Le regard gorgé de mélancolie, Kyra pédalait sans vraiment savoir où elle allait. Les mains sur le guidon de son vélo, elle s'enfonçait peu à peu dans une faste forêt. La forêt où ils avaient l'habitude de se retrouver, Matteo et elle. Mais ça, c'était quand ils étaient jeunes. Depuis, ils n'y avaient plus jamais remis les pieds. Kyra trouvait ça triste, d'avoir mis autant de temps à revenir dans cette forêt. Elle aurait aimé y retourner avec Matteo. Ils y auraient campé, ou pique-niqué. Ils auraient fait de la randonnée, ou du VTT. Ils auraient discuté, ri, passé du bon temps, en tout cas pour un moment. Et surtout, ils se seraient embrassés pour se dire à quel point ils s'étaient manqués. Hélas, tout ça n'était plus possible, car Kyra avait perdu l'étoile de sa vie...

Avant qu'il ne s'éteigne sur son lit d'hôpital, Matteo lui avait pris la main, et l'avait regardée droit dans les yeux en souriant, avant de prononcer les plus belles paroles qu'elle ait entendues. Elle s'en souvenait comme si c'était hier.

Tu t'souviens du jour où tu m'as appris à faire du roller ? Ce jour-là, j'ai eu la peur de ma vie. Maint'nant, on en rit, mais j'ai bien cru que mon heure était venue quand j'suis tombé d'ces escaliers. J'm'revoie encore en train de hurler de terreur alors que tous les autres mecs du skate park pouffaient d'rire. Quand j'suis tombé, et que j'étais au sol, j'me suis pas relevé tout d'suite parce que j'voulais pas t'regarder dans les yeux. J'avais peur de t'avoir déçue. J'voulais juste abandonner, et m'dire que l'roller, c'était pas fait pour moi. Mais quand tu m'as tendu la main, j'ai su pourquoi j't'aimais autant. Ce jour-là, tu as changé ma vie, Kyra.

Une larme coula le long de sa joue alors qu'elle regardait encore droit devant. Elle avait aussi failli pleurer devant lui à cet instant. Plus elle se remémorait ces derniers souvenirs, plus elle avait du mal à rester concentrée sur le guidon du vélo. Elle continuait à pédaler malgré tout. Si elle s'arrêtait, elle savait qu'elle allait fondre en larmes. Mais elle ferma à nouveau les yeux, pour revoir son amoureux.

Si j't'avais pas rencontrée, j'n'aurais peut-être rien réussi dans la vie. C'est pour ça qu'j'te suis reconnaissant... Attends, non, pitié ne pleure pas, Mon petit Kinder, sinon on va pleurer tous les deux. Écoute, je sais qu'tu n'es plus la même personne. Avant, tu étais une guerrière, une battante. T'abandonnais jamais. Mais au fil des années, on a grandi, on a été confrontés aux tornades de la vie, et maint'nant, tu cesses de battre des ailes. Et j'ai compris pourquoi.

Ses yeux étant fermés, elle ne pouvait pas voir le nid-de-poule qui se trouvait sur son chemin. Ainsi, elle fonça dessus, et dans un léger cri de surprise, elle tomba de son vélo, et atterrit au sol. Son casque l'ayant protégée, elle n'avait qu'un petit mal de tête. Et pourtant, elle voulait rester là, près du sol. Cette situation symbolisait son désespoir, mais en même temps, elle lui rappelait ce qu'avait dit Matteo.

La vie d'adulte, c'est plus dur qu'on l'imaginait. On n'avait pas prévu la difficulté des études, ni la gestion plus compliquée du temps. On n'avait pas prévu non plus les factures importantes ou les éprouvants stages cliniques. Mais surtout, on n'avait pas prévu l'épuisant travail à temps partiel, ou encore la fatigue et le stress. Ça a été compliqué pour moi aussi, mais toi, ça t'a prise au dépourvu. Tu pensais pouvoir t'y adapter, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. T'es tombée pleins d'fois, ça s'voit dans ton r'gard. T'en pouvais plus, c'était trop dur pour toi, alors t'as commencé à perdre espoir, et à abandonner peu à peu, en te disant qu'tu n'y arriv'rais jamais. Comme moi il y a cinq ans. Kyra, si j'm'en sors pas, j'veux pas qu'tu fasses les mêmes erreurs que moi. J'aim'rais qu'tu t'rappelles de c'que tu m'as appris...

À cet instant, ses yeux se rouvrirent, et la jeune femme poussa sur ses bras pour tenter de se redresser. Elle sentait une force nouvelle et inconnue l'animer tandis qu'elle fixait son vélo sur lequel elle avait bien l'intention de remonter.

La vie, c'est comme le roller : quelques fois on tombe, même quand on est expérimenté. Mais quand ça arrive, il faut se relever. Parce que c'est le seul moyen d'avancer. Alors s'il te plaît, Kyra, relève-toi. Ne reste pas à terre. Bats-toi, et n'abandonne jamais. Tu peux tout réussir, je l'sais. Chaque chute te rendra plus forte, ça a toujours été comme ça. Et même si aujourd'hui, c'est difficile, même si tu crois que tout est perdu, même si je ne pourrais pas assister à tes prochaines aventures, je veux que tu ne baisses plus jamais les bras, et que tu deviennes la meilleure chirurgienne pédiatrique du monde, parce que tu le seras. Je veux que tu sois heureuse, c'est mon seul souhait.

De nouveau sur ses deux jambes, Kyra posa ses doigts sur ses lèvres.

Tu m'donnes toujours un baiser de Kyra pour m'aider à avoir du courage. Aujourd'hui, j'aim'rais t'offrir un baiser de Matteo, parce que j'pense que t'en as besoin.

Elle récupéra son vélo, et le redressa après avoir réajusté son casque. Elle était prête à repartir.

Je t'aime, Kyra. Tu peux pas savoir à quel point...

C'est à cet instant qu'elle aperçut un papillon qui s'était posé sur le guidon. Elle sourit.

« Moi aussi je t'aime, Matteo, dit Kyra alors que le papillon s'envolait loin dans le ciel bleu. »

C'est ainsi que la jeune femme se remit à pédaler, et à avancer, prête plus que jamais à se relever après chaque chute.

Une chose est sûre : l'aventure était loin d'être terminée pour elle, la Docteure Ngoma.

***

Nombre de mots : 957

J'espère que ce rendu vous a plu, même s'il est plus court que d'habitude.

Cette fois encore, j'ai eu une idée de départ, mais il a fallu que je trouve puis rejette trois ou quatre autres idées pour me rendre compte que la première était la mieux (ça m'énerve quand ça fait ça...). Donc voilà, j'ai apporté une jolie petite fin à la romance entre Matteo et Kyra.

Globalement, je suis assez fier de ce texte, même si je n'ai pas réussi à rendre pertinent le fait que Kyra soit dans une forêt (tant pis), et que j'ai l'impression que les phrases de Matteo n'illustrent pas les actions de Kyra comme je l'avais imaginé dans ma tête. Sans oublier le côté plat et sans dynamisme de la narration, malgré l'idée de se relever. (je suis littéralement en train de critiquer ma propre œuvre, faut que je m'arrête avant de me dire quelque chose de blessant)

Enfin bref, vous, qu'est-ce que vous en avez pensé ?

En attendant d'avoir vos retours, je compte sur vous, chers lecteurs, pour voter les textes des Pink Lockers si ils vous plaisent, et les commenter !

Et pour nos finalistes, aucune crainte à avoir : je sais qu'ils feront mille fois mieux ! ;)

À bientôt !