Partie 3

Je me mets en route, pressé d'être rendu à mon appartement. Quand je passe devant le piano public, il n'y a plus personne. L'ambiance n'est plus du tout ce qu'elle était plus tôt dans la journée. Dans ce silence et cette noirceur, le lieu a plus l'air hanté que jovial. Je continue mon chemin d'un pas rapide.

Rendu à mon appart, je me change et m'étale confortablement dans mon lit. Une fois bien relax, je repense à la pianiste, Melody. Elle m'intrigue. Ce que j'ai vu dans ses yeux, que je ne saurais nommer, m'a captivé et maintenant j'ai besoin de réponses à mes questionnements. Qui est-elle? D'où vient-elle? Quelle est son histoire? Pourquoi est-elle devenue aussi craintive quand les gens ont commencé à lui parler? Peut-être est-ce seulement de la timidité? J'avais plutôt l'impression que c'était plus profond. Je ne le saurai probablement jamais, car quel est le poucentage de chance que je la recroise un jour? Nous sommes beaucoup dans cette ville et je serai bientôt parti en stage. Non, il n'y a aucune chance que je ne la revoie. Étonnamment, cette idée me déplaît beaucoup. Pourtant, je suis enthousiaste à propos du stage depuis que j'ai été accepté. Ce n'est pas une fille qui va détruire tous mes rêves et tout mon travail accompli juste en apparaissant dans ma vie quelques secondes! Ça ne fait pas de sens. Pourquoi suis-je autant déçu de ne jamais la revoir? Ce n'est pas la fin du monde, ce n'est qu'une simple fille. J'en rencontrerai sans doute des dizaines d'autres aussi intriguantes que Melody. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser à y retourner, au piano public, pour essayer de l'apercevoir une nouvelle fois. Juste une dernière... Mais je sais que c'est une très mauvaise idée. Je pars dans une semaine en stage de psychiatrie à une heure d'ici et je n'ai pas de temps à consacrer pour une amourette. J'ai un diplôme à obtenir et du travail à faire. Et puis quand aurais-je le temps d'aller au piano public cette semaine? Jamais. Je suis occupé chaque jour de la semaine. Cours, étude, travaux, job à temps partiel, gym, amis, je ne sais même pas si je peux rentrer tout ça en une semaine. En plus, si je n'ai pas au-dessus de B+ dans mes prochains examens, je peux dire adieu à l'argent que mes parents me donnent tous les mois pour payer ma scolarité, alors je serais mieux de bien étudier. Et j'ai vraiment besoin de cet argent. Je ne pourrais pas payer mon école sinon, ni mon appartement. Autant l'un que l'autre coûte très cher. Mon job à temps partiel à la clinique ne subvient pas à l'école et l'appart, juste l'un des deux. Évidemment, mes parents seraient plus qu'heureux de m'accueillir chez eux jusqu'à la fin de ma scolarité, mais ce n'est certainement pas une option pour moi. J'ai déjà dû passer vingt années de ma vie avec eux, hors de question que j'en passe une de plus. Les cinq années de semi-paix que j'ai eu sont les meilleures de ma vie jusqu'à présent et je ne veux pas que ça change. Et ce n'est assurément pas une fille qui va changer ça. N'est-ce pas?

***

« Dring! Dring! »

Non! Ce n'est pas déjà l'heure de me lever ?! Je me retourne en grognant dans mon lit et frappe avec ma main ce cadran de merde. Puis, je plonge ma tête dans l'oreiller en continuant à grogner. Je déteste les lundis matin!  Je me lève en trainant les pieds et me dirige vers la petite cuisine où je mets deux tranches de pain dans le grille-pain. Je pars la machine à café, le seul moyen pour moi de rester éveillé toute la journée. Mes toasts sonnent, ce qui me sort de ma somnolence et je les beurre avec le beurre d'amande de ma mère. Cette recette de ma mère est pas mal la seule chose qu'elle fait que j'aime, avec le versement mensuel pour ma scolarité, on s'entend. Après mon petit-déjeuner, je finis de me préparer et me mets en route pour l'université. Certains matins Amira vient me chercher, mais elle n'a pas de cours aujourd'hui, contrairement à moi et Kevin. Amira et Kevin sont mes meilleurs amis. Je connais Amira depuis le primaire. Quant à Kevin, je l'ai rencontré dans ma première année d'université et depuis nous ne nous sommes jamais quittés. Nous avons fait notre doctorat en médecine tous les deux, mais après les quatre années d'étude, je suis allé en psychiatrie, alors que Kevin, lui, a continué pour être pédiatre. J'attends l'autobus depuis une bonne dizaine de minutes. Elle serait supposée être arrivée depuis au moins deux grosses minutes. Évidemment, comme à chaque fois qu'Amira ne vient pas me chercher, l'autobus se fait un plaisir d'arriver en retard! Alors que lorsque je suis dans la voiture de mon amie en direction l'université, nous voyons toujours passer l'autobus pile à l'heure. Honnêtement, je pense que le chauffeur se fait un malin plaisir à me laisser poireauter. Enfin, ça n'a pas tant d'importance, puisque je finis toujours par arriver à l'heure en cours. Contrairement à d'autres personnes (hum Kevin hum). Quand l'autobus arrive à l'université, la première chose que je vois est Kevin qui me fait des grands signes avec les mains. Je souris en levant les yeux au ciel. On se fait une accolade avant de se diriger vers nos classes respectives.

- Alors? Comment s'est passé la fin de semaine? Tu aurais vraiment dû nous rejoindre hier soir au party de Michel, c'était super cool! Si tu voyais Olivier soûl, tu capoterais!

J'ai un petit pincement au cœur. J'ai l'impression de me retrouver enfant, quand mes amis jouaient ensemble durant les fins de semaine et me racontaient ce qu'ils avaient faits le lundi à la recréation. Je n'avais jamais le droit de quitter la maison pour m'amuser. Non, je devais étudier et aider mes parents avec les tâches ménagères. Je ne pouvais pas sortir jouer avec mes amis. Je sais bien que ce n'est plus comme ça, mais quand Kevin me raconte les partys que je manque, je ne peux m'empêcher de me rappeler ces tristes moments de mon enfance.

- J'aurais bien voulu voir ça! Ça devait être mille fois mieux que mon souper de famille!

Mon ami hoche la tête et continue à me résumer la fête de la veille.


***

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top