Chapitre 18 | Partie 2: Lonesome Valley
ARLETTE
En regardant ces abîmes noirs, Arlette hésita à descendre la crête. Fallait-il réellement qu'elle y aille, qu'elle entre là-dedans ? Elle était venue chercher une preuve mais elle ne savait pas sous quelle forme.
Elle regarda le soleil qui approchait du zénith au-dessus d'elle et sortit le livre de son sac, à la recherche d'une quelconque illustration. A quoi pouvait bien ressembler un morceau de minerai d'uranium ? C'était ce qu'elle devait chercher.
Elle feuilleta quelques pages avant de tomber sur des planches de gravures en noir et blanc. Du minerai noir, autant que pouvait l'être le fer, pensa-t-elle dépitée. Il ressemblait tout de même plus à du verre, avec des reflets lisses, comme une couche de mélasse ayant coulé sur la pierre. La légende décrivait des nuances verdâtres à jaunes qui pouvaient border la pechblende.
Elle espérait que ces informations seraient suffisantes pour identifier ce minerai. Elle rangea le livre, accrocha sa corde à une large roche et la laissa tomber. C'était son issue de secours. La pente était plus douce en bas, mais si elle pouvait sortir plus rapidement de cette vallée au retour, elle saisirait sa chance. Elle descendit alors en s'aidant de sa corde.
En pénétrant dans cette étroite gorge obscure, elle se sentit soudainement oppressée comme si l'air lui-même se densifiait. Elle avait l'impression de respirer un gaz. Du grisou ? Pensa-t-elle. Il n'y avait pourtant pas d'odeur particulière.
Elle arriva au fond de la vallée et découvrit autour d'elle d'anciennes constructions en bois, des cabanes de mineurs et une poulie datant probablement de plus d'une trentaine d'années. Des installations plus récentes avaient été posées. Une table et des chaises. Tout était couvert d'une épaisse couche de poussière gris-vert. Arlette fixa la grotte qui dominait devant elle, comme si elle approchait de la gueule béante d'un loup. Elle sentait l'air de plus en plus dense autour d'elle et sa respiration de plus en plus difficile.
Elle sortit son écharpe et en entoura son visage pour se protéger le nez. C'était insupportable. Elle avait l'impression d'être à nouveau dans l'hôpital temporaire d'Amiens, avec sa mère. L'odeur puissante du gaz moutarde revint dans sa gorge et elle eut l'impression de suffoquer à nouveau. Elle recula instinctivement.
Sa mère lui avait toujours interdit de s'approcher des gazés. Il y avait des « risques d'empoisonnements secondaires au gaz », pour toutes les personnes qui touchaient les vêtements ou les lits selon elle. Arlette avait l'impression que l'air autour de cette grotte était imprégné des miasmes de milliers de soldats.
Elle alluma sa lampe torche et la pointa vers l'intérieur de la grotte. Dans le faisceau lumineux, elle vit de grosses particules de poussière qui volaient. C'était comme si elle était sous l'eau. La grotte s'enfonçait profondément dans la terre.
Elle vit les coups de pioche qui avaient été donnés dans la pierre régulièrement, striant les parois. Près de l'entrée se trouvait des tas de pierres qui avaient dû être remontées pendant la période d'exploitation la plus récente. Il y avait encore un marteau en état sur le tas.
Pourquoi un marteau et pas une pioche ? Pour ouvrir la pierre et en vérifier son contenu, comprit-elle immédiatement. Elle s'approcha du tas et posa la lampe au sol pour prendre le marteau poussiéreux.
Elle examina l'une des pierres. Sur la couche de granite se trouvait une couche de roche d'un jaune canari qui entourait une autre couche noire semblable à du verre qui avait pris la forme de petites bulles rondes.
C'était donc cela, la mélasse noire qu'elle avait vue dans le livre. Elle lui sembla étrangement lourde pour sa taille. C'était donc cela la pechblende, dont on pouvait extraire du radium... Elle jeta la pierre dans la mine.
Elle remarqua alors les petits cercles de minerai jaunâtre dans les parois de la grotte. De la gummite. Elle frissonna et se retourna vers le sud. Elle ne pouvait plus supporter une minute de plus cet air vicié, cette mine sombre au fond de cette vallée de la mort. Voilà donc quel était le véritable héritage que lui avait réservé son oncle, pensa-t-elle avec dégoût. Son impression d'oppression se fit plus intense.
Elle sortit de la grotte précipitamment. Elle repartit par là où elle était arrivée, remontant plus difficilement la pente en s'aidant de la corde. Lorsqu'elle arriva de l'autre côté, là où elle s'était arrêté pour ouvrir son livre, elle dut s'asseoir, le souffle court, et se mit à tousser sans pouvoir s'arrêter.
