Partie 1
J'ai eu une horrible journée et elle n'est même pas encore finie! Malgré mon épuisement et mon cruel manque d'envie, je dois quand même aller au souper de famille. Mais à quoi ça sert d'en faire un chaque dimanche aussi ?! J'ai 25 ans, je ne suis plus un jeune garçon qui a encore besoin d'être encadré par ses parents. Je me demande à quel âge ils me lâcheront enfin. 30? 45? Je tourne dans une petite rue commerciale, le pas rapide. Plus tôt j'arrive chez mes parents, plus tôt j'en repars. Autant faire ça rapidement. Je réponds à quelques questions sur mes études, je dévore mon repas et bye bye! Vous ne me reverrez pas avant le dimanche d'après.
Comme chaque dimanche soir, la rue est bondée de monde. J'observe les passant, tentant de deviner leur métier ou bien leurs passions. C'est plutôt simple, après des années de pratique. Lui, avec ses chaussures cirées, son suit impeccable et sa mallette d'un noir luisant, travaille certainement dans la finance. Elle, elle est probablement une coiffeuse, avec ses cartes de visites dans sa poche de manteau qui indiquent le nom du salon de coiffure proche de chez moi. C'est fou à quel point tu peux en apprendre sur quelqu'un simplement en le regardant quelques secondes! Des notes de piano proviennent du piano public, l'endroit « détente » qu'a décidé d'installer la ville afin de partager la passion de la musique. N'importe qui peut y jouer, peu importe l'heure de la journée. C'est une excellente idée, je trouve. Ce n'est pas tous les musiciens, débutants ou avancés, qui ont l'argent pour s'acheter un piano. Je dois avouer, les musiciens m'impressionnent grandement. J'ai déjà essayé la guitare, mais je n'arrivais jamais à retenir les partitions. Pareil pour le piano. Et ne parlons pas de ma voix lorsque je chante! Je vous casserais les oreilles à coup sûr. Je passe devant le piano public sans trop y prêter attention, me dépêchant à me rendre chez mes parents. Une jolie et douce voix m'arrête cependant et je cesse de marcher, ébloui par la jeune femme chantant la chanson « Titanium » par David Guetta et Sia. Je n'ai jamais particulièrement adoré cette chanson, mais la seconde où j'entends les premières paroles, cette chanson devient automatiquement ma préférée. Mes yeux croisent ceux de la jeune femme, d'un vert tellement pâle que c'en est hallucinant, et je ne peux pas détourner mon regard. J'en suis tout simplement incapable. Les paroles poignardent mon cœur par petits coups, coupant ma respiration.
I'm criticized, but all your bullets ricochet
Mes yeux quittent ceux de cette fascinante femme et je l'observe, intrigué. Rares sont les personnes qui m'intriguent autant qu'elle le fait. Je dirais même qu'ils sont inexistants. Elle semble avoir le même âge que moi, peut-être avec quelques années en moins? Ses cheveux blonds sont attachés en une simple tresse retombant dans son dos et ses doigts fins pianotent rapidement sur le piano. Sa voix, claire et puissante, résonne en moi comme des feux d'artifice. Je me laisse bercer par cette mélodie, les yeux fermés et la tête appuyée contre la poutre derrière moi.
You shoot me down, but I get up
Elle est tellement talentueuse. Sa voix a rassemblé des dizaines de passants qui, comme moi, semblent émerveillés par cette jeune femme impressionnante. Certains vont déposer des billets dans la boîte placée aux côtés du piano. Un vieil homme me sourit avec mélancolie et se place à ma droite.
- Elle est bonne, n'est-ce pas?
J'hoche la tête, l'émotion m'empêchant de parler.
- Je viens ici l'écouter chaque dimanche. Ça fait des décennies que je n'ai pas vu un tel talent. Marise l'aurait adoré.
Je n'en doute pas une seule seconde. Le gentil monsieur me sourit une dernière fois et dépose un dollar avant de quitter le kiosque à musique en claudiquant. Je souris à mon tour et replonge mon regard sur la jolie pianiste.
You shoot me down, but I won't fall
I am titanium
La fin de la chanson arrive trop vite à mon goût. Je m'en viens à espérer qu'il y en aura une prochaine. Hélas, une fois la dernière note jouée, la jeune chanteuse se relève et ferme le couvercle du piano. Elle prend son sac usé et c'est à ce moment là que je sais que je ne la reverrai jamais si je ne fais rien. Un sentiment d'urgence me pousse à me diriger vers la jeune femme. Je ne sais pas du tout quoi lui dire. Je n'ai aucun plan et l'anxiété prend lentement place. Je ne suis comme ça normalement, j'imagine qu'elle m'intéresse plus que je le pensais. Elle aussi semble stressée. Angoissée, même. Sa tête est basse et ses épaules, tendues. Elle sourit maladroitement à ceux qui la complimentent, détestant manifestement être au centre de l'attention. J'attends que les spectateurs se dispersent et je m'approche en lui tendant un billet de 20$.
- Tiens, je lui dis, je n'ai pas eu le temps de le déposer. Tu as beaucoup de fans, dit donc!
La jeune pianiste me sourit timidement et ses joues deviennent rouges comme une tomate. Elle hoche la tête et prend le billet que je lui tends. Nos doigts se frôlent et je sens le picotement de notre contact se propager dans mon bras.
- Je m'appelle Loan et toi?
Ses doigts se mettent à trembler et elle échappe le billet qu'elle tenait. Je le ramasse en lui tendant de nouveau avec un sourire hésitant.
- Je m'appelle Melody, me répond-t-elle finalement la voix basse.
- Enchanté de te rencontrer, Melody. J'espère qu'on se reverra.
Je lui fais un clin d'œil et je tourne les talons, sentant son regard dans mon dos. J'aurais bien voulu lui parler plus longtemps, mais vu comment elle était mal à l'aise en ma présence, j'ai jugé que c'était mieux que je la laisse. J'ai au moins pu apprendre son nom. Melody. C'est un beau prénom qui la représente bien. Doux, joli, en lien avec la musique. Le prénom parfait pour elle.
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