I See Dead People In Boats
Ce fut le bruit du vent dans les feuilles qui réveilla Angelina. Le soleil, déjà haut, filtrait à travers les vitraux religieux restants. Blotti contre elle, Henry dormait paisiblement, son cœur lent et régulier. Elle le caressa doucement dans le dos, savourant chaque grain de peau sous ses doigts. La nuit qu'ils venaient de passer avait été tout simplement magique. Jamais elle n'aurait pu imaginer qu'un pirate pouvait être aussi doué et respectueux des choses de l'amour.
Elle se dégagea délicatement, ils devaient reprendre des forces avant de rejoindre Shipwreck Cove. La jeune femme enfila ses vêtements éparpillés au sol et partit dans la jungle et les bancs de sables encore inexplorés de l'île. La faune et la flore foisonnantes couvraient presque le bruit des vagues s'écroulant sur le sable. Sa progression était souvent entravée pas les dunes qui n'avaient de cesse de bouger. Non loin de l'horizon, une forme étrange attira son regard.
La Moinelle plissa les yeux et se rapprocha de l'eau. Pas de doute, c'était bien un navire mais quelque chose n'était pas normal. Outre le fait, qu'il n'y ait aucun pavillon, la coque semblait creuse et les voiles déchirées. Cela aurait pu être un simple navire fantôme de quelque équipage maudit comme les légendes en regorgent cependant, le bateau se tourna vers la jeune femme, toutes voiles dehors. C'est alors qu'elle comprit. Ce capitaine maudit n'était autre qu'Armando Salazar, l'officier de marine espagnol qui voulait faire la peau à son père.
Angelina tourna les talons et se rua vers la chapelle qui l'avait accueillie pour la nuit. A bout de souffle, elle s'appuya sur le chambranle de la bâtisse. Henry avait empaqueté toutes ses affaires, excepté une demi papaye prête à être dégustée.
— Tout va bien ? s'inquiéta-t-il, face à son regard sombre.
— Salazar, haleta-t-elle. De l'autre côté de l'île. Droit sur nous.
Le sang du marin ne fit qu'un tour. Il chargea son paquet sur le dos, donna son cœur et le fruit à la femme qu'il aimait, et quitta l'île qui l'avait accueilli avant sa grande aventure. Angelina n'avait jamais marché aussi vite, le soleil cognait fort, elle était déjà en nage. Son père haussa un sourcil quand il les vit rembarquer sur le Queen Anne's Revenge. La moinelle expliqua rapidement la situation et tous firent voile vers Shipwreck Cove.
De toutes façons, ils n'avaient pas le choix, c'était le seul endroit où les pirates étaient protégés de la vengeance de Salazar. Cela n'avait clairement pas fait l'unanimité, ceux comme Barbenoire ou Jack craignaient que le tribunal ne se retourne contre eux à cause des actes qu'ils avaient commis. Heureusement, le Black Pearl filait à vive allure et le vent leur était favorable. Angelina faisait tout de même des aller et retour dans la vigie pour observer le Silent Mary qui ne disparaissait jamais, une petite tache tenace sur l'horizon.
Angelina ne s'autorisa à respirer que lorsqu'elle vit les monticules d'épaves se dessiner devant les deux navires. Enfin, après toutes ces années de quête infatiguée, elle retrouvait le lieu où elle avait grandi.
— L'Île des Naufragés, expliqua-t-elle à Henry qui ne la lâchait plus désormais. On y trouve Shipwreck Cove à l'intérieur, en passant par la Gorge du Diable.
Il lui sourit, un repaire de pirates, une forteresse volcanique imprenable, ils étaient sauvés.
Les deux navires pénétrèrent dans l'île. Les monticules de navires qui composaient la ville semblait plus petits que dans les souvenirs de la jeune femme. Elle avait hâte de retrouver enfin son grand-père. Dire qu'elle ne lui avait laissé aucune nouvelle depuis qu'elle était partie.
A peine eurent-ils le temps de poser pied à terre, que les deux équipages se firent arrêter par une flopée de sabres et de pistolets.
— Voyons camarades ! Tenta-Jack. Vous n'allez pas vous en prendre à un Seigneur Pirate quand même !
— Tu n'as de seigneur que le nom, Sparrow ! Cracha-un pirate manchot devant lui. Qu'as-tu fait pour la piraterie ces dernières années ? A part amener droit sur nous, une de nos plus grandes menaces ?
Quelques-uns ricanèrent.
— Tu vois que c'était une mauvaise idée, grommela le moineau à sa fille, tandis que tous se faisaient conduire dans les geôles de la ville.
