Chapitre 14 | Partie 3: Bury Me Under The Weeping Willow

ARLETTE

Les chevaux partirent au trot dans les bois. Arlette chevauchait devant, ouvrant la voie. Elle retrouvait enfin ses bois sombres et humides. Ce sentier à peine visible au milieu de la végétation avait été le théâtre de tellement événements.

Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait quelque chose d'extraordinaire, qu'en passant entre ces fougères, elle franchissait une frontière invisible qui l'amenait dans le monde des fantômes, lui permettait de voir les lynx, les esprits de la forêt, et aussi de ramener des morts à la vie.

Elle se retourna pour voir si Henry arrivait à suivre. Avec les coups répétitifs du mouvement de la selle, il souffrait et avait du mal à se faire obéir de sa monture. Sa jument allait brouter à droite ou à gauche dès qu'elle sentait qu'il relâchait les rênes. Arlette s'arrêta et attendit qu'il arrive à sa hauteur pour prendre la bride de l'animal. L'homme paru soulagé.

— On n'est pas pressés, se justifia-t-elle.

—Vous connaissez bien le coin ?

—Je venais souvent poser des pièges un peu plus haut avec Joshua...

Il leva la tête vers les branches des pins. Il se souvenait de ce sentier. Il l'avait vu dans un rêve. Ou bien était-ce le souvenir brumeux du chemin qu'elle avait emprunté en le ramenant du lac qui se mélangeait à la masse nébuleuse et onirique de souvenirs dans son esprit. Il regarda la jeune femme qui avançait devant lui comme si elle l'entraînait dans un autre monde. Elle était à l'aise au milieu des bois, alors que le brouillard commençait à descendre entre les arbres, comme un rideau blanc qui tombait peu à peu, transformant les branches en formes noires et hirsutes.

Beaucoup de gens à Richmond auraient hésité à se balader en forêt par un temps pareil. Les vieilles superstitions indiennes sur les Wendigo qui hantaient les bois avaient survécu à la christianisation, et les légendes sur les esprits des bois étaient racontées par bûcherons s'il n'y avait plus d'Amérindiens pour leur insuffler de la vie. Elle continuait d'avancer, comme si elle n'avait nulle crainte du mur blanc dans lequel ils s'enfonçaient, comme si elle connaissait la moindre racine de ce sentier.

—Vous vous sentez chez vous ? Je veux dire... Pas seulement à Richmond mais ici en Amérique.

Elle se retourna rapidement et réfléchit. Est-ce qu'il allait la considérer comme une communiste ou une ennemie de la patrie si elle lui disait la vérité ? Elle chercha chez lui chercher un signe qui trahirait ses intentions, mais il avait simplement l'air épuisé.

L'idée de la Menace Rouge l'obsédait toujours lorsqu'elle s'adressait à un Américain. Que fallait-il dire ? Quels étaient les sujets à éviter avec ces gens pour ne pas être vue comme une dangereuse criminelle ? Au moins cet Américain-là méritait certainement autant la prison que n'importe quel communiste se rassura-t-elle cyniquement.

—Je crois que je me sens chez moi à Pinewood, j'ai toujours du mal à comprendre les gens de Richmond, et encore plus la politique de l'Etat, si vous me demandez si je me sens américaine. J'aurais moins de difficulté à me sentir de ces montagnes, de ces forêts, que d'appartenir à votre nation. J'y appartiens par extension, mais... Je me battrais pour cet endroit et pour les gens d'ici. Est-ce que ça fait de moi une citoyenne ?

—Ça manque un peu de nationalisme, commenta-il.

—Je vis très bien sans. Comme beaucoup de gens. Surtout après la guerre...

—C'est pour ça que vous avez choisi de vivre ici ? Parce que vous n'étiez plus attachée à votre pays après la guerre ?

