Ain't No Grave
Angelina sentait le Revenge approcher de l'unique issue de la Baie des Naufragés. Elle inspira profondément. Rapidement, elle ne vit plus la lueur de l'extérieur de la Gorge du Diable. Ses yeux émanèrent de cette surnaturelle lueur bleue tandis que la crinière ébène du Roi des Pirates flotta dans une bourrasque imperceptible. Elle lança une slave de feu grégeois pour repousser Salazar au cas où ce dernière se trouvait juste devant l'entrée.
La lumière extérieure l'éblouit tandis qu'elle reprenait ses esprits. Henry glissa sa main autour de sa taille, caressant doucement le velours bordeaux de sa robe. Elle aimait cet homme avec ses cheveux châtain, ses yeux noisette et son grand sourire. Comme elle, il avait beaucoup mûrit depuis leur rencontre. Sa barbe qu'il avait laissé pousser au cours de cette aventure s'harmonisait parfaitement avec le pirate courageux qu'il était devenu.
Un léger plouf lui indiqua que les deux sirènes qui l'accompagnaient avaient plongé pour rejoindre et ramener leurs sœurs. La Moinelle déglutit. Hector tremblait sur son épaule, d'un geste discret, le singe parti se cacher dans sa cabine. Son petit compagnon n'était pas immortel et elle avait trop peur de le perdre.
Le navire de Salazar s'approchait encore. Cette fois ils n'avaient aucune échappatoire. Jack était derrière elle, dirigeant le Black Pearl avec le charisme et les manières qui le rendait aussi iconique. Accompagné des autres pirates, ils se déployèrent en sortant de la grotte. Si peu d'entre eux étaient immortels, l'aide de Poséidon était indéniable. La dernière fois qu'elle avait vu le dieu des mers, il avait dévoilé ses sentiments à tout le monde.
— Poséidon ! Héla la jeune femme. Poséidon, réponds moi ! Entends nous !!
Le Roi des Pirates s'égosilla un moment sans réaction, sous l'œil désemparé de son équipage et de la Confrérie. Elle jura, elle distinguait clairement les voiles et le pavillon espagnol à moitié brulé du capitaine fantôme qui terrorisait tous les pirates depuis son adolescence. Il y eut un temps de flottement sur la mer d'huile. Chacun retenait son souffle face à l'inexorable et funeste fin qui se profilait.
Soudain, la mer se mut en un tourbillon et un bouillonnement furieux. Une créature titanesque apparue comme intimement lié à l'eau. Calypso dans sa forme divine aurait semblé minuscule à côté. Beaucoup de pirates mirent un genoux au sol de concert. Angelina et Henry restèrent debout, main dans la main.
— Poséidon, souffla le Seigneur de la Mer de Chine.
Le dieu des mers posa son œil colossal sur les minuscules pirates secoués par les vagues qu'il provoquait.
— Angelina Sparrow, articula-t-il en l'attrapant au creux de sa main, l'arrachant à son compagnon. Je suppose que tu n'as pas reconsidéré ma proposition.
La moinelle tenta d'être aussi grande que possible bien que son interlocuteur puisse l'écraser comme un insecte. Elle répondit par la négative .
— Nous avons besoin de toi contre le Capitaine Salazar.
— Pourquoi tu ne le combats pas ? Tu as reçu des pouvoirs en touchant mon trident non ?
— Comment savez vous...
— Je suis le dieu des mers, l'interrompit-il. Je sais tout ce qui s'y passe.
— Il est déjà mort, et pourtant il est toujours parmi nous. On ne pourra pas le battre sans vous.
— Et qu'est-ce que j'y gagne à vous aider ?
Angelina baissa les yeux vers la mer. Dieu qu'elle était haut. Une chute aurait pu lui briser la nuque.
— Si tu te donnais à moi corps et âme, on pourrait bien trouver un arrangement ma jolie...
— Hors de question, répliqua-t-elle fermement.
— Tant pis pour toi, soupira-t-il.
Il la reposa sur son navire avant de s'immerger.
— Attendez ! Vous avez retrouvé votre sabre et votre trident grâce à nous !
La créature souleva un de ses divins sourcils.
— Et donc ? Ça m'a pris des siècles pour remettre la main dessus. Et mon idiote de fille a disséminé le reste de mon armure et de mes artefacts aux quatre coins du monde.
— Et si on les cherchait pour vous ? Contre votre aide !
Henry la prit par le bras.
— T'es folle, on va y passer des siècles !
— Pas si toute la confrérie s'y met, contra la jeune femme.
— Angelina, c'est un problème insolvable ! Soit on cherche ces artefacts seuls et on en a pour des siècles, soit tous les pirates les cherchent, mais comme ce sont des pirates jamais il le rendront à Poséidon ! On a assez payé pour les lubies de ces créatures je trouve...
La Moinelle le foudroya du regard mais capitula. Le dieu des mers eut un petit sourire.
— Si jamais tu changes d'avis, Angelina, fit-il avant de sombrer dans les abysses. Tu sais ou me trouver.
Le cœur du Roi des Pirates manqua un battement. Le Revenge était à portée de tir du Silent Mary, ils n'avaient d'autre choix que se battre.
Son équipage était fébrile, elle le sentait.
— Camarades ! Commença-t-elle. Vous l'avez vu, Poséidon ne nous aidera pas ! Et après ? Une partie d'entre nous est immortelle ! Nous pouvons aller en première ligne et défendre nos frères ! Je vais me battre même si mes tripes venaient à trainer dernière moi !
