Chapitre 3
Je n'arrive pas à y croire.
À peine dix-sept ans et je me dirige aux mondiaux de patinage artistique, tandis qu'Haïna, à quinze ans m'accompagne pour participer à la même compétition, en catégorie junior.
Cela fait seulement, et déjà huit ans que je glisse, saute, tourne et m'épanouis sur la glace. Ne cessant de m'améliorer chaque année. Haïna et moi sommes toujours dans le même club, avec le même coach, même si le travail dur fourni chaque jour nous inciterait à choisir un club plus ouvert professionellement.
Elle a tous ces sauts triples et son double axel, travaillant sur le triple. Tandis que j'ai tous les sauts triples, y compris l'axel que je vais tenter au mondiaux, et je travaille sur quelques quadruples, tentant le quadruple boucle, sur cette compétition.
Je ne comprends toujours pas comment nous avons fait pour en arriver là. Nous sommes partis de notre pays pour cette compétition internationale. C'est la deuxième compétition internationale pour Haïna, l'année dernière, toujours au junior, elle s'était classée septième, ce qui est déjà super.
Pour moi, c'est la quatrième compétition internationale, la deuxième en temps que senior. Je m'étais classée onzième, étant trop juste sur mes triples sauts, j'avais chuté. Mais l'année d'après j'avais décroché l'argent. Malheureusement, je n'avais pas eu d'or en étant junior. Et pour ma première année en senior, j'avais terminé sixième, face aux triples axel et quadruples de certaines autres compétitrices, que je n'avais pas encore.
Mais cette année je compte bien faire mieux, j'ai encore travaillé très dur, et je dois dérocher l'or. Je me le suis promis.
Pour ces mondiaux de patinage artistique, on reste deux semaines, la première étant pour s'entraîner, selon un emploi du temps très précis, et la seconde étant pour les nombreuses épreuves de cette compétition.
La première semaine début demain.
En attendant, Haïna, moi, et notre mère qui nous a accompagné, devons aller nous installer à l'hôtel. Nous devons notamment bien nous reposer car la semaine qui vient ne sera pas de tout repos.
La semaine d'entraînement passe vite et lentement à la fois. On est déjà samedi, c'est le dernier gros jour où on a la glace pour s'entraîner. Mais Haïna et moi avons pu travailler notre quadruple salchow pour essayer de le placer dans notre programme, à condition de le réussir pendant nos six minutes d'échauffement.
Ce soir on va sortir, visiter et un peu faire la fête pour déstresser de la compétition qui commence lundi. Haïna passe le matin pour son programme court, je passe le mardi matin. Et pour nos programmes libre on passe toutes les deux le jeudi, elle le matin et moi l'après midi. À condition qu'on ne soit pas éliminer après le programme court bien sûr, mais je ne m'inquiète pas.
La ville est super sympa de nuit, elle est éclairée pour les festivités, il faut dire que les mondiaux de patinage sont quand même assez influents et beaucoup de spectateurs sont présents. Ce qui explique pourquoi les rues sont bondées aussi tard.
On arrive quand même à trouver un petit restaurant avec Haïna et d'autres patineuses et patineurs avec qui on a sympathisé. Être rivales sur la glace ne signifie pas ne pas bien s'entendre. C'est par ailleurs pour nous laisser entre jeunes que notre mère a choisi de rester à l'hôtel. Enfin, je suis sûre qu'elle va passer une bonne soirée avec d'autres adultes.
On s'amuse et rigole jusqu'à pas d'heure. On évite quand même un peu l'alcool, ce qui ne sera pas forcément le cas après la compétition, même si la majorité de notre groupe est encore mineur.
C'est ces soirées pré-compétitions qui rendent souvent le voyage aussi intéressant. Ce ne serait certainement pas aussi cool si on restait tous de notre côté sans parler, à ne se croiser que sur la glace en tant qu'ennemis.
