4. Photo n°4 - MiseS en abime d'un artiste et de son sujet
Un kilomètre et demi en une heure de nage. Camille n'était pas mécontent de sa performance. Une fois toutes les semaines ou au pire, tous les quinze jours, l'adolescent se rendait à la piscine, histoire d'améliorer sa brasse et son crawl. La natation avait plusieurs avantages non négligeables. Déjà, il s'agissait d'une activité sportive, ce qui était particulièrement conseillé à un jeune organisme en pleine croissance. Ensuite, rien de tel qu'un peu d'exercice pour s'assurer un ventre plat, et celui-là était sans aucun doute un des plus efficaces et complets pour atteindre cet objectif. Non pas que Camille cherchait à se muscler, sinon, il y serait allé tous les jours. L'idée était bien plus d'affiner son corps, afin de s'approcher le plus possible d'une silhouette féminine.
Enfin, et par le plus grand des hasards, la piscine se situait à cinq minutes à pieds à peine des locaux de l'association LGBT que Camille fréquentait depuis le collège. Le détour ne coutait pas grand-chose et permettait au lycéen aux yeux bleus de passer faire un petit coucou souriant aux personnages hauts en couleur qui peuplaient ce petit refuge, avec leur dose de bonne humeur et de boissons chaudes pour réchauffer leurs corps autant que leurs cœurs. Et forcément, on y trouvait toujours quelques oreilles attentives pleines de bons conseils.
Les allées et venues de Camille variaient au gré des saisons et de son état moral. Joyeux, dynamique et assumé, il ne ressentait pas le besoin de venir se ressourcer auprès de ses semblables. Seul, mal dans sa peau, la tête pleine de questions, il y allait le plus souvent possible, ce qui avait fini par intriguer son père, curieux devant le besoin qu'avait son fils à aller trempouiller dans une piscine à plusieurs kilomètres de leur foyer, quand une autre très bien se situait à peine à cinq cents mètres de chez eux. En ce mois de novembre ou les éclaircies chassaient les nuages et inversement, le goût de la natation s'était montré particulièrement vivace. Et une fois encore, ce fut les cheveux mouillés, le cou sentant un mélange de chlore et de son déodorant préféré et le ventre vide que Camille poussa la porte du petit local, avant de se faire accueillir joyeusement par une voix roque et féminine.
« Camy ! Comment tu vas ? Je te sers un chocolat chaud, comme d'habitude ? Jordan a ramené une nouvelle machine et des capsules, tu vas voir, c'est super bon ! »
Cette chère Raymonde ! Un rayon de soleil qui trimbalait son « e » à la fin de son prénom depuis seulement sept ans. Immédiatement, Camille passa derrière le comptoir pour lui sauter au cou et lui claquer une bise.
La femme, maintenant à la retraite, était une habituée qui avait énormément fréquenté les lieux au moment où, ses enfants déjà grands, elle avait décidé de réaliser sa transition. Par chance, sa femme aimante et ménopausée l'avait soutenue et encouragée. Dans son genre, l'épouse en question ressemblait à une vieille mémé bourgeoise avec sac à main, petit chien et jupe en tissus démodée. La surprise surgissait dès lors qu'on lui demandait ses opinions politiques. Elle était anarchiste, et tous ces petits cons qui la faisaient chier pouvaient bien bruler, elle n'en avait rien à péter. Alors, si son Raymond voulait aider à foutre encore plus le bordel dans cette société qui partait en couilles, elle voulait bien qu'il foute les siennes dans un bocal et lui apprendre la position sexuelle ancestrale des ciseaux, dont elle était passée maîtresse dans sa jeunesse avant de se marier à un vieux plouc. Le vieux plouc avait apprécié le message et s'était gentiment inscrit sur la liste d'attente d'un bloc opératoire. Et maintenant qu'il était devenu elle et qu'elle avait touché ses droits à la retraite, Raymonde trouvait tout naturel de rendre au monde associatif ce que ce dernier lui avait apporté. Depuis, elle était préposée à l'accueil, ce qui avait laissé plus de temps à Yves, le fondateur de cette petite association locale, pour mener des interventions dans les lycées et entreprises de la région afin que les droits des LGBT sois mieux connus et défendus.
