Chapitre 19 | Partie 2: The Red Haired Lass
ARLETTE
L'eau brûlante la débarrassa définitivement de tous les doutes et des regrets qu'elle avait pu éprouver après ce qu'elle avait fait à la mine, mais elle la purifia aussi de la pestilence de cette vallée des ombres dans laquelle elle avait dû se rendre.
Toutes les coupures, tous les hématomes qu'elle s'était faits dans la forêt devinrent plus douloureux et elle resta dans l'eau jusqu'à ce qu'elle ait totalement refroidit pour laisser la fatigue de ses muscles disparaître.
Elle peignait ses cheveux pour les débarrasser des parasites lorsqu'elle entendit quelqu'un entrer précipitamment.
—Elle est rentrée, elle est à la salle de bain, dit Betty d'une voix blanche qui trahissait de la méfiance.
C'était forcément Kenneth. La jeune fille était vexée qu'on ne lui ait pas expliqué le plan dont il faisait partie. Les bruits de pas se rapprochèrent et on frappa à la porte.
—Vous êtes de retour, Miss ? Vous avez trouvé une voie dans la montagne ?
Sa voix était pleine d'entrain, elle chantait comme un violon bien accordé. Il était impatient. La jeune femme posa son peigne et commença à se sécher.
—Non, la zone est trop fragile. Il faudra contourner. Comment s'est passé ton voyage ?
—Très bien, j'ai retrouvé ma famille, mes cousins, mes neveux et nièces.
—Et ta grand-mère ? Comment va-t-elle ?
—Elle se porte beaucoup mieux, cette vieille goutte qui ravageait sa jambe sera bientôt soignée. Elle a hâte de vous rencontrer, je lui ai beaucoup parlé de vous...
—Tu lui diras de se préparer au froid du Nord, je ne voudrais pas qu'elle tombe à nouveau malade en venant ici.
—Elle prendra toutes les précautions nécessaires.
Arlette sentit qu'il jubilait. Il devait retenir son sourire devant Betty, de l'autre côté de la porte. Elle savait le plaisir qu'elle lui faisait en lui donnant cette mission. Elle refaisait de lui un soldat, après toutes ces années pendant lesquelles il s'était persuadé qu'il pouvait faire autre chose de ses deux mains.
Betty toussa bruyamment. Elle ne devait plus rien y comprendre. Et c'était mieux ainsi. La jeune femme était heureuse d'entendre à nouveau la voix de Kenneth.
En cet instant, elle ne regrettait plus ce qu'elle avait fait dans la montagne. Plus que tout au monde, elle avait envie de préserver et de chérir ce qu'elle vivait avec ces gens à Pinewood. Elle attendit un instant avant de continuer.
—Est-ce que tout le monde sera là ce soir ? On pourrait sortir le violon et la guitare pour fêter notre retour...
—Bonne idée, dit-il plus doucement, je vais prévenir les autres.
—Merci Kenneth.
Il tourna des talons et ressortit. Arlette entendit Betty qui partait dans la cuisine en marchant plus lourdement. Elle finit de s'habiller avec une robe noire ample qu'elle serra à sa taille d'une petite ceinture et quitta la salle de bain.
Betty l'attendait dans la cuisine. On pouvait lire l'indignation sur son visage bien trop crispé alors qu'elle coupait des pommes en faisant claquer la lame du couteau contre la table.
—Tu connais la famille de Kenneth ? demanda-t-elle d'un ton presque méprisant.
—Non, je l'ai laissé prendre quelques jours de congé pour aller voir sa grand-mère malade, c'est tout.
—Pourtant c'est pour Henry qu'il travaille, c'est lui qui aurait dû le laisser partir, dit-elle amèrement.
—Eh bien c'est que ça ne pouvait pas attendre le consentement d'Henry. Il y a un souci Betty ?
—Non, c'est juste que... J'ignorais que vous étiez aussi proche, toi et Kenneth, cracha-t-elle finalement en baissant la tête.
Arlette la regarda éviter son regard et se concentrer sur ses pommes. La jeune fille qu'elle avait laissée seule pendant un peu moins d'une semaine lui semblait soudainement beaucoup plus mûre, comme si elle avait pris de l'indépendance en quelques jours.
Elle remarqua alors un changement plus ancien chez Betty. Sous ses yeux s'étaient tracés des fines cernes. Depuis que sa sœur avait essayé de la kidnapper. Elle ne l'avait pas remarqué avant, mais le fait de la redécouvrir en ce jour lui faisait prendre conscience de ce changement. Que pouvait bien lui avoir fait sa propre sœur pour qu'elle en garde la trace gravée sur son visage ?