Le dimanche c'est systématiquement le jour de repos. Bien sûr on a un petit créneau de glace, mais on ne fait pas de quadruple ou d'éléments qui pourraient nous démoraliser si on le rate. J'évite notamment le triple axel qui me met souvent en difficulté. Haïna évite aussi le triple lutz, que je me permet quand même d'essayer, et de réussir.
Puis le lundi arrive, on se lève tôt avec ma petite sœur. Je l'aide à se préparer, comme quand on avait moins de dix ans, je la coiffe et la maquille moi-même. Puis elle enfile sa tenue de son programme court et on va assez tôt à la patinoire, même si elle passe vers la toute fin.
J'aime beaucoup sa tunique, je l'ai aidé à choisir le design, car maintenant on les fait faire sur mesure. Elle a une première partie, sur l'épaule et le bras droit dans les tons mauve, tandis que son bras gauche est transparent, et le reste de sa tunique d'un bordeaux assez clair. Les deux couleurs sont séparées par une rangée de strass.
Je reste avec elle avant son passage, je l'aide à déstresser et je l'encourage. Quand elle monte sur la glace pour son échauffement, je reste avec nos coachs. Après avoir réussi ces premiers sauts, elle essaie son triple lutz, qui est son saut difficile. Et elle le réussi, même si sa réception est un peu bancale.
Comme c'est le programme court, les femmes n'ont pas le droit de réaliser des quadruples sauts alors le quadruple salchow n'est pas la difficulté de jour.
Puis l'échauffement est terminé et elle doit attendre son passage. Je l'encourage une dernière fois et regarde son programme court. Elle réussit tous ses sauts, même le triple lutz qui passe sans problème, et ne fait aucune faute, je suis trop fière d'elle !
Après les applaudissements du public, il faut attendre sa note et je suis assise à côté d'elle. Je pense que je suis encore plus stressée que pour son passage, et elle aussi. C'est toujours comme ça.
Mais il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, elle bat son record de la saison et se classe première. Les autres filles qui passent après n'arrive pas à la dépasser, Haïna a fini première au programme court, et je suis sûre qu'elle réussira aussi jeudi !
On rentre le soir et on se couche tôt, demain c'est mon tour.
***
Je me tiens devant le public, en attente des premières notes de ma musique. Ça s'est plutôt bien passé pendant l'échauffement, je n'ai pas chuté sur mon triple axel. Et j'ai réussi mes sauts. Maintenant j'espère éblouir le public avec ma tunique bleue et dégradant sur le blanc, reflétant les couleurs de la glace.
La musique débute et je me lance. Je ne pense même plus au public, comme il m'arrive souvent. Il ne reste plus que moi et mon programme, ma musique. Mon premier saut arrive, le triple axel. Je fais ma préparation et saute.
Mince !
Je me suis mal positionnée. Avant de pouvoir le penser j'atterris sur l'arrière de ma lame et chute. Je me relève immédiatement, je n'ai pas de temps à perdre.
Je rattrape ma musique et reprends mon programme, oubliant ma chute et me reconcentrant que la suite. Je réussis mes autres sauts et j'essaie même d'obtenir des bonus en levant mes bras sur mon triple lutz. Puis j'arrive à ma pose de fin.
Ce n'est qu'en saluant le public que je me rends compte que ma chute va probablement me laisser un bleu. Je sors de la glace et essaie de me rassurer en me disant que peu d'autres filles ont le triple axel et que même en chutant j'ai plus de points que la valeur de base du double axel.
L'attente de ma note me paraît interminable. Le classement final encore plus.
Je me suis classée troisième au programme court. Ça pourrait être largement pire, mais si je veux avoir une chance de décrocher l'or, il va falloir que je travaille mon triple axel et mes deux quadruples dans le peu de temps de glace qu'il me reste avant jeudi.
***
Le temps est arrivé. Haïna est sur le point de passer, elle est la dernière de sa catégorie à passer puisqu'elle s'est classée première au programme court. Elle avait réussi son quadruple salchow à l'échauffement.
