reprit :
-Sur le chemin, nous ferons quelques petites escapades...
-Pourquoi ? la coupa Auguste.
-Taisez-vous et laissez-moi expliquer » lui répondit le Capitaine.
Elle continua un moment puis, ses explications terminées, tous repartirent chacun dans leurs cabines. Celle d'Auguste, de Charles et d'Yvan étaient côtes à côtes. Ils étaient étonnés qu'il y ait autant de pièce dans ce bateau. Une heure plus tard, après avoir rangé et trié toutes ses affaires, Auguste décida d'aller voir la cabine de Charles. Il toqua trois fois. Charles lui ouvrit :
« Ne regarde pas le bazar, quand je suis entré, mes bagages se sont complétement défaits et je n'ai pas encore eu le temps de tout trier, avoua Charles.
-Tu veux que je t'aide, proposa Auguste. A deux ça ira plus vite.
-Merci.
Une fois tout trié et tout rangé, Charles se jeta sur le lit.
-C'est étonnement confortable, dit-il.
-Dis-moi Charles, qu'est-ce que tu penses du Capitaine ? lui demanda Auguste.
Il se releva et regarda son ami de travers puis répondit :
-Eh bien elle est plutôt sympathique, belle, charmante, polie, pas comme certains.
Auguste comprit où il voulait en venir.
-Et alors, tôt ou tard elle nous aurait demandé notre âge et qui sait pour quoi faire, se défendit l'intéressé.
-Oui mais ça ne se fait pas, continua Charles.
-Tu connais mon avis sur les pirates, lui dit Auguste en s'installant sur le lit à son tour.
-Et toi, outre le fait qu'elle soit pirate, tu l'apprécie ? lui demanda Charles.
-Bien sûr que non, elle cache forcément quelque chose, répondit Auguste.
-Je me demande pourquoi j'ai posé la question », dit le jeune monarque.
Après avoir boudé quelques minutes dans son coin, Auguste demanda :
« Et si on allait manger ? »
Ils faillirent se perdre dans les longs couloirs du bateau. Vu de l'extérieur, il paraissait beaucoup plus petit. Ils arrivèrent à la salle où mangeait tout l'équipage. Quand ils ouvrirent la porte, ils faillirent se recevoir une assiette avec une sorte de bouillie sur le visage. Ils entrèrent prudemment. Dans la salle il y avait un horrible raffut et ils eurent du mal à rejoindre le général. Quand ils arrivèrent enfin jusqu'à lui, ils remarquèrent que le Capitaine n'était pas là.
« Où est le Capitaine ? demanda Auguste.
-Ça t'intéresse maintenant, lui dit Charles, sarcastique.
-J'aimerais simplement lui parler, ne mange-t-elle pas ? Demanda Auguste à nouveau.
-Si, bien sûr, les rassura le général. Mais elle a déjà mangé. Néanmoins, je crois que vous pourrez la trouver sur le pont.
-Je pars la rejoindre, leur dit Auguste, nous n'avons pas bien fait connaissance je crois. »
Auguste partit donc en direction du pont. Quand il arriva enfin, il vit la Capitaine, de dos, occupée avec le gouvernail. Elle regardait les étoiles.
« Enfin quelqu'un pour me tenir compagnie, dit-elle en se retournant.
Lorsqu'elle qu'elle aperçut le "quelqu'un" en question, son expression changea :
-J'aurai tout de même préféré quelqu'un d'autre.
-Cachez votre enthousiasme surtout, lui dit-il.
Le jeune homme s'approcha du Capitaine en gravissant les marches qui menaient au pont supérieur, quatre à quatre.
-Que faites-vous ici ? lui demanda-t-elle. Vous ne mangez pas ?
-Je suis venu vous parler, j'aimerai avoir des réponses à mes questions.
Elle se tourna vers lui.
-Je vous écoute, je suis toute ouïe.
-Et bien premièrement, si je vous avais demandé votre âge, et je m'en excuse si je vous ai offensé, c'était parce que j'étais perdu. Vous paraissez jeune mais vous devez être plus vielle si vous êtes Capitaine, alors...vous devez probablement avoir de l'expérience, non ?
Elle sourit à ce qu'il venait de dire.
-Qu'y a-t-il ? demanda Auguste.
-En fait, j'ai vingt ans, lui répondit-elle.
-Mais c'est impossible, vous devriez être plus vielle normalement. Comment avez-vous fait pour devenir Capitaine si jeune ?
-Comment savez-vous toutes ces choses sur les pirates ? Lui demanda le Capitaine, curieusement. En avez-vous déjà été un ?
-Non, mais...
Il hésita.
-...Mon père, lui, en était un.
-Comment s'appelait-il ? lui demanda le Capitaine.
-Je ne sais pas. Lui répondit-il.