Elle avait l'impression que la poussière s'était logée dans sa gorge. Elle s'allongea sur le côté, à même la roche, tournant le dos à la vallée sombre. Ses yeux étaient irrités, des larmes en coulaient sans qu'elle puisse les sécher.
Elle mit du temps à reprendre le contrôle de son corps. Le vent des montagnes et le soleil la lavaient peu à peu des impuretés qu'elle avait inhalées.
Elle fixait le ciel, toujours couchée sur le flanc, incapable de bouger. Il fallait qu'elle y retourne, qu'elle fasse quelque chose. Si seulement elle avait trouvé la dernière lettre de son oncle, elle aurait compris de quoi il retournait véritablement, ce qu'il attendait.
Des larmes de désespoir coulèrent le long de ses joues. Elle toucha son sac et sentit le contact du caoutchouc dans lequel étaient placés les bâtons de dynamite. Elle avait prévu cette rencontre avec la mine. Elle s'était préparée à l'affronter, tenta-t-elle de se convaincre. Et pourtant, elle avait le sentiment qu'elle allait à l'encontre des volontés d'un mort, qu'elle allait décevoir son oncle, contrarier le plan dans lequel il l'avait mis. La formulation de cette dernière phrase la révolta soudainement. Ce n'était pas parce qu'il était mort et qu'il l'avait envoyé ici qu'il était tel Dieu, la mettant à sa place pour qu'elle suive la destinée qu'il lui avait tracé.
Il l'avait amené à Pinewood au milieu de nulle part, d'intrigues de village, pour s'occuper d'un terrain qu'il avait laissé à l'abandon. Elle en avait fait une auberge, elle avait ouvert une route, et elle aidait à présent la région à se débarrasser d'un truand. Est-ce que tout ceci avait été prévu par Armand ?
Est-ce qu'il avait seulement souhaité qu'elle reste à Richmond ? Il n'avait pas mis Joshua sur sa route pour qu'elle vienne à lui. Joshua s'était trouvé auprès d'elle de façon fortuite, et il n'avait pas voulu initialement lui parler de son oncle, et lui aussi aurait aimé pouvoir contrarier ses plans.
Non, elle n'était pas obligée d'être l'esclave d'un mort. Elle s'était battue pour elle, pour ce qu'elle avait créé et ce qu'elle chérissait. Elle ne vivrait pas dans le rêve d'un inconnu. Elle se releva et sortit la dynamite du sac. Elle rajusta son écharpe pour masquer son visage et s'apprêta à retourner de l'autre côté.
Elle franchit à nouveau la limite entre la lumière du versant sud et l'ombre au-delà de la crête. Armand l'avait peut-être aidé pour qu'elle ait accès à une éducation, pour qu'elle se prépare à ce qu'il allait lui mettre entre les mains, mais jamais il ne lui avait demandé son avis. Elle avait reçu des lettres à sens uniques, auxquelles elle ne pouvait répondre, ses protestations s'heurtant au vide et à l'absence.
Elle se laissa glisser dans la poussière et les graviers. Elle ne devait rien à ce monologue inerte d'un mort. Elle était libre de choisir pour Pinewood. Elle se rattrapa sur ses pieds en bas de la pente et se releva, faisant face à l'entrée de la mine. Elle avait choisi de faire de Pinewood et du Mont Curtis un havre de nature et de paix.
Elle sortit le briquet de sa poche et commença à dérouler les mèches de la dynamite. Elle ne voulait pas que les miasmes de cette mine s'élèvent dans la forêt et soient transportés par la rivière jusqu'à Richmond. Elle ne voulait pas que l'on creuse plus profondément dans la montagne, qu'on rase sa forêt pour faire passer des engins et des équipes de mineurs.
Elle regarda les lourdes roches qui étaient entassées au-dessus de l'entrée de la mine. Elles allaient toutes lui rouler dessus. Il fallait espérer que la mèche soit assez longue pour qu'elle ait le temps de remonter de l'autre côté pour se mettre à l'abri. Ce serait la dernière fois que la montagne aurait à souffrir de la main de l'homme.
Elle détruirait l'existence de la mine et il ne sera plus jamais possible de l'exploiter. Elle observa les explosifs. Il y avait à peu près vingt mètres de fil. Depuis le premier bâton jusqu'au bout de la mèche.
Elle devrait avoir suffisamment de temps pour remonter vers le sud, si la crête ne s'effondrait pas elle-même. Dans ce cas, elle se retrouverait prisonnière au milieu des chutes de pierre et tout s'arrêterait là pour elle. Elle regarda l'obscurité de la grotte dans laquelle elle devait entrer pour poser les explosifs.
Elle pensa aux Irlandais et aux Richter. Elle n'avait pas envie de mourir ici, alors que personne ne savait où elle était. Elle n'avait pas envie d'être seulement une portée disparue dont on n'apprendrait jamais la raison de la mort. Cette idée la terrifia soudainement. Laisser derrière elle ses amis sans aucune explication...