Camille adorait cet endroit, de ses murs colorés à ses poufs pour s'installer confortablement jusqu'à toutes ces brochures dont il prenait souvent un paquet dans son sac pour les abandonner au hasard dans des magasins. Le lieu avait été conçu pour que ceux y entrant s'y sentent bien et puissent y trouver les conseils et l'attention qu'ils recherchaient et méritaient. La majorité des visiteurs se composait de jeunes homosexuels en froid avec leur famille, de quelques curieux de tous âges, de militants assez vindicatifs et de concernés par les questions de transidentité, certes minoritaires mais dont les besoins étaient supérieurs à la moyenne. Outre Raymonde, Camille adorait discuter avec Jean, la trentaine, anciennement Jeanne, un FTM – female to male – dans le jargon. Barbes, tatouages de dragon sur le torse et le reste du corp, muscles, crâne rasé, poils, opérations chirurgicales, voix roques et prothèses bien placées, Jean avait accompli sa transition à la perfection. Bien malin celui capable d'affirmer au premier coup d'œil qu'il possédait deux chromosomes « X » dans son code génétique. Son modèle ? Buck Angel. Connu dans le milieu du hard comme l'homme avec un minou. Il avait d'ailleurs beaucoup parlé à Camille de ce pornstar quand l'adolescent s'était lui-même interrogé sur le devenir des zones génitales dans une transition complète. Question qui forcément se posait pour tous ceux qui se sentaient concernés par une confusion des genres.
« Moi, j'me suis fait ligaturer les trompes et j'ai fait de la chirurgie pour que ça ressemble à une bite, mais Buck, lui, il a conservé tout l'attirail. J'ai des vidéos à la maison, si tu veux, je peux te les prêter ! »
Camille avait poliment repoussé la proposition. Il était encore mineur – à un âge ou on avait encore légalement le droit de pratiquer le sexe mais surtout pas de le regarder – et avait déjà internet à la maison, au cas où la curiosité était trop forte. Ce qui fut le cas, mais il ne s'en venta pas sur tous les toits.
Enfin, quand Jean n'était pas là, Camille se rabattait volontiers sur Jordan – le jeune amant d'Yves, très impliqué au quotidien, et sur Raymonde. Au premier, il racontait ses problèmes de couple, au second ceux qui avaient plus à trait avec son identité et aux réactions toujours plus stupides des autres. Ces derniers temps, les discussions tournaient toujours autour des mêmes sujets.
Suite à l'accident de la photo, l'adolescent avait accepté de se calmer et de rejoindre l'appartement de son petit ami pour se réchauffer avec lui sous la douche. Il n'avait pas voulu entendre la moindre explication ou justification sur la scène qui lui avait brulé les yeux. Si c'était simplement de l'art, tant mieux, mais la chose avait été bien assez désagréable à regarder comme ça sans en rajouter une couche et prendre le risque d'une nouvelle dispute. Nerveux jusqu'au bout des doigts de mains et de pieds, Cléo s'était mordu la langue en essayant de trouver les mots, avant de lâcher l'affaire après s'être explosé la main en cognant contre le mur. C'était sa manière « calme » à lui d'être énervé, ce qui ne donnait pas vraiment envie de goûter à la version la moins sage. Du coup, l'abcès n'avait jamais vraiment été crevé et Camille était resté seul comme un couillon avec ses doutes et ses interrogations.
Le lycéen restait furieux, autant contre Cléo que contre Mikaël, même si, suite à l'épisode, ce dernier s'était directement enfermé dans sa chambre pour chouiner, preuve qu'il était sans doute plus une victime qu'un coupable dans cette histoire. Mais cela n'était rien à côté de la colère que Camille ressentait pour lui-même. Les mots qu'il avait prononcé sous la pluie, il les pensait, et se sentait sale pour ça. Un immense bordel s'était glissé de manière pernicieuse dans sa tête, et il en souffrait. Une chose l'angoissait plus que tout : la perspective de ne plus suffire et de ne plus plaire à son petit ami. Jordan l'avait rassuré au mieux : à son âge, qu'un couple aussi particulier qui avait commencé par un flirt dure plus d'un an, cela ressemblait fort à un petit miracle. C'était la preuve d'une affection sincère, qui devait forcément être partagée. Il ne fallait pas s'en faire : Cléo n'avait pas de raison de regarder ailleurs.
Camille n'était pas entièrement convaincu. Son mec était ouvertement bi, dans le sens où il n'avait rien contre faire des choses avec des mecs, peut-être plus par habitude que par goût, mais s'excitait comme un clébard devant une paire de nibards. Et lui était plus plate qu'une planche à pain. En évoquant ses craintes, le lycéen avait laissé s'échapper quelques larmes. Il culpabilisait. Sa plus grande peur se résumait en quelques mots, qu'il gémit nerveusement, la tête fourrée entre les bras de Jordan :
« Il mérite mieux qu'une chieuse comme moi... »
Le bénévole eut bien du mal à calmer cette petite crise, symbole que, finalement, les couples LGBT sont on ne peut plus normaux, connaissant et subissant les mêmes tourments que les couples hétérosexuels classiques.