Ils arrêtèrent de parler pendant un moment puis Auguste reprit avec ses questions :
-Comment êtes-vous devenue Capitaine ?
-C'était un jour normal, comme les autres pour tout dire, j'avais huit ans, et je gagnais ma vie à voler les bourses des gens que je croisais dans la rue. Un jour, je me suis faite repérée par un homme à qui j'avais volé une montre. Il m'a attrapée par le bras, je me suis défendue et ensuite le général Sabidurío m'a repéré.
-C'est tout ? demanda Auguste. Rien d'autre ?
-C'est tout, répondit-elle simplement.
-Et comment êtes-vous devenue Capitaine alors ? lui demanda Auguste.
-Lorsque Sabidurío m'a repéré, il m'a conduit au bateau et comme ils n'avaient pas de capitaines, ils m'ont choisi. Voilà comment j'ai hérité de ce magnifique tricorne, dit-elle en désignant sa tête.
Auguste était sceptique. Cette histoire était bien trop courte et il n'était pas dupe à ce point. On ne devenait pas Capitaine à huit parce qu'un vieil homme en avait décidé ainsi.
-Puis-je vous avouer un secret, ou plutôt plusieurs secrets mais promettez-moi de ne les raconter à personne, au péril de votre vie, lui demanda la Capitaine.
-Vous pouvez compter sur moi, mais je crois savoir quel est votre secret, admit Auguste en regardant le crochet.
-Et bien, en fait...je n'ai jamais, je dis bien jamais au grand jamais, tuer quelqu'un ou quelque chose de ma vie. Je ne peux pas tuer quelque chose de plus grand qu'une abeille. J'en suis incapable, avoua-t-elle.
-Je vois, et les autres ? Demanda Auguste.
-Tous les pirates boivent du rhum, c'est presque une tradition chez nous, mais je n'ai jamais supporté, je trouve que cela a un goût atroce et lorsque j'essaye d'en boire, tout de suite après je vomi.
-C'est étrange pour un pirate, qui plus est pour un Capitaine, mais le secret auquel je pensais n'a pas encore été révélé.
-Quel est ce secret ? lui demanda-t-elle, inquiète.
-Votre main, répondit Auguste.
Elle souffla de soulagement et reprit :
-Je vois que vous n'êtes pas un idiot et j'en suis très heureuse, lui dit-elle en retirant le crochet.
Elle lui tendit. Il le prit entre ses mains, l'examina puis demanda :
-L'équipage sais-t-il que c'est un faux ?
-Oui, bien sûr, répondit-elle. Eux non plus ne sont pas idiots, ou du moins, la plupart.
-Vous leur direz que vous l'avez perdu.
-Comment ça ? demanda-t-elle.
Il jeta le crochet loin dans la mer.
-Non ! s'exclama-t-elle.
Elle se tourna puis lui dit :
-Etes-vous venu ici dans le seul but d'importuner votre Capitaine, car si c'est le cas, vous avez réussi, lui dit-elle.
-Vous n'allez pas faire un caprice parce que j'ai jeté votre crochet, vous ne savez pas la chance que vous avez d'avoir encore votre main.
-Je ne suis plus une enfant contrairement à vous, je ne fais pas de caprices, se défendit le Capitaine. Honnêtement, je ne sais pas ce qui m'a poussé à vous faire de telles confidences.
-A votre place je n'en aurais pas fait, tout simplement parce que je n'en ai aucun, lui dit Auguste.
-Vous n'avez pas de secret ? répéta-t-elle, un sourire aux lèvres. Tout le monde à des secrets.
-Non, je ne crois pas, sauf peut-être que j'ai une passion pour le violoncelle, à cause de ma mère, lui dit-il. Mais ça, ce n'est pas vraiment un secret.
Il y eut un petit silence puis, Auguste reprit :
-J'ai une dernière question à vous poser, est-ce que les sirènes existent réellement ?
-Oui, elles existent, pourquoi diable cette question ?
-Sont-elles belles à regarder ? demanda-t-il de nouveau mais cette fois-ci avec un grand sourire.
-Je ne répondrais plus à vos questions, déclara-t-elle.
Le jeune commença à partir mais il s'arrêta.
-Je tiens à m'excuser, dit-il. J'espère que vous ne m'en voudrez pas et qu'à l'avenir nous deviendrons bons amis.
-J'accepte vos excuses, lui répondit-elle. Le temps commence à se faire frai, vous feriez mieux rentrer afin de ne pas tomber malade. Ce serait dommage. »
Il repartit en direction des cabines, pour aller se coucher. Auguste ne put s'empêcher de penser qu'il y avait encore des choses qu'elle lui cachait. Il en était sûr. Mais il n'avait pas le temps de penser à cela, demain ils auraient un trésor et une bague à retrouver.
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