Elle hésita à lui expliquer. En quoi est-ce que ça pouvait bien l'intéresser ? C'était la première fois qu'on la questionnait sur son attachement à la France. Elle ignorait que les questionnements du contrebandier sur l'existence d'autres coutumes, d'autres nationalismes étaient en réalité tout nouveaux.

—Non, je n'ai pas accepté de partir pour fuir, j'ai choisi de partir pour ce qu'on m'offrait ici. Un endroit où vivre simplement, où je devais construire par moi-même, sans compter sur l'influence de riches amis. Et un endroit où je pourrais continuer quelque chose laissé par ma famille. J'espérais en apprendre plus sur mon oncle... La guerre ne m'a rien laissé de mes parents, sauf les ruines d'une ferme qui avait servi pour l'exécution de prisonniers et quelques bibelots que j'ai vendus pour louer une chambre à Paris après l'internat.

—Vous avez fait des études ?

Elle se retourna, véritablement surprise.

—Pourquoi ça vous intéresse ?

—On va travailler ensemble, non ? Je ne bosse pas avec des gens que je ne connais pas. Normalement il me suffit de discuter un peu pour connaître la personne que j'ai en face de moi, mais plus je vous écoute et plus ça m'a l'air compliqué votre histoire, alors allez-y, continuez.

—Très bien... Mais vous devrez parler de vous aussi. J'ai étudié dans une école de filles, pour apprendre l'anglais. C'était mon oncle qui a toujours payé, sans que je le sache. J'ai toujours pensé que ma mère avait laissé suffisamment d'argent à l'école pour moi, même après sa mort. Comme j'étais naïve... Et vous ?

—Moi ? Assez pour lire et écrire. Qu'est-ce que vous avez fait après l'école, à Paris ?

—J'avais rencontré une photographe à une exposition. En discutant avec elle, j'ai obtenu le poste d'assistante dans son cabinet. Elle revenait d'un voyage aux Indes et en Chine. Je l'ai accompagné pendant plusieurs années pour sa tournée des villes d'Europe... J'étais son... assistante.

Assistante était un bien joli mot pour dire servante, pensa-t-elle. Elle était sa cuisinière, sa femme de ménage, sa coiffeuse, sa tailleuse, sa conseillère, sa confidente. Comment aurait-il pu en être autrement ? Elle n'était qu'une fille de fermiers, issue d'une vieille famille de sagards. Une question lui vint soudainement à l'esprit. Est-ce que Paula savait que son oncle Armand était un entrepreneur fortuné ? Etait-ce pour cela qu'elle avait immédiatement embauché la jeune Mangel ? Cette idée la fit frissonner. Derrière elle se posaient beaucoup plus de questions. Beaucoup trop de question. Elle reprit ses explications.

« Et en échange, elle me donnait assez pour vivre, et je pouvais voyager dans des endroits où je n'aurais jamais pensé mettre les pieds. J'ai visité Londres, Viennes, Florence, Berlin, toujours dans l'aristocratie locale le soir, et dans les rues pour prendre des photos le jour.

—Hum... C'est pour ça que vous n'êtes toujours pas mariée, conclut-il avec fatalité. Pourquoi ne pas avoir continué ?

Elle le regarda, vexée, puis reprit :

—Ce n'était pas moi qui faisais les voyages que je voulais, qui rencontrait les gens, qui découvrait et qui partageait. Je n'étais que l'ombre de cette photographe, et même si elle m'a appris beaucoup, je ne savais rien de moi-même, de ce que j'étais capable de faire, de ce que je valais. Alors quand j'ai reçu une lettre me disant que j'avais hérité d'un morceau de forêt et d'un peu d'argent de l'autre côté de l'océan, j'ai vite dit au revoir à tout le monde et je suis partie. Je voulais être indépendante, et j'avais entendu dire que c'était possible ici, si on avait les épaules assez solides et qu'on travaillait dur...

—Hum... Les femmes modernes parlent toutes de liberté et d'indépendance... grinça-t-il.