Angelina essaya de se débattre pendant tous le trajet en hurlant à qui voulait bien l'entendre, qu'elle était la descendante du Gardien du Code. Ce ne fut que lorsque qu'elle fut enfermée à double tour qu'on lui accorda une réponse.
— Vu l'état du Gardien du Code, ce n'est qu'une affaire de jours avant qu'il ne soit remplacé, ricana le même pirate manchot.
— Pardon ? s'étrangla-t-elle alors qu'une vague de culpabilité commençait à la submerger.
Si seulement elle n'était pas partie aussi longtemps.
L'homme s'approcha de la cellule, un mauvais sourire aux lèvres.
— Le Gardien Edward Teague est mourant, ricana-t-il. Tous les truands de l'île se déchirent pour savoir qui sera le nouveau gardien.
La moinelle commença à paniquer. Jamais dans sa courte vie de pirate elle n'avait été enfermée par ses pairs. Elle devait à tout prix sauver son grand-père, bien que séquestrée à double tour. L'eau de la Fontaine de Jouvence coulait dans ses veines. Et avec le sacrifice du totem qui l'avait presque vidée de son sang, tout son entourage avait pu bénéficier du pouvoir de la fontaine. Tous sauf son grand-père.
Et là tous se trouvaient enfermés car ils avaient attiré la plus grande terreur des pirates droit sur le refuge desdits pirates.
Angelina jura et tourna dans sa cellule comme une bête en cage. Il lui fallait un plan, vite.
— Comment tu fais pour t'évader à chaque fois toi ? Demanda-t-elle à son père. Tu as un plan ou tu improvise au fur et à mesure ?
Jack s'était allongé, les dreadlocks éparpillées sur les cuisses d'Angelica, le tricorne sur le visage. Clairement, impossible de savoir s'il s'était vraiment endormi où s'il faisait semblant. Une main délicate se posa sur l'épaule de la jeune femme.
— Ma petite Angelina, tu ne peux rien faire pour l'instant donc cela ne sert à rien de te mettre dans tous ces états.
La moinelle se tourna vers sa grand-mère. C'était tout de même très étrange de se dire que son aïeule avait le physique d'une adolescente au point de sembler plus jeune qu'elle. Pourtant elles partageaient le même sang, et l'eau de la fontaine coulaient à toutes deux dans leurs veines. Les deux femmes se distinguaient surtout parce que la fille de Jack restait une pirate invétérée dans sa robe de satin pourpre, là où Mary semblait être la créature la plus innocente qui soit avec ses grands yeux noirs, sa crinière blonde et ses froufrous lavande.
La pirate esquissa un sourire en prenant la main de son ancêtre.
— Grand-mère, tu vas sauver ton homme, murmura Angelina.
Les lèvres de Mary s'étirèrent.
— Que puis-je faire, Capitaine ?
— Hector connait le chemin, expliqua la jeune femme en confiant son petit compagnon.
Sa petite fille lui énonça son plan et toutes deux hélèrent les marins qui montaient la garde.
— Je ne suis pas responsable des actes de ces pirates et j'aimerai travailler s'il vous plait, commença la petite blonde. Vous avez bien quelques établissements qui recherchent des travailleuses non ?
Le manchot regarda les deux femmes d'un mauvais œil. Les douces prunelles et le joyeux décolleté de Mary finirent de de le convaincre. La lady se fit escorter jusqu'au premier bordel avant d'y rentrer, Hector sur son épaule, sans un regard pour son geôlier. Elle se faufila aisément entre les danseuses et les clients et sortit de la maison close par une porte arrière. Hector bondit sur le sol et l'entraina parmi les coques retournées qui servaient de maisons aux forbans vivants ici. Le capucin l'entraina vers les hauteurs de Shipwreck City, le navire dans lequel il pénétra la fit tiquer. Le Modesty. Le navire dans lequel elle avait quitté les Indes et les vivants.
L'intérieur du navire, sombre comme une caverne, était tapissé de cartes et de bibliothèques. Mary sourit, l'homme qu'elle aimait était un féru de lecture finalement.
— Il y a quelqu'un ? Demanda-t-elle sans savoir à quoi s'attendre.
Pour toute réponse, une échelle descendit sous ses yeux. Elle l'emprunta et grimpa vers le pont. Dans les ténèbres épaisses qui y régnaient, la lueur faiblarde d'une bougie attira son regard. Elle pénétra dans la chambre où une petite sorcière semblait s'échiner à sauver son amant. Ce dernier, alité, semblait avoir vécu mille vies tant il était faible et ridé. Les yeux clos et tremblant de fièvre, le vieillard pouvait s'éteindre à tout instant. Un élan d'amour s'empara de la lady. Elle s'agenouilla à son chevet et embrassa les mains calleuses qui l'avaient si souvent enlacée. La sorcière semblait étonnée de ce qui se déroulait sous ses yeux.