L'autre sujet qui revenait à chaque fois découlait du premier et relevait du domaine de Raymonde. Obnubilé par sa poitrine et son corps qu'il passait son temps à accepter puis à rejeter, Camille avait profité de ses différents passages pour réfléchir sur la notion de transition. C'était une décision lourde qu'il avait du mal à aborder sereinement. Mais les moqueries, ses craintes et son malaise le poussaient à y songer. Il n'avait que seize ans, tout du moins jusqu'au mois prochain. La législation l'autorisait à suivre un traitement, mais étant toujours mineur, la validation d'un tuteur restait nécessaire. Ce qui semblait hors de propos. Camille n'avait pas le courage de confronter son père sur cette question délicate. Acheter et mettre des robes était une chose. Faire un pas en avant vers le troisième sexe en était une autre. La peur d'un refus bloquait toute tentative de discussion. Mais ce qui au début ne relevait que d'un simple questionnement s'était rapidement transformé en obsession, puis en besoin. Suffisamment important pour que Camille se renseigne sur le net sur les médicaments disponibles et les moyens de se les procurer sous le blouson afin de commencer un traitement.
Cette perspective posa très rapidement un cas de conscience aux membres de l'association mis au courant de la démarche. Quel était leur rôle ? Pouvaient-ils se permettre de juger ?
Leur mission se résumait normalement à orienter les personnes se posant ce genre de questions vers des médecins amis, habitués à traiter ce type de problèmes. Mais si un visiteur refusait pour des raisons personnelles de consulter ? Que fallait-il décider ? Laisser souffrir, ou accompagner ? Yves avait été très clair : « On ne sort pas du cadre avec les mineurs. On a suffisamment de parents sur le dos qui ne supportent pas ce que sont leurs gosses pour risquer en plus de se prendre un procès en aidant un jeune à se procurer des hormones. Je vous rappelle que le passage chez le psychiatre est une étape obligatoire de tout processus de transition. On ne parle pas d'un piercing, là, mais d'un changement profond d'apparence ! »
Ce à quoi Raymonde avait répondu de manière encore plus claire. « Je ne laisserai pas une gosse faire ses conneries dans son coin au risque de se faire de mauvaises fréquentations et surtout d'avaler n'importe quoi. Si Camy me demande mon aide, j'accepterais de la lui apporter. En dehors du local, en prenant sur mon propre traitement s'il le faut. »
Lorsque l'adolescent tint pour la première fois dans ses mains une boite d'Androcur, son corps se vit parcourir de nombreux frissons, signe d'une peur sincère doublée d'une certaine excitation. À chacun de ses passages à l'association, Raymonde lui remit ainsi discrètement plusieurs œstrogènes et médicaments, toujours dans des quantités très limités, avec pour seule consigne qu'il était question ici « d'essayer » et de « contrôler avec parcimonie la sécrétion d'hormones masculines », afin que Camille puisse, le jour venu, affronter famille et docteurs en ayant déjà en tête ce qu'impliquait la prise d'un traitement complet. Bref, plus qu'une transition, un simple petit coup de pouce pour se sentir bien. Le premier cachet passa plutôt bien, comme les suivant, apportant peut-être plus un effet placébo qu'un véritable changement dans son corps.
Toujours est-il que le chocolat chaud que Raymonde servit à Camille en cette fin novembre était d'autant plus agréable qu'il s'accompagna, une fois encore, d'un petit sachet que l'adolescent glissa rapidement et discrètement dans son sac à dos, entre son téléphone portable, son maillot et sa serviette.
En ressortant du local, Camille décida de marcher un peu en longeant la ligne de bus, histoire de profiter de la fraicheur de l'automne et d'une légère éclaircie emmitouflé dans sa doudoune bleu marine. Certes, c'était toujours le bordel dans sa tête, mais au moins, il pouvait lâcher sans peine un soupir souriant. C'était son choix, à lui seul. Son secret, aussi. Il ne voulait pas en parler à ses proches. Pas encore. Pas tout de suite. Pas avant d'avoir pu assez avancer pour leur prouver que c'était la bonne solution et que cela ne changeait rien. Qu'il restait le même être humain, celui que Jean-Marc avait enfanté, que Margot avait consolé et dont Cléo était tombé amoureux. Certes, il en aurait bien discuté avec sa meilleure amie, mais cette dernière ne lui accordait plus la même attention depuis qu'elle s'était trouvé un petit copain. Et elle lui avait caché des choses. C'était une juste vengeance.
Se perdant dans ses pensées, Camille en oublia la rue et les passants, multitudes d'anonymes sans nom qui peuplaient un paysage bien plus froid et gris que la chaleur des hormones qui s'activaient dans son corps. Il leur passa devant sans même les regarder, ce qui eut pour effet d'en agacer un en particulier, qui s'était arrêté comme un piquet, mains dans les poches, en le voyant arriver et qui l'invectiva sévèrement de derrière son dos :
« Tu pourrais me dire bonjour, Camille, merde ! »
Reconnaissant la voix, l'adolescent sursauta et se retourna. Il se sentait intensément gêné et bredouilla une excuse maladroite à son interlocuteur.
