A

Le temps passa, inexorablement. Les jours défilaient et Jungkook se sentait de plus en plus proche de son pianiste.

Il faut dire que Jungkook avait pris l'habitude de l'observer lorsqu'il jouait, dès qu'il le pouvait. Ses moindres faits et gestes étaient perçus pas le lycéen. Jungkook avait remarqué ce tic qu'il avait de fermer les yeux lorsque ses doigts touchaient les touches. Où alors le tressautement de sa paupière lorsqu'une infime erreur dans sa partition survenait. Où encore quand le pianiste craquait ses doigts entre chaque morceau.

Le lycéen ne pouvait s'empêcher de penser à lui. Jungkook devenait rêveur, pensif. Il avait l'air toujours ailleurs. Ce qu'il était, en quelque sorte.

Et si ? Et si ?

Jungkook s'inventait des milliers de scénarios plus compliqués et tordus les uns que les autres. Le jour de leur rencontre, comment pourrait-il être ? Comment pourrait-il aborder le pianiste ? Que se diraient-ils ? Et s'ils avaient des points en communs ? Des passions communes ? Et s'ils n'en avaient pas ? Et si, finalement, le pianiste n'était pas la personne qu'il s'imaginait ? Et même, l'avait-il déjà remarqué ?

Cela le torturait mais, bizarrement, entretenait son espoir.

Aujourd'hui était un jour banal.

Aujourd'hui, Jungkook allait voir le pianiste à la gare.

On avait beau être dimanche, Jungkook s'était quand même levé. Il savait qu'il serait là de toute façon.

Il avait un petit carnet, que Jungkook portait toujours sur lui. Jamais il ne l'avait lâché, et maintenant, il avait de bonnes raisons de ne pas vouloir le laisser sans surveillance.

À l'intérieur, chaque horaire et chaque détail du pianiste était parfaitement consigné. Quelques dessins faits à la hâte traînaient de si et là sur les pages. Jungkook connaissait les horaires exacts de ses apparitions à la gare.

Dis comme ça, on le croirait dérangé.

Mais ce n'était pas le cas.

Il était juste irrémédiablement attiré par cette beauté froide et inaccessible, mais en même temps si chaleureuse et poétique. Jungkook ne parvenait pas à expliquer cette soudaine obsession.
Il était devenu fou. Fou de lui.

Après avoir traversé le pont et arpenté les diverses petites rues, il arriva à destination.

Une étrange sensation le traversa.

Jungkook entra, tête baissée. Ses pas le guidèrent machinalement vers le piano.

Il s'installa de sorte à ce qu'il puisse voir les mains et le visage du pianiste à la fois.

Mais il n'était pas encore arrivé.

Alors Jungkook patienta.

Les aiguilles tournaient lentement, monotones. Jungkook les fixait, espérant inconsciemment que le temps passe plus vite.

Son petit homme avait déjà une demie-heure de retard quand il le vit arriver en nage, un sac sous le bras.

Que lui était-il arrivé ?

Jungkook sentait son coeur se compresser dans sa poitrine.

Pourquoi semblait-il si fatigué ?

Cela inquiétait le lycéen. Néanmoins, il ne pouvait pas l'aider. Il ne le connaissait pas après tout.

L'homme aux cheveux menthes s'assit en face de l'instrument et ferma les yeux. Il n'avait pas de partition, cette fois. Jungkook se demandait bien pourquoi. Il avait toujours joué avec une partition sous les yeux.

Les mains commencèrent à glisser sur les touches et une douce mélodie vint caresser les tympans de Jungkook.

Une vague de sentiments envahit le lycéen qui sentait son corps déborder sous le trop plein d'émotions qui le submergait.

C'était doux, puis triste, puis merveilleux, encore triste et puis mélancolique.

Les perles salée creusaient de nombreux sillons sur les joues du spectateur. Il retenait ses sanglots. Il se sentait tiraillé entre l'envie de partir pleurer chez lui ou l'écouter jusqu'à la fin.

Ce qu'il fit.

L'homme aux cheveux verts rouvrit les yeux et tourna la tête en direction de Jungkook. Les dernières notes résonnaient encore dans la tête de Jungkook, et dans le hall. Ils se regardèrent dans les yeux, longuement. Cet instant semblait être devenu une éternité. Jungkook avait l'impression d'être envoûté par ce regard.

Un petit sourire étira les lèvres rosées du pianiste, qui fit un clin d'oeil à Jungkook avant de se remettre à jouer. Avec ses partitions, cette fois.

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