—Parce qu'on ne réalise l'importance des choses que lorsqu'on en manque ! C'est aussi la raison pour laquelle je ne me suis pas mariée. Je ne voulais pas qu'on me demande de passer mes journées à la maison pour m'occuper d'enfants.

Il ricana le dos vouté sur sa blessure.

—Dites plutôt que personne ne vous a courtisé quand vous jouiez la soubrette pour votre « amie ».

Elle sentit ses joues rougir et serra les poings.

—Je ne vous permets pas !

Il poussa un grognement qui s'interrompit brusquement lorsque son cheval buta contre une racine. Elle l'entendit dans son dos inspirer difficilement en sifflant entre ses dents.

—Oh si vous croyez que quelqu'un va attendre votre permission pour se moquer de vous, c'est que vous avez passé trop de temps à nettoyer la moquette dans vos salons mondains.

Elle n'en revenait pas. De quel droit se permettait-il soudainement de l'insulter ? Elle se retourna à moitié sur son cheval pour lui lancer un regard assassin, mais il était penché sur son cheval. 

Il sortit une cigarette du paquet qu'elle lui avait donné quelques jours avant et l'alluma maladroitement, toujours vouté en avant. Elle crut le voir sourire un instant. Il était satisfait, il espérant qu'en la vexant, elle ne lui poserait plus de questions. Elle ne laisserait pas ce rustre s'en sortir de la sorte.

—Et vous, pourquoi vous êtes devenu un contrebandier ? demanda-t-elle sèchement.

Il releva brusquement la tête. Il n'avait pas souri un instant, en réalité l'étirement de ses lèvres venait de sa crispation. Le trot du cheval semblait le faire frissonner de douleur à chaque pas. C'était peut-être dans la souffrance insoutenable qu'il avait parlé sans y penser. Elle sentit ses oreilles rougir de honte et se retourna vers le sentier. Elle ne s'attendait plus qu'à une réponse évasive, un bref grognement. Ils venaient de passer la tourbière et approchaient du lac.

Il fallait qu'il parle, se dit-il de son côté. La brûlure dans sa poitrine était insupportable, mais il fallait qu'il continue. Qu'il en arrive à Jessy, qu'il explique, qu'il comprenne pourquoi elle lui avait tiré dessus. Ce n'était pas pour mettre au courant une personne, c'était pour dire tout haut ce qui l'empoisonnait.

—C'est une entreprise familiale. Mon père distillait lui-même et faisait importer de l'alcool du Canada. Ça a toujours été plus rentable que d'élever du bétail, surtout si près de la frontière. Le Maine a été le premier Etat à expérimenter la Prohibition. Ça paraissait une merveilleuse idée, vous imaginez avec tous les culs-bénis qu'on a dans le coin. Et comme c'était le premier à instaurer la Prohibition, ça a été le premier à faire de la contrebande. Même si tout ça, c'est une vieille histoire qui se répète. Avant on prohibait l'alcool et les armes aux Amérindiens de Nouvelle Angleterre, histoire qu'ils soient plus « tenables » pour les colons. Il y a toujours eu des contrebandiers en Amérique. Ils ont toujours été là, comme les trappeurs, les puritains, les Français... Déjà à l'époque il y avait des Français pour compliquer les affaires, remarqua-t-il comme s'il s'en rendait compte.

Le sol des marécages était gorgé d'eau, ils durent faire un détour dans les bois plus broussailleux à leur droite et le récit d'Henry fut coupé par leur tentative pour échapper aux trous d'eau. Ils reprirent un passage plus large et stable entre les arbres et il put continuer :

« Mon frère aîné, Walter, devait reprendre l'affaire mais même avant la guerre, il filait un mauvais coton. Il avait déjà fait de la prison un an avant de rejoindre un camp d'entrainement et de prendre la mer, alors que mon autre frère Devin était dans la Garde Nationale en train de chasser Pancho Villa à la frontière mexicaine. 