Elle voulait rentrer à Pinewood et trouver une personne à qui elle pourrait se confier et partager ce lourd secret. Oui, la mort était bien trop proche pour vivre encore dans le silence et l'incompréhension. Elle ne voulait pas finir avec des phrases inachevées comme Joshua.
Elle alluma la lampe torche et entra dans la mine. L'air trop dense comprimait sa poitrine et ralentissait ses mouvements. Elle marcha sur une dizaine de mètres dans l'obscurité avant d'atteindre un trou dans le sol de trois mètres de diamètre. Elle passa le faisceau de sa lampe pour essayer d'en apercevoir le fond. Le puit faisait plusieurs dizaines de mètres de profondeur.
Elle plaça le premier lot de bâtons de dynamite juste au-dessus, puis revint sur ses pas en posant les explosifs sur les parois à égale distance de ceux du puits. Même si l'un d'entre eux n'était plus relié par la mèche, la détonation des autres entraînerait son explosion. Mais elle perdait de la longueur de mèche pour se mettre à l'abri.
Elle sortit de la mine et fit une dizaine de pas avant d'arriver au bout du fil. Il lui restait le triple à courir entre les gros rochers avant d'arriver à la pente.
Ses mains tremblaient en tenant la mèche. Elle déchira le tissu de ses poches de pantalon et s'en fit des bouchons d'oreille qu'elle mit immédiatement. Il fallait qu'elle rentre vivante, elle avait encore des choses à accomplir, des choses à dire.
Elle sortit son briquet et fit jaillir la flamme. Elle s'éleva de façon anormalement haute. L'air était donc bien chargé de gaz. L'explosion risquait donc d'être beaucoup plus puissante que prévue.
La jeune femme orienta son corps vers la pente qu'elle devait monter, comme un coureur qui attend le signal de départ. Elle regarda le ciel qui apparaissait comme une couche grise à travers la poussière de la vallée. Elle pouvait le faire. Elle pouvait s'en sortir. Elle avait un peu moins d'une minute pour passer de l'autre côté.
Elle alluma la mèche. La flamme, entraînée par la forte présence de gaz dans l'air semblait dévorer le fil à une vitesse hallucinante. Arlette se mit à courir. Elle vit la pente se rapprocher en entendant le sifflement de la flamme qui grillait le fil dans son dos. Le son se fit plus étouffé. Cela entrait dans la mine.
Elle commença à courir sur la pente sans même s'aider de la corde lorsque les détonations retentirent. Elle fut soudainement projetée par le souffle de l'explosion contre la montagne et des pierres volèrent de toutes parts. Le son fut si intense qu'elle n'entendit plus rien.
Elle continua de grimper sans se soucier des projectiles qui lacéraient ses jambes et ses bras à découvert, s'agrippant à la corde d'une main, cherchant des prises dans les rochers de l'autre.
Elle sentit le souffle de l'explosion qui retombait et le nuage de poussière qui suivait la rattrapa alors qu'elle approchait du sommet de la petite crête. Elle retint sa respiration dans la fumée brûlante et se laissa glisser de l'autre côté, roulant avec les roches jusqu'à ce que sa chute soit stoppée par un arbuste contre lequel elle s'égratigna.
Ses bras, son cou et son visage étaient en sang, mais elle était à présent en contrebas, alors qu'un épais nuage gris s'élevait en hauteur au-dessus de la vallée cachée.
Épuisée, elle se roula en boule pour éviter les pierres qui continuaient de tomber sur son passage. La moitié du contenu de son sac s'était répandu au sol dans sa chute, mais son fusil était intact.
Une colonne de fumée grisâtre s'élevait sur le flanc de la montagne. Les yeux irrités, la gorge en feu, la jeune femme essaya de se relever en titubant mais retomba à genou, incapable de tenir de debout. Elle n'entendait plus rien, sauf un sifflement persistant dans ses oreilles. Elle avait l'impression que la montagne continuait de trembler.
Elle se recoucha en toussant à en perdre le souffle. Elle ne pouvait pas rester ici, il fallait qu'elle retrouve ses affaires et qu'elle dresse un campement pour la nuit. Elle ne pourrait pas retourner immédiatement vérifier le résultat de son explosion de toute façon, il fallait qu'elle attende que la fumée et la poussière retombent.
Elle attendit quelques minutes que la terre se calme et releva la tête pour s'essuyer le visage avec sa manche. Elle n'entendait toujours rien d'autre que le sifflement dans ses oreilles.
Le soleil descendait en face d'elle, tandis que le versant nord-ouest était toujours dissimulé sous la poussière. Le vent passa sur la montagne et la poussière descendit sur la jeune femme. Elle se couvrit à nouveau le visage et se leva pour continuer sa descente.
