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Les jours où il pleuvait ou neigeait, il mangeait dans sa salle de classe. Mais aujourd'hui, le temps était clément même s'il y avait une légère brise fraiche. Alors après avoir récupéré son bento à la cantine, Yoongi s'installa comme toujours sur le banc sous l'arbre de la cour secondaire. Rares étaient les élèves qui venaient se perdre ici à l'heure du déjeuner. C'était d'ailleurs pour cette simple raison qu'il aimait cet endroit.
Il but une gorgée de sa soupe, les mains entourant à la perfection son gros gobelet en papier. Le regard dans le vide, ses pensées se perdaient dans des questionnements concernant le devoir d'Histoire coréenne qu'on lui avait donné, il n'y avait pas une heure. Avec facilité, son cerveau avait déjà trouvé la problématique ainsi que le plan global.
Pourtant, ça n'avait pas toujours été simple pour Yoongi. Au contraire, il avait eu une scolarité atypique. Ne parlant pas et refusant catégoriquement le contact de qui que ce soit sous peine de faire de grosses crises de panique, il était entré à l'école avec deux ans de retard sur les autres. Il avait alors été catalogué comme un imbécile et mis de côté par ses instituteurs de l'époque.
L'école primaire avait été une véritable torture pour l'enfant qu'il était, jalonnée par bon nombre de visites à des professionnels de la santé. Orthophoniste, ORL, neurologue, psychologue... Cette période lui avait fait détester les cours. Encore aujourd'hui, il ne supportait pas de rester assis, entouré d'inconnus sous le jugement de ses professeurs.
Mais comme il l'avait dit à son frère le jeudi précédent, il était différent, mais pas stupide. Loin de là. Maintenant qu'il arrivait à gérer ses peurs et à se concentrer sur lui-même, il finissait toujours dans les premiers du classement du lycée. Ayant une excellente mémoire et une logique implacable, il n'avait pas besoin de fournir beaucoup d'efforts au grand dam de ses camarades qui, eux, devaient travailler comme des acharnés.
Comme à cet instant, il lui suffisait de rester assis, à manger son déjeuner, pour organiser une dissertation et à réfléchir à quel ouvrage il possédait chez lui pour trouver les informations qui lui seraient utiles. Il avait déjà au moins cinq livres quand des cris le sortirent de ses pensées :
— Yoon ! Yoon !
Il secoua la tête, se reconnectant à la réalité. Jungkook arrivait en courant vers lui, tout souriant ce qui ne lui inspirait pas confiance. Il but une nouvelle gorgée de sa soupe et attendit, perplexe l'arrivée de son frère.
— Yoongi ! Mais tu étais où ? Je t'ai cherché partout.
Le concerné ne prit pas la peine de faire remarquer à Jungkook qu'il était assis sur son banc et qu'il n'avait juste pas cherché au bon endroit. Quelque chose lui disait que ça ne servait à rien. Il pencha la tête, tentant de comprendre ce qui l'amenait ici. Son frère mangeait toujours à la cantine avec des amis à lui, il n'était jamais venu lui parler à la pause de midi.
— J'ai une surprise pour toi, s'exclama Jungkook, heureux.
Il tendit le bras et piqua un morceau d'omelette à Yoongi, l'enfournant sans attendre. Le regard de l'aîné passa à plusieurs reprises de son bento à la bouche de son frère.
— C'était à moi.
— Je la mérite avec ce que je vais te montrer !
— Je ne comprends pas... C'était mon omelette !
Jungkook lui adressa une grimace et lui fit signe de se lever en lui répétant :
— J'ai une surprise pour toi.
— Je n'aime pas les surprises. La plupart du temps, elles ne sont agréables que pour ceux qui les font.
— Allez, Yoon, s'il te plaît, viens avec moi !
— Je déteste ne pas savoir où je me rends, tu le sais bien, déclara-t-il, calmement.
