Chapitre 6 : Miercoles
Les gouttes de pluie tombaient en silence sur la plage. Angelica observait la mer amener les vagues jusqu'à ses pieds nus. Il devait être huit heures du matin. Mais le soleil n'apparaissait toujours pas derrière les nuages gris.
Elle sursauta lorsqu'elle sentit l'eau glacée monter jusqu'à ses chevilles. Jetant un coup d'œil au pirate qui dormait, elle retroussa sa robe et laissa ses jambes tremper dans l'écume. Qu'est-ce qu'elle avait dû avoir l'air ridicule hier soir... Mais la tempête était passée. Assise sur le ponton qu'ils avaient pris pour abri la veille, elle passa une main dans ses cheveux bruns qui bouclaient furieusement sous l'humidité. Tout ce qu'elle voulait c'était rentrer... N'est-ce pas ? Elle tentait de se persuader.
La mer s'était calmée. L'eau semblait grise, irréelle, et les pensées de la jeune femme déviaient sans arrêt vers son père. Il devait être quelque part, sur ces eaux. Mais elle ne le reverrait jamais. Elle le savait. Et tout ce qu'elle pouvait faire, c'était attendre. Attendre. Toujours attendre. Elle en avait plus qu'assez d'attendre. Elle voulait agir. Après tout, l'occasion ne s'était-elle pas présentée ? Grâce à cet homme. Cet homme qui lui était inconnu encore quelques jours auparavant.
-Hello Angie.
Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir que Jack s'asseyait à ses côtés. Angelica lui sourit timidement. Puis soudain sentit qu'il passait une main autour de ses épaules.
-Ca va mieux qu'hier soir ?
Elle acquiesça. Un frisson lui parcourut l'échine alors que le vent marin s'engouffrait dans ses cheveux.
-Viens avec moi, lui dit-il, on va trouver un endroit au chaud.
-Attends... !
Il lui jeta un regard étonné. La jeune femme rougit violemment. Elle ne voulait pas qu'il enlève son bras. Elle voulait que lui, et lui seul, la tienne au chaud. Et, comme s'il avait compris le fond de sa pensée, il resta, l'entourant d'une étreinte protectrice.
¤¤¤
Son père. Elle lui avait parlé de son père. Pourquoi ? Elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir terriblement honteuse. Ils marchaient tous deux dans les rues bondées de Cadix. C'était une belle journée, l'orage avait laissé place au soleil qui resplendissait au-dessus de leurs têtes. Soudain, Angelica sortit de sa contemplation, sentant que quelque chose, ou plutôt quelqu'un, tirait sur le bas de sa robe.
-Dites, jolie madame, vous auriez une pièce pour que je m'achète à manger ?
Interloquée, elle lança un coup d'œil hésitant à Jack. L'espagnole se baissa et sourit à l'enfant.
-Tiens, lui répondit-elle en lui posant quatre sous au creux de sa petite main.
Le garçon lui sourit à son tour avant de s'enfuir.
-Moi aussi, un jour, j'ai été ce gamin.
Elle fit volteface.
-Tu me sors la carte tragique, capitaine Sparrow ?
Le pirate marmonna alors qu'elle éclatait de rire.
-Ma vie n'a pas toujours été rose, lui confia-t-il, passant une main autour de sa taille pour la faire avancer à travers la foule.
Elle frémit.
-Je ne pense pas que la vie de pirate soit une vie à envier, rétorqua-t-elle en se dégageant et en coupant par une ruelle peu fréquentée.
-C'est là que tu te trompes, ma belle.
La religieuse s'arrêta, et le fixa.
-Alors montrez-moi.
C'était un ton de défi, un ton insolent. Un ton qu'elle ne se serait pas permis d'employer au couvent. Et visiblement, le capitaine appréciait. Elle vit que ses yeux pétillaient.
-Tu verras, lui dit Jack avec un sourire en coin.
¤¤¤
-Tu ne sais pas manier une arme ? Je t'apprendrai. Tu ne sais pas naviguer ? Je peux t'apprendre également.
Jack marqua une pause avant de reprendre.
-Ca ne sera pas comme les cours de ton couvent. Tu pourras t'entrainer, Angie. T'entrainer pour devenir la meilleure. Enfin, après moi bien sûr, ajouta-t-il avec un clin d'œil alors que la brune levait les yeux au ciel.
-Très bien. Et je devine que mon professeur sera toi ?
-Oui, pourquoi, ça te dérange ?, lui murmura-t-il en s'approchant d'elle.
-Espace vital s'il te plait, lança la jeune femme en reprenant la marche dans Cadix.
L'après-midi touchait à sa fin. Les deux jeunes gens s'entendaient de mieux en mieux. Mais ils savaient qu'ils pouvaient se pousser à bout. Et ils jouaient. Ils s'essayaient, ils se cherchaient.
-Tu verras, chérie, quand tu me supplieras de t'accepter !
-Je ne te supplierai jamais, Sparrow, rétorqua la religieuse en se frayant un chemin vers le port.
