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Deux mois.

Deux mois, c'est une seconde, une minute, une heure, un jour, une semaine, des semaines, des mois, des années. Une éternité même.

Deux mois, ça passe vite comme ça passe lentement, les jours se suivent, longs et ennuyeux, mais ils sont si répétitifs qu'ils passent à une vitesse folle.

C'était comme cela que Jungkook voyait les deux mois qu'il avait passé à observer le pianiste vert. Deux mois déjà depuis leur première "rencontre." Et depuis, dès qu'il l'avait pu, il l'avait observé, admiré de loin.

Jungkook n'avait aucune idée du nom, du prénom, de l'âge du pianiste. Il ne savait rien de lui, mis à part ses horaires d'apparition à la gare.

Cette distance entre lui et son bonhomme vert commençait sérieusement à peser sur la conscience de Jungkook. Il avait tellement envie d'apprendre à le connaître, rire avec lui, il était sûr que son rire était à tomber, s'amuser avec lui, partager des confidences et peut-être même avoir une place dans sa vie ?

Néanmoins, il avait peur.

Il avait peur du vrai visage de son pianiste. Et s'il n'était pas comme il se l'était imaginé des nuits et des nuits durant ? Cela le briserait, c'était certain. C'était pour cela que Jungkook n'avait jamais voulu briser la sûreté rassurante de cette relation non réciproque.

Mais aujourd'hui ne serait ni comme hier, ni comme demain.

Aujourd'hui, nous étions dimanche. Un jour tout à fait banal. Ce qu'il y avait de bien le dimanche, c'était que les rares commerces ouverts étaient vides et l'extérieur calme. On pouvait entendre de rares oiseaux chanter et le vent qui soufflait dans les oreilles. Mais Jungkook avait préféré aller à la gare, comme à son habitude.

Il avait pris place sur un banc, là, derrière la piano. Il ne pourrait pas voir le pianiste s'il arrivait, mais de toute façon, il n'en avait pas besoin. Il arrivait toujours à la même heure. Seules quelques personnes agées et des célibataires peuplaient la gare. Elle paraissait bien plus grande maintenant, sans tout ce monde qui la traversait. Les plafonds semblaient plus hauts et la surface au sol qui luisait grâce au soleil, bien plus étendue. Le moindre pas et le plus petit chuchotement résonnaient et semblaient être devenus aussi puissants que le bruit d'un train qui freine.

Une mamie s'était assise en face de Jungkook, elle lisait un magazine pour femmes totalement stupide, mais cela semblait bien l'occuper.

Jungkook s'ennuyait.

Son téléphone n'avait presque plus de batterie et rien ne semblait pouvoir l'occuper. Il n'y avait personne.

Inconsciemment, sa jambe tressautait et ses doigts se tordaient entre eux. Il cherchait une occupation depuis quelques minutes quand une idée farfelue s'installa dans son esprit.

Il le faisait ? Il ne le faisait pas ? Les gens n'allaient-ils pas se moquer de lui ? N'allait-il pas violer cet objet sacré à ses yeux ?

Mais il devait le faire, il le savait tout au fond de lui que s'il ne le faisait pas maintenant, il ne le ferait plus jamais. En plus, la gare était quasiment déserte, il n'y avait aucun risque !

Alors, Jungkook se leva, il avait l'impression que son esprit s'était détaché de son corps. Ses pas le conduirent jusqu'au piano. Il s'y assit.

Ses doigts effleuraient les touches glacées de l'instrument. Il appuya sur une, la note s'envola. Sur une autre, encore un autre son. Et encore et encore et encore. Jungkook était focalisé sur les touches. Des noires et puis des blanches, ils les essayait toutes.

Jungkook laissa retomber sa main et fixa le vide. Il était triste et impatient, il voulait voir son pianiste. Il lui manquait.

Sa tête se baissa et écrasa quelques touches. Un bruit distordu, grinçant, se perdit dans la gare. Le noir l'avait enveloppé.