Il termina sa soupe et reposa son gobelet sur le plateau qui tenait en équilibre sur ses genoux. Jungkook croisa les bras devant lui, comme s'il boudait et le menaça :
— Si tu ne me suis pas, je mange ton dernier morceau d'omelette !
Les yeux de Yoongi s'écarquillèrent. Il adorait l'omelette. Pas autant que celle de sa mère, mais il l'aimait bien. Il hésita.
— Tu es sûr que ça va me plaire ?
— Oui, sûr et certain ! Et si c'est pas le cas, je t'achèterai des feuilles pour tes partitions.
L'intérêt de Yoongi était piqué et surtout, il savait comme Jungkook attendait son argent de poche pour pouvoir aller dans une salle de jeux avec des copains. Alors il se douta du sérieux du plus jeune. Il prit ses baguettes, attrapa sa dernière part et la mangea.
— Tu viens alors, Yoon ?
Il avait à peine hoché la tête que Jungkook s'empara du plateau vide pour le jeter dans la poubelle la plus proche.
— On y va maintenant, vite !
Si Jungkook avait été avec un de ses amis, il lui aurait pris la main pour l'entraîner derrière lui, mais avec son frère, c'était impossible. Il fallait seulement prendre son mal en patience. Cependant, il ne cessa de lui répéter qu'il devait se dépêcher. Voyant que Yoongi ne l'écoutait pas, il lui annonça :
— Il faut qu'on y aille avant que les cours reprennent sinon on va être en retard.
Comme il s'en doutait, son aîné fut réceptif à son argument. Il allongea ses pas alors qu'il suivait Jungkook. Ils montèrent au deuxième étage du bâtiment secondaire du lycée. Il n'y avait que des salles abandonnées ou qui ne servaient que lors des examens importants ce qui perturba fortement le musicien.
— Qu'est-ce que nous faisons là ?
— Il y a une pièce que... j'ai découverte. Elle devrait te plaire.
Yoongi fronça les sourcils en tentant de trouver une explication. Cette dernière arriva d'elle-même quand Jungkook ouvrit une porte au fond d'un couloir et s'effaça pour laisser son frère visualiser les lieux. L'aîné le remarqua dans la seconde. Un vieux piano trônait au milieu de la petite salle de classe désaffectée. Il n'était pas abimé, mais le musicien s'y connaissait assez pour savoir que cet instrument était plus vieux que lui.
Il s'approcha lentement, le regard pétillant. Il ne s'intéressa pas aux tables et chaises cassées empilées dans un coin ni à l'armoire dont il manquait une porte qui contenait encore quelques classeurs et livres ni à la commode bancale. Il toussa un peu à cause de l'épaisse couche de poussière qui recouvrait tous les meubles. Il vit alors des traces sur le sol prouvant que le piano avait été déplacé très récemment.
— Il est accordé, précisa Jungkook.
Yoongi fut étonné de cette affirmation puisque son frère n'y connaissait rien en musique. De ses longs doigts fins, il réalisa un enchaînement simple de notes pour vérifier par lui-même. Son frère avait raison et l'instrument sonnait à merveille, l'ensorcelant dans la seconde. Il s'installa sur le banc et commença à jouer une vraie mélodie de sa propre composition.
— Incroyable, murmura-t-il, aux anges.
Jungkook s'appuya contre un mur et le regarda faire un moment comme il l'avait fait dans la boutique le jeudi précédent. Le même sourire de joie apparut sur le visage des deux frères. Les mains de Yoongi s'arrêtèrent finalement.
— Alors elle est bien ou elle est bien, ma surprise ? s'enquit-il.
— C'est la première qui me plaise de toute ma vie...
— À la place d'aller dans cette boutique, tu pourras peut-être venir ici après les cours, lui proposa Jungkook.
Toujours son attention portée sur le piano, il demanda, avec espoir, pour être sûr d'avoir bien compris :
— Je peux venir quand je veux alors ?