Elle sentait un nouveau souffle parmi ses hommes.
— Pour rester des pirates libres, nous avons toujours fait ce qui était nécessaire ! Nous nous sommes battus pour notre liberté ! Notre ennemi est mort ! Tant mieux, on a plus qu'à l'enterrer !
Les cris d'approbations résonnèrent contre le gréement.
— Mes frères ! Hissons nos couleurs et envoyons cet espagnol maudit par le fond !
Sous les cris et les chants, les différents bateaux pirates dressèrent tous leurs pavillons près à se défendre contre celui qui avait tué nombre de leurs frères.
Le Revenge s'avança vers le bateau fantôme, prêt à canonner. Ce fut Salazar qui lança les hostilités par un premier coup qui finit dans l'eau. Tandis que le Silent Mary se dressait sur sa poupe à la manière d'un millepatte, Angelina lança une slave de feu grégeois dans la coque percée du navire. Le bâtiment s'embrasa sans se consumer. Le pirate fantôme eut un rictus tandis que ses cheveux et son corps était dévoré par les flammes. Le Black Pearl s'avança à son tour pour faire feu sur le vaisseau pirate. Les boulets percèrent la coque, et emportèrent une partie du mat sans faire sombrer le vaisseau maudit.
— A l'abordage ! Hurla le Roi des Pirates.
Elle s'élança accompagnée d'Henry sur le Silent Mary. Mais tous les coups qu'elle pouvait asséner à ses adversaires lui donnait l'impression de se battre contre un moulin à vent. Les membres qu'elle coupait continuaient de gesticuler avant de rejoindre leur propriétaire. Salazar la regardait depuis la barre, gardant toujours son rictus malsain. Ce ne fut que quand Jack Sparrow la rejoignit que le capitaine espagnol perdit son sourire et quitta son poste pour déchiqueter celui qui lui avait fait perdre la vie.
Père et fille se mirent dos à dos, leurs sabres s'entrechoquant dans un boucan d'enfer avec ceux des fantômes. Jack esquiva une passe agile de son adversaire dont l'arme vint se coincer sous l'omoplate de la Moinelle lui faisant tousser une gerbe de sang. Un des pirates fantôme profita de sa surprise pour planter son propre sabre dans son abdomen. Elle releva les yeux vers Henry qui la scrutait, horrifié. Le jeune Seigneur se précipita vers elle, ignorant les entailles qu'on pouvait lui faire. Le Moineau profita du fait que Salazar était désarmé pour lui porter plusieurs coups qui auraient pu être fatals mais le sang noir et la fumée, s'écoulaient du fantôme sans le déranger. La jeune femme tourna le dos à son amant qui lui retira un des sabres tandis qu'elle s'occupait de celui de son ventre. Bien que maculée de sang, elle était encore assez consciente et enragée pour se battre. Le couple échangea un regard avant de reprendre le combat, un sabre dans chaque main.
Au milieu du chaos, une grande gerbe d'eau fit immédiatement cesser les hostilités. Henry pouvait reconnaitre le navire qui venait d'émerger entre mille. Le Hollandais Volant. Son père, le visage fermé, criblé de crustacés, n'avait plus rien d'humain avec son regard triste et sa mâchoire serrée.
—Angelina ! Cria le jeune pirate sans cesser de se battre. Mon père ! Sur le Hollandais !
Le Roi des Pirates fit volte-face en perforant quelques bedaines carbonisées et à moitié décomposées au passage. C'était donc à cause de cet homme que le cœur de Henry battait actuellement dans sa chambre au cœur de la baie. Enfin, cet homme. Il n'émanait que haine et regret de lui. Elle n'eut pas le temps de répondre à son amant que déjà ce dernier se précipitait vers le navire de son père, sans prêter aucune attention aux blessures que ses ennemis lui infligeaient.
Salazar grimaça en voyant ce nouvel arrivant. Ce n'était pas bon pour sa vengeance. Il ordonna de canonner ce nouveau navire et prit un sabre à l'un de ses marins qui se retrouva décapité par l'Albatros qui les avait rejoint. Le militaire espagnol bondit, enveloppé de flammes et de suie, et atterrit dans le fracas des boulets. Son ennemi de toujours, Jack Sparrow déglutit.
— Vaut mieux qu'on en reste là, l'ami, tenta le Moineau en baissant légèrement sa garde.
Salazar eut un rire fou laissant échapper du sang noir de sa bouche.
— Hors de question ! Depuis trop longtemps j'attends ma vengeance !
Le Capitaine Fantôme fondit sur Jack et planta son sabre en plein dans la poitrine du pirate. Ce dernier recula de quelques pas, sous le regard horrifié de ses proches.
— Intéressant, murmura-t-il, en examinant la lame dans son corps et la tache pourpre qui grandissait sur sa chemise. Très intéressant...
Il s'avança vers lui en retirant nonchalamment l'arme d'une main.
— Cependant "Amiral", tu n'as pas été très malin. En effet, tu viens de perdre ton arme. Pour un chef d'armée, c'est moyen. D'un autre côté, grâce à toi, je suis doublement armé (il agita les deux sabres en sa possession) et pour un pirate, c'est plutôt arrangeant.