Il fallait qu'elle trouve un abri avant que la nuit ne tombe. La pente était raide et rocailleuse, mais elle ne pouvait plus prendre le risque de glisser.
Elle marcha dans les miasmes de la mine en essayant de trouver un passage moins difficile pour rejoindre les arbres. Cette marche lui rappela la Guerre, les nuages de cendre et d'acier qui passaient sur les villages au large du front et qui apportaient avec eux l'odeur du gaz et des morts...
La jeune femme atteignit finalement la forêt. Dès qu'elle passa sous les branches, elle eut l'impression d'être protégée par l'ombre des arbres. Elle s'y enfonça aussi profondément qu'elle put et s'arrêta sous un taillis de fougères séchées où elle s'allongea pour respirer l'humus. Elle plongea sa tête contre le sol en bénissant la terre. Les odeurs de l'humus et de la résine chassèrent celle de la poussière.
Elle regarda alors ce qui lui restait du contenu de son sac. Evidemment, tout le riz et les biscuits s'étaient déversés sur la pente et feraient le bonheur des oiseaux. Sa lampe torche et sa tasse étaient aussi tombées. Il ne lui restait que son couteau, son pull, son briquet et le livre sur Marie Curie. C'était bien assez pour passer la nuit, pensa-t-elle. Les munitions qu'elle avait placé dans une poche à part étaient en parfait état.
Elle alla chercher du bois sec pour se faire un campement de fortune un peu plus bas sur une zone plate et y passa la nuit. Elle déchira les pages de son livre pour allumer un feu de brindilles sans plus prêter attention à son contenu.
Les bruits du crépitement du feu grandissaient peu à peu dans ses oreilles, jusqu'à ce qu'elle soit capable d'entendre le chant des criquets. Lorsqu'elle ferma finalement les yeux, elle pouvait entendre les chouettes dans la forêt.
Lorsqu'elle se réveilla le lendemain, elle se trouva frigorifiée et se mit à tousser. Le feu n'avait même pas duré la moitié de la nuit et elle n'avait eu que son manteau pour toute couverture.
Elle fouilla à nouveau son sac et regarda autour d'elle si elle ne pouvait pas trouver des baies ou des plantes. Peut-être un écureuil ou un oiseau feraient-ils l'affaire si elle arrivait à chasser. Son dernier repas remontait au matin précédent, il fallait qu'elle mange.
Elle descendit près de la rivière pour se laver le visage et trouva des myrtilles et de l'oseille qu'elle écrasa ensemble pour s'en faire une bouillie comestible. Elle vit sur l'autre rive le chien qui l'avait attendue et qui la fixait avec impatience. Pas tout de suite. Il lui restait une chose à vérifier.
Il devait être à peu près huit heure du matin lorsqu'elle repartit en direction de la mine. De grands nuages venus du Canada passaient dans le ciel alors que la brume masquait le lac au sud.
Elle marcha plus lentement, reprenant le chemin qu'elle connaissait à présent. Chaque effort lui était plus difficile, sa gorge était toujours en feu, et elle s'était réveillée avec des courbatures à cause de sa nuit sur le sol dur.
En remontant la pente, elle retrouva sa lampe et sa tasse en émail. Elles étaient presque totalement invisibles, couvertes de poussière, comme toutes les pierres autour. La jeune femme hésita à les ramasser, et finalement les laissa sur place. Elle ne voulait plus de cette saleté de poussière sur elle.
Elle arriva à la crête et peina à retrouver la corde qu'elle avait attaché la veille. Tout le paysage avait pris des teintes de vert, gris et rouille. La vallée n'était à présent plus qu'un vaste et profond champ de pierres. Pas une poutre, pas un morceau de bois n'apparaissait. Soulagée, la jeune femme soupira et se tourna vers le sommet du Mont Curtis. La neige à l'ouest était souillée du gris de la poussière.
On avait dû voir qu'il y avait eu une explosion à des kilomètres, pensa-t-elle. Mais au moins ce géant de roche était préservé.
En rentrant, elle ferait savoir qu'elle avait essayé de dynamiter un passage vers le nord pour faire passer ses bûcherons et qu'elle avait renoncé à cause de l'instabilité des pierres. Et si on venait vérifier, on ne trouverait jamais rien d'autre qu'un lit de cailloux bloquant le passage nord-ouest. Plus de mine, plus d'héritage secret de l'oncle Armand.
Elle pouvait rentrer à Pinewood et retourner s'occuper de ce qui comptait vraiment pour elle, son auberge et ses amis.
Le cœur léger, elle reprit le chemin de la rivière.
Série de photos historiques: L'état des montagnes décharnées des Vosges après la Grande Guerre
Dernière photo: Le Vieil Armand (nom de la montagne) Hartmannswillerkopf
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