— Oui. En plus, jamais personne ne vient ici.
Ces paroles furent comme une bénédiction. Le cœur de Yoongi se gonfla de joie. Jusqu'à ce que ce soit l'heure de retourner en cours, les frères restèrent ici, satisfaits. L'un au piano. L'autre en admiration.
Les jours suivants virent Yoongi adopter une nouvelle habitude si facilement que sa famille en fut surprise. Il n'avait pas eu besoin de préparation psychologique, d'exercices de respiration ni de consultation médicale. Si cela était nécessaire, cela prouva encore une fois que la musique était l'environnement qui convenait le mieux au jeune homme.
Yoongi avait abandonné sa place dans la cour à l'heure du déjeuner ainsi que le moment qu'il passait dans la boutique au profit de cette salle désaffectée. Même si l'endroit n'était pas aussi propre qu'il aurait aimé, il appréciait le piano qui avait un son mélodieux. Un soir qu'il rentrait avec Jungkook, il l'avait fait rire en se lançant dans une diatribe du lycée qui avait osé mettre un si bel instrument presque au rebut.
Ce vendredi, Yoongi avait joué pendant presque trois heures. Il avait dû arrêter parce qu'il ne sentait plus ses doigts, entre son jeu et le froid qui régnait dans la pièce. Il s'emmitoufla dans son gros manteau, entortilla son écharpe autour de son cou et attrapa son sac à dos noir. Il déambula dans les couloirs en direction de la sortie du lycée. D'ailleurs, il passait tout juste le portail quand on l'interpella :
— Yoon, attends-nous !
Il n'avait aucun doute sur le fait que c'était son frère qu'il l'appelait. Lui seul le surnommait ainsi. Mais Yoongi tiqua à l'utilisation de la première personne du pluriel. Les sourcils froncés, il se retourna. Son regard trouva aussitôt Jungkook qui avançait vers lui, accompagné de Namjoon et Jimin.
Si ces derniers étaient aussi couverts que lui pour faire face au froid, son frère, quant à lui, semblait vivre dans une autre dimension où l'été battait son plein. Portant sa tenue de sport, il n'avait pas pris la peine de fermer complètement sa veste de survêtement. Son manteau était grand ouvert et son écharpe pendait de l'une de ses poches.
Dès qu'ils furent à la hauteur de Yoongi, les amis de Jungkook le saluèrent poliment. Jimin fit un petit coucou de la main et Namjoon ne chercha pas à lui serrer la main ce qui ravit l'aîné. Il leur répondit et reprit sa marche comme si de rien n'était. Il entendit le bruit des chaussures des trois garçons derrière lui, lui indiquant qu'ils le suivaient. Il y eut aussi la voix forte et claire de Namjoon, mais Yoongi n'y fit pas attention puisque ce n'était pas à lui qu'il s'adressait. Quand le silence revient, il ne se gêna pas de faire remarquer :
— Il fait deux degrés et le risque de neige est de quatre-vingts pour cent. Tu devrais te couvrir si tu ne veux pas être malade tout le weekend. Eomma te l'a dit ce matin.
— Eomma t'a dit de mettre ton bonnet et tu ne l'as pas, lui répondit Jungkook.
Yoongi s'arrêta en plein milieu du trottoir, choqué par la remarque de son frère. Jimin qui était juste derrière le pianiste était sur le point de lui rentrer dedans, n'ayant pas eu le temps de réagir quand la main de Namjoon le retient par le col de son manteau et le tira en arrière.
— C'est vrai, murmura Yoongi sans réaliser ce à quoi il venait d'échapper.
Sans attendre, il enfouit ses mains dans ses poches et ressortit de la gauche un bonnet gris. Il ne perdit pas de temps et l'enfonça sur sa tête. Il se tourna vers Jungkook en disant :
— Voilà, c'est mieux et toi...