L'espagnol poussa un cri rageur et fondit sur le Moineau pour le désarmer à mains nues. Si Jack parvenait à esquisser quelques passes tailladant son ennemi, ce dernier ne semblait en tenir compte et continuait de se battre comme si de rien n'était.
Cela ne rimait à rien, songea Angelina. Ils étaient trop nombreux à ne pouvoir mourir, ils n'arrivaient pas à envoyer le Silent Mary par le fond. Cette bataille était partie pour durer des siècles...
— Capitaine Armando Salazar, intervint Will d'une voie forte et caverneuse. Vous avez fait votre temps dans ce monde. Rendez-vous, votre place dans l'au-delà.
— Jamais ! Hurla-t-il.
Le capitaine du Hollandais Volant lança une slave une slave de boulets sur le vaisseau fantôme. Le navire maudit, bien que percé de multiples trous ne bougeait pas d'un iota.
— Papa !
Henry avait finalement réussi à rejoindre son père.
— Papa ! Répéta-t-il. Je suis là !
Will leva un œil désabusé sur le fils qui lui avait menti.
— Tu as trahi ta promesse mon fils... Tu n'étais pas là...
Le jeune Turner sentit ses boyaux se tordre par la culpabilité.
— Pardon Papa, s'expliqua-t-il, la gorge serrée. Pardon... Salazar menace la piraterie et la Confrérie... Je suis allé au Triangle des B...
— Tu veux dire que tu as manqué Le Jour, que tu m'as abandonné à cause de Salazar ?
Henry baissa un peu sa garde et acquiesça. Les crustacés colonisant le visage de son père s'articulèrent en une face crispée. William dégaina une lame et fondit sur lui.
— Tu savais que ta mère était partie, pas vrai ?!
Henry tenta de se défendre comme il pouvait.
— Elle m'a abandonné comme elle l'a fait pour toi ! Comme ça du jour au lendemain ! Pas une lettre ! Pas une explication ! Cela fait des années que je n'ai plus de nouvelles, Papa !
Le Capitaine du Hollandais Volant se calma un peu. Visiblement il déchargeait sa souffrance sur la mauvaise personne.
Au milieu de la bataille qui faisait rage entre pirates et fantômes, un craquement sinistre déchira l'air. Les volutes de fumée du navire espagnol carbonisé s'amplifièrent et s'épaissirent. Angelina toussa plusieurs fois pour évacuer les cendres âcres qui lui brulaient la gorge. Ses yeux la piquaient, la faisant larmoyer au point de l'empêcher de faire tournoyer ses sabres pour se battre.
Ce fut alors, qu'elle la vit. Elle. Cette femme mince à la crinière blonde rassemblée en un petit chignon bas, aux traits familiers et dont les yeux bruns étaient reconnaissables entre mille pour la jeune pirate. Le Roi était de retour pour défendre son peuple. Enveloppée dans les volutes, une créature de cauchemar surgit du corps d'Elizabeth Turner. Un titan au visage de squelette, aux orbites et aux narines fumantes. Des tentacules suintantes gesticulaient depuis son dos et la Moinelle put reconnaître le Totem de la Résurrection, incrusté dans sa poitrine. Une langue de serpent sortait à intervalles irréguliers entre les dents de la chose.
La mère d'Henry reprit ses esprits sous la protection du monstre. Will était figé sur elle, interdit. La femme de sa vie, cette traitresse, était là. À portée de lame. Il s'avança de quelques pas, mais ne put brandir son arme, bloqué par la créature. Les tentacules de cette dernière collaient à ses vêtements et le serraient au point de l'étouffer.
— Elizabeth... Tu m'as... abandonné...
Le regard de madame Turner s'emplit de larmes et d'une profonde tristesse.
— Non mon amour, commença-t-elle.
— Alors pourquoi tu es partie ? Intervint Henry, tout aussi remonté contre elle.
Le jeune homme était en garde, prêt à se défendre.
— Henry attends, tenta sa mère.
Trop tard. Mictlantecuhtli l'avait emprisonné dans ses tentacules comme il l'avait fait pour son père qui se débattait, s'enlisant un peu plus dans les tentacules à chaque seconde.
— J'ai fait tout ça pour nous, s'expliqua Elizabeth. Je cherchais quelqu'un pour m'aider à faire plier Calypso et te libérer !
Elle sorti le cœur de son mari d'une poche intérieure de son manteau. Le muscle battait la chamade enveloppé dans un linge propre.
— Je n'ai pas cessé d'en prendre soin depuis le début...
Turner père et fils semblèrent se calmer un peu. La bête les relâcha précautionneusement, toujours prête à intervenir. La famille nouvellement réunie s'entre-échangea un regard.
— Que fait la bête avec toi du coup ?
L'ancien Roi des Pirates eut un sourire pour la créature qui l'accompagnait. Elle rangea soigneusement le coeur de son bien-aimé avant de répondre.
— Je vous présente Mictlantecuhtli, dieu aztèque de la mort. Il m'a soutenue toutes ces années et c'est devenu mon ami.
— Il peut régler le problème de Salazar du coup, conclut Henry. Ce Capitaine Fantôme veut détruire ta Confrérie.
Sa mère haussa les épaules, désolée.
— Malheureusement, Mictlan ne pourra retrouver tous ses pouvoirs qu'en mangeant une créature divine.
— Donc tu m'as abandonné pour un dieu cannibale qui ne peut même pas nous aider, grommela le jeune pirate.