« Oh, Gabriel... Pardon, excuse-moi, je ne t'avais pas vu, j'étais en train de réfléchir... Mais... Qu'est-ce que tu fais là ? T'étais pas censé être à Paris pour tes études ? »
Si, il était. Et d'ailleurs, là, il n'avait qu'une envie : y retourner au plus vite squatter le minuscule appartement du blond de service histoire de reprendre ses activités artistiques et de passer un peu de bon temps avec ses potes parigots avec qui il jouait au hand au collège. Surtout celui pété de thunes avec qui il se marrait bien quand ils se promenaient jusqu'à pas d'heure dans les rues de Paname.
S'il s'était pointé ce samedi-là dans la région du Rhône, cela avait été pour deux raisons. La première : déjeuner avec sa mère. Il la voyait au moins deux fois par mois, et si la plupart du temps, c'était elle qui montait, cela arrivait naturellement à l'artiste de redescendre. La deuxième : conclure une dispute qui durait depuis plusieurs semaines au téléphone et sur les réseaux sociaux. En bref, être traîné de force au café préféré de Cléa pour mettre les points sur les « i » à propos de leur relation.
Comme attendu, la jeune étudiante reprocha à son ex de s'être cassé et de ne presque jamais revenir. Elle voulait bien passer sur les activités récréatives qu'il menait dans la capitale et qui nourrissaient son inspiration, mais il n'était pas obligé de poster sur son mur tous les dessins de ses muses, dont certaines avaient le tort d'être particulièrement belles, en plus de celui de facilement ouvrir les cuisses quand on savait s'y prendre pour les charmer. Gabriel ne niait pas. Réussir à faire poser une nana à poil, forcément, nécessitait un peu de savoir-faire et de persuasion. Une fois qu'elles étaient nues pour autre chose et qu'elles en avaient bien profité, il était plus simple de se poser avec un crayon. Quand ce n'était pas l'inverse qui se produisait : la peinture d'abord, le pinceau frétillant après. Cela dépendait des filles. Mais en vérité, il ne couchait pas avec toutes. Juste avec la majorité. Enfin, Cléa pouvait parler, elle n'était pas en reste ! Gabriel avait bien vu la vidéo qu'elle avait uploadée, et il n'était pas stupide au point de croire que cinq mecs nus en laisse qui se faisaient peindre le corps par une artiste en petite tenue devant une caméra était une performance parfaitement dénuée de toutes arrières pensés. La réflexion horripila Cléa. Elle ne s'en était tapé que deux sur les cinq, et encore, avant la réalisation de cette œuvre complète et novatrice qui lui vaudrait à coup sûr un prix si elle trouvait un concours où la présenter. Deux potes de fac en plus, l'un facilement amoureux, l'autre facilement influençable. Les autres étaient des modèles professionnels qui posaient moyennant finance et qu'elle avait dû payer de sa poche pour cette réalisation.
« Bref, si t'es jaloux, remets-toi avec moi et viens plus souvent ici. Avec l'expo qui approche, un peu d'aide ne sera pas de refus ! »
Une fois encore, et comme à chaque fois qu'ils se parlaient par téléphone ou sur Skype – ce qui arrivait plutôt souvent – Gabriel refusa. Il était majeur – depuis septembre – et vacciné – depuis l'enfance – et il tenait à sa liberté retrouvée. Si on lui demandait s'il aimait toujours Cléa, la réponse était sans doute oui. Cette fille avait compté et comptait toujours pour lui. Partir pour Paris avait été une décision difficile à prendre. Pour autant, il n'était pas triste. Il avait passé une année de terminale merveilleuse avec elle et en gardait d'excellents souvenirs autant qu'un attachement sincère et inaltérable. Mais il avait été accepté dans une formation d'excellence. C'était son avenir, son devenir d'artiste et sa liberté qui étaient en jeux. Il en avait besoin. Il devait se forger des expériences et vivre. Ce qu'il résuma assez simplement en terminant la dernière gorgée de son Orangina :
« Reviens dans dix ans, on fait des mômes et je t'épouse. Mais en attendant, lâche-moi la grappe avec ça, Cléa. Ça nous est profitable à tous les deux. Par contre, si t'es libre ce soir, j'dis pas non. T'es libre ? »
La réponse arriva d'un coup, sous la forme d'une gifle doublée d'une insulte, que Cléa avait lâché en se levant brusquement et en attrapant son blouson.
« Connard ! J'te laisse payer l'addition ! »
Gabriel avait trouvé la réaction un peu abusée. La dernière fois, quand Cléa était venue sur Paris pour lui faire une scène et lui montrer les photos de son frère, elle n'avait pas dit non. Ce qui avait été d'ailleurs une sacrée rigolade de faire ça en douce dans les toilettes du café où ils s'étaient retrouvés. Quand bien même le bruit qu'ils avaient fait leur avait valu de se faire bannir ad vitam aeternam du lieu en question. C'était le problème avec l'électricité entre deux personnes. Souvent, elle passait trop bien, provoquant de belles décharges. Et puis parfois, c'était le court-circuit. Sans doute que sa plus belle histoire d'amour était à court de liquidité à cause de la fin du mois, et qu'elle avait réagi aussi nerveusement pour trouver une bonne raison de ne pas faire cinquante-cinquante. On se rassure comme on peut.
