Will and Elizabeth
Le Capitaine Armando Salazar esquissa un sourire édenté. Enfin l'île des pirates se dessinait à l'horizon. Les deux navires pirates qui avaient filé devant lui l'avaient guidé droit sur le repaire dont il rêvait depuis si longtemps. Sa vengeance avait un gout de sel, de poudre et de sang et il adorait cela. Même vivant il n'avait jamais été aussi heureux qu'en cet instant.
Le pirate fantôme sortit sa longue vue et observa ses adversaires fuir vers la fameuse forteresse réputée comme imprenable. Le but de sa vie pouvait se résumer maintenant. Il avait réussi à semer ce Capitaine du Hollandais Volant qui le pourchassait depuis sa libération du Triangle des Bermudes et allait enfin faire payer Jack Sparrow pour ce jour noir où Salazar avait perdu la vie.
— Que ce jour reste à jamais dans nos mémoires comme celui de la mort du Capitaine Jack Sparrow.
Armando dirigea son navire vers l'île à la recherche d'une entrée prêt à décimer tous les pirates qui se trouvaient sur son chemin. Son rire aussi sombre que jubilatoire monta de ses tripes pendantes et résonna sur les mats et les voilures endommagées du Silent Mary.
Ce rire, cependant, ne résonnait pas jusqu'aux oreilles de Will Turner. Vingt ans qu'il était capitaine du Hollandais Volant, il allait enfin pouvoir retrouver la femme de sa vie pour une journée. Dix ans qu'il attendait cela, d'admirer les progrès de son fils, de serrer Elizabeth dans ses bras, de l'embrasser à nouveau. Le soleil allait se lever, il bondit vers la vigie. Un éclair vert plus tard, William était dans la vigie, droit vers Molokaï, prêt à accoster.
Tandis qu'il s'approchait, Will sentit que quelque-chose était anormal. Il n'apercevait ni sa femme, ni son fils sur la falaise ou sur la plage. Le pirate posa pied à terre. Le sol n'avait pas été aussi stable sous ses pieds depuis si longtemps... Turner leva la tête vers les falaises, il marcha vite pour les gravir, jusqu'à courir. Ce n'était pas normal. Elizabeth et Henry devaient être là. Son fils lui avait promis de revenir. Son cœur aurait battu si vite s'il était resté dans son corps. Des villageois levèrent un sourcil étonné devant ce marin essoufflé avant de retourner à leurs occupations. Il se souvenait dans les moindres détails de la maison et la forge de sa femme. Le vieil atelier était clos et aucun bruit ni aucune chaleur ne lui parvenait. Will manqua de souffle, la porte d'entrée attenante était verrouillée. Il la frappa une fois. Deux fois. N'y tenant plus il l'enfonça d'un solide coup d'épaule.
Une épaisse couche de poussière jonchait le sol. William entendit des rats se faufiler sous les gros meubles restés là. Tout le reste était vide. Sa famille avait quitté leur foyer depuis de nombreuses années. Sa femme l'avait abandonné. Et elle lui avait volé son cœur. Les larmes coulèrent d'elles-mêmes tandis qu'un sanglot s'échappait. Le sol se déroba sous ses pieds alors qu'il s'affaissa en faisant s'envoler la poussière. Il ne ressentait rien que de la douleur, le temps s'était arrêté pour lui, hoquetant, sanglotant, pendant un long moment sans parvenir à évacuer ce chagrin qui lui tailladait les tripes et la poitrine.
Les curieux se rassemblaient devant la porte en s'échangeant des messes basses. Une bouffée de colère monta en lui.
— Qu'est-ce que vous regardez ?! Hurla-t-il. Barrez-vous ! Y a rien à voir, ils sont partis ! Elle m'a abandonné...
Le Capitaine du Hollandais Volant se releva, et partit vers la taverne. Il ne voulait pas d'information, il était maudit et ne pouvait pas fouiller chaque port des sept mers. La porte de établissement claqua attirant tous les regards sur le marin éploré.
— Tavernier, du rhum, coassa Will.
Le pirate ouvrit la bouteille en tirant sur le bouchon avec les dents et engloutit une grande lampée qui lui brula la gorge et l'estomac, le faisant grimacer. Il tourna les talons. Manifestement, plus rien ni personne ne le retenait ici.
— Eh ! Tu consommes, tu payes, mon gars !
Le tavernier avait l'œil mauvais.
— J'ai pas d'argent, l'ami.