— Donnez-lui mon sang, cela peut le sauver, chuchota-t-elle.
La vieille dame grommela quelque chose d'incompréhensible et lui tourna le dos continuant ses mixtures. Mary se releva, récupéra une écuelle et un couteau sous le regard surpris et mécontent de la guérisseuse. Avec un air de défi, elle s'entailla le poignet et fit couler quelques gouttes dans le récipient qu'elle porta aux lèvres d'Edward. Il déglutit péniblement avant de s'endormir dans un soupir.
Mary n'eut de cesse de le veiller, luttant contre la soif, la faim et la fatigue. La sorcière était partie depuis bien longtemps lorsqu'elle succomba au sommeil, agenouillée au chevet de l'homme qu'elle aimait, ses paumes blanches nouées aux mains calleuses de son homme.
La douceur de cette peau tant aimée contre la sienne, lui fit croire qu'il était au paradis. Il entrouvrit ses yeux qui se posèrent sur la crinière blonde qu'il n'espérait plus revoir de son vivant.
— Mary, mon Hirondelle, murmura-t-il en caressant les mèches blonde, réveillant sa bien-aimée. Ca y est je t'ai rejointe, enfin...
Les grands yeux charbonneux dont son fils avait hérité se levèrent vers lui, aussi remplis d'amour que lorsque la mort les avait séparés. Ils étaient enfin réunis, une vague de bonheur et de sérénité envahit le Gardien du Code.
— Mon Albatros, sourit-elle en caressant la longue barbe qui s'offrait à elle. C'est moi qui suis revenue.
Edward se redressa péniblement dans son lit, tout bégayant. Il leva la tête momifiée de sa femme qu'il gardait toujours avec lui sans comprendre. Cependant, la moue dégoutée de sa princesse le fit douter de ses certitudes.
— C'est Angelina qui m'a ramenée, expliqua-t-elle. Avec son sang et le totem de la résurrection. Et comme son sang vient en partie de la Fontaine de Jouvence et qu'il coule dans mes veines, j'ai pu te sauver ! C'est un peu compliqué je sais, rit-elle. On a tous du mal à tout saisir...
L'Albatros paniqua, agitant les émeraudes du chapelet qui avait appartenu à la famille de Mary.
— Ma petite fille ? Tu connais ma petite fille ?
L'hirondelle ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire mélodieux.
— Oui mon amour, je connais notre petite fille.
— Comment es-tu revenue jusqu'ici ? Où est-elle ?
— Calme toi, presque tout est sous contrôle. C'est Angelina qui nous a ramenés d'entre les morts, qui nous a fait navigué jusqu'ici et qui m'a envoyée pour te sauver.
— Pourquoi n'est-elle pas venue d'elle-même ? Cette petite est la pirate qui m'aura causé le plus de soucis ma foi.
Mary était un peu embêtée par cette question.
— En vérité, des pirates ont enfermé les équipages de nos petits dès notre arrivée. On est pourchassés par Salazar depuis le début, on l'a guidé vers Shipwreck Cove de ce que j'ai compris. Et je lui la seule à avoir pu sortir. Ta convalescence a donné un peu trop d'espoir de pouvoir à certains...
— Allons bon...
L'albatros s'agita et se releva prestement sous le regard désapprobateur de la femme qu'il aimait.
— Arrête de remuer comme si tu n'avais pas frôlé la mort !
— L'eau de la Fontaine de Jouvence coule dans mes veines pas vrai ? Alors que veux-tu qu'il m'arrive ? Allons libérer notre famille s'il te plait.
Mary suivit chacun de ses pas tandis que son âme sœur s'habillait pour redevenir le fringuant jeune marin qu'elle connaissait.
— Et tu veux faire ça comment ? Ils sont enfermés à double tours par nos pairs !
— Il n'y a qu'une chose qu'un pirate respecte par-dessus : Le Code des Pirates ! Et ce code c'est moi qui le garde depuis plus d'un demi-siècle !
Qu'Edward Teague était le Gardien du Code, personne ne l'ignorait. Qu'il était le grand-père d'Angelina, personne dans les geôles ne pouvait plus l'ignorer tant elle l'avait répété. Elle ne cessa sa litanie que lorsque le manchot revint pour leur ouvrir.
— Ne vous emballez pas, ricana le forband. Vous allez tous tout droit au Tribunal. Ce sont les Seigneurs Pirates qui vont décider de votre sort.
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