Il cessa de parler lorsqu'il découvrit les trois garçons en train de le fixer.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Il pencha la tête sur le côté. Un sourire s'afficha sur les lèvres de Jimin qu'il cacha derrière son écharpe. Namjoon secoua la tête en lui affirmant :
— Rien, rien. Il te va bien, ce bonnet.
— Je sais. C'est ma mère qui l'a choisi.
Jungkook, lui, leva les yeux au ciel en remarquant que son frère le fixait. Même s'il n'avait rien dit, il comprit ce qu'il voulait. Alors, il ferma ses habits et mit son écharpe. Yoongi hocha la tête, satisfait puis demanda aux amis de Jungkook :
— Qu'est-ce que vous faites avec nous ?
— Yoon ! s'écria son frère, gêné.
Namjoon et Jimin éclatèrent de rire. L'armoire à glace tapota même l'épaule du plus jeune, plus amusé par la situation qu'autre chose. Jungkook leur avait assez parlé de son aîné pour qu'ils ne s'offusquent pas de son comportement.
— Qu'est-ce que j'ai dit ?
— Ça ne se demande pas.
Yoongi haussa les épaules, ne saisissant pas ce qu'il avait fait de mal.
— Pourquoi ça ne se demande pas ? l'interrogea-t-il alors. D'habitude, je rentre tout seul ou alors avec toi quand tu as ton club de tir à l'arc. Mais jamais tes amis ne nous ont suivis. Namjoon prend toujours la rue sur le côté du lycée.
Il fixa un instant Jimin, un sourcil relevé, cherchant une information qu'il n'avait pas.
— Je ne sais pas par où tu passes, toi, pour rentrer chez toi.
Surpris, Jimin jeta un coup d'œil à Jungkook puis timidement, il lui apprit :
— J'habite un bâtiment derrière le lycée.
— D'accord, souffla-t-il comme si cette réponse soulageait son esprit. Donc j'ai raison, ce n'est pas normal qu'ils nous suivent jusqu'ici.
Jungkook soupira. Il aimait son frère et l'acceptait comme il était, mais parfois, son franc-parler le mettait un peu mal à l'aise.
— Tu sais que ce soir, les parents vont manger chez le chef de appa ?
Yoongi hocha la tête pour lui indiquer qu'il l'écoutait avec attention.
— Alors Nam et Jimin viennent dormir à la maison.
— Pourquoi ?
Le ton de Yoongi avait perdu de sa neutralité. Une pointe d'angoisse était presque palpable.
— Tu as demandé aux parents l'autorisation ?
— Bien sûr.
Son cœur s'alourdit à cette affirmation. Ce n'était pas la première fois que Jungkook faisait des soirées avec des amis. Quand il était au collège, il en faisait déjà. Mais d'habitude, sa famille le prévenait quelques jours auparavant. Pas sur le chemin du retour. Son cerveau analysa la situation et tous les changements dans ses habitudes commencèrent à l'angoisser.
— Tout va bien, Yoon.
Mais ce n'était pas le cas. Son esprit ne cessait de lui envoyer des alertes rouges qu'il ne réussissait pas à effacer. Sa poitrine commença à lui faire mal comme si sa cage thoracique était à présent trop petite pour accueillir ses poumons. D'ailleurs, ces derniers semblaient avoir du mal à jouer leur rôle.
Anxieux, il se mit à se tirer les doigts avec force comme il le faisait toujours. Ses yeux voletaient sans se poser sur les garçons ou sur un élément du paysage. Jungkook détestait voir son frère ainsi parce que c'était la seule situation qui lui donnait vraiment la sensation que Yoongi était malade.
— Yoon, regarde-moi !
Il lui avait ordonné ça, même si lui-même était un peu paniqué. Ce genre de moment était géré normalement par leurs parents et leur mère en particulier. La peur de son frère continuait de monter et il se sentait impuissant. De plus, il ne pouvait pas lui tenir les mains ou le prendre dans ses bras pour le rassurer. Yoongi détestait tellement les contacts physiques que cela se serait transformé en véritable crise de panique. Cependant, il ne pouvait pas l'abandonner, surtout qu'il en était responsable.
