Chapitre 14 | Partie 2: Bury Me Under The Weeping Willow
ARLETTE
Après l'enterrement, les hommes d'Henry vinrent voir la veuve chacun leur tour pour lui présenter leurs condoléances, tandis qu'elle s'agrippait toujours au bras d'Arlette, tanguant comme le mât d'un bateau dans la tempête. Ces condoléances polies de la part des membres du groupe qui avait tué son mari lui étaient insupportables, mais elle les acceptait en baissant la tête et en restant silencieuse, résignée.
Parmi ces hommes, il y avait des complices, des témoins peut-être, qui avaient aidé à tuer Joshua. Et Margaret restait pourtant calme et polie, comme une reine bienveillante. Ses mains s'enfonçaient dans les bras d'Arlette, car c'était pour elle et pour le bien des Irlandais qu'elle laissait ces truands jouer leur numéro de proches contrits.
Cette comédie était nécessaire. Il ne devait plus subsister une ombre d'intentions belliqueuses chez eux, s'ils voulaient obtenir la confiance des hommes des Richter. En acceptant ce martyr, Margaret venait de se lier à tout jamais au clan de Pinewood. Arlette ne lui lâcha pas le bras un seul instant.
Les Irlandais vinrent à leur tour pour faire bonne figure et proposèrent à toute l'assemblée de prendre le repas de deuil à Pinewood avec eux. Shannon et Chelsea avaient préparé assez pour trente personnes. Pour eux, un enterrement était avant tout une fête, car il fallait conjurer la malchance, la tristesse et les regrets. Joshua était mort dans des circonstances sinistres et violentes, et il fallait donc le célébrer avec encore plus de zèle.
Après avoir entendu l'invitation, les contrebandiers se regardèrent avec hésitation. Comme pour détendre l'atmosphère, Devin tapa dans l'épaule de Kenneth et demanda à ce qu'on lui prête le violon une fois redescendus.
—Je n'ai peut-être plus qu'un œil, mais je sais encore jouer, brailla-t-il pour pousser les autres à se détendre.
Danny leva la main comme pour inviter tout le monde à partir vers les cabanes des Irlandais.
—Aller les gars, allons donc voir ce que vaut leur whisky irlandais !
Rassurés, les hommes commencèrent à se diriger vers la forêt. Arlette les regarda s'éloigner, soulagée. Pour une première fois, les deux groupes ne se mêlaient pas trop mal. La disparition d'Henry leur avait rappelé à quel point cette alliance était importante. Pendant trois jours, ils avaient vécu dans la peur du retour de Lloyd, ils avaient sentis son ombre revenir voler au-dessus d'eux comme un vautour.
Betty s'approcha de la Française et posa une main sur son bras. Son visage doux était devenu grave. Elle l'écarta un peu de Margaret et de Kenneth pour parler.
—Arlette, est-ce que tu as un peu de temps ? Je sais qu'on a été occupées avec l'auberge et l'enterrement jusqu'à présent, mais j'aimerais juste te parler quelque chose, dit-elle d'une voix qui faiblissait peu à peu.
Elle avait les larmes aux yeux.
—Betty, qu'est-ce qui t'arrive ?
—Est-ce qu'on peut aller à la maison et discuter ?
—Je... Je dois aller régler un problème de terrain avec ton frère. Est-ce que ça peut attendre ce soir ?
La jeune fille, déçue, laissa couler une larme le long de sa joue. Elle serra Arlette dans ses bras en étouffant un sanglot. Kenneth s'approcha et tenta d'intervenir en prenant une voix plus sympathique :
—Hé, Betty, tu viens avec nous ? On va manger dehors tant qu'il fait beau !
La jeune fille s'écarta de son amie et ravala ses larmes. Elle sourit timidement à Kenneth. Elle était heureuse de se retrouver à nouveau parmi eux. C'était comme si le clan de Pinewood était enfin au complet. Sans Louis, sans Joshua. Mais Arlette et les Irlandais étaient toujours là pour elle, et c'était une réjouissance en soi. Elle se tourna vers son frère qui venait de s'approcher de la Française avec impatience.
—Il faut qu'on y aille.
—J'arrive.
Elle serra l'épaule de Betty une dernière fois et se retourna vers Henry pour le suivre. La jeune fille les regarda s'éloigner, rassurée.
Arlette et Henry repartirent vers l'étable près de la rivière, marchant avec les autres convives. Elle avait envie de lui poser des questions, de lui demander si Betty allait bien, mais il lui sembla évident qu'elle ne lui avait certainement rien dit, et que même s'il savait quelque chose, il ne lui en parlerait pas.
Elle marcha donc silencieusement sur le sentier. Ils avaient choisi pour la cérémonie une clairière au sud de la maison, dans la direction inverse du lac, ce qui leur permettait de rentrer par l'étable, de seller les deux juments pour repartir à cheval. Arlette allait peu dans cette partie Sud de la forêt, mais c'était celle que les Irlandais avaient travaillée en premier.
C'est pour ça qu'elle avait été choisie pour l'enterrement. Ils avaient déjà tracés des sentiers à travers ses bois en évitant de couper tout arbre, enlevant seulement les buissons et plantes basses.
Le Révérant qui accompagnait la veuve un peu en arrière ne put s'empêcher de commenter l'ouvrage qu'ils avaient fait en quelques semaines de temps sur cette portion de bois. « C'est incroyable, ils ont réussi à préserver toute la sauvagerie primitive de la Nature tout en traçant une voie de civilisation en son sein. Voilà qui devrait donner à réfléchir à tous ces bûcherons qui rasent des forêts entières et sont responsables de la disparition d'essences anciennes comme celle des pins blancs... ». Arlette ne put s'empêcher de se retourner et de lui sourire. Elle aurait aimé que Joshua entende cela.
Il devait être midi lorsque Henry et Arlette arrivèrent à l'étable, laissant les autres convives se diriger vers le pré de l'auberge A présent qu'ils avaient quitté les autres, il régnait entre eux un silence gênant.
Le contrebandier découvrit les habitations en rondins des Irlandais et leur dortoir avec étonnement. Il ne s'attendait peut-être pas à un tel dénuement. Dans l'étable, les deux juments avaient déjà été sellées par Ronald avant la cérémonie. Elle hésitait à lui demander s'il avait besoin d'aider pour monter à cheval en le voyant regarder les deux animaux avec appréhension.
Il retira d'abord sa veste trop étroite avec difficulté, cachant une grimace de douleur, et vérifia son revolver dans son holster. Puis il prit la jument noire et tenta de lever le bras pour atteindre le pommeau de la selle mais sa poitrine le lança. Il posa une main contre la porte de l'enclos en attendant que la douleur passe.
Arlette posa un tabouret dans l'enclos, sans rien dire. Il aurait certainement refusé si elle lui avait proposé avant. Il l'utilisa comme marchepied pour se mettre en selle et elle l'imita. En passant par la porte elle décrocha le fusil qu'elle avait pendu au mur et mit son Stetson pour se protéger de la pluie qui risquait de tomber dans l'après-midi.
Elle aurait préféré profiter du banquet avec les autres, écouter ce que Betty avait à lui dire et enfin ouvrir la lettre de Joshua, mais il avait été décidé qu'ils iraient établir le passage pour les hommes d'Henry avant tout, et elle ne pouvait plus se soustraire à ses obligations. Il devait pouvoir modifier les endroits de passage de la frontière avec le Canada le plus rapidement possible.
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