×××

Une douce caresse dans les cheveux réveilla Jungkook, qui n'avait pas envie de rouvrir les yeux de si tôt. La main à la peau de bébé qui lui frottait les cheveux était si agréable que Jungkook se croyait en plein rêve.

Mais il les ouvrit quand cette main chaude et rassurante disparu de son crâne.

"Je savais que tu ne dormais plus."

Jungkook releva précipitamment la tête, surpris par cette voix magnifiquement grave.

Là, devant lui, juste à quelques centimètres, se trouvait celui qui le hantait, qui l'obssédait depuis si longtemps déjà. Jungkook n'avait plus de mots. Il rougit et commença à bégayer. Ses yeux se baissaient lorsqu'ils tentaient de rentrer en contact avec ceux du pianiste.

Cela semblait beaucoup amuser ce dernier, qui, par un lent geste, posa sa main sur l'épaule du plus jeune, pour attirer son attention. Chose réussie puisque Jungkook se crispa à son toucher et tourna ses yeux dans ceux du bonhomme vert.

Ses yeux étaient magnifiques. D'un marron plutôt foncé, couleur assez commune, mais ce qui les rendaient beaux, c'était la lueur de vie, la petite étincelle de malice, de gentillesse qui les habitaient.

Jungkook était fasciné par ce regard, et le pianiste l'avait bien remarqué. Il toussa et regarda ailleurs tandis que ses joues se teintaient d'une adorable couleur rosée, selon Jungkook.

Un léger malaise s'installa entre les deux hommes.

Aucun n'osait parler. Ils ne savaient tout deux quoi dire.

"Pourquoi tu dormais là ?
- J-je sais pas."

Le pianiste ne savait pas quoi dire.

"Moi c'est Jungkook, le lycéen tendit sa main.
- Yoongi."

Yoongi répondit à la poignée de main de Jungkook et se décala pour le rejoindre sur le tabouret.
Jungkook ne savait pas si Yoongi l'avait reconnu ou pas. Si oui, peut-être le prenait-il pour un stalker ?

"Je vais pas te manger tu sais."

Le plus jeune hocha la tête, il n'arrivait plus à parler. Le courage font il avait fait preuve pour lui demander son prénom avait mystérieusement disparu. Mais au moins, il connaissait son prénom.

"Yoongi c'est un joli prénom.
- Merci gamin."

Jungkook rougit à ses propres mots. Il se trouvait gênant.

"Tu sais, je t'avais déjà vu quand je jouais."

Zut, il avait vraiment été découvert alors ? Jungkook se tassa sur le petit morceau de tabouret.

"Je ne savais pas trop quoi penser de toi au départ, je te voyais à chaque fois que je jouais, Yoongi se gratta la tête à ses mots, au début, je t'avais pris pour un stalker ou je ne sais pas trop quoi d'autre. Mais au final...

- Hum ? Jungkook avait peur de ce qu'allait dire Yoongi.

- Je te trouvais mignon."

Le lycéen ne savait plus quoi faire. Son coeur tambourinait dans sa poitrine comme jamais et ses joues le brûlaient.

Il y eu quelques griffonements et un petit papier apparut devant les yeux de Jungkook qui fixait le piano depuis tout à l'heure.

"C'est mon numéro, si jamais tu veux qu'on discute."

C'était le plus beau jour de la vie de Jungkook. Son rêve devenait réalité ! Il mit précautionneusement le papier dans sa poche.

"Je n'hésiterais pas alors."

L'horloge de la gare sonna dix-huit heure, heure à laquelle Jungkook avait promis à sa mère de rentrer.

Alors, Jungkook se leva, attristé à l'idée de quitter Yoongi, son pianiste, mais lui fit un mignon sourire dévoilant ses deux dents de devant.

"À la prochaine Yoongi, je dois y aller !"

Jungkook imprima dans sa mémoire le magnifique visage de Yoongi et s'en alla vers la sortie de la gare.

Yoongi fit un signe de la main lorsque Jungkook se retourna, ce dernier y répondit, timide.

Et c'est ainsi qu'ils se quittèrent, pour mieux se retouver le lendemain.

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