— Regarde-moi, répéta-t-il, plus fort.
Cette fois, la voix de Jungkook réussit à attirer l'attention de Yoongi. Son regard se fixa enfin sur le plus jeune qui lui dit d'une voix claire :
— Prends une grande inspiration et bloque-la.
Son frère s'exécuta.
— Un, deux, trois... Expire à fond.
À nouveau, Yoongi fit ce qu'il lui demandait.
— C'est très bien, Yoon. Très bien. Recommence.
Quand la respiration du plus vieux fut moins chaotique et son esprit un peu plus clair, Jungkook lui murmura :
— Maintenant, joue.
Dans la seconde, ses doigts se mirent d'eux-mêmes à bouger comme s'ils étaient sur le clavier de son piano. C'était la technique que leur mère avait trouvée, avec l'aide de l'ancien thérapeute de Yoongi, pour tenter de canaliser son angoisse. Elle était assez performante, restait plus à Jungkook qu'à bien lui expliquer les choses une fois que la crise serait passée.
Cela dura un long moment, pendant lequel, Namjoon et Jimin ne dirent rien, se faisant les plus petits possibles. Namjoon était impassible, observant avec attention la scène alors que le plus petit avait les larmes aux yeux, touché par la détresse du musicien.
— Personne ne viendra dans ta chambre, on restera dans la mienne et on ira dans la salle de bain des parents, OK ? On commandera une pizza comme ça, tu ne nous verras pas, énuméra Jungkook.
Yoongi hocha doucement la tête, la peur commençait à refluer.
— Je suis désolé, Yoon, lui souffla son frère. On a organisé ça ce matin avec les gars et j'ai oublié de te prévenir.
Il déglutit, coupable. Le visage du musicien qui avait pâli durant sa crise reprenait doucement des couleurs.
— Tu as des questions ?
— Oui.
Le mot trancha l'air.
— Vas-y, je répondrai à toutes.
Yoongi était un jeune homme qui aimait connaître tous les détails. Ainsi il comprenait mieux ce qui l'entourait et stressait moins. Jungkook le savait.
— Vous... vous allez dormir tous les trois dans ta chambre ?
— Oui, on a le matelas gonflable.
— Mais ça fait que deux lits...
Jungkook lui adressa un sourire. Il sentait que poser des mots sur tous ses questionnements faisait du bien à son grand frère.
— Jimin dormira avec moi, annonça-t-il naturellement.
Yoongi prit quelques secondes pour réaliser la nouvelle. Il détestait partager son futon, mais il savait que ça ne dérangeait pas certaines personnes, les couples par exemple comme ses parents.
— Vous sortez ensemble ? les questionna Yoongi en tournant son regard sérieux vers le plus petit qui osait à peine respirer depuis le début de la crise.
La voix de Yoongi était à nouveau neutre, il n'y avait aucun jugement dedans parce qu'il ne les jugeait pas. Il n'était pas ce genre de personnes. Si Jungkook explosa de rire, les yeux de Jimin s'écarquillèrent, choqués.
— Ab-absolument pas, bafouilla le petit brun.
— Alors pourquoi tu acceptes de dormir avec lui ?
— Je... je n'ai pas le choix, répondit-il.
Jimin sortit une main de sa poche et frappa Jungkook dans le ventre pour le calmer vu que celui-ci continuait de rigoler.
— C'est soit ça, soit sur le canapé, soit... dans ta chambre, intervint enfin son frère.
— Oh... Et pourquoi ce n'est pas Namjoon qui dort avec toi alors ?
Ce fut le tour du dit Namjoon d'être surpris par le jeune homme.
— Tu as vu le physique du gars ? s'exclama Jungkook. Il prendrait toute la place et me filerait même quelques coups avec ma chance.
