The Kraken
Angelina avait dévoré son livre en quelques jours. Les lumières de l'aurore éclairaient sa cabine quand elle referma l'ouvrage. Elle se leva, appela son singe qui dormait , pour le nourrir, prit la bouteille de rhum entâmée la veille et sortit.
Le pont était désert. La moinelle grogna, le type qui était de quart avait intérêt d'avoir une excuse solide pour quitter son poste ainsi, ou elle se ferait un plaisir d'offrir ses phalanges aux créatures marines.
La jeune fille s'accouda sur le bastingage et commença à boire, le regard fixé sur l'écume blanche, Hector accroché à son épaule.
- Je peux ?
La voix masculine et grave du jeune homme la fit sursauter. Il lui prit la bouteille des mains et en avala plusieurs lampées.
- Je croyais que tu ne buvais pas...
- Je croyais aussi... jusqu'à ce que tu ne te mettes à me détester....
- Je ne te déteste pas...
- On en parle de la fois où tu m'as obligé à nettoyer l'enclos des chèvres de la troisième cale ?
- Je ne t'ai pas obligé, je t'ai désigné volontaire.
- Avec un pistolet chargé sur la tempe...
Angelina ne répondit pas. Oui, elle avait fait ça. Mais ce garçon était tellement frustrant aussi ! Tantôt, c'était un enfant romantique et naïf, un marin froid et distant. Comment peut-il changer du tout au tout avec elle, d'un instant à l'autre ?
- Ça fait longtemps que tu n'es pas venue comme ça, reprit le jeune homme.
- Et je t'ai manqué ?
- Non. J'avais du rhum, j'ai inventé une autre toi pour lui parler...
- Et maintenant, tu comptes lui faire quoi maintenant que la vraie est de retour ?
- J'attendrai que tu te barres pour la faire revenir...
- Sympa, merci...
- De rien.
Ils restèrent un moment sans parler, comme si mur de glace s'était érigé entre eux et inhibait toute communication.
- Henry ?
- Quoi ?
- Pourquoi t'es comme ça ?
- Quoi comme ça ?
- Aussi froid et distant... On a l'impression que tu caches quelque chose...
- On a tous nos petits secrets.
- Tu ne veux pas en parler ? "C'est important pour la construction personnelle"...
La moinelle chercha le regard brun et profond du jeune homme qui persistait à fixer les ondes marines.
- C'est quoi ça ? Murmura-t-il.
- Arrête d'essayer de changer de sujet, ça prends pas avec moi.
Henry soupira, prit le visage de la jeune fille dans ses mains et l'obligea à observer l'océan. Un tourbillon se formait et s'ouvrait. Le courant crée propulsa le navire vers l'avant.
- Alerte ! Maelstrom ! Hurla-t-elle forçant son équipage à sortir sur le pont.
La moinelle prit la barre en criant ses ordres.
- Fermez les voiles et sortez les avirons. Si vous voulez retarder votre rencontre avec Will Turner, éxécutez !
Rapidement le navire se réveilla et les marins furent prêts.
- Angel ! Héla Henry.
- Je suis occupée là, répliqua-t-elle, concentrée.
- C'est pas un maelstrom !
La jeune fille resta un instant interdite.
- Ah !
Elle soupira, jura et quitta son poste en courant, nommant son père à la barre.
- Depuis quand t'abandonne ton poste ? Grogna l'intéressé.
- Depuis qu'on doit combattre un monstre. T'as déjà battu un monstre ?
Jack carressa le bois du gouvernail. Pas aussi doux que le Pearl, toujours coincé dans sa bouteille.
- Plus ou moins...
- Parfait ! Tu connais Charybde ?
- Capitaine ! Intervint un marin.
- Quoi ? Firent les deux Sparrow ensemble.
- Larry a déserté.
- Il était pas de garde demanda Jack ?
- Si justement, il n'y avait personne quand je suis sortie.
Elle lâcha un autre juron et entraîna Henry avec elle dans la cale, en le prenant par le bras.
- Tu connais Charybde ? Demanda la jeune fille.
- Tu n'es pas la seule à avoir lu Homère tu sais...