Walter n'attendait que ça pour faire ce qu'il voulait, que Devin ne soit pas là pour lui coller le pied au cul. Quand il est parti au front avec Dev', notre père est mort d'une infection, une braise qui a volé dans son œil et qui n'a jamais été soignée. Quand ils sont rentrés, Devin est parti dans un centre pour être soigné, à cause d'un obus qui lui avait ravagé le visage. 

On ne l'a même pas reconnu au départ... Puis Walter est rentré et il a voulu reprendre les affaires. Il a ramené des types qu'il avait connu en France. Il a commencé à faire ce qu'il avait appris en Europe, tuer avant que l'autre vous tue. Sauf que ça ne marchait pas à Richmond. On a commencé à avoir des problèmes avec la police. Walter devait fuir avec sa bande. Betty était encore qu'une gosse, notre mère la protégeait, mais elle ne pouvait pas protéger la plus âgée, Jessy. Elle s'est enfuie avec des types de Portland. Et Walter l'a ramenée. Il a payé ce que ces types voulaient. Jessy a commencé à bosser pour sa bande, elle l'adulait...

— Et vous ?

— Moi ? Je voulais devenir gangster, c'était en 1920, j'avais dix-neuf ans. J'étais vraiment stupide, je pensais que mon frère était l'homme à suivre. Je laissais Danny seul à la maison avec Betty et notre mère, et je passais mes nuits à faire des matches de boxe clandestins dans des caves à Portland, puis dans d'autres villes. 

En quelques mois je me suis retrouvé à l'autre bout du pays, dans les pires endroits qui soient. Je voulais apprendre à tuer des types, comme mon frère. Je suis arrivé en Alaska sans m'en rendre compte, trainé par une dette de jeu depuis un bar de Seattle jusqu'aux chemins de fer entre Fairbanks et Anchorage, dans la glace. Là-bas c'était pas pareil, j'ai vu... Des choses différentes. »

Il s'arrêta pour fixer le ciel. Il avait du mal à reprendre son souffle. Arlette ralenti l'allure pour lui tendre une gourde d'eau. Il la saisit et en bu presque la moitié.

—Ca va aller ? Continuez, dit-elle simplement.

Elle était à présent intriguée par l'histoire d'Henry en Alaska. Est-ce que les hommes étaient condamnés à y être traités comme le Croc Blanc de London ? Etait-ce réellement l'enfer froid dont parlaient les reporters d'expéditions dans le Grand Nord ?

Henry lui rendit la gourde et reprit son récit :

—La journée, je bossais sur une ligne de chemin de fer à porter de l'acier, et le soir j'allais me battre pour de l'alcool et essayer d'éponger mes dettes. A Portland, il y avait plein de gars comme moi, partout dans le pays, des gamins voulaient jouer aux durs et se retrouvaient face à des vétérans de la guerre en manque de sang. Aucun de ceux qui n'avaient pas combattu ne tenait très longtemps face aux soldats, mais moi je faisais l'exception. Avec toutes les dérouillées que j'avais prises de Walter quand il rentrait ivre... J'avais appris à encaisser. Mais c'était rien comparé à l'Alaska... 

J'ai rencontré Joshua avant de partir pour Seattle, quelques mois avant que je me retrouve à Fairbanks. Il refusait de se battre contre un môme comme moi. Dans le milieu on l'appelait « Doc », parce qu'il avait rien à faire là. On savait tous que c'était un savant. Mais la guerre lui avait saboté le cerveau, et il n'arrivait plus à rester en place. C'était comme s'il n'y avait que les coups qui pouvaient lui remettre les idées en place. »