-Ca, c'est ce que tu penses. Mais on finit toujours par se rendre compte que je suis parfait.
-Si tu es la perfection, je me demande bien ce que Dieu est !
-Dieu est à mon image, rien de plus, continua le jeune homme en souriant, amusé.
-Ne redis plus jamais ça.
Ils s'étaient arrêtés. Ils avaient atteint les quais.
-Pourquoi ? Tu serais vexée ?
-Bien sûr que oui !, s'exclama-t-elle sèchement en lui faisant face, tu insultes ma religion alors que tu n'en es même pas légitime !
-Et pourquoi serais-tu plus légitime que moi ?
-Parce que tu n'es rien de plus qu'un pirate dégoûtant qui me garde ici contre mon gré !, lui hurla-t-elle en anglais.
Angelica regrettait déjà ce qu'elle venait de dire. Elle vit le visage du capitaine se fermer. Il fit soudain un pas vers elle. Elle avait peur.
-Tu ne penses pas que si je te voulais du mal, je serais déjà passé à l'acte ? Je me suis comporté plus que bien envers toi. Je t'ai donné mon respect, ce que je n'offre pas à toutes les femmes.
Etait-elle spéciale pour lui dans ce cas ?
-Mais tu es libre de repartir quand tu veux. Sans moi.
La religieuse déglutit.
-J-Jack, ce n'était pas ce que je voulais dire..., commença-t-elle.
-Ca ne fait rien. Allons trouver un endroit où dormir. Tu pourras repartir demain matin, si c'est ce que tu souhaites.
¤¤¤
Angelica était seule, pour la première fois depuis le début de la semaine. Il était sorti de la chambre, pour aller boire et jouer, comme ce que tous les pirates font. Elle se sentait blessée. Mais elle savait que c'était de sa faute.
Essayant de trouver le sommeil sur le matelas au draps soigneusement poussés au bord du lit, elle sursautait à chaque bruit. Elle voulait qu'il revienne. Et elle ne voulait plus partir. Elle finit par s'asseoir. Ses pensées la tiendraient éveillée toute la nuit, elle en était certaine. La jeune femme remarqua soudain le son de bottes qui s'approchait de la pièce. C'était les siennes. Elle en était sûre. Lorsque deux coups retentirent contre la porte, elle se leva et tourna la clé dans la serrure. Jack l'observait du pas de la porte.
-Je peux entrer ?
Elle acquiesça silencieusement, et retourna s'asseoir sur le matelas.
-Alors voilà , je voulais... Je voulais te présenter mes excuses. Je... J'aurais dû te laisser partir tant qu'il était encore temps, continua le pirate en évitant le regard de la religieuse, et je comprends tout à fait que tu veuilles retourner là -bas. Donc si tu veux, je te raccompagne. Si tu le souhaites, bien sûr.
Contre toute attente, elle se mit à lui sourire. Elle se releva, s'approcha de lui.
-Je pense que... que nous pourrions être amis, toi et moi, déclara-t-elle d'un ton hésitant.
-Je ne veux pas être ton ami, Angelica.
Elle croisa son regard, mais baissa les yeux en tentant de ravaler ses larmes. C'était dit si durement. N'avait-elle aucune chance ?
-Je veux être bien plus, lui murmura-t-il, voyant qu'elle semblait dévastée.
La jeune femme le fixait silencieusement, son cœur s'emballait. N'avait-il pas dit ce qu'elle pensait avoir entendu ?
-Tu..., bégaya-t-elle, essayant de trouver les mots appropriés.
Est-ce que cet homme tentait de la séduire ? Il lui sourit, remarquant son trouble.
-Tu es belle.
Elle ouvrit de grands yeux.
-Non, tu ne penses pas ce que tu viens de dire, rétorqua Angelica en se mordant nerveusement la lèvre.
-Tu es la plus belle femme que j'ai rencontrée.
-Qu-Quoi... ?
Il souriait toujours.
-Angelica, tu es belle. Crois-moi.
Tout en parlant, il remit une mèche bouclée de l'espagnole derrière son oreille. Qu'était-elle sensée penser ?
-Es-tu ivre ?
C'était la première explication qui lui venait à l'esprit, ce qui fit rire le pirate.
-Je suis aussi sobre que d'habitude.
Angelica sourit, amusée, secouant la tête. Jack osa poser une main sur sa hanche. La respiration courte, elle lui jeta un regard hésitant.
-Je crois que tu te fais trop de soucis, mon ange. Je ne vais pas te faire de mal. Il faut que tu me fasses confiance.
-Je te fais confiance, répondit vivement la jeune femme.
Elle savait. Lorsqu'il se rapprocha d'elle et l'entoura de ses bras, elle se laissa faire. Et alors qu'elle ne se s'y attendait pas, Jack l'embrassa. Angelica sentit que son cœur ratait un battement. Puis l'embrassa à son tour.
C'était la nuit, l'heure des ombres. Demain était un autre jour.
-Imagine2Life-
Désolé pour le retard... !
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