Elisabeth se mordit la lèvre, par culpabilité. Elle posa sa main sur l'épaule de son mari.
— Maintenant, on doit invoquer Calypso pour lui ordonner de te libérer. Mictlan la dévorera et ensuite il pourra nous aider.
La scène familiale qui se tenait au milieu de la bataille n'était pas audible pour Davy Jones. Lui n'entendait que les fracas assourdissants des lames, des cris et des boulets qui volaient dans tous les sens. Le navire maudit, enfin celui qui n'était pas dans leur camp, semblait noircir les vagues et la mer qui l'entourait. Depuis le Revenge, il avait vu les sirènes partir sans revenir, Barbe-Noire et lui avaient repoussé chacun des zombies dans les ondes, ces derniers s'empressaient de remonter sur le Silent Mary, tous dégoulinants de crasse pour les attaquer à nouveau.
Il n'avait entendu aucun pirate appeler ces morts-vivants des zombies. C'était Calypso qui lui avait fait découvrir ce mot quand elle avait commencé à se prendre de passion pour les rites vaudous. Même au milieu du chaos, il finissait toujours par penser à elle.
Il se souvenait de leur rencontre, des siècles plus tôt, comme si c'était hier. C'était au temps où la terre était plate et où les Caraïbes n'existaient pas encore. Pour la première fois qu'il quittait sa Hollande natale, il avait frôlé la mort de près au Cap de Bonne Espérance en voulant rejoindre les Indes. Calypso était venu le sauver et c'est comme cela que leur histoire avait commencé...
Teach lui secoua l'épaule, l'ex-capitaine du Hollandais Volant s'ébroua et enchaina quelques passes avant de renvoyer ses adversaires à la mer.
— On en verra jamais la fin ! Cracha Barbe Noire.
Appuyé sur le bastingage, les deux vieux loups de mer scrutèrent l'écume en reprenant leur souffle quelques secondes quand d'autres zombies arrivaient. Si Teach repartit à l'assaut, Davy ne parvenait pas à se détacher des bulles moutonneuses qui s'écrasaient sur la coque du Revenge. Un regard vers son ami aux mains de nouveaux morts-vivants le convainquit de changer de plan. S'ils continuaient ainsi, jamais ils ne verraient la fin de cette bataille. La créature immonde qui était apparue aux côtés d'Elizabeth ne semblait pas faire bouger les choses. Les dieux ne leur étaient toujours pas venu en aide, malgré leurs très nombreuses demandes. Il passa machinalement sa main sur sa poitrine, là où avait siégé son médaillon en forme de coeur. Même s'il avait repoussé Calyspo dans le Triangle des Bermudes, il devait au moins essayer.
Toute la Confrérie n'arrêtait pas d'essayer, depuis le début de son existence. Au point où ils en étaient, un essai de plus ou de moins leur ferait difficilement perdre ce qu'ils avaient. Eux, de simples pirates. Lui-même ne pouvait même plus perdre la vie, alors pourquoi ne pas tenter ? Le vieux hollandais pris une grande inspiration avant de plonger vers les abysses.
Noyées par l'écume et le bruit, Syrena et ses sœurs avaient émergé au cœur de la bataille. Des corps morts pleuvaient dans l'eau et remontaient aussitôt dans leur navire. La fumée épaisse émanant du Silent Mary lui irrita les branchies.
Ses sœurs plongèrent sans hésiter vers les corps pour les mettre en pièce. Tamara et Syrena échangèrent un regard. Leurs voix enchanteresses n'étaient d'aucune utilité dans le vacarme qui les entourait. Les créatures se rapprochèrent du vaisseau de cauchemar, pour attraper plus facilement leur proies mais même sous l'eau, la noirceur qui maculait les vagues leur piquait les yeux et les étouffaient. D'un signe, certaines bondirent emportant avec elles quelques fantômes qu'elles déchiquetèrent. Un coup de nageoire plus tard, les membres et les bouts de chair du marin maudit s'étaient rassemblés et le démon nageait vers la surface, prêt à retourner se battre.
Le silence qui régnait dans l'immensité bleu sombre faisait un étrange contraste avec la surface assourdissante. L'eau salée qui pénétrait les vêtements du premier Roi des Pirates l'alourdissait et le faisait couler comme une pierre. Davy plissa les yeux et gonfla ses joues. Son corps gardait toujours ses réflexes de survie et il dut se faire violence pour ne pas ouvrir la bouche en grand.
Des volutes de bulles tourbillonnèrent autour de lui, elle était là. Sa nymphe. Sa déesse. Le doux visage de Calypso apparut contre lui, il ressentait sa puissance. L'amour de sa vie se laissa aller à quelques caresses sur son torse et sa barbe puis forma une bulle d'air avec ses mains pour que le pirate puisse respirer. Bien qu'immortel, Davy Jones inspira goulument l'air qui s'offrait à lui.
— Calypso...
— Davy Jones, sourit la créature.
Il prit son visage entre les mains avec toute la douceur dont il était capable.
— Nous avons besoin de toi, Salazar veut détruire la Confrérie...
La divinité eut une petite moue.
— Confrérie, que tu as créé pour m'emprisonner pendant une éternité.
Le pirate baissa les yeux. Elle marquait un point.
— Je sais... Je te demande pardon. L'amour et la rancœur nous font faire des choses terribles... L'histoire qu'on a toi et moi peut passer au-delà de cela ? S'il te plait Calypso, tu es notre dernière chance...