Voilà donc comment Gabriel s'était retrouvé plus léger de dix euros à errer dans les rues de Lyon sans but dans l'attente de son retour en train prévu pour le lendemain. Situation qui l'avait mis plutôt de mauvaise humeur, rien n'étant pire aux yeux d'un artiste que l'ennuie. Quel con il avait été, aussi, de ne rien prévoir pour la soirée, dans l'espoir qu'après la dispute réglementaire vienne le réconfort habituel.
Tomber sur Camille lui apparut donc comme une véritable chance qui éclaira ses yeux bleus maya. Renseignement pris, le jeune androgyne avait un trou de plusieurs heures à combler avant de se rendre à la colocation de Cléo pour le diner et la nuit. L'artiste n'avait rien de prévu non plus. Une proposition pas du tout innocente fusa immédiatement :
« Ça te dirait de me servir de modèle ? On fille chez ma reum, elle ne rentrera pas ce soir et j'ai toujours accès à mon petit atelier ! Attends, tu ne peux pas refuser ! Je connais Cléo, je sais qu'il va craquer si je lui offre un « Gabriel Original » signé et daté avec toi comme sujet ! Bon, en fait, je crois qu'il n'en a rien à foutre de la signature, mais là, j'ai eu une idée de fou dans le train, et ça me soule de devoir attendre de rentrer sur Paris pour demander à Kilian de baisser son calbut ! »
Tout d'abord pris de court et gêné, le lycéen commença par refuser, avant de se raviser devant les arguments de son interlocuteur. C'était vrai qu'il avait déjà accepté de poser une fois, en seconde, alors que Gabriel illustrait un roman dont un personnage s'inspirait de sa personne. Malgré ses peurs, la séance s'était particulièrement bien passée. De plus, l'artiste avait un sacré coup de pinceau. Camille se souvenait encore d'un dessin en particulier qui lui avait particulièrement plu. Et le tout en une seule petite heure ! Alors en trois, Gabriel pouvait sortir une petite merveille. Un tel cadeau ne pouvait que plaire à Cléo ! Ou pas. Mais il n'y avait qu'une seule façon de le savoir.
Camille était d'autant moins fan de son corps que d'autres semblaient le trouver magnifique. Enlever son jean pour afficher sa culotte en dentelle fut un moment compliqué et un peu humiliant. Se débarrasser du sous-vêtement et montrer la zone parfaitement épilée qu'il contenait fut douloureux. Sortant de la piscine, Camille n'avait pas pris le soin de se remaquiller ou de se féminiser. Sans ses vêtements, il était dans un état de neutralité absolue. Son genre n'était que le reflet du regard des autres. Restait cette protubérance que l'androgyne n'aimait pas montrer. Gabriel, lui, ne cligna même pas d'un œil. Des bites, il en avait vues et gribouillées d'autres. À force, il s'était même mis à dessiner à ses heures perdues une petite série de strips comiques en style manga-yaoï mettant en scène les ébats homosexuels d'un brun grognon et pervers et d'un blond niais et obsédé. Toute ressemblance avec la réalité étant tout à fait non fortuite. La petite série lui avait quand même permit de pécho une fille qui passait par là et qui avait fangirlé à mort. Ce qui avait doublement énervé le blond, d'une part parce que c'était son intimité qui était moquée et jetée en pâture sur le net, ensuite parce qu'il ne supportait pas qu'on fangirle plus que lui sur les dessins de son artiste préféré.
Laissant son modèle du jour s'installer sur le drap blanc du clic-clac, Gabriel revint rapidement de la cuisine avec un verre de lait et une assiette de cookies qu'il posa machinalement sur un tabouret à côté du lit. Quand Camille lui demanda à quoi cela pouvait bien servir dans la composition, l'artiste s'arrêta de respirer pendant dix bonnes secondes à la recherche de la réponse, avant de simplement hausser les épaules et lâcher un « Bof, déformation blondinienne. Fais-toi plaisir, c'est pour toi ! »
Obéissant, Camille attrapa un biscuit et but une gorgée du liquide blanc. L'ambiance était agréable. Une lumière tamisée, un petit fond musical discret et un oreiller. L'adolescent n'avait plus qu'à se laisser aller, l'artiste s'occupait de tout, comme le manipuler avec délicatesse pour lui faire prendre la position voulue, proche de celle du tableau « Olympia » d'Edouard Manet, à cela près que la main censée couvrir la fleur s'était retrouvée à la place délicatement posée sur la cuisse.