Elle prit du pain, une tranche de jambon et s'assit à côté de Betty. Les aliments lui donnèrent l'impression étrange de nourriture fade et trop salée à la fois, en comparaison avec le poisson qu'elle avait pêché et de l'écureuil qu'elle s'était fait grillé dans la forêt, sur le chemin du retour.
Elle mangea tout de même, trop affamée pour faire la difficile. Elle se sentait épuisée, mais s'efforçait de rester éveillée pour la jeune fille. Après l'avoir revigorée, le bain l'avait vidée de toute énergie.
—Aussi proches que chien et chat, répondit-elle en plaisantant. Tu penses sérieusement que... Moi et Kenneth ?
Betty releva la tête, hésitante. Arlette la fixait en souriant.
—Non, désolée, c'est juste que... moi je ne savais pas qu'il avait une grand-mère.
Le regard de la française changea. Son sourire disparut subitement.
—Betty, j'espère que tu comprendras... Je ne peux pas laisser ton frère tout contrôler. Il n'a pas conscience de certaines choses et Kenneth...
—Je sais, c'est bon. Il ne l'aurait pas laissé aller voir sa famille. Henry a tendance à négliger... L'aspect humain des affaires. Mais c'est pour ça que t'es là. Pour équilibrer tout ça !
Arlette lui tendit sa pomme pelée, haussant les sourcils d'un air étonné.
—« L'aspect humain des affaires » ? Tu es devenue une vraie patronne !
Betty baissa les yeux en souriant humblement. Elle prit la pomme et la coupa plus délicatement. Cette semaine seule à Pinewood avait été l'une des plus éprouvantes de toute sa vie. Non pas en émotions fortes mais en endurance. Elle appréciait le compliment, mais été soulagée de ne plus être seule à s'occuper de l'auberge.
Elle réalisa soudainement qu'il allait bientôt être midi. Réglés comme des horloges, les ouvriers allaient bientôt arriver avec Devin réclamant le déjeuner. Elle s'empressa de mettre de l'eau dans sa casserole et se retourna vers Arlette.
—Laisses-moi m'occuper de l'auberge une journée de plus. De toute façon tu es épuisée et tu dois avoir mieux à faire. Tu as vu le billet sur le comptoir ? Le facteur l'a laissé ce matin. Tu devrais aussi aller à la ferme, mon frère voulait que je le prévienne dès que tu arriverais, mais... Là je n'ai pas le temps. Il doit y être pour faire les comptes.
Arlette se leva et regarda les bottes sales qu'elle avait laissées devant la porte de la cuisine, à côté de son fusil. Aller à la ferme des Richter ? Elle connaissait bien le chemin pour l'avoir vu au loin lorsqu'elle se rendait à Richmond, mais elle ne l'avait jamais emprunté.
L'idée de se rendre dans l'antre des contrebandiers attisa sa curiosité. A quoi pouvait bien ressembler la maison dans laquelle ils vivaient ?
Elle s'imaginait une vieille bâtisse sombre aux murs décrépits avec des pièces secrètes pour cacher la marchandise, comme dans les romans d'aventure. Elle n'en avait jamais vu que le versant est, lorsqu'elle était venue avec Paddy pour conclure un marché avec Devin. L'idée de s'inviter chez quelqu'un lui plut soudainement.
Elle quitta la cuisine et partit enfiler des collants plus épais et un gilet long pour sortir. Elle mit des souliers noirs et plats qu'elle gardait pour les jours où elle allait en ville. Ce n'était pas qu'elle avait envie de donner une impression particulière, mais elle aurait été incapable de supporter une seconde de plus la lourde semelle de ses bottes boueuses.
Elle laissa ses longs cheveux détachés pour qu'ils sèchent plus facilement. En passant par la porte du salon, elle vit le chien qui s'était allongé sur la route, reput après avoir englouti les restes que Betty lui avait laissés. Il leva la tête en la voyant sortir, mais ne la suivit pas, trop épuisé pour continuer.
Elle suivit la route jusqu'à l'intersection nord-sud où passaient de lourds camions transportant du bois coupé.
Elle reconnue Mickey et certains hommes des Richter qui la saluèrent au passage. Il y avait encore des branchages dans les troncs qu'ils avaient chargés, constata-t-elle avec mécontentement.
Ils étaient censés avoir terminé les sentiers menant au lac et ne plus couper que le bois déjà mort... Il était temps qu'elle reparte avec eux s'assurer qu'ils ne coupent pas des essences rares ou des arbres trop jeunes.
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