— Je comprends, répondit-elle d'un sourire triste. Tu accepterais de me redonner ton coeur si je libère le monde de Salazar ?
Le visage de Davy s'illumina d'un sourire, il serra son Océan contre lui aussi fort qu'il put.
— Volontiers...
Enlacé et apaisé, le couple remonta vers les vagues. Calypso laissa son amant à la surface tandis qu'elle reprenait sa forme et sa taille originelle, attirant autour d'elle, courants marins et nuages d'un orage qui grondait déjà. Davy n'eut pas le temps de reprendre son souffle qui profond cri de douleur s'échappa de ses entrailles.
Seuls le regard terrorisé de la nymphe et le chaos de la bataille lui répondirent. Les tentacules noires et visqueuses emprisonnaient Calypso muant ses traits dans un masque de douleur. Elle voulut utiliser ses pouvoirs mais Mictlantecuhtli et la fumée qui émanait des orifices de son visage lui arracha tout espoir de riposte.
Davy Jones se sentait tellement impuissant au milieu des vagues. Les épais cumulonimbus bouchaient le ciel obscur, assombrissant encore la scène. C'était surtout les torrents salés roulaient sur ses joues à mesure que l'amour de sa vie se faisait dévorer par le dieu aztèque qui l'empêchaient de distinguer l'horreur face à lui.
— Calypso, articula-t-il alors que l'écume s'engouffrait dans gorge, le faisant suffoquer.
Le monstre qui se repaissait de la nymphe devenait de plus en plus gros à chaque bouchée.
— Mon cœur t'appartiendra toujours...
Le vieux hollandais ravala ses sanglots et entreprit de remonter sur le Queen Anne's Revenge. Son plan avait échoué. Comme toute la Confrérie il avait essayé et en avait payé le prix. Quand il atteignit le pont, il se lança dans la bataille plus enragé que jamais.
— Mictlan ! Non !
Les cris d'Elizabeth étaient vains, son terrible ami se repaissait déjà de la seule chance pour elle de libérer son mari. Toute la famille Turner ne pouvait détacher le regard de la créature de cauchemars, tentant tant bien que mal de repousser les attaques des morts-vivants.
Le dieu aztèque se lécha les babines de sa colossale langue de serpent. Il se retourna vers son amie, provoquant des vagues si hautes qu'Angelina dut s'accrocher au bastingage pour ne pas s'écrouler.
La mine d'Elizabeth se décomposa, sa seule chance de libérer son mari venait de se faire dévorer sous les yeux. Les sanglots l'étouffèrent et les larmes brouillèrent sa vue.
— Mictlan, hoqueta-t-elle. Calypso était notre seule chance.
Le titan entrait et sortait sa langue nerveusement. Ses tentacules tressaillirent. Il avisa le Capitaine Salazar, aux prises avec la famille Sparrow. Le dieu de la mort saisi l'espagnol par deux de ses doigts crochus et l'approcha de son œil fumant.
Pour la première fois, la bataille resta en suspens, les deux camps se pétrifièrent. La créature huma le marin maudit qui gesticulait comme un diable, et grimaça faisant sortir un épais nuage de cendres de son orifice nasal. D'un haussement d'épaule, il fit glisser le pirate fantôme sur son pouce et l'écrasa comme un insecte dans un sinistre craquement d'os.
En une pichenette, le corps putride s'écrasa sur le pont du Silent Mary, projetant des bouts de chair et d'organes dans tous les sens. Angelina et ses frères d'armes restaient interdits face à la scène éclairée seulement par les flammes qui léchaient le navire fantôme. La Moinelle ne put réprimer un violent haut le cœur. Les morts-vivants commencèrent à laisser tomber leurs armes une à une, vaincus.
A mesure que la Confrérie prit conscience de sa victoire, une clameur s'éleva parmi les navires pirates. Enfin. Ils avaient réussi. Ils avaient défait Salazar.
Il étaient libres.
Henry lacha un profond soupir de soulagement, enlaçant ses parents pour la première fois depuis dix ans. Il pouvait sentir le cœur de sa mère battre si fort contre sa poitrine. Du regard, il chercha sa bien-aimée au loin. Depuis le Hollandais Volant, il pouvait l'apercevoir. Maculées de sang et de crasse, les loques qui restaient de sa robe pendaient lamentablement derrière la Moinelle, enlacée par sa famille, l'œil pétillant et le sourire rayonnant.
Le jeune Seigneur se dégagea pour rejoindre la femme qu'il aimait. Leurs lèvres se retrouvèrent d'elles-mêmes. Enlacés dans la liesse, le couple ne faisait plus qu'un.
— Je t'aime, murmura le Roi des pirates.
Henry l'embrassa encore, lui chuchotant "Moi aussi" au creux de la gorge.
Soudain, une vague puissante fit tanguer les vaisseaux. Les deux pirates plissèrent les yeux pour en trouver la source dans l'obscurité mais un craquement assourdissant retentit dans l'air. Un râle de douleur parvint à leurs oreilles.
— Mon Ange, chuchota son amant. Le feu grégeois.