Elle rentre alors sur la glace, revêtit de sa tunique dans les tons gris et bleu foncé, avec une sorte de lacet liant le devant et le derrière au niveau de ses côtes gauche.
Elle passe et ne chute sur aucun élément, même si la réception de son quadruple est bancale, ce qui lui coûtera probablement un malus.
Mais sa note nous indique immédiatement qu'elle a obtenu la médaille d'or de sa dernière participation aux mondiaux en tant que junior.
C'est alors mon tour de passer, après avoir mangé. J'ai revêtit ma tenue, une combinaison noire avec quelques bandes de cuir, toujours noires. Elle n'est pas colorée mais elle est juste parfaite pour son programme, et je me remarque de toutes les autres, car une combinaison pour une femme est super rare.
L'échauffement arrive, et je réussis mes trois sauts compliqués, le triple axel, le quadruple salchow et le quadruple boucle. Je suis rassurée et peut-être que j'ai aussi intimidé mes rivales.
Puis je passe.
J'attends le début de ma musique, qui me guide au travers de la patinoire. Et je pars pour ce programme libre, qui va me demander d'être endurante.
Encore une fois mon triple axel est mon premier saut, que je réussis. Puis j'ai une première séquence de pas, avant mon quadruple salchow. Mon deuxième quadruple est placé en deuxième partie, je le réussi assez souvent pour prendre le risque, puisque la valeur de base des sauts augmente de dix pourcents lorsqu'ils sont placés en deuxième partie.
Je ne fais qu'une avec la musique, mon expression s'incruste dans le moindre de mes gestes, jusqu'au bout des doigts. Et mon élément préféré de mon programme, le cantilever, arrive, joignant la première et la deuxième partie.
C'est un mouvement très compliqué mais tellement beau et agréable que je me suis sentie obligée de la placer dans mon programme.
Puis je commence ma deuxième partie, avec mon quadruple boucle que je réussis, même s'il n'est pas parfait. J'enchaîne avec la deuxième pirouette de mon programme. Puis j'ai ma deuxième séquence de pas.
Enfin arrive ma dernière pirouette, la biellman.
Je commence en pirouette allongée, puis je fais mon changement de pied, passant en pirouette cambrée. J'attrape la lame de mon patin droit avec ma main droite, restant ainsi courbée pendant quelques tours. Puis je lève mon pied droit au dessus de ma tête, attrapant au passage la lame avec ma main gauche, afin d'arriver dans la position de la pirouette biellman.
Puis j'arrête ma pirouette, et achève mon programme libre avec mes pas m'amenant à ma pose de fin.
Je suis vachement essoufflée, et contente, et fière. C'est la première fois que je réussis aussi bien mon programme libre. Et me relevant de ma pose de fin et en saluant le public, je vois que le million d'étoiles que j'avais dans les yeux en regardant du patinage artistique, je les revois dans les yeux des spectateurs.
Je salue, et sors, allant attendre ma note. J'ai battu mon record personnel et le record du monde !!! J'ai beaucoup de mal à y croire, j'ai encore réussi à accomplir une nouvelle chose.
Mais les minutes qui suivent sont d'un stress intense, étant donné que deux autres patineuses pouvant se classer devant moi sont en train de passer.
Mais non, je reste première. Et c'est à mon tour de décrocher l'or.
La remise des médailles arrive, je n'arrive pas à y croire. Haïna et moi avons toutes les deux déroché l'or.
En montant sur le podium, je me rends compte que le million d'étoiles visibles dans les yeux du public se déplace vers mon cœur. Et je suis sûre qu'Haïna a ressenti la même chose, en fin de matinée, quand elle était à ma place. Elle avait aussi un million d'étoiles dans son cœur.
Et dire que l'année prochaine, une seule de nous deux pourra se tenir à cette place.
Nous serons rivales.
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