— Je comprends.
Yoongi hocha la tête.
— Je n'aime pas partager ma chambre, déclara-t-il simplement.
— Je sais, Yoon, souffla Jungkook, moins joyeusement qu'auparavant. Et personne n'y entrera. N'est-ce pas les gars ?
Les deux copains se dépêchèrent de confirmer, désirant rassurer Yoongi le plus rapidement possible. Pendant plusieurs minutes, le silence plana entre les quatre lycéens. Le plus vieux cessa finalement de faire bouger ses doigts, n'ayant plus besoin de ça pour être calme.
Brusquement, Yoongi fit demi-tour et repartit, n'attendant pas les autres. Son esprit semblait avoir à peu près assimilé ce qui allait se passer, mais il réfléchissait toujours. Les murmures des garçons lui parvenaient, mais il ne réussissait pas à comprendre les mots.
Tout en marchant, il s'étonna en se disant que les amis de son frère étaient plutôt gentils. Yoongi avait souvent fait des crises de ce genre quand il était plus jeune et la réaction des personnes qui l'entouraient dans ces moments-là était rarement aussi respectueuse. Namjoon et Jimin avaient attendu, immobiles et inquiets, mais surtout ils ne s'étaient pas moqués de lui.
À plusieurs reprises, il ouvrit la bouche, prêt à parler, mais les mots s'évanouissaient avant qu'il les prononce. Puis finalement, il s'arrêta et opéra un nouveau demi-tour. Une fois face au trio, il porta son attention sur les amis de Jungkook et se lança :
— Vous aimez la viande ?
Namjoon et Jimin hésitèrent, surpris par la question de Yoongi qui semblait sortir de nulle part.
— Oh ! Euh... oui, on aime ça, répondit Namjoon pour eux deux.
— Parfait. Parce que je vais en faire.
— Quand nos parents ne sont pas à la maison, c'est Yoon qui cuisine, leur expliqua vaguement Jungkook. Mais je t'ai dit qu'on se commanderait une pizza. On ne t'embêtera pas.
— Ça ne m'embête pas.
Au fond de lui, quelque chose lui soufflait de cuisiner pour tout le monde. Comme pour les remercier pour leur respect.
— On pourra t'aider, si tu veux, proposa l'armoire à glace.
— Pas toi, Nam ! T'es capable de foutre le feu à notre appartement.
— Pas faux, confirma Jimin, plus enjoué.
— Même pas vrai, j'ai fait des progrès, se défendit Namjoon.
— Quoi ? Tu sais mettre la lame du couteau dans le bon sens maintenant ? se moqua Jungkook.
— Tais-toi, c'est plus compliqué qu'on le pense.
Yoongi fronça les sourcils et affirma, déterminé :
— Je t'apprendrai à couper les oignons.
— Oula, tu as de la chance, Nam ! Yoon ne laisse pas n'importe qui entrer dans sa cuisine.
La phrase laissa le petit groupe silencieux. Bien qu'il ne regrettât pas, le plus âgé était lui-même choqué d'avoir proposé ça. D'habitude, il préférait cuisiner tout seul pour être sûr que ce soit fait comme il l'entendait. Or, là, il voulait au moins essayer cette nouvelle expérience.
— Enfin...
Il fallait qu'il mette quelques règles en place quand même sinon il ferait une nouvelle crise, un couteau à la main ou à côté du gaz.
— Il faudra m'écouter avec attention et faire tout ce que je dis, ordonna-t-il.
— Promis.
— Je... je pourrais vous aider, moi aussi ? demanda timidement Jimin.
Yoongi hocha la tête puis reprit sa route. Il tremblait de froid et avait hâte de poser son uniforme pour s'emmitoufler dans un gros pull en laine. La soirée qui se profilait allait le faire sortir des sentiers battus qu'il connaissait et il croisait les doigts pour que cela ne le fasse pas vriller.
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