La Moinelle pris une grande inspiration en fermant les yeux. Quand elle les rouvrit, la lueur turquoise qui en émanait attira de nombreux regards. La jeune femme dirigea le Revenge vers la source du bruit. La slave de feu grégeois illumina l'écume avant de rencontrer les chevilles du titan. Les langues incandescentes remontèrent le long de ses tibias, illuminant les écailles rouges et les plumes vertes du serpent géant qui les enserrait. Les multiples tentacules du dieu de la mort s'emmêlaient dans les griffes de jaguar d'un autre dieu qui obligeait l'ami d'Elizabeth à se cambrer. Des milliers d'étoiles scintillaient sur le corps du dieu félin.
La Seigneur de la mer Caspienne déglutit avec difficulté en reprenant ses esprits et du s'appuyer sur son compagnon pour ne pas flancher. Au-dessus d'eux, les étoiles étaient absentes.
Elizabeth voulut sauver Mictlantecuhtli mais son mari la retint fermement alors qu'elle se débattait.
— Mictlantecuhtli, siffla le dieu serpent dont la langue frôlait le crâne et les orbites fumantes de son prisonnier. Qu'est-ce que tu ne sais pas saisir dans punition éternelle ?
— Quetzal, suffoqua le dieu des morts à mesure que les anneaux de son ennemi lui oppressaient la poitrine.
— SILENCE ! rugit le jaguar aux constellations.
La voix de ce dernier semblait venir de toutes les ténèbres qui les entouraient. La langue de Mictlantecuhtli fusa dans l'œil du serpent, lui arrachant un sifflement de douleur et le faisant lâcher un peu son étreinte.
—Tezcatlipoca, parvint-il à prononcer. Cette fois-ci je vais pouvoir...
La fin de sa phrase se perdit dans un rugissement. Les runes du Totem de la Résurrection qui trônait sur sa poitrine se mirent à luire d'un rouge incandescent.
—Ta prison précédente n'était manifestement pas suffisante, prononça solennellement le dieu jaguar. Peut-être qu'un séjour éternel en enfer te conviendra mieux.
Le serpent à plume referma son emprise sur le dieu de la mort.
— Moi, Quetzacoatl, je te condamne.
La fumée qui émanait des orifices de Mictlantecuhtli faiblit de plus en plus.
— Moi, Tezcatlipoca, je te condamne.
D'un geste vif, le dieu jaguar de la nuit arracha d'un coup de griffes le précieux Totem du corps de son ennemi. Immédiatement, le corps du dieu de la mort se changea en poussière dans un dernier soupir. Tezcatlipoca s'éleva vers le ciel avant de disparaitre, illuminant l'obscurité de millions d'étoiles. Quetzacoatl le suivit, laissant une trainée de nuages cotonneux dans l'air.
Plusieurs détonations, brisèrent les tympans des équipages. Les yeux du nouveau Roi des Pirates mirent quelques secondes à s'accoutumer à la nouvelle luminosité. Elizabeth s'était effondrée. Henry crut d'abord qu'il s'agissait de la perte de son ami qui la mettait dans cet état mais la tâche sombre qui grandissait sur la poitrine de sa mère et son teint blafard, sous la lumière rougeoyante des flammes, lui donna une cause tout autre.
—Henry !
La Moinelle s'était relancée dans la bataille contre... Salazar qui tirait des balles dans tous les sens. Pendant que tout le monde était happé par la scène entre les dieux aztèques, l'amiral espagnol, ou plutôt les bouts de chair et d'os qui le constituaient, s'étaient de nouveau réunis et agglomérés, réanimant la vieille terreur des pirates.
— Henry ! Il tire sur des mortels !
Le jeune homme scruta les ponts des navires. Pour la première depuis le début de la bataille, les corps qui jonchaient le sol ne se relevaient pas immédiatement. Après un bref regard pour sa mère, il rejoignit la femme qui l'aimait, animé d'un nouvel élan de vengeance.
— Elizabeth, s'étrangla Will Turner sur le Hollandais Volant. Elizabeth ne me laisse pas encore. Elizabeth as-tu peur de la mort ?
William n'avait pas compris tout de suite ce qui arrivait à sa bien-aimée, quand elle s'était effondrée dans ses bras comme une poupée de chiffon. Ce fut quand il remarqua que la vie quittait ce regard qui faisait battre son cœur, aussi loin soit-il. Jamais il n'oublierait ce qu'il avait ressenti vingt ans plus tôt quand Davy Jones lui avait percé le cœur. Dans le tumulte qui l'entourait, le capitaine du Hollandais volant parvint à capter le regard de son père et second.
— On plonge !
En un éclair, le navire avait disparu de la surface. Henry, trop occupé à venger sa mère, ne l'avait même pas remarqué. Un nouveau pirate s'écroula devant lui, une balle en pleine tête. Le jeune seigneur répliqua immédiatement contre le soldat fantôme qui essayait de le tuer sans succès. D'un coup, une violente douleur le transperça là où aurait dû se trouver son cœur. Tandis que le sabre planté dans sa poitrine se retirait, il se retourna pour savoir qui avait tenté de le tuer.
Il s'agissait du même pirate qui venait de mourir sous ses yeux. Mort, ça oui, il l'était. Pourtant comme les espagnols du Silent Mary, son corps s'animait et se mouvait sous les ordres d'un regard sans vie.
— Angelina ! Il se sert de nos morts !
La moinelle continua de faire tournoyer ses deux sabres, un dans chaque main, tranchant des têtes qui retrouvaient toujours leur propriétaire.
— Je suis un peu occupée là !
Son amant se rapprocha d'elle.
— Les mortels qu' il a tué !