Armé d'un large panneau horizontal qu'il sortit d'une armoire et de plusieurs tubes de gouache, Gabriel se mit à peindre à toute vitesse. Parfois, il accélérait en donnait de grands coups de pinceau. À d'autres moments, il se posait sur des détails qu'il fignolait avec une précision folle. Avec le peu de temps qu'il avait devant lui, il fallait qu'il se dépêche pour réaliser son œuvre. Son idée lui semblait géniale. Il l'avait eu en fouillant sur une application de peinture et en tombant sur un tableau de Picasso peu connu qui l'avait ébloui avec ses teintes blanches et ses motifs bleus, tout en lui semblant inachevé. « Painter at Work, Mougins » était le nom de l'œuvre. Elle représentait l'artiste, sous des traits abstraits, en train de peindre une toile, blanche pour l'occasion. C'était là qu'il manquait quelque chose ! Gabriel voulu immédiatement en faire sa propre version et avait gribouillé dans un carnet le schéma global de l'œuvre. Il changerait l'orientation de la peinture, l'artiste, plus petit, serait vu de dos sur la droite. Toute la partie gauche, pour plus de la moitié de la surface, servirait à la mise en abime. Un dessin dans un dessin. Volontairement dans des styles différents, mélange d'impressionnisme teinté de réalisme pour le sujet et de cubisme pour le peintre. Au début, Gabriel avait imaginé se servir de son modèle préféré, comme à son habitude. Mais à la réflexion, Camille ferait tout autant l'affaire et nourrirait avec perfection sa folie créatrice.
Pour finir, les trois heures et quelques passèrent comme s'il ne s'était écoulé que quelques minutes. La faute sans doute à l'air doux, à l'odeur de chaleur qui embaumait la pièce et à la mélodie Stickerbrush Symphony que Gabriel adorait écouter quand il peignait et qui avait un petit quelque chose d'hypnotisant et d'envoutant. Camille n'avait su résister et s'était assoupi, laissant son corps se décontracter et sa jambe fine d'adolescent glisse le long du drap. Lorsqu'il émergea, aidé par la sonnerie de son téléphone qui s'activait dans son sac, il était déjà dix-neuf heures. Gabriel finissait les dernières retouches. La bouche pâteuse et l'esprit dans le brouillard, le lycéen aux yeux couleur bleu de minuit se passa la main sur ses lèvres grenadines puis s'étira en ronronnant, avant de s'adresser à l'artiste :
« Mhhh, tu peux me passer mon portable, s'teuplait ? La flemme de me lever ! »
Arrivant au terme de son ouvrage, Gabriel sautilla jusqu'au sac à dos et se mit à fouiller dedans. Déplaçant serviette, maillot de bain et un petit sachet, il hésita quelques secondes avant de sortir le téléphone, de capter le nom qui s'affichait et de directement décrocher, s'adressant d'une voix joyeuse et mystérieuse à son interlocuteur.
« Salut Cléo ! Tu ne devineras jamais avec qui ta chérie a passé l'après-midi... Ah, bah si, t'as deviné... Ok, ta sœur t'a appelée pour me vomir dessus ? La bourrique ! Du coup tu savais que j'étais dans le coin, et tu m'as reconnu... Bah justement, vu que je crèche chez ma reum, j'ai rien à bouffer pour ce soir. J'peux passer squatter ? Avec Cam, on a un cadeau pour toi ! C'est lourd, faut qu'un homme le lui porte ! Okay, ça marche, à tout à l'heure ! »
Alors qu'il était sur le point de raccrocher, Camille se jeta à son cou pour lui arracher le combiné des mains pour au moins avoir le temps d'embrasser son homme et de s'excuser pour le comportement un peu sans-gêne de Gabriel. Trop tard. Admirant son modèle du jour réagir naturellement jusqu'à en oublier sa nudité, l'artiste éclata de rire, ce qui fit rougir l'androgyne jusqu'aux oreilles et le poussa à se masquer une zone que pourtant son camarade avait pu passer l'après-midi à admirer.
« Allez, rhabille-toi, on bouge ! J'enveloppe la toile, tu découvriras le résultat en même temps que lui, ça sera plus drôle ! »
Une bonne demi-heure plus tard, Camille et Gabriel frappèrent à la porte. Ce fut une fois de plus le jeune Mikaël, en t-shirt, calbut et chaussettes, décoiffé et les yeux complétement éteints qui leur ouvrit. Clignant des paupières, il mit bien cinq secondes à tourner la tête vers le couloir avant de hurler.
« Faaaaaab, y a Camille, elle a ramené un mec chelou qui me regarde et sourit bizarrement et qui me fait peur ! »
Heureusement, Cléo arriva avant que son colocataire ne ferme la porte au nez des deux invités pour le rassurer, ou tout du moins essayer.
« Nan, t'en fais pas, c'est Gabriel, un bon copain ! S'il te regarde comme ça, c'est parce qu'il est obsédé par les blonds, mais il veut pas te baiser, hein, il est hétéro et c'est l'ex de ma sœur. Nan, il veut juste sans doute juste te peindre... »
Il n'en fallait pas plus à Mikaël pour partir se planquer dans sa piaule. S'il ne regrettait pas du tout d'avoir choisi Cléo comme coloc, qu'il trouvait particulièrement sympa et intéressant, il commençait à avoir un peu de mal avec ses fréquentations bizarres. D'autant plus que celle-là en rajouta une couche en se léchant les babines.