L'homme dégaina un pistolet du tablier sous sa bedaine.
— Tu consommes. Tu payes.
Le regard vitreux de Will se posa sur le nez rouge et la barbe mal rasée du patron avant de glisser vers l'arme.
— Vas-y, tire si tu l'oses.
En un éclair, une balle s'était fichée dans sa cuisse. La douleur fulgurante le mis à genoux. Le coup de feu avait déclenché une bagarre et des balles fusèrent dans tous les sens. Quand Turner parvint à se relever malgré le sang qui coulait, deux balles se fichèrent dans la cicatrice de son cœur projetant une gerbe de sang. Il réprima un nouveau cri de douleur et sortit en buvant abondamment. Le marin tituba, sanglotant jusqu'à la plage. La même plage où ils avaient fait l'amour pour la première fois. Les torrents de larmes redoublèrent.
Quand William remonta sur son navire sous le regard inquiet de son père, son sang tachant ses vêtements d'auréoles sombres.
— Elle m'a abandonné ! Pleura-t-il en avalant encore du rhum. Elle est partie, Henry aussi. Il m'a menti. Il avait promis d'être là. J'ai perdu mon cœur, papa.
Jamais de sa vie il ne s'était sentit aussi faible. Dieu qu'il voulait mourir en cet instant. Il enchaina les gorgées rapidement, jusqu'à ce que son père et second ne lui arrache sa bouteille.
— Attends, déjà, on va t'enlever tes balles.
Turner Senior aida son fils à regagner sa cabine, il s'agenouilla auprès de ce dernier qui retirait une partie de ses vêtements, sortant un petit couteau de sa botte.
— Serre les dents, fiston ! Ça va faire mal !
Le Bottier planta son couteau dans les plaies, et arracha un cri glaçant au capitaine. Les balles sortirent cependant sans trop d'effort, maculant le sol dans un léger tintement.
— Merci, souffla le pauvre marin.
Son père soupira.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
William lui expliqua ce qu'il avait découvert, en luttant contre le chagrin et les larmes. Bill lui pressa l'épaule pour le rassurer.
— Repose toi, Fiston. Ta journée n'est pas terminée.
Le Capitaine se glissa péniblement dans son lit.
— Je m'occupe de relancer le navire à la poursuite de Salazar, tu reprendras le commandement quand tu iras mieux.
Si Will avait perdu Elizabeth, Elizabeth était à la recherche de Calypso. En compagnie de Mictlantecuhti, elle avait trouvé une planque à Tortuga et laissait trainer ses oreilles dans les tavernes et les bordels pour trouver une piste, une ébauche de plan pour se venger de Calypso. L'idée principale était de forcer la nymphe à libérer son mari, puis son ami aussi monstrueux que divin la dévorerait. Elizabeth et Will pourraient enfin vivre heureux jusqu'à ce que la mort les sépare.
Le Roi des Pirates se posa dans un coin sombre de La Fiancée Fidèle.
— Un procès historique camarades ! Répétait un pirate à la jambe de bois devant une assistance qui buvait ses paroles. Sparrow père et fille accusés !
Tiens, Jack avait une fille ? Etonnant...
— Ca ne m'étonne pas, Jack essayait toujours de partir sans payer, lacha une vieille prostituée blonde et mince, d'une voix un peu nasillarde.
— On leur reproche quoi ? Enchaina sa copine rousse et ronde.
— Mise en danger de la piraterie, répondit le manchot. Et ils ont mené le Capitaine Salazar à la Baie des Naufragés !
Décidément Sparrow avait le don pour s'attirer les ennuis.
— Mais il était pas mort lui ?
— Si justement ! C'est de la que vient la fameuse légende du Capitaine Jack Sparrow qui s'est échappé du Triangle des Bermudes ! Ce maudit Salazar est revenu d'entre les morts, Dieu seul sait comment ! Et il menace la piraterie depuis plusieurs années à la recherche de Jack pour se venger !
— Je ne vois pas le rapport avec la Confrérie, commenta la rouquine.
—C'est les Seigneurs qui ont organisé le procès de Jack et sa fille ! Il vont réunir un Cinquième Tribunal de la Confrérie pour tenter de régler le problème Salazar !
Le sang d'Elizabeth ne fit qu'un tour à ces mots. Son mari et sa vengeance devaient attendre, en tant que Roi des Pirates et Seigneur elle se devait de retrouver la Baie des Naufragés et de rejoindre les siens.
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