— Oui et bien ?
— Regarde !
Le pirate fantôme qui s'acharnait sur lui, ne le lâchait pas. Le Roi des Pirates jura.
— On a pas le choix, on doit rappeler Poséidon !
— Non, c'est de la folie !
— Ou du génie, conclut la fille de Jack.
— Hors de question !
Angelina arrêta de se battre, et grimaça quand un balle traversa son ventre.
— Je suis le Roi, je donne les ordres !
— Et moi, je ne veux pas te perdre !
L'expression de la jeune femme changea. Après deux respirations, elle s'approcha de lui et l'embrassa, ignorant les attaques de ses ennemis. Henry, se laissa aller à ce baiser, et sentit le bastingage contre son bassin.
— Je suis désolée.
Le fils de Will n'eut pas le temps de saisir ce qui lui arrivait que déjà, il chuta tête la première vers l'eau. Il se rattrapa in extremis à un cordage qui pendait. Le choc chassa l'air de ses poumons. Il repris son souffle et remonta le long de la corde. Une fois sur le pont, il chercha Angelina sans la trouver. Le Moineau, en revanche, avait fort à faire avec Salazar et ses sbires.
— Jack !
— C'est CAPITAINE JACK ! Crénom de nom !
Henry vint lui prêter main forte.
— Capitaine ! Il me faut la main de votre fille ! Elle va faire une erreur !
— Tu ne vois pas que je suis occupé ? Bon sang !
Le jeune pirate para une passe mortelle, sauvant la gorge du Seigneur des Caraïbes.
— Je veux épouser votre fille.
— Pas sûr que ce soit le moment opportun, mon gars !
Henry s'impatienta repoussant de mieux en mieux l'amiral espagnol.
— S'il vous plait Capitaine Sparrow ! Donnez-moi sa main !
Le Moineau fit une cabriole pour esquiver sabres et balles.
— Elle est d'accord ma fille ?
— Mais qu'est-ce que ça peut vous faire ? Elle va s'offrir en sacrifice à Poséidon !
L'expression du Capitaine légendaire était indéchiffrable.
— Bon, c'est d'accord, conclut-il. Mais à une seule condition.
Henry leva les yeux aux ciel et soupira.
— J'accepte vos fiançailles, seulement si Angelina a envie de t'épouser.
Le jeune Seigneur, le remercia, soulagé. Il n'avait plus qu'à trouver sa future fiancée.
D'où il était, le pirate de risquait pas de voir son amante. Usant de toutes les forces qui lui restaient et de toute sa résilience contre la faim qui lui tiraillait les entrailles, la jeune capitaine se hissait vers la vigie dans les cordages. Luttant contre le vent qui menaçait de la désarçonner, elle était invisible pour les équipages en contrebas, les flammes n'étant pas assez puissantes pour l'éclairer, Angelina grimpait à tâtons.
Les fibres ligneuses qu'elle percevait enfin sous ses doigts la firent soupirer de soulagement. La Moinelle bascula dans la vigie déserte et s'assit à l'abri des regards et des projectiles. Après quelques respirations elle déchira les lambeaux de velours qui pendaient derrière elle. Nombre de fois pendant son ascension elle avait été tentée de s'en débarrasser quitte à finir avec une chemise et un futal.
Le Roi des Pirates épongea comme elle put le sang qui s'écoulait de ses plaies. Dieu merci, le velours bordeaux et l'obscurité l'empêchait de voir l'ampleur des dégâts. La jeune pirate choisit le pan le moins poisseux des loques qu'elle avait entre les mains pour dompter sa cascade de boucles dans un bandana. Elle pesta contre sa crinière alourdie par le sel et la crasse qu'elle n'avait pas coupé depuis le début de son aventure et qui lui tombait maintenant au creux des reins.
Un bref regard sur la situation sur le pont lui suffit pour avoir la nausée. Les pirates qui avait été tués par Salazar continuaient de se mouvoir, se retournant contre les siens. Bien qu'immortels, nombre des membres de sa famille, bien qu'immortels étaient submergés par les morts-vivants.
— Poséidon ! s'époumona-t-elle. Poséidon ! C'est bon j'accepte ton marché !
Elle rugit ainsi pendant quelques minutes sans succès. De toute évidence, le vacarme de la bataille couvrait ses hurlements. La jeune femme s'arrêta et s'assit sur les planches pour reprendre son souffle.
Le bruit des vagues forcit à ses oreilles et devint un bouillonnement furieux, comme si l'Océan lui-même brulait de rage. La Moinelle n'eut pas le temps de se retourner que deux doigts colossaux lui enserraient la taille et la sortirent de sa cachette. Le regard d'un bleu abyssal du Dieu des Mers la fit frissonner.
Poséidon la posa dans sa main et la souleva à hauteur d'yeux. Sa pupille était plus grande que le Roi des Pirates tout entier. D'ici, la bataille qui faisait rage dans l'écume n'était qu'un lointain murmure.
— Angelina Sparrow, sourit-il. Tu es enfin prête à me rejoindre maintenant ?
La pirate ouvrit la bouche mais la créature l'interrompit.
— Si tu as encore l'intention de me faire perdre mon temps, je ne serais pas aussi avenant avec toi et les tiens.
— Calypso est morte. Dévorée par un dieu aztèque.
Les mots avaient franchi les lèvres de la jeune femme avant même qu'elle n'ait pu penser à quoi que ce soit. Le dieu la regardait d'un ton égal.