- Tant mieux... Une idée pour tuer la bête ?
Le jeune homme hésita.
- On est vraiment obligés ?
Le navire fut secoué, manquant de les faire tomber. Une faille grandiose s'était formée non loin d'eux et, au centre du tourbillon une rangée de dents grandes comme des églises s'étaient érigées.
- Oui, on est vraiment obligés, répliqua-t-elle, sarcastique. D'autres questions de ce niveau ?
Hector les rejoignit, sautant de marche en marche.
- Les explosifs.... Si on envoyait des explosifs dans l'oeil du tourbillon ? Suggéra le châtain.
- Pas bête... Si t'arrives à trouver une tête brûlée sur ce rafiot, capable d'éxécuter ton plan.
Le sourire éloquent du jeune homme la fit grogner autant qu'il la fit fondre.
- Abruti...
Elle chargea ses épaules et ses hanches avec une partie du butin volé sur le gallion espagnol et remonta sur le pont.
- Les gars ! Interpella Angelina en nouant quelques cordes sur elle. Jetez l'ancre ! Et tenez bien ces cordes.
La jeune fille grimpa sur le bastingage, déterminée. Son regard croisa celui de Jack tenant la barre qui semblait beaucoup moins sur, presque éperdu.
- Tribord toute, lâcha-t-elle. Faut qu'on s'éloigne de cette bestiole.
Henry la rejoignit, aussi chargé qu'elle.
- Tu n'es pas la seule tête brûlée de cette barque, sourit-il, comme pour s'excuser.
La jeune fille lui sourit en retour, lui prit la main et descendit en rappel le long de la coque qui se rapprochait dangereusement de la faille. Quand ils atteignirent l'ancre, celle-ci pendait et volait joyeusement dans le vide.
- T'as compris ? On lâche et on remonte ! Hurla la moinelle pour se faire entendre malgré les grondement furieux de la créature qui réclamait son dû.
La pression de la corde lui coupait la respiration. Elle grimaça et voulut se retourner vers son compagnon mais son regard fut attiré par le bout de corde qui tomba vers les abysses. Henry la regarda gêné, l'autre bout de la corde toujours noué à sa taille.
- Bon ! Essaie de venir pour me passer les explosifs et on remontera ensemble d'accord ? Cria-t-elle un peu tremblante ne sachant que trop bien les risques qu'il prenait en faisant cela.
Le jeune homme s'aggrippa à l'ancre, un peu maladroit et descendit vers elle maillon après maillon. Plusieurs fois, ses pieds glissèrent du métal humide et huilé, s'accrochant in extremis à la chaîne massive, à la force de ses bras, les pieds dans le vide.
- T'y es presque ! l'encouragea la jeune fille.
À ce moment là, Jack apparut par dessus le bastingage. Visiblement, il se passait quelque chose en haut.
- Les enfants ! Revenez ! C'est de la folie !
Il se tourna vers l'équipage.
- Levez l'ancre, bon sang !
L'ouvrage de métal s'ébranla et Henry lâcha prise.
- Henry ! Cria Angelina en le rattrapant d'une main.
Le choc de cette tension soudaine lui fit bruyamment craquer une partie des os du dos.
- Tu pèses ton poids, sacrebleu !
Elle essaya tant bien que mal de le remonter et involontairement, leurs regards se croisèrent. Celui de la moinelle était empreint de toute la tension que son corps subissait alors que celui du jeune homme n'exprimait aucune peur, aucune colère, aucun regret. Juste des millions d'excuses muettes.
Le temps sembla s'arrêter autour, mais la jeune fille sentit clairement la main de son compagnon glisser de la sienne.
Le retour à la réalité fut brutale. Comme une gueule de bois après une soirée trop arrosée dans une taverne. Leurs regards étaient toujours attachés l'un à l'autre, mais celui d'Henry s'éloignait de seconde en seconde.
Avant qu'il ne disparût, happé dans les abysses de Charybde, le corps du jeune homme n'exprimait qu'une pensée à Angelina.
"Désolé"
Peu après, le tourbillon explosa.
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