Ils arrivèrent sur la pente qui menait au lac. Il regarda autour de lui avant de continuer. L'air était froid et il régnait un silence étrange, comme si la forêt aussi l'écoutait. Il se rendait compte qu'il n'avait jamais parlé autant à une personne étrangère à sa famille. Peut-être même à une personne en général. Qu'est-ce qui lui faisait faire ça ? Était-ce parce qu'elle avait parlé d'elle-même avant ? Elle l'écoutait sans rien dire, regardant le chemin par lequel ils devaient passer, chevauchant toujours en tête. Elle se retourna vers lui comme il s'était arrêté de parler, et lui lança un sourire contrit. Il baissa la tête et continua :

« Et notre mère est morte. Elle a attrapé une pneumonie. Devin était sorti de l'hôpital rien que pour l'enterrement. Moi je suis revenu de l'autre bout du pays quand j'ai reçu une lettre de ma sœur Jessy. Je suis rentré à Richmond pour aider à la ferme, et je me suis retrouvé à nouveau dans les affaires de Walter. Sauf que sans les parents pour faire respecter la famille, les flics ont trouvé une bonne raison de débarquer. 

C'était en plein hiver. Walter a fui dans les montagnes, ne me laissant qu'un point sur la carte où il établirait son camp. Il voulait que je devienne un gangster comme lui. Que je rejoigne son gang. Je devais apporter des vivres à une date précise et franchir la frontière canadienne avec eux... Et puis il a fait accuser Devin de ses crimes. Ce salaud avait tout préparé pour que seul le nom de son frère apparaisse sur les documents écrits. Il en avait laissé une quantité indécente, n'importe quel enquêteur aurait compris que c'étaient des faux... Mais ça paraissait normal qu'un vétéran défiguré soit coupable. 

Alors je ne suis pas devenu gangster, je n'ai pas rejoint Walter. J'ai guidé les flics jusqu'à lui pour qu'ils l'arrêtent et relâchent Devin. Je savais qu'il ne tiendrait pas en prison, il avait besoin d'être soigné. Ensuite, dans les montagnes, en plein hiver... On a pisté Walter dans les sommets, tout près de la frontière... Dans sa fuite, il est passé dans un endroit où la neige n'était pas stable, et quand on a tiré pour essayer de l'arrêter, il y a eu une avalanche... 

Walter a disparu avec deux flics. Pour classer l'affaire, ils ont quand même coffré Devin pour complicité, même s'il avait passé son temps à l'hôpital depuis la fin de la guerre. Et Jessy ne m'a jamais pardonné d'avoir livré Walter. Pour elle, je l'avais tué de mes propres mains. Elle me voyait comme celui qui avait détruit notre famille. Alors qu'elle s'y était employée avec Walter pendant des années..."

—Combien d'années est-ce que Devin a passées en prison ?

—Trois ans...

—Vous avez fait ce qui était juste. Peut-être pas pour votre frère et votre sœur aînés, mais pour les innocents de la famille, Betty, Danny et Devin.

—Je vous raconte pas ça pour avoir votre avis sur le sens de la justice, grogna-t-il sèchement. Jessy ne l'a jamais compris, ou peut-être que ça ne lui plaisait tout de même pas. Elle n'a jamais pensé qu'à elle. A s'enfuir, à nous utiliser pour se faire de l'argent. Cette fois-ci, elle voulait prendre Betty avec elle pour ouvrir un... un commerce au Canada. Elle a pris tout ce qu'on avait de précieux...

Arlette s'arrêta. Il vit son regard était plein de fureur. Il lui retrouvait les traits de renard qu'il avait vus chez elle la première fois qu'il l'avait rencontrée.

—Alors pourquoi n'avez-vous pas tiré en premier ?

—C'est ma sœur... J'ai été assez faible et naïf pour penser que je pourrais la résonner et...

Elle baissa la tête, se rendant compte de la monstruosité de sa question.

—Vous croyez encore en votre famille. Je vous comprends. J'aurais aimé avoir encore un frère pour lui pardonner ses erreurs...

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