— Je sais, finit-il par répondre.
— C'est tout ? s'emporta la Moinelle. C'est donc la tout ce qu'il y a d'amour pour votre fille ?
Poséidon appuya son pouce contre le diaphragme de de l'humaine, chassant l'air de ses poumons. Cette dernière grimaça, ses côtes étaient au bord de la rupture. L'Océan grogna.
— Je suis le dieu des Mers, je sais tout ce qui s'y passe. J'ai des milliers d'enfants, qui naissent et meurent depuis des millénaires. Je ne vais pas en pleurer une qui m'a trahi. Et maintenant je te le demande pour la dernière fois : Angelina Sparrow es-tu prête à m'appartenir oui ou non ?
— NON !
Les deux être se regardèrent d'un moue surprise. Le cœur du Roi des Pirates fit un bond. Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait cette voix. Poséidon leva les yeux au ciel avant de les poser sur Henry.
— Henry Turner, soupira-t-il en se penchant pour l'attraper. Si vous aviez eu un cœur je vous l'aurais arraché avec plaisir... Que me vaut cette objection ?
L'amant d'Angelina évitait soigneusement le regard de cette dernière.
— Cette femme m'appartient.
— Tu te fiches de moi ? s'énerva la Moinelle. De quel droit ?
Le jeune pirate continua, en ignorant le regard assassin de la femme qu'il aimait.
— Le Capitaine Jack Sparrow, son père m'a donné sa main !
La Seigneur de la Mer Caspienne pesta.
— Je vais l'étriper, mon paternel.
Le jeune Turner ne se laissa pas démonter devant l'air intrigué du dieu.
— J'ai une offre à vous faire. Calypso est morte, emportant avec elle le secret de l'emplacement de vos artefacts. Débarrassez nous de Salazar. Rendez-moi ma fiancée, et nous parcourrons les quatre coins du monde à leur recherche pour vous. Vous retrouverez votre puissance légendaire et nous notre liberté de voguer.
Angelina profita de la réflexion de Poséidon pour intervenir.
— Tu m'as dit que tu ne voulais pas parce qu'on en aurait pour des siècles !
Son amour eut un petit sourire, derrière sa barbe.
— Je préfère aller au bout du monde pour l'éternité avec toi que te perdre.
Le cœur de la jeune femme sembla fondre. Le dieu des mers sourit de satisfaction.
— Marché conclu, fit le dieu.
Il déposa le couple sur le pont de Silent Mary, où la bataille se déchainait et attrapa le capitaine espagnol au vol. Au même moment, une gerbe d'écume éclaboussa la coque percée du navire fantôme. Henry se tourna vers les flots. L'écume commençait à poudroyer sous un soleil timide, baignant la scène d'une lueur orangée.
Le Hollandais Volant venait de surgir des abysses. A sa barre : son père débarrassé des crustacés qui déformaient son visage. Derrière Will, une silhouette gracile posa une main fine sur l'épaule du Capitaine. Elizabeth et son mari échangèrent un sourire.
Les hurlements de Salazar attirèrent l'attention de tous les marins et ne s'arrêtèrent même pas quand Poséidon lui arracha la tête dans un craquement sinistre.
— Capitaine William Turner, ordonna Poséidon et lui tendant la tête du capitaine espagnol d'une main et le corps de ce dernier de l'autre. Sa place est dans ton Antre, au bout du monde. Veille à ce qu'il ne s'en échappe pas.
Le père d'Henry acquiesça. Ses hommes menottèrent le corps qui se débattait encore et bâillonnèrent la tête fumante qui continuait de hurler. Will et Elizabeth eurent un petit signe pour leur fils puis replongèrent.
Dès que le mat du Hollandais Volant fut immergé, un craquement résonna dans les flammes du Silent Mary qui commençait à sombrer.
— On quitte le navire ! ordonna la Moinelle.
Si les morts tombaient comme des poupées de chiffon, les vivants se dépêchèrent de rejoindre les navires de la Confrérie, sous la liesses des marins.
Sur le pont du Queen Anne's Revenge Angelina et Henry passèrent le bastingage main dans la main. Hector bondit de nouveau sur l'épaule de sa maîtresse. L'équipage de la Seigneur de la Mer Caspienne chantaient l'Hymne des pirates à plein poumons. D'un geste, le jeune homme attira la pirate contre lui et l'enserra dans ses bras.
— Il faut que je t'avoue un truc, murmura son amant au creux de l'oreille. J'ai bluffé devant Poséidon.
Angelina releva la tête, ses yeux charbonneux brulaient.
— Comment ça tu as bluffé ? On risque d'être maudit pour l'éternité !
Le jeune homme la plaqua contre lui.
— J'ai dit que ton père m'avait donné ta main, mais il avait une condition.
— J'arrive pas à croire que lui, qui a abandonné ma mère plusieurs fois, accepte un mariage... C'est quoi sa condition ?
Derrière sa barbe, les lèvres de son homme se pincèrent.
— Ton consentement. Jack n'accepte notre mariage que si tu en as envie.
Pour toute réponse, Angelina l'embrassa passionnément.
— Votre Altesse ?
Les pirates du Revenge attendaient les ordres.
— Camarades ! fit la fille de Jack Sparrow avec emphase. Que ce jour reste à jamais dans nos mémoires comme celui où nous avons vaincu le Capitaine Salazar !
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