« Mais tu m'avais caché que tu habitais avec un truc pareil, mon p'tit Cléo ! C'est mal ! C'est très très mal ! Eh, machin, reviens ! Attends, j'vais pas te faire de mal ! Rho, bon, quelqu'un à une corde ? »
Le coup sec que Gabriel se prit sur la tête le calma immédiatement. Il s'accompagna d'un côté par un « aieuh » sonore et de l'autre par une mise en garde : « Arrête de martyriser mon coloc, le fourbe ! Déjà que j'gueule pas alors que tu m'as piqué ma meuf toute l'aprem ! Et arrête d'énerver ma sœur. Parce que c'est peut-être TOI qu'elle gifle, mais après, c'est moi qu'elle fait chier ! Bon, entrez, Fabien, mon autre coloc, est aux fourneaux. J'l'ai prévenu qu'on avait du monde, il fait des pâtes de sa création. C'est chelou mais ça a l'air bon ! »
Et en effet, cela l'était. Chelou et bon. La sauce, centre du plat, était composée de chair à saucisse, de steak haché, de tomate, d'oignon, de carotte, de courgette, de sel, de poivre, de cumin, de piment, de fond de bœuf, de basilic et de crème fraiche. Le tout cuit avec soin dans un ordre précis afin que rien ne crame et que tous les arômes se mélange.
Acceptant de sortir de sa chambre pour le repas, Mikaël proposa poliment un jus de fruit aux invités. Cléo s'en amusa, un donnant un coup de coude à Gabriel.
« Ça va, il t'a adopté ! Nectar de poire fait par sa mère, son préféré, il n'en propose qu'aux gens qu'il aime bien ! Sinon, il s'en enfile des bouteilles entières en cachette dans sa piaule ! »
Mikaël rougit et grogna immédiatement. S'il avait sorti le grand jeu, c'était bien plus pour Camille que pour l'étrange artiste châtain qui faisait beaucoup de bruit. Lui, il ne l'avait pas encore apprivoisé, et s'il avait le culot de lui demander son aide pour une prestation artistique, c'était non, non et non et mille fois non. Il avait déjà donné, merci pour lui. Une petite réaction grognonne qui amusa Gabriel, poursuivant ainsi la discussion avec Cléo :
« Ah ah, ouais, c'est vrai, Cléa m'avait montré la photo, je savais pas que c'était ton coloc dessus, mais franchement, elle déchire. Le message derrière surtout. Y a de la réflexion, c'est ça qui est cool. D'ailleurs, en parlant d'art, c'est l'heure du cadeau ! Bon, j'espère que ça va te plaire. J'ai voulu bosser un peu la mise en abime, tout ça... »
À peine avait-il fini sa phrase que l'artiste était de retour dans le salon avec sa toile, qu'il dévoila au public. Et ses réactions furent variées. Fabien écarquilla les yeux et avoua avoir du mal à croire que c'était quelqu'un de sa génération qui avait fait ça en à peine quelques heures. En tant que littéraire pur jus porté sur les arts, il reconnut immédiatement les influences, ce qui ne fit qu'accentuer son respect. Mika, lui, était trop occupé à continuer de grogner pour penser à faire autre chose. Il ne niait pas que c'était assez joli, mais il n'y bitait rien. Et en parlant de bite, celle qui s'affichait peinte sous son nez le dérangeait, sans qu'il n'arrive à déterminer vraiment pourquoi.
Pour Camille, par contre, la source de cette dissonance ne faisait aucun doute. Elle provenait de la manière dont Gabriel l'avait dessiné. Un choix artistique assumé qui fit tituber sur place le bel androgyne. Ce corps était clairement le sien, de le lueur sombre de ses yeux bleus jusqu'au bout du zgeg. Un garçon, oui, mais avec autre chose. Les formes avaient été arrondies. Une poitrine s'était affirmée. Surtout, un sentiment de naturel semblait se dégager de la toile. La pureté et la finesse des traits du sujet ressortaient d'autant plus que le peintre qui occupait moins de la moitié de l'espace était représenté grossièrement de manière difforme. Une façon de remettre l'art au centre de l'œuvre, encore plus présent que s'il avait été seul. S'approchant, Camille s'admira en détail. Pour la première fois depuis longtemps, il se trouvait beau. C'était perturbant. Tout autant que les mots que Gabriel lui chuchota à l'oreille après l'avoir saisi par la taille.
