Partie 1

Mes courses en main, je me dépêche de rentrer chez moi. Je suis fatiguée, épuisée même, pourtant je n'ai pratiquement rien fait aujourd'hui. C'était ma journée de congé, j'ai donc pu me lever tard. Malgré ça, les cernes en-dessous de mes yeux ne me quittent pas et je tiens à peine debout. J'ai au moins pu compléter ma to-do list, c'est-à-dire aller à la bibliothèque, visiter un nouveau parc et faire les courses pour moi, Clarissa et Nathan cette semaine.

Ça fait un an que j'habite avec Clarissa et Nathan dans le sous-sol de la maison de mon amie, Alice. Alice et son mari, Émile, ont gentiment proposé de m'héberger il y a un an de cela alors j'arrivais en ville, perdue et effrayée. Je les ai connus par ma psychiatre, puisque cette dernière était l'amie d'Alice. Depuis, j'habite encore dans leur sous-sol et je ne me suis jamais senti aussi à ma place. Après tout, qu'y a-t-il de mieux qu'habiter avec ses deux meilleures amies? Sans oublier les gars, qui sont tout aussi incroyables, et la plus mignonne des petites filles de six ans.

Les sacs dans mes mains sont lourds, ce qui me pousse à presser le pas, afin d'arriver le plus rapidement possible à la maison. Je n'ai qu'une envie : m'enfoncer dans mon lit et commencer la lecture d'un des livres que je me suis prise à la bibliothèque. Ensuite, après une heure ou deux de lecture, je me ferai à souper et irai jouer de la musique en haut, sur le piano d'Émile.

Le piano et le chant sont mes passions, suivi de la lecture. Quand je joue, je suis dans un autre monde. Fini la misère, la douleur et la tristesse, c'est la pure joie qui prend place. C'est le meilleur sentiment au monde. Tu as l'impression d'être invincible, que rien ne peut te détruire. Malheureusement, ce sentiment est éphémère. Les dernières notes jouées, tu reviens dans ce monde gris et triste. Tu es démoli par tes faux espoirs, tes rêves oubliés et ton monde imaginaire impossible. Certaines personnes positives te diront que tous les rêves se réalisent si tu persévères, si tu en mets les efforts, mais la vérité est que peu importe ce que tu feras, peu importe à quel point tu mets des efforts, la vie ne sera jamais bien.

Je ferme les yeux quelques secondes, tentant de reprendre une respiration normale. Je ne dois pas penser à ce genre de choses. J'y pense quelques secondes de trop et la panique m'envahit automatiquement. Comme en ce moment. L'anxiété monte trop rapidement pour que je puisse l'arrêter. Mes mains tremblantes ont du mal à tenir les sacs. Je m'assois sur un banc, les jambes trop faibles pour me soutenir. Il faut que je me souvienne des trucs de Dr Lavallée. Quels étaient-ils déjà? Je ne veux pas faire une crise de panique pour une simple pensée. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à m'en souvenir?

Les bruits autour de moi deviennent de plus en plus forts, j'ai l'impression que les gens m'emprisonnent. Je mets ma tête dans mes mains et j'essaie de reprendre ma respiration. Qu'avait proposé Dr Lavallée pour gérer ces situations déjà ?! Bon sang, je ne m'en souviens pas du tout. Je tente de prendre de grandes respirations, mais l'air reste coincé dans mes poumons.

Je déteste cette sensation.

Je la déteste tellement.

Il faut que je me calme. Peu à peu, ma respiration reprend un rythme normal et je me remets en marche. Je prends de grandes respirations d'air frais et je me sens déjà bien mieux. Je m'en veux d'avoir réagi autant pour quelque chose d'aussi futile. Il y a des gens qui vivent des horreurs à cet instant présent et moi j'angoisse parce que je n'accomplirai jamais mes rêves?! Parfois, je me fais honte à moi-même.

De la bibliothèque jusqu'à chez moi prend une trentaine de minutes à la marche. Parfois, quand il ne fait vraiment pas beau, je prends l'autobus de ville, mais sinon je marche ou j'y vais en vélo. J'aime bien marcher, ça me permet de réfléchir. De plus, le chemin que je prends est souvent absent de d'autres passants, ce qui est nettement plus agréable. Après de nombreuses minutes de marche, je suis enfin arrivée dans mon quartier.

Là, tout est apaisant. Je vis dans un quartier familial rempli de petites maisons de toutes les couleurs. Le jour, il y a toujours des enfants qui jouent dans les rues. L'été, les voisins organisent des barbecues ou des fêtes. L'atmosphère est toujours festive et chaleureuse. Ce quartier est l'une des places que je préfère dans la ville. Tout le monde est si gentil et ouvert. Ma maison, ou notre maison devrais-je dire, est petite et mignonne. Elle m'a qu'un seul étage (avec le sous-sol) et est faite de briques rouges. Dehors, accroché à un grand chêne, se balance une balançoire au gré du vent. Les buissons qui ont abrités les œufs de Pâques il y a quelques fins de semaines de cela entourent la petite maison. Je peux voir Mya assise sur le sofa parlant à quelqu'un avec de grands gestes à travers la fenêtre à carreaux.

Je rentre rapidement à l'intérieur et salue de la main Alice et Mya. J'aperçois un autre homme avec elles ce qui me rend particulièrement mal à l'aise. Une autre bonne raison de m'enfermer dans ma chambre et de passer l'après-midi à lire. Je me dépêche à descendre dans le sous-sol, pressée à fuir la compagnie d'un inconnu, lorsque je fonce dans quelque chose me faisant perdre équilibre. Le quelque chose étant une personne, ce dont je me rends rapidement compte. Un bras serre ma taille, m'empêchant de débouler des marches. Je me recule précipitamment, gênée et embarrassée. La voix d'une homme prononçant mon prénom fait relever ma tête qui regardait au sol.

C'est là que je le reconnais.

L'homme du piano public.

Loan.

***

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