« J'ai voulu représenter le reflet de ton âme. J'espère que tu ne m'en veux pas trop avec les libertés que j'ai pu prendre. Je préférais te représenter tel que je te vois plutôt que ce à quoi tu ressemblerais si on prenait une photo ! C'est ça, l'art »
Même si la confidence était adressée à Camille, Cléo ne passa pas à côté. Lui aussi plutôt fan du tableau – il ne lui avait fallu que quelques secondes pour décider où l'accrocher dans sa piaule –, il garda quand même un certain recul, déformation de sa passion pour la photo. Cette histoire de différence entre la peinture et son médium fétiche l'intriguait et l'intéressait. En s'arrêtant à son dessin, Gabriel n'était pas allé au bout des choses. Une idée traversa son esprit tel un flash lumineux ! Il savait comment compléter le tout et en faire ressortir le sens profond.
« Cam, tu veux pas te foutre à poil sur le canap et prendre la même pose ? Gaby, assis toi sur un tabouret et fais semblant de finir ta toile. Fab, ferme les rideaux et recrée moi l'ambiance de la peinture. Mika, va me trouver un pinceau, on doit avoir ça quelque part... J'reviens, vais chercher mon appareil ! »
Pris au dépourvu, tout le salon obéit aux consignes, à l'exception de Gabriel qui sautilla en direction du panda.
« Attends, j'viens avec toi, j'ai un truc à te dire ! »
Particulièrement gêné, Camille demanda aux colocataires de se retourner alors qu'il se déshabillait. Il ne savait même pas pourquoi il obtempérait de la sorte. Sans doute était-il encore trop hypnotisé par la toile pour réagir de manière conscience. Cinq minutes plus tard, Cléo et Gabriel sortirent de la chambre et l'artiste prit position pour se mimer pendant l'effort. L'étincelle dans les yeux de son camarade, toujours intacte, s'accompagnait à présent d'une certaine crispation au niveau des mâchoires que seul Mikaël sembla percevoir. Le tout jeune préparationnaire aux cheveux blonds ne savait pas de quoi ces deux-là avaient parlé, – de la sœur de son colocataire ou d'autre chose – mais ce ne devait pas être particulièrement agréable. Toujours est-il que Cléo fit mine de rien et se réjouit de sa photo. Même s'il lui avait fallu plusieurs essais avant de trouver le bon angle et la bonne luminosité avant que le corps sur la peinture et celui réel allongé à côté se retrouvent par un jeu de perspective avec des proportions similaires.
Une fois arrivé au bon résultat, il s'enferma immédiatement pour travailler le cliché sur ordinateur en prévision du tirage qu'il comptait en faire. Mikaël et Fabien se retirèrent eux aussi dans leur espace personnel pour travailler, laissant la vaisselle à qui voulait bien s'en occuper. Gabriel déclina la proposition. Il était claqué et avait envie de rentrer se coucher pour être en forme demain matin pour son train de dix-sept heures. Camille ne réagit même pas à cet odieux foutage de gueule et lui fit simplement la bise, en le remerciant pour cette journée et en espérant le voir très bientôt. Une fois seul dans le salon, le lycéen s'assit sur le canapé, torse nu pour n'avoir pas eu le temps de finir de se rhabiller, puis plaça la toile devant lui, et l'observa longuement avant de se passer doucement et lentement ses doigts timides sur son torse. Sentant sa température monter, il respira de plus en plus bruyamment par le nez, accompagnant ses nombreux tremblements. Son imagination se cala sur le dessin. Son cerveau imagina des sensations de toucher que, pourtant, il ne percevait pas et qui lui firent un bien fou. Camille en était sûr. C'était lui. C'était ça.
****
Extrait de l'album photo de Cléo
Emplacement n°4
Nom de la photo : « MiseS en abime d'un artiste et de son sujet »
Effet : couleur – lumière tamisée
Lieu : à l'appartement
Date : un samedi soir, fin novembre
Composition : cette photo consiste simplement à une reproduction d'un moment qui a réellement eu lieu dans la journée, à savoir Gabriel au travail en train de peindre Camille, qui posait nu pour l'occasion. Le tableau de Gabriel est partie prenante de la construction. On y voir l'artiste dans un style grossier et son sujet sur une toile, bien plus détaillé. Camille y est représenté avec son corps masculin, mais avec des formes très clairement féminines, qu'il n'a pas forcément. S'en dégage quelque chose de dérangeant, d'érotique, de transgressif et d'excitant, le tout renforcé par la mise en abime de l'artiste au travail, peu détaillé par rapport à son œuvre, éblouissante. Le vrai message que Gabriel voulait faire passer, c'était d'accentuer la perception qu'avait l'artiste de son sujet en le magnifiant et en le représentant tel qu'il le voit, plutôt que tel qu'il apparaitrait réellement si on prenait une photo. D'où l'idée que j'ai eu de prendre cette photo, justement. Ou on voit le vrai corps de Camille, que j'adore tout autant, ainsi que l'artiste de dos au travail qui finalement apparait avec bien plus net. En mettant le tableau dans la photo, on perçoit le sens qu'a voulu donner Gabriel à son œuvre. La photo ne remplace pas l'œuvre, mais la complète. Tout du moins, c'est l'interprétation que j'en ai.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top